No U 10-87.503 F D No 5733
SH 11 OCTOBRE 2011
REJET
M. LOUVEL président,
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze octobre deux mille onze, a rendu l'arrêt suivant
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire ..., les observations de la société civile professionnelle LE BRET-DESACHÉ, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général ... ;
Statuant sur le pourvoi formé par
- M. Stéphane Z,
contre l'arrêt de cour d'appel de PARIS, chambre 8-2, en date du 29 septembre 2010, qui, pour tentative de blanchiment aggravé, faux et usage, l'a condamné à deux ans d'emprisonnement avec sursis et à une interdiction professionnelle définitive ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-3, 121-3, 121-5, 324-1, 324-2 1o et 324-6 du code pénal, 485
et 593 du code de procédure pénale, 6 § 2 de la Convention européenne des droits de l'homme, d'un défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt a reconnu M. Z coupable du chef de tentative de blanchiment aggravé et l'a condamné à deux ans d'emprisonnement assorti d'un sursis et lui a interdit, à titre définitif, d'exercer la profession d'avocat ;
"aux motifs que tout comme l'ont fait les premiers juges, il est nécessaire de rechercher, pour déterminer l'existence du délit de blanchiment, l'existence d'une infraction préalable ou principale ; que, s'il n'est pas exigé par les articles 324-2 et suivants que ce délit soit concomitamment poursuivi, tout mis en cause, alors que l'auteur ne l'est pas, doit pouvoir discuter librement de l'existence de l'infraction principale, les circonstances dans lesquelles elle a été commise ou qui l'ont accompagnée, ainsi que sa qualification délictuelle et éventuellement sa nature ; qu'il suffit d'établir, comme en matière de recel, que les biens blanchis provenaient d'un délit quel qu'il soit et que le prévenu savait que ces fonds avaient pour origine une infraction ; que, certes, la provenance des biens n'est pas toujours illicite, elle peut n'être qu'immorale et même si elle est illicite, elle ne constitue pas nécessairement une infraction pénale ; que la connaissance de I'origine frauduleuse doit s'induire des constatations de fait, des faisceaux de présomptions des faits tirés essentiellement des circonstances même du fait constitutif de blanchiment ; que, si c'est un professionnel qui est mis en cause, on doit relever cette qualité et les devoirs de son état au regard de I'opération en question, des usages de la profession et de l'expérience professionnelle tout en écartant la négligence, I'imprudence ou la non vigilance car le blanchiment par imprudence n'existe pas en l'absence de texte ; qu'en conséquence, la partie poursuivante doit prouver l'existence du délit principal ; que le tribunal a ajouté, de manière surabondante d'après sa formulation, qu'il existait le délit de fraude fiscale, mais les éléments constitutifs dudit délit sont insuffisants, d'une part, car il ne serait connu que par les seuls déclarations de M. ... qui avait affirmé que l'argent qu'il entendait échanger contre de l'or provenait de la vente d'un appartement réalisée par sa mère en l'absence de toute déclaration et, d'autre part, en I'absence de toute saisine de la commission des infractions fiscales ; qu'ainsi, le seul délit préalable pourrait être celui de contrebande ; que, certes, il n'existe pas d'éléments purement matériels permettant de constater la réalité de l'or, difficile à transporter et à montrer dans ce genre de transactions surtout avant la finalisation des échanges ; que la cour estime détenir un faisceau d'indices suffisants pour en déterminer l'existence au vu des déclarations des différents intervenants ; que, tout d'abord, c'est à juste titre que le tribunal a écarté les rétractations de M. ... intervenues lors de I'audience de première instance, au demeurant non reprises en cause d'appel en raison du mutisme du prévenu lors des débats sur ce point ; que M. ... a toujours affirmé que l'or provenait de la famille Bongo et notamment devant le magistrat instructeur en présence de son conseil ; que ses dires seront confirmés
- par M. Z qui a reconnu que M. ... ... lui avait confirmé l'existence de l'or qui serait passé par une fonderie située à Falaise ; - par M. ... qui a précisé que MM. ... et Z représentaient M. ... ; que s'il n'avait jamais vu l'or, des papiers attestant de son existence lui avaient été montrés et notamment ceux d'une fonderie attestant de son existence en grande quantité ; qu'il indiquait qu'ils s'agissait d'une fonderie située à Falaise et d'une autre (Metalor) installé en région parisienne ;
- par M. ..., qui connaissait l'existence de I'or par l'intermédiaire d'une personne parfaitement bien placée, puisqu'il avait été contacté par Me Mukodo, avocat connu de ses confrères parisiens et qui lui avait dit représenter le gouvernement gabonais ; qu'il lui avait aussi spécifié que I'or appartenait au Gouvernement gabonais et était raffiné et conservé en France dans une usine très connue ; qu'en outre, début avril 2002, M. Z lui avait dit être mandaté pour procéder à des ventes d'or de la famille Bongo, ce qui lui avait été confirmé non seulement par M. ... mais aussi par Accompressi ;
