DEUXIÈME SECTION
AFFAIRE KHELILI c. SUISSE
(Requête n° 16188/07)
ARRÊT
STRASBOURG
18 octobre 2011
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l'affaire Khelili c. Suisse,
La Cour européenne des droits de l'homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :
Françoise Tulkens, présidente,
Danutë Joèienë,
Dragoljub Popoviæ,
Giorgio Malinverni,
Iþýl Karakaþ,
Guido Raimondi,
Paulo Pinto de Albuquerque, juges,
et de Françoise Elens-Passos, greffière adjointe de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 27 septembre 2011,
Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. A l'origine de l'affaire se trouve une requête (n° 16188/07) dirigée contre la Confédération suisse et dont une ressortissante française, Mme Sabrina Khelili (" la requérante "), a saisi la Cour le 5 avril 2007 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (" la Convention ").
2. La requérante, qui a été admise au bénéfice de l'assistance judiciaire, est représentée par Me H. Mathieu, avocate à Strasbourg. Le gouvernement suisse (" le Gouvernement ") est représenté par son agent, M. F. Schürmann, chef de l'unité Droit européen et protection internationale des droits de l'homme à l'Office fédéral de la Justice.
3. La requérante allégue que, depuis la découverte de ses cartes de visite par la police du canton de Genève en 1993, elle continue à figurer comme " prostituée " dans les fichiers informatiques et dans son dossier de la police du canton de Genève, ce qui serait contraire à l'article 8 de la Convention.
4. Le 27 août 2009, le président de la première section a décidé de communiquer la requête au Gouvernement. Comme le prévoit l'article 29 § 1 de la Convention, il a en outre été décidé que la chambre se prononcerait en même temps sur la recevabilité et le fond.
5. Le gouvernement français n'a pas usé de son droit d'intervenir dans la procédure (article 36 § 1 de la Convention).
6. Le 1er février 2011, les sections de la Cour ont été remaniées. La requête a été attribuée à la deuxième section (articles 25 § 1 et 52 § 1 du règlement).
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE
7. La requérante est née en 1959 et réside à Saint Priest (France).
8. En 1993, lors d'un contrôle de police à Genève, cette dernière trouva sur la requérante des cartes de visite sur lesquelles on pouvait lire :
" Gentille, jolie femme fin trentaine attend ami pour prendre un verre de temps en temps ou sortir. Tel. (...). "
9. Selon la requérante, suite à cette découverte, la police de Genève l'aurait fichée comme " prostituée ". Le 11 novembre 1993, l'Office fédéral des étrangers prononça à son encontre une interdiction de séjour pour des motifs préventifs de la police des murs. Cette interdiction d'entrée en Suisse dura deux ans, jusqu'en 1995. La requérante contesta toujours le fait de s'être prostituée.
10. Les 8 octobre et 7 novembre 2001, la requérante fit l'objet de deux plaintes pénales pour injures et menaces déposées par S.M. et H.Y.
11. En octobre 2003, la requérante apprit par une lettre de la police cantonale du canton de Vaud qu'elle continuait à figurer comme " prostituée " dans les dossiers informatiques de la police du canton de Genève.
12. Le 26 mai 2005, dans une autre affaire, la requérante fut condamnée à vingt jours d'emprisonnement avec un sursis de cinq ans par le tribunal correctionnel de Lausanne pour injure et utilisation abusive d'une installation de télécommunication à la suite de deux plaintes déposées contre elle en octobre 2002 et en septembre 2003.
13. Le 15 juillet 2005, le chef de la police du canton de Genève ordonna que la mention concernant la profession de la requérante soit corrigée de " prostituée " en " couturière ". Il lui confirma que les mentions des termes " péripatéticienne ", " service d'escorting " et " racolage " avaient également été supprimés.
14. Par une lettre du 26 juillet 2005 du coordinateur suisse du Centre de coopération policière et douanière à Genève, la plaignante obtint la radiation dans les fichiers de cet organisme de certains faits la concernant.
15. Le 24 juin 2006, la requérante eut une conversation téléphonique avec un service - non spécifié - de la police du canton de Genève, pendant laquelle elle apprit qu'elle figurait toujours comme " prostituée " dans les fichiers informatiques de la police. Par courrier du 26 juin 2006, elle demanda alors au responsable de la centrale de la documentation de la police que les informations figurant dans son dossier de police relatives à la prostitution soient effacées. Elle requit en outre la suppression des données figurant dans son dossier de police liées aux plaintes pénales pour injures et menaces déposées contre elle le 8 octobre et le 7 novembre 2001 par S.M. et H.Y., au motif qu'elles seraient infondées et périmées.
16. Par lettre du 3 juillet 2006, le chef de la police répondit à la requérante que la mention concernant sa profession avait été corrigée de " prostituée " en " couturière " dans le système informatique de la police. Par contre, les données concernant les plaintes déposées à son encontre en 2001 figuraient toujours dans la base de données de la police. Le chef de la police refusa de les supprimer, au motif qu'elles devaient être conservées à titre préventif. Par ailleurs, il nota que le même type de faits avait fait l'objet d'une autre plainte de la part d'un certain G.H. en septembre 2003, démontrant ainsi une continuité dans les infractions prétendument commises par la requérante. Il souligna que la rectification demandée par la requérante pourrait seulement être réexaminée à l'issue du délai de sursis de cinq ans.
17. Le président de la chambre d'accusation du canton de Genève confirma cette décision par une ordonnance rendue le 20 septembre 2006, qui contient les passages suivants :
" En l'occurrence, il ressort du dossier de police de la recourante que, le 8 octobre 2001, celle-ci a fait l'objet de la part de S.M., d'une plainte pénale pour injures (harcèlement) et, le 7 novembre 2001, d'une plainte pénale de H.Y. pour menaces et injures. Ces deux plaintes ont été classées par le Parquet respectivement les 19 juin 2002 et 12 novembre 2001, l'intéressée étant 'introuvable et n'ayant jamais pu être entendue'.
Par ailleurs, il résulte du casier judiciaire que Sabrina Khelili a été condamnée, le 26 mai 2005, par le Tribunal correctionnel de Lausanne, à la peine de 20 jours d'emprisonnement, avec sursis durant cinq ans, pour injure et utilisation abusive d'une installation de télécommunication, ces infractions ayant été commises sur une période s'étendant du 31 août 2002 au 13 septembre 2003 (...).
Dès lors, contrairement à ce qu'elle affirme, la recourante a bien commis, ultérieurement aux infractions dénoncées par H.Y. et S.M. dans leurs plaintes respectives, des infractions de même nature.
Dans ces conditions, c'est à juste titre que le chef de la police a refusé de procéder à la radiation des renseignements figurant au dossier de police de l'intéressée concernant les plaintes de H.Y et S.M. Au vu de la procédure pour des infractions de nature similaire dont a fait l'objet l'intéressée dans le canton de Vaud postérieurement auxdites plaintes, outre que ces dernières peuvent être réactivées tant que la prescription n'est pas atteinte, de tels renseignements sont susceptibles de s'avérer utiles et importants dans le cadre d'une enquête ultérieure à propos de la recourante et, partant, susceptibles de faciliter le travail de la police dans ses tâches de recherche d'infractions.
