Jurisprudence : CA Saint-Denis de la Réunion, 27-09-2011, n° 08/863, Infirmation




AFFAIRE N° RG 10/01269 Code Aff. CF/ML
ARRÊT N ° 11/337
ORIGINE
JUGEMENT du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ST DENIS en date du 03 Mai 2010, rg n° 08/863

COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS
DE LA RÉUNION
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 27 SEPTEMBRE 2011

APPELANT
Monsieur Jean Pierre Z

LA SALINE
Représenté par M e Vanessa ABOUT ( avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION)
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2010/004015 du 12/08/2010 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Saint-Denis)
INTIMÉE
SARL AMBULANCE L'HERMITAGE INCANA JACQUESON


ST PAUL
Représentée par la SELARL GANGATE & ASSOCIÉS (avocats au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION)

DÉBATS En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Mai 2011, en audience publique devant Bernard SALVADOR, Conseiller chargé d'instruire l'affaire, assisté Marie Josée CAPELANY, greffière, les parties ne s'y étant pas opposées.
Ce magistrat a indiqué à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le21 Juin 2011, à cette date le prononcé a été prorogé au 27 SEPTEMBRE 2011;
Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de Président Hervé PROTIN
Conseiller Christian FABRE
Conseiller Bernard SALVADOR
Qui en ont délibéré
ARRÊT mis à disposition des parties le 27 SEPTEMBRE 2011
* *
*
LA COUR

Monsieur Jean Pierre Z a interjeté appel d'un jugement rendu le 03 mai 2010 par le conseil de prud'hommes de Saint-Denis de la Réunion dans une affaire l'opposant à la société AMBULANCE DE L'HERMITAGE (société AH).
*
* *
La société AH a embauché Monsieur Z comme ambulancier à compter du 07 juillet 2004 pour une durée indéterminée. Un mouvement collectif du travail est survenu à compter du 20 avril 2008. Il semble que le travail ait repris le 20 mai suivant. Monsieur Z a été licencié pour faute grave par un courrier du 30 juillet suivant.
Contestant ce licenciement, le salarié a saisi la juridiction prud'homale en indemnisation. Le jugement déféré a considéré le licenciement pour faute grave justifié et a débouté Monsieur Z.
Vu les conclusions déposées au greffe
' le 12 octobre 2010 par Monsieur Z,
' le 14 janvier 2011 par la société AH,
les parties ayant développé oralement leurs écritures auxquelles la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits et des moyens.