- par M. ... à qui MM. Z et ... avaient confié qu'ils avaient de l'or chez Métalor à Noisy-le-Sec ; qu'il ajoutait encore que lors de la rencontre dans le cabinet de Me boulin, en présence de Sven, son ami belge, et de la secrétaire de Me Z, celui-ci avait dit que son patron était le président du Gabon et qu'il vendait pour le compte de ce pays, mentionnant que son client était un état africain qui habituellement vendait de grosses quantités d'or sur le marché de Londres et qu'il avait besoin de faire une petite vente en France, en espèces, pour un problème d'élections ; que toujours d'après son témoignage, il avait été cherché chez M. ... un courrier rédigé par ce dernier attestant qu'il avait 60 kilos d'or, mentionnant le titrage, soit 99,99, ce qui correspond à de l'or pur ;
- par M. ... qui ainsi qu'il a été rappelé, avait pris tous renseignements utiles auprès de sachants pour vérifier l'existence de l'or et les pratiques du gouvernement gabonais et de la famille Bongo ; - par M. Z lui-même qui a déclaré avoir rencontré M. ..., chef de cabinet de M. ... et qui avait été bien mandaté pour les transactions d'or, sans détails précis ;
que l'or qui rentre en France, doit au même titre que les autres valeurs faire l'objet d'une déclaration préalable sur un document administratif unique ; qu'en l'absence de toute déclaration en douanes, le délit de contrebande est constitué et peu importe que par la suite, après passage dans une fonderie officielle, il aurait pu recevoir les poinçons nécessaires pour être distribué sur le marché ; que M. Z a pu discuter librement de I'existence de ce délit de contrebande et avait admis qu'il savait qu'à partir d'un certain seuil, il fallait appeler la Banque de France pour I'avertir de la transaction, qu'en outre M. ... lui avait parlé de deux ou trois tonnes d'or, entrée qui devait être soumise à déclaration auprès des douanes ; qu'il avouait que M. ... ne lui avait pas présenté les justificatifs de déclaration et admettait avoir organisé ce genre de transactions sans être regardant sur l'origine pouvait constituer pour lui le délit de complicité de contrebande ; qu'au vu de ces éléments, il y a lieu de confirmer l'existence de l'infraction préalable nécessaire, à savoir le délit de contrebande d'or ; que M. Z ne saurait se retrancher derrière une imprudence, une négligence ou une absence de vigilance dues aux affirmations de M. ... ; qu'il se dit avocat spécialiste notamment en droit pénal et droit des affaires, inscrit au barreau de Paris depuis 1980, il possède une intelligence supérieure (QI de 130 au test de Beauregard) ; qu'il avait même fait valoir devant les services de police qu'il n'intervenait jamais lors des transactions et n'apportait jamais de crédit aux intervenants ; que malgré ses connaissances et dans le seul but de percevoir une commission et d'en tirer profit, il n'a pas hésité à faciliter la justification de I'origine des biens par l'établissement d'affidavits, son conseil déclarant d'ailleurs à l'audience devant la cour que son client en avait établi 15 mais que deux devaient donner lieu à une transaction qui n'a pas abouti ; que le prévenu a admis l'illicéité des transactions en espèces dans le seul but ainsi que I'a clairement déclaré M. ... d'obtenir l'or à un prix inférieur au cours légal ; qu'enfin, devant les services de police il est resté muet lorsqu'il lui a été posé la question suivante " pourquoi, alors pensez-vous que les clients étaient comme M. ..., désireux de payer le métal précieux cash ? " ; qu'en conséquence, la déclaration de culpabilité sera confirmée, mais uniquement pour tentative de blanchiment aggravé concernant les deux faits visés, l'argent correspondant à la contrepartie de l'or n'ayant pu être remis en raison de circonstances indépendantes de la volonté de M. Z à savoir les deux vols ;
"1) alors que, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que, infraction de conséquence, le blanchiment ou sa tentative nécessite que soient relevés précisément les éléments consécutifs d'un crime ou d'un délit principal ayant procuré à son auteur un profit direct ou indirect et le lien existant entre ce profit et l'acte de blanchiment ; que, pour qualifier le délit principal de contrebande d'or, il était indispensable d'établir l'importation d'or en France sans déclaration ; que la cour s'est contentée d'affirmer, au regard de témoignages indirects attestant l'existence de l'or, que celui-ci aurait dû faire l'objet d'une déclaration préalable, alors même que le métal précieux objet des transactions avortées n'a pas été identifié, ce qui rendait impossible l'établissement de son importation sans déclaration préalable; qu'en se bornant ainsi à présumer l'existence d'une infraction originaire et à la qualifier de contrebande d'or sans relever aucun élément de fait de nature à caractériser ses éléments constitutifs, la cour d'appel a violé les articles 324-1, 324-2 1o et 324-6 du code pénal, entaché sa décision d'un défaut de motifs et privé sa décision de base légale ;
"2) alors qu'il n'y a ni crime ni délit sans intention de le commettre ; que tout homme est présumé innocent jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie; que le délit de tentative de blanchiment n'est constitué que si l'élément intentionnel dudit délit est caractérisé par la connaissance de l'origine délictueuse des fonds ; qu'en se bornant à relever que, malgré ses connaissances et son quotient intellectuel, M. Z, qui a admis l'illicéité des transactions en espèces, a facilité la justification de l'origine de l'or en établissant des affidavits, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'élément intentionnel du délit de blanchiment et a violé les articles 111-3, 121-3, 324-1, 324-2 1o et 324-6 du code pénal et 6 § 2 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