Il n'apparaît dès lors pas disproportionné de conserver ces renseignements dans le dossier de police de la recourante, même pour une durée supérieure à cinq ans, ce délai s'appliquant à des faits peu importants qui perdent progressivement toute signification, ce qui n'est pas le cas en l'occurrence.
Quant à la suppression de la mention 'prostitution' dans le fichier informatique de la police concernant la recourante, il résulte des observations de la cheffe de la police du 7 août 2006 que, sous la rubrique 'profession' de l'intéressée, ladite mention a été remplacée par celle de 'couturière.' En revanche, il n'apparaît effectivement pas possible de supprimer la mention 'prostituée' adjointe aux diverses affaires contenues dans le dossier de police de l'intéressée et faisant l'objet d'un inventaire, dans la mesure où c'est cette profession-là qui a suscité certaines des enquêtes de police initiées à l'endroit de la recourante.
La conservation de cet inventaire répond manifestement à un intérêt public et c'est dans ce sens que les données qu'il contient peuvent fournir des indications utiles à la police dans ses tâches de recherche d'infractions, notamment à propos de Sabrina Khelili. "
18. Le 20 octobre 2006, la requérante recourut contre cette ordonnance auprès du Tribunal fédéral. Par arrêt du 19 décembre 2006, le Tribunal fédéral rejeta le recours de droit public de la requérante dans les termes suivants :
" 2. La personne au sujet de laquelle des informations ont été recueillies a en principe le droit de consulter les pièces consignant ces renseignements afin de pouvoir réclamer leur suppression ou leur modification, s'il y a lieu ; ce droit découle de l'art. 10 al. 2 Cst., qui garantit la liberté personnelle, et plus spécifiquement de l'art. 13 al. 2 Cst., qui protège le citoyen contre l'emploi abusif de données personnelles. La conservation de renseignements dans les dossiers de police porte en effet une atteinte au moins virtuelle à la personnalité de l'intéressé, car ces renseignements peuvent être utilisés ou consultés par les agents de la police, être pris en considération lors de demandes d'informations présentées par certaines autorités, voire même être transmis à ces dernières (ATF 126 I 7 consid. 2a p. 10 et la jurisprudence citée).
La question de la conservation et de la destruction des données personnelles dans les dossiers de police est réglée en droit genevois dans la loi sur les renseignements et les dossiers de police et la délivrance des certificats de bonne vie et moeurs du 29 septembre 1977 (LDP). Cette loi autorise la police à organiser et à gérer des dossiers et fichiers pouvant contenir des renseignements personnels, en rapport avec l'exécution de ses tâches, en particulier en matière de répression des infractions ou de prévention des crimes et délits (art. 1 al. 1 et 2 LDP). La police ne peut conserver des renseignements personnels que pour le temps nécessaire à l'accomplissement de ses tâches (art. 1B LDP) et elle a l'obligation de rectifier ou de détruire ceux qui sont inexacts ou inadéquats (art. 1 al. 5 LDP). Ces dernières dispositions coïncident avec les exigences qui découlent de la garantie constitutionnelle de la liberté personnelle. En effet, des renseignements inexacts ne peuvent être retenus en aucun cas, faute d'intérêt public. En outre, dès le moment où des renseignements perdent toute utilité, leur conservation et l'atteinte que celle-ci porte à la personnalité ne se justifient plus ; ils doivent par conséquent être éliminés (arrêt 1P.436/1989 du 12 janvier 1990 consid. 2b reproduit à la SJ 1990 p. 564 et les références citées).
3. La recourante demande la suppression des données figurant dans son dossier de police en relation avec les plaintes pénales déposées contre elle les 8 octobre et 7 novembre 2001 par S.M. et H.Y. au motif qu'elles seraient infondées et périmées.
3.1 La conservation de renseignements dans le dossier de police ne viole en principe ni la liberté personnelle de la personne concernée, ni le principe de la proportionnalité lorsque la procédure pénale est classée en l'absence de preuves et peut être reprise en présence de faits nouveaux (cf. arrêts 1P.46/2001 du 2 mars 2001 consid. 2b et 1P.3/2001 du 28 mars 2001 consid. 3b). Elle ne saurait toutefois se prolonger indéfiniment. Les caractéristiques d'une personne évoluent et les autorités ne doivent pas se référer à des images figées. Des faits peu importants perdent progressivement toute signification et la police ne peut plus en tirer aucune information utilisable pour le maintien de l'ordre et de la tranquillité publics. Le principe de la proportionnalité exige donc qu'à terme, ils soient éliminés des fichiers et des dossiers de la police (arrêt 1P.436/1989 précité consid. 2d in SJ 1990 p. 565).
Dans ce dernier cas, le Tribunal fédéral n'avait pas jugé déraisonnable la conservation d'un rapport d'intervention de la police en-deçà d'une durée de cinq ans au regard des intérêts en présence. On ne saurait pour autant en déduire qu'il s'agirait d'un délai maximal au-delà duquel la garde de données personnelles se heurterait aux principes de la liberté personnelle et de la proportionnalité. Le législateur a renoncé à fixer un tel délai ; la durée de conservation des données personnelles recueillies dans le dossier de police doit s'apprécier au regard de l'utilité potentielle des informations pour la prévention ou la répression des crimes et des délits (Mémorial des séances du Grand Conseil, séance du 16 décembre 1988, p. 7274/7275). Il n'y a pas lieu de se montrer trop sévère dans l'examen de cette question, car il se peut qu'une donnée a priori anodine prenne par la suite une importance que l'on ne pouvait soupçonner à l'origine (arrêt 1P.3/2001 précité consid. 3a).
3.2 Dans le cas particulier, on ne saurait dire que les pièces versées au dossier de police de la recourante en relation avec les plaintes pour injures et menaces déposées contre elle par H.Y. et S.M. auraient perdu tout intérêt pour la prévention et la répression des infractions en raison du temps écoulé depuis lors. La recourante a en effet été condamnée le 26 mai 2005 à une peine de 20 jours d'emprisonnement avec sursis pendant cinq ans pour injure et utilisation abusive d'une installation de télécommunication à la suite de deux plaintes pénales déposées contre elle en octobre 2002 et en septembre 2003. Dans les deux cas, les plaignants lui reprochaient, à l'instar de H.Y. et S.M., de les harceler par des appels téléphoniques incessants ou par l'envoi de courriers injurieux. Le Chef de la police et le Président de la Chambre d'accusation n'ont donc pas fait preuve d'arbitraire en considérant que les dénonciations portaient sur des faits similaires, quand bien même les accusations de crime manqué d'extorsion et chantage et de menaces n'ont finalement pas été retenues par le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne. On observera enfin que le refus opposé à la recourante de supprimer les plaintes déposées contre elle par H.Y. et S.M. n'est pas définitif et que celle-ci pourra à nouveau solliciter leur radiation de son dossier de police à l'issue du délai d'épreuve de cinq ans assorti à sa peine d'emprisonnement si elle n'a pas commis de nouvelles infractions de même nature durant cette période.
