Jurisprudence : Cass. soc., 09-11-2011, n° 11-11.007, F-D, Rejet

Cass. soc., 09-11-2011, n° 11-11.007, F-D, Rejet

A8948HZG

Référence

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SOC. ELECTIONS CF
COUR DE CASSATION
Audience publique du 9 novembre 2011
Rejet
M. BÉRAUD, conseiller le plus ancien faisant fonction de président
Arrêt no 2214 F-D
Pourvoi no S 11-11.007
A 11-60.074 JONCTION
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant

Statuant sur les pourvois nos S 11-11.007 et A 11-60.074 formés par la société Jouve, société anonyme, dont le siège est Mayenne,
contre un jugement rendu le 13 janvier 2011 par le tribunal d'instance de Laval (contentieux des élections professionnelles), dans le litige l'opposant
1o/ à l'Union syndicale solidaires industrie (USSI), dont le siège est Paris,
2o/ à M. Nicolas X, domicilié Paris Moisselles,
defendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de ses pourvois, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 4 octobre 2011, où étaient présents M. Béraud, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, M. Huglo, conseiller rapporteur, Mme Lambremon, conseiller, M. Foerst, avocat général, Mme Piquot, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Huglo, conseiller, les observations de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat de la société Jouve, l'avis de M. Foerst, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu leur connexité, joint les pourvois no S 11-11.007 et A 11-60.074 ;

Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Laval, 13 janvier 2011), que, le 15 décembre 2010, la société Jouve a saisi le tribunal d'une contestation de la désignation par l'Union syndicale solidaires industrie de M. X en qualité de représentant de section syndicale au sein de l'entreprise ;

Sur le premier moyen
Attendu que la société Jouve fait grief au jugement de rejeter sa demande alors, selon le moyen
1o/ qu'en se contentant de relever que "le conseil syndical" avait, le 7 juin 2010, donné un mandat à M. ... d'où il résultait que ce dernier avait pouvoir permanent pour "procéder à toutes désignations syndicales à la demande des structures concernées", le tribunal d'instance qui s'abstient de rechercher, comme il y était invité, si une telle délibération était conforme aux statuts de l'USSI, qui ne confèrent au Conseil que les décisions administratives, financières, morales ou matérielles, a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1984 du code civil et
L. 2131-1 du code du travail ;
2o/ que la délibération litigieuse ne conférait au délégataire
M. ..., conformément aux statuts de l'USSI, un prétendu pouvoir de désignation, qu'en cas de demande émanant des "structures concernées" et que dès lors qu'à la date de la désignation litigieuse, le 2 décembre 2010,
il n'existait pas de syndicat Sud constitué au niveau de l'entreprise, le délégataire qui avait agi de son propre chef n'était valablement investi d'aucun pouvoir ; qu'en décidant le contraire, le tribunal d'instance a violé les articles 1984 du code civil et L. 2131-1 du code du travail ;