MOTIFS DE LA DÉCISION
Les faits visés par la lettre de licenciement se sont déroulés durant le mouvement collectif du travail et tiennent à une entrave à la liberté du travail, à l'occupation de l'entreprise et à la mise en danger de la vie des patients. Il s'agit donc d'un licenciement pour faits de grève. Or seule la faute lourde est admise pour justifier ce type de licenciement. En validant le licenciement sur le fondement de la faute grave, le jugement a fait une application erronée de la loi et doit être infirmé.
L'employeur a retenu la qualification faute grave. Pour autant, s'agissant d'un licenciement à effet immédiat, la qualification donnée par l'employeur ne lie pas le juge qui a la possibilité de requalifier les fautes visées par le courrier de rupture comme constitutives d'une faute lourde.
Préalablement à l'analyse des fautes et à leur qualification, il convient de rechercher si l'employeur était fondé à prononcer un licenciement à effet immédiat.
En effet, le licenciement a été prononcé par un courrier du 30 juillet soit plus de deux mois après la reprise du travail et la fin de la grève. La convocation à l'entretien préalable a été faite par un courrier du 03 juillet pour une entrevue fixée le 16 suivant. Aucune mise à pied n'a été notifiée au salarié. Cette convocation marque le débute de la procédure disciplinaire et fixe le délai de prescription disciplinaire de deux mois, soit pour les faits antérieurs au 03 mai.
La faute grave suppose un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis. La faute lourde suppose une intention de nuire de la part du salarié. Ainsi, pour un licenciement pour faits de grève, l'importance des faits commis par le salarié doit rendre son maintien dans l'entreprise impossible. Consécutivement, la procédure de licenciement doit nécessairement être engagée par la convocation à l'entretien préalable ou la notification d'une mise à pied conservatoire dans les jours qui suivent les faits commis. En l'espèce, il est acquis que l'employeur a eu connaissance des faits qu'il impute à faute au salarié le jour de leur commission soit par lui-même soit par la relation faite par son fils ou d'autres salariés. Des plaintes ont d'ailleurs été formalisées ainsi qu'une instance en référé introduite. L'employeur était donc à même d'engager la procédure disciplinaire avant la fin de la grève voire lorsque celle-ci a été arrêtée ou du moins dans les jours qui ont suivi. Le fait qu'une ou plusieurs plaintes aient été déposées, sans qu'il soit justifié d'une instance pénale ayant suivi, demeure sans incidence.
Selon l'attestation ASSEDIC, renseignée par l'employeur, les absences de Monsieur Z sur le mois de mai ont été de 13 jours soit une reprise du travail a priori le 20 mai. La relation salariale a donc été poursuivie plus d'un mois et demi après la fin de la grève avant l'engagement de la procédure disciplinaire. Par ailleurs, le licenciement a été prononcé 14 jours après l'entretien préalable et près de deux mois et demi après la fin de la grève. Dans ces conditions, l'employeur a nécessairement reconnu que le maintien du salarié dans l'entreprise était possible durant les deux mois qui ont suivi la commission des faits qui lui sont reprochés. De ce fait, l'impossibilité du maintien du salarié dans l'entreprise durant le préavis ne peut être admise. Consécutivement, le licenciement à effet immédiat est nul et il n'y a pas lieu à l'analyse des faits reprochés au salarié.
Lors du licenciement, Monsieur Z avait une ancienneté de quatre années et un mois. Son salaire brut était de 1.450,13 euros en moyenne sur les douze derniers mois (cf. attestation ASSEDIC). En considération de ces éléments et du préjudice subi, l'indemnité de licenciement abusif est fixée à la somme de 11.500 euros. Le préavis est retenu pour la somme de 3.180,40 euros (salaire brut de mars 2005 pour 151,67 heures travaillées de 1.590,20 euros) plus celle de 318,04 euros pour les congés payés. L'indemnité légale de licenciement est de 1.298,63 euros (4/5°x1.590,20+1/12°x1.590,20x1/5°). La demande ne portant néanmoins que sur la somme de 1.164,97 euros, cette somme est retenue.
Monsieur Z expose avoir réalisé des heures supplémentaires non payées en mars 2008. L'employeur le conteste et produit l'état de service du mois concerné tout en précisant que les heures supplémentaires de mars ont été payées en avril, le bulletin de paye d'avril retenant 11,40 heures supplémentaires et mentionne la prise en compte de ces heures pour mars et avril.
Monsieur Z ne conteste pas le fait que les heures supplémentaires de mars ont été prises en compte pour le salaire d'avril. Dès lors la production de la feuille de route de mars demandée par Monsieur Z est sans intérêt.
La cour relève par ailleurs, que seul le mois de mars fait l'objet d'une demande d'heures supplémentaires ce qui induit que pour les autres mois celles-ci ont été régulièrement prises en compte. La demande de communication est alors rejetée.
Monsieur Z bénéficie de l'aide juridictionnelle totale. Il ne justifie pas de frais non pris en charge par cette aide. L'équité ne commande pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Les dépens de première instance et d'appel sont à la charge de l'employeur qui succombe. PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire rendu en matière sociale et en dernier ressort,
Infirme le jugement,
Dit que le licenciement de Monsieur Jean Pierre Z pour faits de grève est tardif et nul,
Condamne la société AMBULANCE DE L'HERMITAGE à payer à Monsieur Jean Pierre Z les sommes suivantes
- 11.500 euros pour l'indemnité de licenciement abusif,
- 3.180,40 euros pour le préavis,
- 318,04 euros pour les congés payés,
- 1.164,97 euros pour l'indemnité légale de licenciement,
Rejette toute autre demande,
Condamne la société AMBULANCE DE L'HERMITAGE aux dépens de première instance et d'appel à recouvrer selon les dispositions régissant l'aide juridictionnelle.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Hervé ..., président, et Madame Monique ..., adjointe administrative faisant fonction de greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT, Signé

Agir sur cette sélection :

Cookies juridiques

Considérant en premier lieu que le site requiert le consentement de l'utilisateur pour l'usage des cookies; Considérant en second lieu qu'une navigation sans cookies, c'est comme naviguer sans boussole; Considérant enfin que lesdits cookies n'ont d'autre utilité que l'optimisation de votre expérience en ligne; Par ces motifs, la Cour vous invite à les autoriser pour votre propre confort en ligne.

En savoir plus