4. La recourante se plaint du fait que malgré la décision du Chef de la police du 15 juillet 2005, elle continuerait à figurer comme prostituée dans les fichiers informatiques de la police. Elle se réfère à cet égard à une conversation téléphonique qu'elle a eue le 24 juin 2006 avec un service de la police genevoise. Le Chef de la police a précisé dans sa lettre du 3 juillet 2006 que la mention "prostituée" avait été corrigée et remplacée par celle de "couturière" sous la rubrique "profession" dans les fichiers informatiques de la police pour faire suite à la demande de la recourante. Il n'appartient pas au Tribunal fédéral, saisi d'un recours de droit public, de vérifier d'office ce qu'il en est effectivement en procédant à des mesures d'instruction, à la manière d'une autorité d'appel. En l'absence d'éléments propres à établir le contraire, il n'y a aucune raison de mettre en doute les affirmations du Chef de la police sur ce point.
Le Président de la Chambre d'accusation a également jugé qu'il n'était pas possible de supprimer la mention "prostituée" adjointe aux diverses affaires contenues dans le dossier de police de l'intéressée et faisant l'objet d'un inventaire dans la mesure où c'est cette profession-là qui avait suscité certaines des enquêtes de police initiées à l'endroit de la recourante. Il a estimé que la conservation de cet inventaire répondait manifestement à un intérêt public, les données qu'il contient pouvant fournir des indications utiles à la police dans ses tâches de recherche d'infractions, notamment à propos de A. [la requérante]. La mention "prostituée" indiquée comme profession dans la base de données informatisée de la police a à juste titre été corrigée car il n'est pas établi que la recourante se serait effectivement livrée à la prostitution. La plainte pénale pour racolage déposée contre elle le 14 juin 1993 par la direction de l'hôtel X. et les enquêtes pénales menées par la suite n'ont abouti à aucune condamnation pénale. En revanche, étant donné que A. était suspectée de s'adonner à la prostitution clandestine, les rapports de police la concernant peuvent faire état de ces soupçons sans pour autant violer la présomption d'innocence. Pour le surplus, la recourante ne prétend pas que ces rapports ne présenteraient plus aucune utilité pour la prévention ou la répression des infractions et qu'ils devraient être détruits ou retirés de son dossier de police en raison du temps écoulé depuis leur établissement ; la requête qu'elle a déposée le 26 juin 2006 n'allait d'ailleurs nullement dans ce sens. En l'absence de tout grief à ce sujet, il n'appartient pas au Tribunal fédéral, saisi d'un recours de droit public, d'examiner d'office cette question. Cela étant, la décision attaquée échappe à toute critique. "
19. Par un arrêt du 15 mars 2007, le tribunal de police de l'arrondissement de La Broye et du Nord vaudois libéra G.H. des accusations portées contre lui par une plainte pénale déposée par la requérante pour diffamation. En revanche, il le condamna pour violation du secret de l'enquête à une amende de 100 francs suisses (CHF). Par ailleurs, il rejeta les prétentions civiles de la requérante. A propos des activités de la requérante, le tribunal se prononça notamment ainsi :
" Selon la police, la plaignante est en réalité une prostituée bien connue à Genève, qui recrute ses clients au moyen de petits billets apposés sur des voitures dans des parkings de grands hôtels ou d'expositions (...).
Ce sont des cartons de visite qui ont valu à la requérante d'être fichée comme prostituée et de faire même l'objet d'une IES [interdiction d'entrée en Suisse] entre le 12 novembre 1993 et le 10 novembre 1995. D'après une lettre du coordinateur suisse du Centre de coopération policière et douanière à Genève, du 26 juillet 2005, la plaignante a obtenu la radiation dans les fichiers de cet organisme de certains faits la concernant, sans toutefois que l'on sache précisément de quels faits il s'agissait. Quoi qu'il en soit, la plaignante a vainement tenté de contester son activité de péripatéticienne lorsqu'elle a été jugée le 26 mai 2005 par le Tribunal correctionnel de Lausanne (...) "
II. LE DROIT INTERNATIONAL ET INTERNE PERTINENTS
20. Les dispositions de la Convention du Conseil de l'Europe pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel du 28 janvier 1981, dont la Suisse est un Etat partie, sont libellées comme il suit :
Article premier (Objet et but)
Le but de la présente Convention est de garantir, sur le territoire de chaque Partie, à toute personne physique, quelles que soient sa nationalité ou sa résidence, le respect de ses droits et de ses libertés fondamentales, et notamment de son droit à la vie privée, à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel la concernant (" protection des données ").
Article 2 (Définitions)
Aux fins de la présente Convention :
- " données à caractère personnel " signifie : toute information concernant une personne physique identifiée ou identifiable (" personne concernée ") ;
- " fichier automatisé " signifie : tout ensemble d'informations faisant l'objet d'un traitement automatisé ;
- " traitement automatisé " s'entend des opérations suivantes effectuées en totalité ou en partie à l'aide de procédés automatisés: enregistrement des données, application à ces données d'opérations logiques et/ou arithmétiques, leur modification, effacement, extraction ou diffusion ;
- " maître du fichier " signifie : la personne physique ou morale, l'autorité publique, le service ou tout autre organisme qui est compétent selon la loi nationale, pour décider quelle sera la finalité du fichier automatisé, quelles catégories de données à caractère personnel doivent être enregistrées et quelles opérations leur seront appliquées.
Article 3 (Champ d'application)
1. Les Parties s'engagent à appliquer la présente Convention aux fichiers et aux traitements automatisés de données à caractère personnel dans les secteurs public et privé.
(...)
Article 5 (Qualité des données)
Les données à caractère personnel faisant l'objet d'un traitement automatisé sont :
- obtenues et traitées loyalement et licitement ;
- enregistrées pour des finalités déterminées et légitimes et ne sont pas utilisées de manière incompatible avec ces finalités ;
- adéquates, pertinentes et non excessives par rapport aux finalités pour lesquelles elles sont enregistrées ;
- exactes et si nécessaire mises à jour ;
- conservées sous une forme permettant l'identification des personnes concernées pendant une durée n'excédant pas celle nécessaire aux finalités pour lesquelles elles sont enregistrées.
Article 6 (Catégories particulières de données)
Les données à caractère personnel révélant l'origine raciale, les opinions politiques, les convictions religieuses ou autres convictions, ainsi que les données à caractère personnel relatives à la santé ou à la vie sexuelle, ne peuvent être traitées automatiquement à moins que le droit interne ne prévoie des garanties appropriées. Il en est de même des données à caractère personnel concernant des condamnations pénales.
21. L'article 13 de la Constitution fédérale du 18 avril 1999 est ainsi libellé :
Article 13 (Protection de la sphère privée)
Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile, de sa correspondance et des relations qu'elle établit par la poste et les télécommunications.
