Jurisprudence : Cass. soc., 16-11-2011, n° 11-13.256, FS-P+B, Cassation

Cass. soc., 16-11-2011, n° 11-13.256, FS-P+B, Cassation

A9402HZA

Référence

Cass. soc., 16-11-2011, n° 11-13.256, FS-P+B, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/5631861-cass-soc-16112011-n-1113256-fsp-b-cassation
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Abstract

Les règles relatives à l'éligibilité des salariés sont ainsi faites que, lorsque le salarié pourrait potentiellement être électeur et éligible simultanément dans plusieurs entreprises, il lui est toujours imposé soit de faire un choix entre les entreprises, soit plus radicalement de n'être éligible que dans l'une des entreprises. Lorsque des salariés travaillent simultanément dans plusieurs entreprises, ils doivent choisir celle dans laquelle ils font acte de candidature, peu important l'absence dans leur contrat de travail de toute clause précisant la durée et la répartition du temps de travail, ou qu'ils aient bénéficié d'une convention de forfaits en jour sur l'année.



SOC. ELECTIONS AM
COUR DE CASSATION
Audience publique du 16 novembre 2011
Cassation
M. LACABARATS, président
Arrêt no 2422 FS-P+B
Pourvoi no M 11-13.256
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant

Statuant sur le pourvoi formé par l'association Flavien, dont le siège est Lunéville,
contre le jugement rendu le 18 février 2011 par le tribunal d'instance de Lunéville (contentieux des élections professionnelles), dans le litige l'opposant
1o/ à Mme Martine Y, domiciliée Lons-le-Saunier,
2o/ à M. Michel X, domicilié Toul,
3o/ au syndicat CGT, dont le siège est Paris cedex 10,
4o/ au syndicat CFE-CGC, dont le siège est Nancy,
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 19 octobre 2011, où étaient présents M. Lacabarats, président, M. Béraud, conseiller rapporteur, Mme Mazars, conseiller doyen, Mme Lambremon, MM. Huglo, Struillou, conseillers, Mmes Pécaut-Rivolier, Sabotier, Salomon, conseillers référendaires, M. Weissmann, avocat général référendaire, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Béraud, conseiller, les observations de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de l'association Flavien, l'avis de M. Weissmann, avocat général référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique
Vu les articles L. 2314-16 et L. 2324-15 du code du travail ;

Attendu, selon le jugement attaqué, que M. ... et Mme Y, exerçant les fonctions de directeur de région au sein, d'une part, de la société CGAT et, d'autre part, de l'association Flavien en vertu de contrats de travail à durée indéterminée signés avec chacun de ces employeurs, se sont, après avoir été élus représentants du personnel dans la société CGAT, portés candidats aux élections professionnelles au sein de l'association Flavien ; que, considérant que les intéressés avaient choisi de faire acte de candidature dans la société GCAT, l'association a saisi le tribunal d'instance d'une requête aux fins d'annulation de ces dernières candidatures ;

Attendu que pour débouter l'association de ses demandes, le jugement retient d'une part qu'en l'absence de toute clause dans les contrats de travail précisant la durée et la répartition du temps de travail, il n'est pas établi que les deux salariés ont été engagés à temps partiel et d'autre part que la mention "cadre forfait 217 jours" portée sur leurs bulletins de salaires établit, bien que les conditions d'application de l'article L. 3121-9 du code de travail n'étaient pas réunies, qu'ils bénéficiaient d'une convention de forfait en jours sur l'année ne permettant pas de les assimiler à des travailleurs à temps complet ou partiel ;