"3) alors que la tentative est constituée dès lors que, manifestée par un commencement d'exécution, elle n'a été suspendue ou n'a manqué son effet qu'en raison de circonstances indépendantes de la volonté de son auteur ; que le commencement d'exécution de la tentative n'est caractérisé que par un acte devant avoir pour conséquence directe de consommer le délit, celui-ci étant entré dans sa période d'exécution ; qu'en l'absence de tout contact avec un vendeur d'or, la remise d'espèces ne saurait caractériser le commencement d'exécution d'une tentative de blanchiment ; qu'en confirmant la culpabilité de M. Z du chef de tentative de blanchiment sans caractériser le commencement d'exécution, la cour d'appel a violé les articles 111-3,324-1,324-2 1o et 324-6 du code pénal" ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-3, 441-1 du code pénal, 459, 485, 512 et 593 du code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, d'un défaut et d'une contradiction de motifs, défaut de base légale ;
"en ce que l'arrêt a reconnu M. Z coupable du chef de faux et d'usage de faux ;
"aux motifs que M. Z conteste l'existence de l'élément matériel du délit de faux, soutenant que les affidavits ne sont pas des documents protégés ayant une valeur probatoire ; que l'affidavit est un document rapportant des faits que l'auteur juge ou déclare solennellement vrais ; que la déclaration ou le serment de l'auteur doit être fait devant une personne autorisée par le ministre de la Justice et appelée commissaire à l'assermentation ; que certaines personnes ont cette qualité en raison de leur profession (greffier, notaire, avocat...) ; qu'en fait c'est une déclaration sous serment ; qu'en I'espèce, M. Z a reconnu en avoir rédigé une quinzaine et ces faux matériels étaient de nature à entraîner pour ceux qui les recevaient un préjudice possible en affirmant la réalité de I'existence de l'or qui allait faire l'objet d'une transaction et ont même engagé plusieurs avocats dont M. ... à les transmettre à leurs clients ; qu'il n'existait aucune raison eu égard à la qualité du rédacteur de procéder à des vérifications complémentaires ; qu'enfin M. Z ne disconvient pas qu'il a fait usage des divers affidavits par lui établis en les remettant à leurs destinataires ; que la déclaration de culpabilité sera donc confirmée ;
"1) alors que constitue un faux toute altération frauduleuse de la vérité ; que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence; qu'en estimant détenir un faisceau d'indices suffisants pour déterminer l'existence de l'or afin de condamner M. Z du chef de tentative de blanchiment tout en affirmant que M. Z avait commis un faux en attestant cette existence, alors même que l'altération de la vérité est un élément constitutif essentiel du faux, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et l'a privée de base légale ;
"2) alors qu'il ne peut y avoir de faux punissable qu'autant que l'altération de la vérité est susceptible de causer un préjudice à autrui ; qu'en se contentant de déclarer M. Z coupable du chef de faux pour avoir rédigé des affidavits, sans préciser en quoi ces derniers étaient de nature à causer un préjudice à la partie civile, au demeurant déboutée de sa demande en dommages et intérêts, ou à des tiers, la cour d'appel a insuffisamment motivé sa décision et l'a privée de base légale ;
"3) alors que tout jugement ou arrêt doit constater l'existence de tous les éléments constitutifs de l'infraction; que le faux a pour objet ou qui peut avoir pour effet d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques ; que tel n'est pas le cas d'un document soumis à discussion ou à vérification ; qu'en affirmant que M. Z avait établi des documents insusceptibles de donner lieu à des vérifications complémentaires tout en ayant antérieurement constaté qu'il les avait rédigés dans le seul but de percevoir une commission, ce qui les privait de toute valeur probante, la cour d'appel a violé les articles 111-3 et 441-l du code pénal ;
"4) alors que, le faux étant une infraction intentionnelle, l'intention coupable de l'agent résulte de sa conscience de l'altération de la vérité et de sa connaissance du préjudice susceptible d'être causé à autrui ; que le demandeur a fait valoir dans ses conclusions l'absence d'élément psychologique du délit de faux et d'usage de faux ; que l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, ainsi que les dispositions de l'article 459 du code de procédure pénale, commandent aux juges du fond de répondre aux moyens péremptoires soulevés par les parties ; qu'en condamnant M. Z du chef de faux et d'usage de faux, sans caractériser l'élément psychologique et sans répondre aux conclusions régulièrement déposées, la cour d'appel a violé les articles 441-1 du code pénal, de la Convention européenne des droits de l'homme et 459 et 512 du code de procédure pénale et entaché sa décision d'un défaut de motifs" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale M. Louvel président, Mme Divialle conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;