Toute personne a le droit d'être protégée contre l'emploi abusif des données qui la concernent.
22. Les dispositions pertinentes de la Loi du canton de Genève sur les renseignements et les dossiers de police et la délivrance des certificats de bonne vie et murs du 29 septembre 1977 (ci-après : " LDP ") étaient libellées comme il suit au moment des faits pertinents de la présente affaire :
Article 1 (Constitution des dossiers de police)
1. La police organise et gère les dossiers et fichiers en rapport avec l'exécution des tâches lui incombant aux termes de l'article 3 de la loi sur la police, du 26 octobre 1957.
2. Les dossiers et fichiers de police peuvent comporter des données personnelles, pour autant que celles-ci soient nécessaires à l'exécution desdites tâches, en particulier en matière de répression des infractions ou de prévention des crimes et délits.
3. Les données personnelles ne peuvent être collectées par la police que par des procédures licites et conformes à la loi.
4. Des données personnelles révélant les opinions politiques, les convictions religieuses ou d'autres convictions, ainsi que celles relatives à la santé ou à la vie sexuelle ne peuvent être collectées ou enregistrées que si elles sont nécessaires à la prévention ou à la répression d'un crime ou d'un délit.
5. La police rectifie ou détruit les données personnelles lorsqu'elles sont inexactes ou inadéquates.
(...)
Article 1A (Secret)
1. Les dossiers de police sont rigoureusement secrets. Aucun renseignement contenu dans les dossiers ou fichiers de police ne peut être communiqué à des tiers, à l'exception des autorités désignées par les articles 2, 4, et 6 (article 320 du code pénal).
2. Les renseignements communiqués aux autorités ne doivent être utilisés qu'à l'accomplissement de leurs tâches.
3. Les données doivent être protégées contre tout traitement non autorisé, par des mesures d'organisation et des mesures techniques appropriées.
Article 1B (Durée de conservation des données)
Les données personnelles ne doivent être conservées que pour le temps nécessaire à l'accomplissement par la police de ses tâches.
Article 2 (Consultation des dossiers)
1. Les dossiers de police ne peuvent être remis en communication qu'aux fonctionnaires de police, qui doivent les consulter sur place, c'est-à-dire dans les locaux de la sûreté, au conseiller d'Etat chargé du département des institutions, au secrétaire général et aux secrétaires adjoints de ce département.
2. Ils peuvent aussi être communiqués au procureur général, aux procureurs, aux substituts, aux juges d'instruction, aux juges juristes présidant le Tribunal de la jeunesse, au juge des enfants, ainsi qu'au président de la Chambre d'accusation dans le cas prévu à l'article 1, alinéa 4.
(...)
Article 3A (Droit d'accès)
1. Toute personne a le droit d'être renseignée sur les données personnelles la concernant qui sont contenues dans les dossiers et fichiers de police et en requérir la rectification ou la radiation lorsque celles-ci sont inexactes. Le droit d'être renseigné sur les données personnelles s'étend à l'usage qui en est fait.
2. La preuve de l'exactitude d'une donnée doit être apportée par la police. Si ni l'exactitude ni l'inexactitude ne peut être prouvée, mention en est faite dans le dossier.
3. Nul ne peut renoncer d'avance au droit d'accès.
4. Si la personne qui demande des renseignements fait l'objet d'une enquête préliminaire ou d'une procédure pénale ordonnée par le procureur général ou par l'autorité compétente d'un autre canton ou de la Confédération, son droit est régi par les règles de procédure pénale qui lui sont applicables.
5. Si aucune enquête ou procédure pénale, au sens de l'alinéa 4, n'est pendante, le droit d'obtenir des renseignements peut être limité, suspendu ou refusé si un intérêt public prépondérant, en particulier l'exécution de la peine ou la prévention efficace des crimes et délits par la police l'exigent. Il en va de même si la communication des renseignements est contraire à des intérêts prépondérants et légitimes de tiers.
6. Si les données personnelles ont été communiquées à la police par des autorités de poursuite ou des organes de police d'autres cantons ou par la Confédération, la police peut transmettre la requête pour décision à ces autorités ou organes.
Article 3B (Droit d'accès - Procédure)
1. La demande de renseignements, de rectification ou de radiation est formulée par le requérant en personne ou par son avocat, et adressée par écrit au chef de la police. Celui-ci peut demander au requérant qu'il justifie de son identité par la production d'une pièce de légitimation officielle.
2. Le chef de la police communique par écrit sa décision aux personnes qui ont demandé des renseignements, une rectification ou la radiation des données. La décision de refus est motivée et indique les voies de droit.
(...)
Article 3C (Recours)
1. Les décisions prises par le chef de la police en application des articles 3A et 3B peuvent être déférées dans les 30 jours dès leur notification au président de la Chambre d'accusation.
(...)
Article 17 (Secret de fonction)
Toute personne ayant accès à des dossiers de police ou à des renseignements de police est tenue de prendre les mesures nécessaires pour éviter toute indiscrétion ou divulgation et doit veiller notamment à ce qu'aucun tiers n'ait accès à ces dossiers ou n'ait connaissance de ces renseignements.
23. La prostitution en tant que telle n'est pas une infraction en vertu du code pénal. Par contre, l'article 199 punit l' " exercice illicite de la prostitution " dans les termes suivants :
" Celui qui aura enfreint les dispositions cantonales réglementant les lieux, heures et modes de l'exercice de la prostitution et celles destinées à lutter contre ses manifestations secondaires fâcheuses, sera puni d'une amende. "
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 8 DE LA CONVENTION
24. Invoquant l'article 8 de la Convention, la requérante se plaint que, depuis la découverte de ses cartes de visite en 1993, elle continue à figurer comme " prostituée " dans les fichiers informatiques et dans son dossier de la police du canton de Genève. Elle allègue que la mémorisation de données prétendument erronées relatives à sa vie privée aurait violé son droit au respect de sa vie privée. Cette disposition est libellée comme il suit :
" 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "
25. Le Gouvernement s'oppose à cette thèse.
A. Sur la recevabilité
1. Sur l'épuisement des voies de recours internes
a. Les thèses des parties
26. Le Gouvernement soutient que, dans sa requête, la requérante se borne à réaffirmer qu'elle serait fichée comme prostituée à Genève dans les dossiers informatiques de la police, en dépit de la lettre du chef de la police du 3 juillet 2006 certifiant que cette mention avait été remplacée par celle de " couturière " (paragraphe 16 ci-dessus). La requérante se réfèrerait à cet égard à un extrait d'un jugement du tribunal d'arrondissement de La Broye et du Nord vaudois du 15 mars 2007, donc postérieur à l'arrêt du Tribunal fédéral du 19 décembre 2006, selon lequel la plaignante est en réalité une prostituée bien connue à Genève. Selon le Gouvernement, la requérante ne saurait se fonder sur un élément de fait postérieur à l'arrêt contesté et inconnu du Tribunal fédéral lorsqu'il a statué. Selon le Gouvernement, la requérante aurait dû saisir le Tribunal fédéral d'une demande de révision de l'arrêt précité, fondée sur l'élément nouveau que constitue le jugement vaudois du 15 mars 2007. Dès lors, il n'y aurait pas eu épuisement des voies de recours internes.