Mais attendu, d'une part, que le tribunal n'a pas constaté que M. ... avait été mandaté par le conseil syndical mais seulement qu'il résultait de l'extrait de délibération du conseil syndical que M. ... avait été habilité pour procéder à des désignations syndicales ; qu'il résulte des pièces produites par le demandeur au pourvoi que l'habilitation a été donnée par l'assemblée générale de l'union ;
Attendu, d'autre part, que le tribunal, ayant constaté que l'article 1er du chapitre 2 des statuts de l'union prévoit que "en cas de création prochaine d'un syndicat affilié, dans le champ professionnel et géographique qu'elle couvre, l'Union peut procéder à toute désignation et présenter des listes aux élections", a retenu à bon droit qu'en l'absence de syndicat constitué au sein de la société Jouve, l'Union syndicale solidaires industrie pouvait procéder à la désignation d'un représentant de section syndicale ;
D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Et sur le second moyen
Attendu que la société Jouve fait encore grief au jugement de statuer comme il a fait alors, selon le moyen
1o/ que, dans ses statuts (au chapitre I art. 1 et 2) l'USSI se donne pour objet "la défense de l'ensemble des personnels de l'industrie", et revendique la couverture de tout "le territoire national" ce qui ne correspond à aucune profession déterminée, et définit un champ d'intervention illimité ; que cette vocation universelle ne répond pas à l'exigence de spécificité requise pour la désignation d'un représentant de section syndicale par les articles L. 2142-1 et L. 2142-1-1 du code du travail aux termes desquels le syndicat désignant doit couvrir "le champ professionnel et géographique de l'entreprise concernée" ; qu'en validant cependant la désignation opérée par l'organisation généraliste USSI au sein de la société Jouve le juge d'instance a violé les textes susvisés ;
2o/ qu'en vertu de ses propres statuts, l'USSI "s'interdit d'intervenir dans le champ de compétence propre des syndicats adhérents sauf demande expresse des syndicats concernés", notamment pour désigner des représentants de section syndicale (chapitre II, art. 1) ; que viole ensemble lesdits statuts et l'article 1134 du code Civil, le tribunal d'Instance qui valide la désignation de M. X par l'USSI sans constater que cette union avait été sollicitée par l'un de ses adhérents agissant dans son propre champ de compétence pour procéder à cette désignation ;
3o/ que la disposition de l'article 1er alinéa 4 des statuts de l'USSI selon laquelle "en cas de création prochaine d'un syndicat affilié, dans le champs professionnel et géographique qu'elle couvre, l'Union peut procéder à toute désignation et présenter des listes aux élections" ne saurait tenir en échec les dispositions d'ordre public des articles L. 2142-1 et
L. 2314-3 du code du travail selon lesquels la désignation de délégués et la présentation de listes électorales sont réservées aux organisations couvrant le champ professionnel et géographique et l'établissement et ayant au moins deux années d'ancienneté, ce qui n'est pas le cas d'un syndicat en formation ; que, dès lors, en affirmant que la désignation de M. X par l'USSI pouvait, en vertu des statuts susvisés, intervenir "en prévision de la création prochaine d'une section syndicale dans l'entreprise Jouve", le tribunal d'instance a violé ensemble l'article 1134 du code civil et les textes susvisés ;
4o/ que, pour désigner un représentant de section syndicale dans l'entreprise ou l'établissement, un syndicat doit avoir préalablement constitué une section syndicale dans les conditions prévue à l'article L. 2142-1-1 ; que viole ce texte le jugement qui valide la désignation, comme représentant de section syndicale au sein de l'entreprise Jouve, de
M. X sans nullement constater l'existence préalable d'une section syndicale dans ladite entreprise, contrairement à la demande expressément formulée dans la requête de l'exposante ;
5o/ que la charge de la preuve de l'existence d'une section syndicale incombe au syndicat auteur de la désignation ; qu'en particulier il lui appartient de démontrer la présence de plusieurs adhérents dans l'entreprise ou l'établissement ; que si le syndicat peut se dispenser de produire contradictoirement les éléments susceptibles de permettre l'identification de ses adhérents, le juge doit, à tout le moins, préciser les éléments sur lesquels il se fonde pour reconnaître l'existence de plusieurs adhérents ; qu'en se bornant à affirmer que "l'union justifie de deux adhérents dans l'entreprise Jouve" sans indiquer les éléments d'où il déduisait cette affirmation, le juge d'instance a violé l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme et les articles L. 2141-4, L. 2141-5 et L. 2142-1 du code du travail ;
Mais attendu d'abord qu'une union syndicale peut, sauf stipulation contraire de ses statuts, exercer les droits conférés aux syndicats dans le cadre du champ géographique et professionnel qui est le sien ;