Qu'en se déterminant ainsi par des motifs inopérants, alors que lorsque des salariés travaillent simultanément dans plusieurs entreprises, ils doivent, conformément aux articles L. 2314-16 et L. 2324-15 du code du travail, choisir celle dans laquelle ils font acte de candidature, le tribunal a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 18 février 2011, entre les parties, par le tribunal d'instance de Lunéville ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Briey ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l'association Flavien ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour l'association Flavien.
IL EST FAIT GRIEF au jugement attaqué d'AVOIR constaté que les candidatures de Monsieur X et de Madame Y aux élections des délégués du personnel et des membres du comité d'entreprise au sein de l'association FLAVIEN étaient régulières et d'AVOIR débouté cette dernière de l'intégralité de ses demandes,
AUX MOTIFS QUE les articles L.2314-16 et L.2324-1[5] du code du travail disposent, dans leur second alinéa, que " les salariés travaillant à temps partiel simultanément dans plusieurs entreprises ne sont éligibles que dans l'une de ces entreprise. Ils choisissent celle dans laquelle ils font acte de candidature " ; que conformément à l'article 9 du Code de procédure civile, il appartient à l'association FLAVIEN de démontrer que Monsieur Michel X X et Madame Martine Y sont des salariés travaillant à temps partiel, la seconde condition selon laquelle ils travaillent simultanément dans plusieurs entreprises n'étant pas contestée ; qu'aux termes de l'article L.3123-1 du code du travail, est considéré comme salarié à temps partiel le salarié dont la durée du travail est inférieure 1o à la durée légale du travail ou lorsque cette durée est inférieure à la durée légale, à la durée du travail fixée conventionnellement pour la branche ou l'entreprise ou de la durée du travail applicable dans l'établissement 2o à la durée mensuelle résultant de l'application, sur cette période, de la durée légale du travail, ou si elle est inférieure, de la durée du travail fixée conventionnellement pour la branche ou l'entreprise ou de la durée du travail applicable dans l'établissement 3o à la durée de travail annuelle résultant de l'application sur cette période de la durée légale du travail, soit 1.607 heures, ou si elle est inférieure, de la durée du travail fixée conventionnellement pour la branche ou l'entreprise ou de la durée du travail applicable dans l'établissement ; qu'en outre, l'article L. 3123-14 du code du travail énonce que le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit. Il mentionne la qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et la répartition de la durée entre les jours de la semaine ou les semaines du mois [ ... ] ; qu'en l'espèce, il ressort des contrats de travail à durée indéterminée de Monsieur Michel X et de Madame Martine Y qu'aucune clause ne mentionne la durée du temps de travail, de sorte que les dispositions de l'article précité ne sont pas respectées et qu'il ne peut être déduit des contrats de Monsieur Michel X et de Madame Martine Y que ces deniers ont été engagés à temps partiel ; que seuls les bulletins de salaire établis par l'association FLAVIEN et par la SARL C.G.A.T. concernant Monsieur Michel X X produits aux débats mentionnent, dans la rubrique "Catégorie", "Cadre forfait 217 jours" ; qu'il peut en être déduit que Monsieur Michel X et Madame Martine Y sont embauchés en qualité de cadres soumis à un forfait de salaire décompté sur l'année, en l'espèce en jours ; que le forfait de salaire décompté en jours de Monsieur Michel X et Madame Martine Y correspond au plafond légal annuel de 217 jours en application de l'article L.3121-44 du code du travail ; que le législateur a mis en place ces forfaits de salaire pour réduire à 35 heures hebdomadaires le temps de travail des cadres ; que les salariés ayant conclu une convention de forfait en jours ne sont pas soumis aux dispositions relatives à la durée légale de 35 heures par semaine, ni aux durées maximales de travail en application de l'article L.3121-48 du code du travail ; que la convention de forfait instaure un régime spécifique d'organisation du temps de travail sans référence aux notions de temps complet ou partiel ; qu'en conséquence, outre le fait que le contrat de travail des défendeurs ne répond pas aux conditions du contrat de travail à temps partiel, le forfait de salaire décompté en jours mentionné dans leurs bulletins de salaire ne peut être assimilé à un travail à temps complet ou partiel ; que les articles L.2314-16 et L.2324-1[5] du code du travail qui ne visent que les salariés travaillant à temps partiel ne sont dès lors pas applicables aux conventions de forfait annuel jours ; que la circulaire no 2000-7 du 6 décembre 2000 relative aux questions concernant l'application de la loi du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail interprète la mise en place de ces nouvelles dispositions dans ce sens, refusant d'assimiler ces salariés à des salariés à temps complet ou partiel ; qu'au surplus, il apparaît que la mise en place de ce forfait de salaire concernant les défendeurs n'est pas valable, dans la mesure où les contrats de travail de Monsieur Michel X et de Madame Martine Y ne comportent pas de clause contractuelle de forfait conforme aux dispositions d'un accord collectif autorisant l'insertion d'une telle clause et ne respectent donc pas les conditions de mise en oeuvre de ces forfaits posées à l'article L.3121-39 du code du travail ; qu'en conséquence, l'association FLAVIEN doit être déboutée de sa demande tendant à annuler les candidatures de Monsieur Michel X et de Madame Martine Y aux élections des délégués du personnel et des membres du comité d'entreprise en son sein ;