27. La requérante est convaincue d'avoir épuisé les voies de recours internes, dans la mesure où elle a saisi la plus haute juridiction suisse d'un recours de droit public pour faire valoir ses droits constitutionnels. Selon elle, le jugement du 15 mars 2007 ne constituerait pas un élément nouveau de nature à permettre une demande de révision, mais simplement la preuve que les affirmations de la requérante étaient exactes.
b. L'appréciation de la Cour
28. La Cour partage l'avis de la requérante et estime que celle-ci a épuisé les voies de recours internes au sens de l'article 35 § 1 de la Convention. En effet, elle a saisi le Tribunal fédéral d'un recours de droit public contre l'ordonnance du président de la chambre d'accusation du canton de Genève du 20 septembre 2006 et la juridiction fédérale suprême a, sur le fond, examiné ses griefs tirés des droits protégés par la Convention.
29. La Cour conclut donc que la requérante a épuisé les voies de recours internes.
2. Sur le statut de victime de la requérante
a. Les thèses des parties
30. Le Gouvernement rappelle que, le 15 juillet 2005, le chef de la police du canton de Genève a accordé à la requérante la rectification qu'elle avait souhaitée. La mention concernant la profession devait être corrigée de " prostituée " en " couturière ". Les mentions des termes " péripatéticienne ", " service d'escorting " et " racolage " ont également été supprimées.
31. Le Gouvernement indique aussi que le chef de la police a précisé dans sa lettre du 3 juillet 2006 que la mention " prostituée " avait été corrigée et remplacée par celle de " couturière " dans les fichiers informatiques. Il n'y aurait aucune raison de mettre en doute ces affirmations.
32. Le Gouvernement rappelle également que le Tribunal fédéral a relevé, dans son arrêt du 19 décembre 2006, que la mention " prostituée ", indiquée comme profession dans la base de données informatisée de la police, a été corrigée à juste titre car il n'était pas établi que la requérante se serait effectivement livrée à la prostitution.
33. Au vu de ces éléments, le Gouvernement estime que la requérante ne peut pas se prévaloir de la qualité de victime.
34. La requérante combat les thèses du Gouvernement. Elle estime qu'il ressort clairement du jugement du tribunal d'arrondissement de La Broye et du Nord vaudois du 15 mars 2007 que la requérante est toujours fichée comme prostituée dans les registres informatiques de la police, qui n'hésite pas à transmettre cette information aux autorités judiciaires. Cela découle notamment du passage cité ci-dessus (paragraphe 19).
b. L'appréciation de la Cour
35. La Cour estime utile de clarifier d'emblée que sont en jeu devant elle, d'une part, la question du maintien de la mention " prostituée " comme profession dans la base de données informatisée de la police du canton de Genève et, d'autre part, de celle adjointe aux diverses affaires contenues dans le dossier de police en relation avec les plaintes pénales déposées contre elle. La Cour, n'ayant pas de raison de douter de la version des faits décrite par les instances internes et confirmée par le Gouvernement, part de l'hypothèse que la mention " prostituée " a été supprimée de la base de données informatisée. En revanche, il ressort sans équivoque notamment de l'arrêt du Tribunal fédéral qu'elle n'a pas été biffée du dossier de police. Partant, la Cour estime que la requérante peut se prétendre victime d'une violation de l'article 8 quant à ce dernier aspect.
36. La Cour constate que la requête n'est pas manifestement mal fondée au sens de l'article 35 § 3 de la Convention. Elle relève également qu'elle ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité. Il convient donc de la déclarer recevable.
B. Sur le fond
1. Les thèses des parties
a. La requérante
37. En ce qui concerne l'existence d'une ingérence dans les droits de la requérante, celle-ci soutient que les grands principes régissant la Convention du Conseil de l'Europe pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel, du 28 janvier 1981 (paragraphe 20 ci-dessus), sont la licéité et la loyauté, l'exactitude, la durée de conservation et la sécurité. Selon cet instrument, le principe d'exactitude commanderait une obligation de complétude et de mise à jour des données pendant toute la durée du traitement. Selon la requérante, le système de traitement des données tel qu'il existe en Suisse ne permet manifestement pas de répondre à ces exigences.
38. La requérante estime que la difficulté de contrôler des données ressort déjà des faits pertinents de l'espèce, puisque les tribunaux ayant eu à se prononcer sur des affaires la concernant n'ont pas pu se fier aux seules affirmations des services de police. Par ailleurs, dans le cadre de la présente procédure, aucune pièce n'aurait été produite, qui serait de nature à établir que les données relatives à la profession de la requérante auraient effectivement été modifiées.
39. Ensuite, la requérante prétend que la manière dont les informations la concernant ont été recueillies n'est pas conforme au principe de loyauté, puisqu'il ressort notamment du jugement du tribunal de police de La Broye et du Nord vaudois, du 15 mars 2007, que ce sont uniquement les cartes de visite retrouvées sur elle qui lui ont valu d'être fichée comme prostituée. Or, la requérante affirme n'avoir jamais exercé une telle activité.
40. Par ailleurs, la requérante allègue que le Tribunal fédéral n'a pas vérifié que la modification avait été effectuée, tout en reconnaissant qu'il n'était pas établi qu'elle se serait livrée effectivement à la prostitution. La requérante rappelle que le Tribunal fédéral a estimé que, saisi d'un recours de droit public, il ne lui appartenait pas de vérifier d'office ce qu'il en est effectivement, en procédant à des mesures d'instruction, à la manière d'une autorité d'appel et que, en l'absence d'éléments propres à établir le contraire, il n'y avait aucune raison de mettre en doute les affirmations du chef de la police sur ce point. La requérante estime cependant que le recours de droit public était le seul recours qui lui était ouvert pour faire valoir ses droits constitutionnels et qu'on ne voit pas quelle autre autorité aurait pu statuer sur sa demande.
41. Compte tenu de ce qui précède, et notamment eu égard au fait que le Tribunal fédéral a lui-même reconnu que la conservation de renseignements dans les dossiers de police porte une atteinte au moins virtuelle à la personnalité de l'intéressée, la requérante est convaincue qu'il y a eu ingérence dans sa vie privée.
42. La requérante ne se prononce pas sur les questions de la base légale et des buts légitimes pour justifier cette ingérence. En ce qui concerne la nécessité, dans une société démocratique, de la mesure litigieuse, elle rappelle que les plaintes pénales auxquelles se réfèrent les données figurant dans le dossier de police ont été classées. Dans la mesure où le Gouvernement prétend que ce classement résulte du fait que l'intéressée était introuvable, la requérante estime que cela laisse supposer qu'elle se serait dissimulée, ce qui n'aurait jamais été le cas, la police disposant tant de son adresse que de son numéro de téléphone. Preuve en serait qu'elle a été convoquée pour une autre affaire quelques années plus tard.
