COUR D'APPEL DE BORDEAUX
CHAMBRE SOCIALE - SECTION B
ARRÊT DU 27 OCTOBRE 2011
fc
(Rédacteur Monsieur Jean-Paul ..., Président)
PRUD'HOMMES
N° de rôle 10/06577
L'EARL VIGNOBLES BIDEAU PÈRE ET FILS
c/
Monsieur Martin Y
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2010/20902 du 06/01/2011 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)
Monsieur Baptiste X
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2010/19474 du 09/12/2010 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)
Monsieur Charles X
Nature de la décision AU FOND
Notifié par LRAR le
LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à
La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).
Certifié par le Greffier en Chef,
Grosse délivrée le
à
Décision déférée à la Cour jugement rendu le 07 octobre 2010 (R.G. n°F09/2359) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section agriculture suivant déclaration d'appel du 04 novembre 2010,
APPELANTE
L'EARL VIGNOBLES BIDEAU PÈRE ET FILS,
agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social,
CARS
représentée par Maître Philippe AURIENTIS avocat au barreau de BORDEAUX loco Maître Julien ..., avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
INTIMÉS
Monsieur Martin Y
né le ..... à SAINT DIE DES VOSGES (88100)
de nationalité française
Profession Etudiant,
demeurant Y CHAUMONT
Monsieur Baptiste X
demeurant CHEVILLON
Monsieur Charles X
demeurant CHEVILLON
représentés par Maître Michèle BAUER, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 31 août 2011 en audience publique, devant la Cour composée de
Monsieur Jean-Paul ROUX, Président de chambre,
Madame Myriam LALOUBERE, Conseiller,
Madame Katia SZKLARZ, Vice Présidente placée,
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats Madame Anne-Marie LACOUR-RIVIERE,
ARRÊT
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
I. ...
1 - L'Earl Vignobles BIDEAU Père et Fils a régulièrement relevé appel le 4 novembre 2010 du jugement qui, prononcé le 7 octobre 2010 par le Conseil de prud'hommes de Bordeaux,
- a dit que les contrats à durée déterminée doivent être requalifiés en contrats à durée indéterminée,
- dit que la rupture de ces contrats lui incombe,
- l'a condamnée à payer à Monsieur Martin Y, Monsieur Baptiste X et Monsieur Charles X, chacun,
- la somme de 858,63 euros à titre d'indemnité de requalification du contrat, - la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts,
- la somme de 540 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
L'Earl Vignobles BIDEAU Père et Fils sollicite, outre la condamnation des intimés à lui payer, chacun, la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, l'infirmation du jugement et le débouté de Monsieur Martin Y, de Monsieur Baptiste X et de Monsieur Charles X de toutes leurs demandes,
2 - Monsieur Martin Y, Monsieur Baptiste X et Monsieur Charles X sollicitent pour leur part, outre l'allocation, à chacun, de la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a dit que leur contrat de travail devait être requalifié en contrat de travail à durée indéterminée et, sur leur appel incident, la condamnation de l'Earl Vignobles BIDEAU Père et Fils à leur payer, à chacun,
- la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- la somme de 858,63 euros à titre d'indemnité pour procédure irrégulière,
- la somme de 500 euros au titre de leur préjudice moral,
II . Les faits et la procédure .
Monsieur Martin Y, Monsieur Baptiste X et Monsieur Charles X, qui ont été embauchés par l'Earl Vignobles BIDEAU Père et Fils au mois de juin 2009 en qualité d'ouvriers agricoles chargés de travaux de relevage des vignes, ont saisi le Conseil de prud'hommes de Bordeaux en sollicitant la requalification, avec toutes conséquences de droit, de leur contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée,
L'entreprise se trouve dans le champ d'application de la convention collective des entreprises agricoles de la Gironde,
SUR QUOI LA COUR
Vu les conclusions contradictoirement échangées, déposées à l'audience par l'Earl Vignobles BIDEAU Père et Fils et par Monsieur Martin Y, Monsieur Baptiste X et Monsieur Charles X, alors visées par le greffier et développées oralement, Attendu que l'Earl Vignobles BIDEAU Père et Fils fait plaider, à l'appui de son appel,
- que, tout d'abord, les premiers juges ne pouvaient procéder à la requalification des contrats de travail au double motif qu'ils ne mentionnaient pas la date de leur signature par les salariés et qu'ils ne leur ont pas été remis dans les deux jours de l'embauche dés lors que, d'une part, le défaut de remise du contrat dans les deux jours de l'embauche ne constitue pas, aux termes de l'article L.1245-1 du code du travail, un motif de requalification et que, de seconde part, l'article L.1242-12 du même code ne vise pas la datation du contrat à durée déterminée au titre des mentions obligatoires à peine de requalification,
- et que, ensuite, la nature même du TESA, qui est considéré comme un contrat à durée déterminée par nature, s'oppose, dés lors que les formalités prévues à l'article L.712-1 du code rural ont été accomplies, à toute requalification,
Attendu que Monsieur Martin Y, Monsieur Baptiste X et Monsieur Charles X font valoir, pour leur part,