1. ALORS QU'aux termes des articles L. 2314-16 et L. 2324-15 du Code du travail, relatifs respectivement aux élections des délégués du personnel et des membres du comité d'entreprise, les salariés travaillant à temps partiel simultanément pour plusieurs employeurs ne sont éligibles que dans l'une de ces entreprises et doivent choisir celle dans laquelle ils font acte de candidature ; que si l'absence de mention, dans le contrat de travail de la durée du travail fait présumer que l'emploi est à temps complet, l'employeur peut rapporter la preuve qu'il s'agissait d'un emploi à temps partiel, en particulier s'ils travaillent en même temps pour un autre employeur ; qu'en affirmant que Monsieur X et Madame Y, qui travaillaient simultanément dans deux entreprises, ne pouvaient cependant être assimilés à des salariés à temps partiel, faute de mention dans leur contrat de travail de la durée de leur travail, le tribunal d'instance a statué par un motif inopérant et privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés, ensemble les articles L. 3123-1 et L. 3123-14 du Code du travail ;
2. ALORS QU'un salarié soumis à un forfait jours sur l'année peut néanmoins travailler à temps partiel, en particulier s'il travaille simultanément selon le même forfait jours annuel pour un autre employeur ; qu'il n'est dès lors éligible que dans l'une seule de ces entreprises ; qu'en l'espèce, les salariés ne contestaient pas travailler simultanément pour l'association FLAVIEN et pour la société GCAT ; qu'en jugeant que les articles L. 2314-16 et L. 2324-15 du Code du travail ne sont pas applicables aux salariés soumis à des conventions de forfait annuel jours, et en affirmant qu'en l'espèce, les salariés ne pouvaient être assimilés à des salariés à temps partiel, en raison de la mention par leurs bulletins de paie d'un forfait annuel de 217 jours, le tribunal d'instance a violé les articles L. 2314-16 et L. 2324-15, L. 3123-1, L. 3123-14, L. 3121-38 et s., L. 3131-1, L. 3132-1, L. 3132-2 L. 8261-1 et L. 8261-2 du Code du travail ;
3. ALORS en tout état de cause QU'en retenant, pour considérer que Monsieur X et Madame Y sont éligibles dans les deux entreprises dans lesquelles ils travaillent simultanément, que les salariés soumis à des conventions de forfait annuel jours ne peuvent être assimilés à des salariés à temps partiel, et qu'ainsi les articles L. 2314-16 et L. 2324-15 du Code du travail ne sont pas applicables aux salariés soumis à des conventions de forfait annuel jours, quand il constatait que la mise en place de ce forfait jour pour les deux salariés en cause n'était pas valable, faute pour leurs contrat de travail de comporter une clause contractuelle de forfait conforme aux dispositions d'un accord collectif autorisant l'insertion d'une telle clause, le tribunal d'instance a statué par un motif inopérant et privé sa décision de base légale au regard des articles L.2314-16 et L.2324-15 du Code du travail ;
4. ALORS subsidiairement QU'à supposer que Monsieur X et Madame Y ne puissent être considérés comme des salariés à temps partiel, il résulte des articles L. 2314-16 et L.2324-15 alinéas 2 du Code du travail, interprétés à la lumière du principe d'égalité entre salariés à temps partiel et à temps complet résultant de la clause 4 de l'accord cadre sur le travail à temps partiel mis en oeuvre par la directive 97/81/CE du Conseil du 15 décembre 1997 et de l'article L. 3123-11 du Code du travail, que les salariés travaillant simultanément pour plusieurs employeurs ne sont éligibles que dans l'une de ces entreprises et doivent choisir celle dans laquelle ils font acte de candidature, peu important qu'ils ne puissent être assimilés à des salariés à temps partiel ; qu'en l'espèce, les salariés ne contestaient pas travailler simultanément pour l'association FLAVIEN et pour la société GCAT et avoir été candidats et même élus lors des élections des délégués du personnel et des membres du comité d'entreprise au sein de la société GCAT ; qu'en jugeant que les articles L.2314-16 et L.2324-15 du code du travail ne sont pas applicables aux salariés soumis à des conventions de forfait annuel jours et en déclarant les salariés éligibles au sein de l'association FLAVIEN, au prétexte inopérant que faute de mention dans leur contrat de travail de la durée de leur travail et en raison de la mention par leurs bulletins de paie d'un forfait annuel en jours, ils ne pouvaient être assimilés à des salariés à temps partiel, le tribunal d'instance a violé les textes susvisés ;
5. ALORS en toute hypothèse QU'à supposer que les articles L.2314-16 et L.2324-15 alinéas 2 du Code du travail soient interprétés comme restreignant uniquement l'éligibilité des salariés travaillant simultanément pour plusieurs employeurs et dont le contrat de travail répond aux conditions du contrat de travail à temps partiel, et non celui des autres salariés travaillant simultanément pour plusieurs employeurs, ils méconnaitraient alors le principe constitutionnel d'égalité devant la loi ; qu'il y aurait dès lors lieu de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil Constitutionnel ; qu'à la suite de la déclaration d'inconstitutionnalité qui interviendra, le jugement attaqué se trouvera privé de base légale au regard du principe constitutionnel d'égalité ;

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