43. En tout état de cause, la requérante rappelle que les plaintes déposées par S.M. et H.Y. et celles déposées en octobre 2002 et septembre 2003 ne concernaient pas des faits en relation avec la prostitution. Elle précise que la police n'avait à l'époque que des soupçons qu'elle pourrait se livrer à la prostitution, soupçons qui se sont révélés totalement infondés. Dans ces conditions, si l'on peut admettre que les informations relatives aux faits pour lesquels elle a finalement été condamnée pouvaient légitimement être conservées, celles concernant les soupçons de prostitution n'avaient pas lieu de figurer dans son dossier, à partir du moment où il n'existait plus de doute sur ses activités présumées. Il n'y avait donc aucune utilité à leur conservation.
44. Selon la requérante, la finalité du maintien de la mention " prostituée " dans les rapports de police, et donc de l'ingérence, n'a pas été établie par le Gouvernement. L'effacement de ces mentions apparaît d'autant plus justifié qu'elles semblent être toujours utilisées par la police et transmises aux autorités judiciaires. Par ailleurs, cette information serait également communiquée à des employeurs potentiels à Genève auxquels la requérante a adressé des demandes d'embauche.
45. Compte tenu de ce qui précède, il y aurait eu violation de l'article 8 de la Convention.
b. Le Gouvernement
46. Le Gouvernement estime que la conservation de dossiers de police et d'informations à caractère personnel dans le contexte de procédures pénales peut être désagréable pour tout individu et peut représenter une ingérence dans les droits garantis par l'article 8. Il renvoie toutefois à ses observations ci-dessus concernant le statut de victime de la requérante (paragraphes 30 33 ci-dessus), pour souligner que son allégation selon laquelle elle continuerait à figurer comme " prostituée " dans les fichiers informatiques de la police est sans fondement.
47. En ce qui concerne la conservation de données figurant dans le dossier de police de la requérante en relation avec les plaintes pénales déposées par S.M. et H.Y. et la mention " prostituée " jointe à d'autres affaires contenues dans son dossier de police, le Gouvernement estime que ces points n'ont pas été soulevés devant la Cour, en tout cas explicitement. En tout état de cause, il estime qu'une éventuelle ingérence serait, en l'espèce, justifiée sur le terrain du paragraphe 2 de l'article 8.
48. En ce qui concerne l'existence d'une base légale, le Gouvernement rappelle que selon le paragraphe 2 de l'article premier de la Loi sur les renseignements et les dossiers de police et la délivrance de certificats de bonne vie et murs du 29 septembre 1977 (LDP), les dossiers et fichiers de police peuvent comporter des données personnelles, pour autant que celles ci soient nécessaires à l'exécution desdites tâches, en particulier de répression des infractions ou de prévention des crimes et des délits. Partant, la prétendue ingérence reposait sur une base légale suffisante.
49. Le Gouvernement soutient également que la conservation de données de police poursuivait un but légitime au sens de l'article 8 § 2, soit la défense de l'ordre, la prévention des infractions pénales et la protection des droits d'autrui.
50. S'agissant de la nécessité de l'ingérence alléguée, le Gouvernement estime que le Tribunal fédéral a dûment examiné, en application du principe de proportionnalité, s'il était nécessaire de conserver les données figurant dans le dossier de police de la requérante en relation avec les plaintes pénales déposées contre elle les 8 octobre et 7 novembre 2001 par S.M. et H.Y., qui ont été classées au motif que l'intéressée était introuvable. Le Gouvernement rappelle que le Tribunal fédéral a estimé qu'on ne saurait affirmer que les pièces versées au dossier de police de la requérante auraient perdu tout intérêt pour la prévention et la répression d'infractions en raison du temps écoulé depuis lors. Cela notamment parce que la requérante avait été condamnée le 26 mai 2005 à une peine de vingt jours d'emprisonnement avec sursis pendant cinq ans pour injure et utilisation abusive d'une installation de télécommunication, à la suite de deux plaintes pénales déposées contre elle. Dans les deux cas, les plaignants lui reprochaient, à l'instar de S.M. et H.Y., de les harceler par des appels téléphoniques incessants ou par l'envoi de courriers injurieux. Les autorités suisses auraient ainsi à juste titre retenu que la requérante avait commis, ultérieurement aux infractions dénoncées par S.M. et H.Y., des infractions de même nature. Elles ont souligné que la décision de classement par le parquet n'était pas définitive, et qu'ainsi les données en question étaient susceptibles de s'avérer utiles dans le cadre d'une enquête ultérieure et, partant, susceptibles de faciliter le travail de la police.
51. Le Gouvernement se réfère également à l'arrêt du Tribunal fédéral selon lequel le refus du chef de la police cantonale de supprimer les plaintes déposées contre la requérante par H.Y. et S.M. n'était pas définitif. Par ailleurs, il a retenu que la conservation de renseignements dans le dossier de police ne saurait se prolonger indéfiniment, mais devait s'apprécier au regard de l'utilité potentielle des informations pour la prévention et la répression de crimes et d'infractions (consid. 3.1 et 3.2 de l'arrêt, paragraphe 18 ci-dessus).
52. Le Gouvernement soutient également que, dans le cadre de l'examen de la proportionnalité de la conservation de données personnelles, il faut également prendre en compte le fait que le droit interne contient une série de garanties contre les abus d'utilisation de données conservées par la police. En l'espèce, les dispositions pertinentes se trouveraient dans la LDP. Celles-ci ne font que concrétiser le principe de proportionnalité en rapport avec la protection constitutionnelle de la sphère privée, qui exige qu'une mesure soit propre à atteindre l'objectif poursuivi et porte, dans ce cadre, l'atteinte la moins grave possible à l'administré.
53. Selon les dispositions pertinentes de la LDP, seules peuvent être conservées les données nécessaires à l'accomplissement, par la police, de ses tâches et celle-ci ne peut conserver des renseignements personnels que pour le temps nécessaire à l'accomplissement de ces mêmes tâches et elle a l'obligation de rectifier ou de détruire ceux qui sont inexacts ou inadéquats (article 1 alinéa 2 et 5, et article 1B). Le Gouvernement rappelle que le droit de requérir la rectification et la radiation de données inexactes, qui découle du droit de toute personne d'être protégée contre l'emploi abusif des données qui la concernent (article 13 alinéa 2 de la Constitution) fait l'objet d'une garantie spécifique en droit genevois, soit l'article 3A LDP. En outre, les dossiers et fichiers de police ne sont en aucune manière accessibles au public, mais seulement à des autorités énumérées par la loi, et les personnes ayant accès au dossier de police sont astreintes au secret professionnel.
54. Au vu de ce qui précède, le Gouvernement est d'avis que la conservation des données en question dans le dossier de police ne saurait en aucun cas passer pour disproportionnée.