- que, tout d'abord, la partie d'un TESA leur revenant mentionnant une embauche en contrat de travail à durée déterminée saisonnier ne leur a été remise que le 10 juillet 2009 en même temps que le bulletin de salaire mentionnant la fin de leur contrat de travail et qu'il en résulte que, le contrat de travail à durée déterminée devant remis au salarié dans les deux jours de l'embauche, ils ont été embauchés par contrat verbal avec une régularisation tardive par l'employeur,
- que le jugement déféré devra dés lors être confirmé en ce qu'il leur a accordé, à ce titre, l'indemnité de requalification légalement prévue,
- et que ce jugement devra être confirmé pour le surplus de ses dispositions sauf à identifier l'indemnité due pour l'irrégularité de la procédure de licenciement, à porter les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 2.000 euros et ày ajouter des dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral,
* * * * *
Attendu que, selon l'article L712-1 du code rural et de la pêche, l'employeur qui, au moment de l'embauche d'un salarié par contrat à durée déterminée à l'exclusion des contrats visés à l'article L.122-2 du code du travail, remet au salarié et adresse à la caisse de mutualité sociale agricole les parties qui leur sont respectivement destinées du document appelé "titre emploi simplifié agricole" est réputé satisfaire aux obligations prévues, notamment, par l'article L.122-3-1 du code du travail,
Attendu, en la cause, qu'il ressort des documents produits que l'Earl Vignobles BIDEAU Père et Fils n'a remis au salarié, ce qu'elle ne conteste pas, se contentant de soutenir que cela n'est pas un motif de requalification, la partie du TESA correspondant au contrat de travail qu'à la fin de la dernière journée de travail, attachée à la partie du TESA correspondant au bulletin de salaire,
Attendu qu'il en résulte que cette remise tardive, qui ne répond ni aux dispositions de l'article L.712-1 du code rural et de la pêche, ni à celles de l'article L.1242-13 du code du travail, équivaut à une absence d'écrit qui entraîne la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée,
Attendu que le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a requalifié les contrats de travail à durée déterminée en contrats de travail à durée indéterminée et en ce qu'il a alloué aux salariés l'indemnité de requalification prévue par l'article L.1245-2 du code du travail dont le montant n'est pas, même subsidiairement, critiqué par l'employeur,
Attendu, ensuite, qu'il convient de constater que l'employeur ayant mis fin à ces relations de travail à durée indéterminée sans procéder au licenciement des salariés, ces ruptures, qui sont abusives, doivent s'assimiler, pour leurs conséquences, à des licenciements sans cause réelle et sérieuse,
Attendu que les intimés justifiant du préjudice inhérent à cette rupture abusive de leur contrat de travail ayant provoqué la perte injustifiée de leur emploi, il leur sera alloué, en réparation, la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts qui réparera également le préjudice moral subi,
Attendu, par ailleurs, que l'employeur ne les ayant pas licenciés, les intimés seront par suite déboutés de leur demande au titre de l'irrégularité de la procédure de licenciement
Attendu enfin que ni l'équité ni des raisons économiques ne justifient de dispenser l'Earl Vignobles BIDEAU Père et Fils de l'application, en cause d'appel, des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, le jugement déféré étant également confirmé sur ce point,
PAR CES MOTIFS
Reçoit l'Earl Vignobles BIDEAU Père et Fils en son appel du jugement rendu le 7 octobre 2010 par le Conseil de prud'hommes de Bordeaux et Monsieur Martin Y, Monsieur Baptiste X et Monsieur Charles X en leur appel incident,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a
- dit que les contrats à durée déterminée conclus entre l'Earl Vignobles BIDEAU Père et Fils et Monsieur Martin Y, Monsieur Baptiste X et Monsieur Charles X doivent être requalifiés en contrats à durée indéterminée,
- dit que la rupture de ces contrats incombe à l'Earl Vignobles BIDEAU Père et Fils,
- condamné l'Earl Vignobles BIDEAU Père et Fils à payer à Monsieur Martin Y, Monsieur Baptiste X et Monsieur Charles X, chacun,
- la somme de 858,63 euros à titre d'indemnité de requalification du contrat,
- la somme de 540 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Le réformant partiellement et statuant à nouveau,
Condamne l'Earl Vignobles BIDEAU Père et Fils à payer à Monsieur Martin Y, Monsieur Baptiste X et Monsieur Charles X, chacun, la somme de 1.500 euros en réparation du préjudice résultant de la rupture abusive de leur contrat de travail et de leur préjudice moral,
Y ajoutant,
Condamne l'Earl Vignobles BIDEAU Père et Fils à payer à Monsieur Martin Y, Monsieur Baptiste X et Monsieur Charles X, chacun, la somme de 800 euros en application, en cause d'appel, des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette comme inutiles ou mal fondées toutes demandes plus amples ou contraires des parties,
Condamne l'Earl Vignobles BIDEAU Père et Fils aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Signé par Monsieur Jean-Paul ..., Président, et par Chantal ..., greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
C. ... ... ...