Attendu ensuite que le tribunal, après avoir constaté que le champ géographique et professionnel de l'union, défini en référence à l'ensemble du territoire français et au secteur de l'industrie, couvrait celui de la société Jouve, et que les statuts de l'union ne lui interdisaient pas d'intervenir directement dans une entreprise en l'absence d'organisation adhérente compétente dans le champ géographique et professionnel couvrant cette dernière, a relevé, d'une part, qu'à la date de désignation du représentant de section syndicale l'union, qui était constituée depuis plus de deux années, n'avait pas encore un syndicat affilié au sein de la société Jouve, et d'autre part, qu'elle justifiait de deux adhérents dans l'entreprise, ce dont il résultait l'existence à la date de la désignation litigieuse d'une section syndicale ;
Attendu enfin que l'adhésion du salarié à un syndicat relève de sa vie personnelle et ne peut être divulguée sans son accord ; qu'à défaut d'un tel accord, le syndicat qui entend créer ou démontrer l'existence d'une section syndicale dans une entreprise, alors que sa présence y est contestée ne peut produire ou être contraint de produire une liste nominative de ses adhérents ; qu'en cas de contestation sur l'existence d'une section syndicale, le syndicat doit apporter les éléments de preuve utiles à établir la présence d'au moins deux adhérents dans l'entreprise, dans le respect du contradictoire, à l'exclusion des éléments susceptibles de permettre l'identification des adhérents du syndicat, dont seul le juge peut prendre connaissance ; qu'ayant constaté que l'union justifiait de deux adhérents dans l'entreprise Jouve, le jugement n'encourt pas les griefs visés par la cinquième branche du moyen ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS
REJETTE les pourvois ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Jouve à verser la somme de 1 500 euros à l'Union syndicale solidaires industrie ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits aux pourvois nos S 11-11.007 et A 11-60.074 par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour la société Jouve.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le pourvoi reproche au jugement attaqué d'avoir dit que l'union syndicale Solidaires Industrie était en capacité de constituer une section syndicale dans l'entreprise JOUVE SA et d'avoir constaté la validité de la désignation de Monsieur Nicolas X en qualité de représentant syndical Solidaires industrie dans l'entreprise JOUVE SA ;
AUX MOTIFS QU' " il résulte de l'extrait de délibération du conseil syndical de solidaire industrie du 7 juin 2010 qui est produit que Monsieur Robert ... était habilité pour représenter l'union et procéder à des désignations syndicales ; que ce dernier pouvait donc désigner Monsieur Nicolas X en qualité de représentant de section syndicale au nom de l'union syndicale solidaires industrie " ;
ALORS, D'UNE PART, QU' en se contentant de relever que " le conseil syndical " avait, le 7 juin 2010, donné un mandat à M. ... d'où il résultait que ce dernier avait pouvoir permanent pour " procéder à toutes désignations syndicales à la demande des structures concernées ", le Tribunal d'instance qui s'abstient de rechercher, comme il y était invité, si une telle délibération était conforme aux statuts de l'USSI, qui ne confèrent au Conseil que les décisions administratives, financières, morales ou matérielles, a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1984 du code civil et 2131-1 du code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART ET DE TOUTE FACON, QUE la délibération litigieuse ne conférait au délégataire M. ..., conformément aux statuts de l'USSI, un prétendu pouvoir de désignation, qu'en cas de demande émanant des " structures concernées " et que dès lors qu'à la date de la désignation litigieuse, 2 décembre 2010, il n'existait pas de syndicat SUD constitué au niveau de l'entreprise, le délégataire qui avait agi de son propre chef n'était valablement investi d'aucun pouvoir ; qu'en décidant le contraire, le Tribunal d'instance a violé les articles 1984 du code civil et 2131-1 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Le pourvoi reproche au jugement attaqué d'avoir dit que l'union syndicale Solidaires Industrie avait la capacité de constituer une section syndicale dans l'entreprise JOUVE SA et d'avoir constaté la validité de la désignation de Monsieur Nicolas X en qualité de représentant syndical Solidaires industrie dans l'entreprise JOUVE SA ;