2. L'appréciation de la Cour
a. L'existence d'une ingérence
55. La mémorisation, par une autorité publique, de données relatives à la vie privée d'un individu peut constituer une ingérence au sens de l'article 8 (Leander c. Suède, 26 mars 1987, § 48, série A n° 116). Peu importe que les informations mémorisées soient ou non utilisées par la suite (Amann c. Suisse, n° 27798/95, § 69, CEDH 2000-II). Toutefois, pour déterminer si les informations à caractère personnel conservées par les autorités font entrer en jeu l'un des aspects de la vie privée, la Cour tiendra dûment compte du contexte particulier dans lequel ces informations ont été recueillies et conservées, de la nature des données consignées, de la manière dont elles sont utilisées et traitées et des résultats qui peuvent en être tirés (voir, mutatis mutandis, Friedl c. Autriche, 31 janvier 1995, série A n° 305 B, avis de la Commission, §§ 49-51).
56. La Cour estime qu'en l'occurrence la mémorisation de données relatives à la vie privée de la requérante, dont fait partie la profession, et leur conservation, constituent une ingérence au sens de l'article 8 de la Convention, car il s'agit d'une donnée à caractère personnel se rapportant à un individu identifié ou identifiable. A cet égard, elle observe que, s'agissant de la profession de la requérante, la mention " prostituée " a été biffée du système informatique de la police et remplacée par " couturière ". Toutefois, il découle des arrêts des instances judiciaires du canton de Genève que la mention litigieuse jointe aux diverses affaires pénales n'a pas été supprimée.
57. Partant, la Cour estime qu'il y a eu ingérence dans les droits de la requérante découlant de l'article 8 de la Convention. Il convient d'examiner par la suite si cette ingérence était justifiée au regard du paragraphe 2 de cette disposition.
b. Justification de l'ingérence
i. Base légale
58. La requérante ne conteste pas qu'il existait une base légale à l'ingérence litigieuse. En tout état de cause, la Cour estime qu'en l'espèce l'ingérence avait une base légale en droit interne, à savoir l'article 1 de la loi cantonale sur les renseignements et les dossiers de police et la délivrance des certificats de bonne vie et murs du 29 septembre 1977, LDP.
ii. But légitime
59. Le Gouvernement soutient que la conservation des données de la requérante avait pour but la défense de l'ordre, la prévention des infractions pénales et la protection des droits d'autrui.
60. La Cour accepte ces motifs pour justifier l'ingérence dans les droits de la requérante. Elle est amenée dès lors à vérifier si l'ingérence était " nécessaire dans une société démocratique ".
iii. Nécessité de l'ingérence
- Les principes généraux
61. La Cour a eu l'occasion d'établir certains principes régissant la conservation d'informations à caractère personnel, en particulier dans l'affaire S. et Marper c. Royaume-Uni [GC], n°s 30562/04 et 30566/04, 4 décembre 2008. Dans cette affaire, les requérants s'étaient plaints, sous l'angle des articles 8 et 14 de la Convention, que les autorités avaient conservé leurs empreintes digitales, échantillons cellulaires et profils génétiques après la conclusion, respectivement par un acquittement et par une décision de classement sans suite, des poursuites pénales menées contre eux.
62. Sans méconnaître la différence des circonstances entourant les deux affaires et des griefs soulevés, la Cour estime que ces principes peuvent la guider dans l'examen de la présente affaire. Dans l'affaire S. et Marper c. Royaume-Uni, précitée, la Cour a affirmé :
" 101. Une ingérence est considérée comme " nécessaire dans une société démocratique " pour atteindre un but légitime si elle répond à un " besoin social impérieux " et, en particulier, si elle est proportionnée au but légitime poursuivi et si les motifs invoqués par les autorités nationales pour la justifier apparaissent " pertinents et suffisants ". S'il appartient aux autorités nationales de juger les premières si toutes ces conditions se trouvent remplies, c'est à la Cour qu'il revient de trancher en définitive la question de la nécessité de l'ingérence au regard des exigences de la Convention (Coster c. Royaume-Uni [GC], n° 24876/94, § 104, 18 janvier 2001, et références citées).
102. Il faut reconnaître à cet égard une certaine marge d'appréciation aux autorités nationales compétentes. L'étendue de cette marge est variable et dépend d'un certain nombre de facteurs, dont la nature du droit en cause garanti par la Convention, son importance pour la personne concernée, la nature de l'ingérence et la finalité de celle ci. Cette marge est d'autant plus restreinte que le droit en cause est important pour garantir à l'individu la jouissance effective des droits fondamentaux ou d'ordre " intime " qui lui sont reconnus (Connors c. Royaume-Uni, n° 66746/01, § 82, 27 mai 2004, et références citées). Lorsqu'un aspect particulièrement important de l'existence ou de l'identité d'un individu se trouve en jeu, la marge laissée à l'Etat est restreinte (Evans c. Royaume-Uni [GC], n° 6339/05, § 77, CEDH 2007 I). En revanche, lorsqu'il n'y a pas de consensus au sein des Etats membres du Conseil de l'Europe, que ce soit sur l'importance relative de l'intérêt en jeu ou sur les meilleurs moyens de le protéger, la marge d'appréciation est plus large (Dickson c. Royaume Uni [GC], n° 44362/04, § 78, CEDH 2007 XIII).
103. La protection des données aÌ caractère personnel joue un rôle fondamental pour l'exercice du droit au respect de la vie privée et familiale consacré par l'article 8 de la Convention. La législation interne doit donc ménager des garanties appropriées pour empêcher toute utilisation de données aÌ caractère personnel qui ne serait pas conforme aux garanties prévues dans cet article (voir, mutatis mutandis, Z c. Finlande, précité, § 95). La nécessité de disposer de telles garanties se fait d'autant plus sentir lorsqu'il s'agit de protéger les données à caractère personnel soumises à un traitement automatique, en particulier lorsque ces données sont utilisées à des fins policières. Le droit interne doit notamment assurer que ces données sont pertinentes et non excessives par rapport aux finalités pour lesquelles elles sont enregistrées, et qu'elles sont conservées sous une forme permettant l'identification des personnes concernées pendant une durée n'excédant pas celle nécessaire aux finalités pour lesquelles elles sont enregistrées (préambule et article 5 de la Convention sur la protection des données et principe 7 de la recommandation R(87)15 du Comité des Ministres visant à réglementer l'utilisation de données à caractère personnel dans le secteur de la police). Le droit interne doit aussi contenir des garanties aptes à protéger efficacement les données à caractère personnel enregistrées contre les usages impropres et abusifs (voir notamment l'article 7 de la Convention sur la protection des données) (...).
