N° 09PA07115
SARL ROCHE
M. BADIE, président
M. Pierre LADREIT DE LACHARRIERE, rapporteur
M. BLANC, rapporteur public
Lecture du 23 septembre 2011
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
La Cour administrative d'appel de Paris
7ème chambre
Vu la requête, enregistrée le 23 décembre 2009, présentée pour la SARL ROCHE, dont le siège social est situé 8, rue de Moscou à Paris (75008), par Me Lacroix ; la SARL ROCHE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0516540 en date du 21 octobre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 1998 et 1999 ;
2°) de lui accorder la décharge sollicitée ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 4 000 euros au tire de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
......................................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 et l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat du 27 janvier 2009 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 septembre 2011 :
- le rapport de M. Ladreit de Lacharrière,
- les conclusions de M. Blanc, rapporteur public ;
- et les observations de Me Lacroix, pour la SARL ROCHE ;
Considérant que la société ROCHE a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des exercices 1998 et 1999 ; qu'à l'issue de ce contrôle, l'administration l'a informée des conséquences financières résultant pour elle des redressements notifiés à la SCI La Charrière, dont elle détient 499 des 500 parts, à raison d'une provision déduite à la clôture de l'exercice 1998 pour faire face à des travaux de grosses réparations sur un immeuble situé rue de Crimée à Paris (75019) que cette dernière société a acquis le 20 février 1998 ; que le service a également réintégré la charge exceptionnelle pour travaux, comptabilisée par la SCI La Charrière au titre de l'exercice 1999 ; que
par un jugement du 21 octobre 2009, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de décharge des impositions résultant de ces redressements ; que la société ROCHE relève appel de ce jugement ;
Sur le bien fondé des impositions :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicables, en vertu des dispositions de l'article 209 du même code, aux bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés : 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant notamment... 5° les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice et figurent au relevé des provisions .. ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provisions et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice, qu'elles se rattachent aux opérations de toute nature déjà effectuées, à cette date, par l'entreprise, et enfin, si la provision tend à permettre ultérieurement la réalisation de travaux d'entretien ou de réparation, que ceux-ci excèdent par leur nature et par leur importance, sans pour autant procurer à l'entreprise une augmentation de ses valeurs d'actif, les travaux d'entretien ou de réparation dont le coût entre dans les charges annuelles normales de l'entreprise ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SCI La Charrière a acquis, par compromis de vente du 20 février 1998, un immeuble situé rue de Crimée à Paris (75019) en vue d'y accueillir une résidence hôtelière ; qu'en avril de la même année, elle a fait réaliser des travaux destinés à la création d'un sous-sol pour un montant de 1 236 600 F ; qu'à la suite d'un arrêté de péril pris par le préfet de police en juin 1998, la SCI La Charrière a déposé une demande de permis de démolir et une demande de permis de construire un nouvel immeuble au mois de novembre 1998 ; que ces autorisations lui ont été accordées en juin 1999 ; qu'ainsi, à la clôture de l'exercice 1998, la SCI La Charrière doit être regardée comme ayant abandonné son projet initial de réparation et de consolidation de l'immeuble existant ; que dès lors, eu égard aux circonstances constatées au 31 décembre 1998, les charges provisionnées n'apparaissaient pas probables ainsi que l'administration l'a indiqué dans la décision du 9 aout 2005 rejetant la réclamation de la SARL ROCHE ; que c'est par suite à bon droit que le service a réintégré la provision constituée en vue de faire face à des travaux de grosses réparations et que la société avait déduite à la clôture de l'exercice 1998 ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts : Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant (...) ; L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés ; qu'il résulte de ces dispositions que la destruction, au cours d'un exercice, d'un bâtiment inscrit à l'actif fait ressortir une perte égale à la valeur comptable résiduelle de ce bâtiment à l'ouverture de l'exercice, hormis le cas où il apparaît que l'acquisition de ce bâtiment a été faite dans le seul but de réaliser, après sa démolition, sur le terrain d'assise, une construction nouvelle, au prix de revient de laquelle la valeur de l'ancien bâtiment doit alors être incorporée ;
Considérant qu'il ressort de l'acte définitif d'acquisition de l'immeuble en cause, en date du 5 mai 1998, que l'immeuble acquis est destiné par l'acquéreur à supporter des travaux qui auront pour effet d'apporter des modifications importantes au gros oeuvre et de réaliser des aménagements intérieurs qui, par leur importance, équivalent à une reconstruction (...) ; qu'ainsi, la SCI La Charrière avait l'intention, dès l'acquisition de l'immeuble en cause, de réaliser des travaux assimilables à une reconstruction ; que cette reconstruction, qui s'est traduite par l'obtention du permis de démolir, et du permis de construire demandé en novembre 1998, était d'ailleurs rendue nécessaire tant par l'état de l'immeuble que par l'intervention d'un arrêté de péril pris par le préfet de police en juin 1998 ; que dès lors, c'est à bon droit que le service a estimé que la charge exceptionnelle, comptabilisée en 1999, correspondant au coût d'acquisition de l'immeuble, et au montant des travaux réalisés en 1998 pour consolider son sous-sol, s'incorporait au prix de revient de la construction nouvelle et ne présentait pas, par suite, un caractère déductible ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société ROCHE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 1998 et 1999 ;
Sur l'application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative:
Considérant que les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser à la société ROCHE une somme, au demeurant non chiffrée, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SARL ROCHE est rejetée.