AUX MOTIFS QU' " il résulte des pièces produites que l'union syndicale est constituée depuis plus de deux ans puisque ses statuts ont été déposés le 13 septembre 2001 ; qu'enfin, le champ professionnel et géographique de l'union couvre l'entreprise ; qu'en effet, l'union justifie de deux adhérents dans l'entreprise JOUVE ; que de plus, il résulte de l'article 1 du chapitre 1 des statuts de l'union que son champ géographique couvre l'ensemble du territoire national et qu'elle est constituée de syndicats de salariés de l'industrie ; que dès lors, l'union syndicale solidaires industrie remplissait les conditions de représentativité posées par l'article L 2142-1 du code du travail ; qu'une union syndicale peut exercer les droits conférés aux syndicats eux mêmes ; qu'il en résulte que l'Union syndicale Solidaires industrie pouvait constituer une section syndicale dans l'entreprise JOUVE SA L'article L 2142-1-1 du code du travail permet notamment à chaque syndicat qui constitue une section syndicale au sein d'une entreprise ayant au moins 50 salariés, s'il n'est pas représentatif, de désigner un représentant de la section ; que l'article 1 du chapitre 2 des statuts de l'union prévoit que " en cas de création prochaine d'un syndicat affilié, dans le champ professionnel et géographique qu'elle couvre, l'Union peut procéder à toute désignation et présenter des listes aux élections ; qu'il résulte de ces dispositions statutaires conformes aux dispositions légales précitées, que l'union syndicale solidaires industrie pouvait désigner un représentant syndical en prévision de la création prochaine d'une section syndicale dans l'entreprise JOUVE " ;
ALORS, D'UNE PART, QUE dans ses statuts (au chapitre I art. 1 et 2) l'USSI se donne pour objet " la défense de l'ensemble des personnels de l'industrie ", et revendique la couverture de tout " le territoire national " ce qui ne correspond à aucune profession déterminée, et définit un champ d'intervention illimité ; que cette vocation universelle ne répond pas à l'exigence de spécificité requise pour la désignation d'un RSS par les articles L.2142-1 et L.2142-1-1 du Code du Travail aux termes desquels le syndicat désignant doit couvrir " le champ professionnel et géographique de l'entreprise concernée " ; qu'en validant cependant la désignation opérée par l'organisation généraliste USSI au sein de la société JOUVE le juge d'instance a violé les textes susvisées ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU' en vertu de ses propres statuts, l'USSI " s'interdit d'intervenir dans le champ de compétence propre des syndicats adhérents sauf demande expresse des syndicats concernés ", notamment pour désigner des RSS (chapitre II, art. 1) ; que viole ensemble lesdits statuts et l'article 1134 du Code Civil, le Tribunal d'Instance qui valide la désignation de M. X par l'USSI sans constater que cette union avait été sollicitée par l'un de ses adhérents agissant dans son propre champ de compétence pour procéder à cette désignation ;
ALORS, DE TROISIÈME PART, QUE la disposition de l'article 1 alinéa 4 des statuts de l'USSI selon laquelle " en cas de création prochaine d'un syndicat affilié, dans le champs professionnel et géographique qu'elle couvre, l'Union peut procéder à toute désignation et présenter des listes aux élections " ne saurait tenir en échec les dispositions d'ordre public des articles L.2142-1 et L.2314-3 du Code du travail selon lesquels la désignation de délégués et la présentation de listes électorales sont réservées aux organisations couvrant le champ professionnel et géographique et l'établissement et ayant au moins deux années d'ancienneté, ce qui n'est pas le cas d'un syndicat en formation ; que, dès lors, en affirmant que la désignation de Monsieur X par l'USSI pouvait, en vertu des statuts susvisés, intervenir " en prévision de la création prochaine d'une section syndicale dans l'entreprise JOUVE " (jugement, p.4, al.9), le Tribunal d'instance a violé ensemble l'article 1134 du Code civil et les textes susvisés ;
ALORS, DE QUATRIEME PART ET SUBSIDIAIREMENT, QUE pour désigner un RSS dans l'entreprise ou l'établissement, un syndicat doit avoir préalablement constitué une section syndicale dans les conditions prévue à l'article L.2142-1-1 ; que viole ce texte le jugement qui valide la désignation, comme RSS au sein de l'entreprise JOUVE, de Monsieur X sans nullement constater l'existence préalable d'une section syndicale dans ladite entreprise, contrairement à la demande expressément formulée dans la requête de l'exposante (p.4) ;
ALORS, ENFIN ET SUBSIDIAIREMENT, QUE la charge de la preuve de l'existence d'une section syndicale incombe au syndicat auteur de la désignation ; qu'en particulier il lui appartient de démontrer la présence de plusieurs adhérents dans l'entreprise ou l'établissement ; que si le syndicat peut se dispenser de produire contradictoirement les éléments susceptibles de permettre l'identification de ses adhérents, le juge doit, à tout le moins, préciser les éléments sur lesquels il se fonde pour reconnaître l'existence de plusieurs adhérents ; qu'en se bornant à affirmer que " l'union justifie de deux adhérents dans l'entreprise JOUVE " sans indiquer les éléments d'où il déduisait cette affirmation, le juge d'instance a violé l'article 6 CEDH et les articles L. 2141-4, L. 2141-5 et L. 2142-1 du Code du travail.

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