104. L'intérêt des personnes concernées et de la collectivité dans son ensemble à voir protéger les données à caractère personnel, et notamment les données relatives aux empreintes digitales et génétiques, peut s'effacer devant l'intérêt légitime que constitue la prévention des infractions pénales (article 9 de la Convention sur la protection des données). Cependant, compte tenu du caractère intrinsèquement privé de ces informations, la Cour se doit de procéder à un examen rigoureux de toute mesure prise par un Etat pour autoriser leur conservation et leur utilisation par les autorités sans le consentement de la personne concernée (voir, mutatis mutandis, Z c. Finlande, précité, § 96). "
b) L'application des principes susmentionnés au cas d'espèce
63. En ce qui concerne la question de savoir si l'ingérence était proportionnée et reflétait un juste équilibre entre les intérêts publics et privés en présence, la Cour estime que l'allégation de la requérante selon laquelle elle figure comme " prostituée " dans les dossiers de la police du canton de Genève depuis 1993 soulève un problème sérieux, car cette inscription s'est étendue sur un laps de temps très long. Partant, cette ingérence dans le droit protégé par l'article 8 ne peut être justifiée que par l'existence de circonstances particulières et par des motifs étayés de manière convaincante.
64. La Cour estime que la mention litigieuse peut nuire à la réputation de la requérante et, comme elle le prétend, rendre plus difficile sa vie quotidienne, étant donné que les informations figurant dans les dossiers de police peuvent être transmises aux autorités. Cela est d'autant plus important de nos jours lorsque, comme en l'espèce, des données à caractère personnel sont soumises à un traitement automatique qui facilite considérablement l'accès à celles-ci et leur diffusion. Compte tenu de ce qui précède, la Cour estime que la requérante avait un intérêt considérable à voir la mention " prostituée " biffée des fichiers et dossiers de police.
65. S'agissant ensuite de l'intérêt public que représentait pour les autorités la conservation de la mention litigieuse dans les dossiers de police, la Cour constate que la requérante a été fichée comme " prostituée " en 1993, sur la base du seul fait qu'ont été trouvées sur elle des cartes de visite lors d'un contrôle de police. Il ressort par ailleurs de l'arrêt du Tribunal fédéral que la mention " prostituée " a, à juste titre, été corrigée dans la base de données informatisées de la police, car il n'était pas " établi que la recourante se serait effectivement livrée à la prostitution " (cons. 4 de l'arrêt, paragraphe 18 ci-dessus).
66. Le Tribunal fédéral a également relevé que la requérante n'avait été que soupçonnée de s'adonner à la prostitution clandestine. Si la Cour admet en principe qu'il peut être conforme au principe de proportionnalité de conserver des données relatives à la vie privée d'une personne au motif que cette dernière pourrait récidiver, elle est d'avis que l'allégation de prostitution clandestine paraît très vague et générale, et n'est aucunement étayée par des faits concrets.
67. S'il est vrai que la requérante a en été condamnée le 26 mai 2005 à une peine de vingt jours d'emprisonnement avec sursis pendant cinq ans pour injure et utilisation abusive d'une installation de télécommunication à la suite de deux plaintes pénales déposées contre elle, la Cour ne considère pas comme suffisamment étroit le lien de causalité entre cette condamnation, légère, et le maintien de la mention litigieuse.
68. La Cour ne sous-estime aucunement l'importance d'une prévention efficace de la criminalité. Toutefois, compte tenu de ce qui précède, et notamment eu égard à l'importance primordiale de la présomption d'innocence dans une société démocratique (voir, dans ce sens, S. et Marper c. Royaume-Uni précité, § 122), elle ne saurait accepter que le maintien de la mention " prostituée " comme profession de la requérante, qui n'a jamais été condamnée pour exercice illicite de la prostitution au sens de l'article 199 du code pénal (paragraphe 23 ci-dessus), puisse passer pour répondre à un " besoin social impérieux " au sens de l'article 8 de la Convention. Ni les autorités internes ni le Gouvernement n'ont par ailleurs allégué que la suppression de la mention litigieuse du dossier de police était impossible ou difficile pour des raisons techniques.
69. En outre, il convient de rappeler que le 15 juillet 2005, le chef de la police du canton de Genève a confirmé que la mention " prostituée " devait être corrigée (paragraphe 13 ci-dessus). Toutefois, le 24 juin 2006, la requérante a appris, lors d'une conversation téléphonique avec un service non indiqué de la même police qu'elle figurait toujours comme " prostituée " (paragraphe 15 ci-dessus). Il ressort également de l'arrêt du tribunal de police de l'arrondissement de La Broye et du Nord vaudois du 15 mars 2007 que, par une lettre du coordinateur suisse du Centre de coopération policière et douanière du 26 juillet 2005, la requérante aurait obtenu la radiation dans les fichiers de cet organisme de certains faits la concernant, " sans toutefois que l'on sache précisément de quels faits il s'agissait " (paragraphe 19 ci dessus).
70. Au vu de ces incertitudes, du comportement contradictoire des autorités, du principe selon lequel il appartient à ces mêmes autorités d'apporter la preuve de l'exactitude d'une donnée (article 3A § 2 LDP, paragraphe 22 ci-dessus), de la marge d'appréciation réduite dont jouissaient les autorités internes en la matière et de la gravité de l'ingérence dans le droit de la requérante, la Cour estime que le maintien de la mention " prostituée " dans le dossier de police pendant des années n'était pas nécessaire dans une société démocratique,
71. Partant, il y a eu violation de l'article 8 de la Convention.
II. SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
72. Aux termes de l'article 41 de la Convention,
" Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. "
A. Dommage
73. La requérante réclame 68 000 euros (EUR) au titre du préjudice moral qu'elle aurait subi, soit 4 000 EUR par an et ce pendant 17 ans. En revanche, elle ne demande aucun montant au titre de préjudice matériel.
74. Le Gouvernement soutient que le constat de la violation de l'article 8 constituerait en soi une satisfaction équitable suffisante pour le tort moral dont la requérante aurait pu souffrir.
75. La Cour considère la demande relative au préjudice moral comme exagérée. Statuant en équité comme le veut l'article 41, elle estime qu'il y a lieu d'octroyer à la requérante 15 000 EUR au titre du préjudice moral, plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt sur ladite somme.
B. Frais et dépens
76. La requérante demande également " le remboursement des frais et honoraires qu'elle a dû acquitter en vue de faire valoir ses droits devant les instances judiciaires helvétiques " (observations de la requérante du 21 avril 2010, p. 9).
77. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l'espèce, la Cour observe que la requérante n'a pas accompagné ses prétentions des justificatifs nécessaires. Il convient donc d'écarter sa demande.
C. Intérêts moratoires
78. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d'intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L'UNANIMITÉ,
1. Déclare la requête recevable ;
2. Dit qu'il y a eu violation de l'article 8 de la Convention ;
3. Dit :
a) que l'Etat défendeur doit verser à la requérante, dans les trois mois à compter du jour où l'arrêt sera devenu définitif conformément à l'article 44 § 2 de la Convention, 15 000 EUR (quinze mille euros), à convertir en francs suisses au taux applicable à la date du règlement, pour dommage moral, plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt ;
b) qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ce montant sera à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
4. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 18 octobre 2011, en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Françoise Elens-Passos, Greffière adjointe
Françoise Tulkens, Présidente