N° 07MA02113
M. Thierry A
Mme FELMY, président
Mme Elydia FERNANDEZ, rapporteur
M. EMMANUELLI, rapporteur public
Lecture du 11 mai 2010
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
La Cour administrative d'appel de Marseille
4ème chambre
Vu la requête, enregistrée le 11 juin 2007, présentée pour M. Thierry A, demeurant ...), par la SCP Alcade et Associés ;
M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0403380 en date du 6 mars 2007 du Tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il a rejeté partiellement sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 1995, 1996 et 1997 et des pénalités y afférentes ;
2°) de le décharger des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 1995, 1996 et 1997 restant en litige ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 300 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
..........................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative et l'arrêté d'expérimentation du Vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 avril 2010,
- le rapport de Mme Fernandez, rapporteur ;
- les conclusions de M. Emmanuelli, rapporteur public ;
- et les observations de Me Serpentier de la SCP Alcade et Associés pour M. A ;
Considérant, d'une part, que la société civile immobilière Le Moulin des 7 Cans, société civile de construction vente, a fait édifier la résidence de l'Ecu, sise 86 Boulevard de Strasbourg à Montpellier, constituée d'un immeuble de six étages comprenant 76 logements d'une superficie moyenne de 87 m² à l'exception d'un appartement n° 602 de type T5 situé au dernier étage, réalisé avec des spécificités de très haut de gamme, sur réservation d'une personne ayant ensuite renoncé à son achat, et doté d'une terrasse, d'un patio, d'une piscine, d'une plage et d'un cellier ; que cet appartement a été vendu brut de décoffrage le 27 juillet 1995 au prix de 152 449,01 euros (1 000 000 F) toutes taxes comprises, soit 126 408,74 euros (829 187 F) hors taxe à l'un des associés, M. A, également président directeur général de la SA Languedoc aménagement, elle-même gérante et associée majoritaire de la société civile immobilière Le Moulin des 7 Cans ; que cet appartement a ensuite été cédé le 28 août 1996 par M. A à la société civile immobilière Le Moulin des 7 Cans pour le même prix, avant d'ailleurs d'être acquis le 30 octobre 1996 après la livraison définitive intervenue le 30 août 1997, par la société civile immobilière Gest I dont M. A est le dirigeant et possède 99 % des parts, au prix de 274 408,23 euros (1 800 000 F) toutes taxes comprises ; qu'à la suite des vérifications de comptabilité des sociétés civiles immobilières Le Moulin des 7 Cans et Gest I, l'administration a regardé cette dernière vente comme constitutive d'un acte anormal de gestion au motif que le prix était inférieur à la valeur vénale du bien ; que l'avantage occulte en résultant pour la société civile immobilière Gest I a été imposé comme un revenu distribué sur le fondement des dispositions combinées des articles 111 c du code général des impôts et 47 de l'annexe II audit code ; que ces revenus distribués ont été réintégrés aux résultats sociaux de l'année 1997 de la société civile immobilière Gest I et, qu'à la suite d'un contrôle sur pièces du dossier de M. A, cette rectification a affecté la quote-part revenant à M. A imposable dans la catégorie des revenus fonciers ;
Considérant, d'autre part, qu'à la suite de l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle portant sur la période du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1997 dont M. A a fait l'objet, des redressements à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales, dans la catégorie des revenus fonciers au titre des années 1995, 1996 et 1997, dans la catégorie des traitements et salaires au titre de l'année 1995, dans la catégorie des capitaux mobiliers au titre des années 1996 et 1997 et dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée au titre des années 1995, 1996 et 1997 lui ont été notifiés ;
Considérant que M. A a contesté l'ensemble de ces impositions issues de ces redressements devant le Tribunal administratif de Montpellier ; que, par les articles 1er et 2 du jugement en date du 6 mars 2007, le tribunal a admis que M. A avait droit à la décharge du redressement de 25 930,51 euros (170 093 F) notifié au titre de l'année 1996 concernant les revenus d'origine indéterminée au motif que l'administration n'était pas fondée à mettre en oeuvre la procédure de demande d'éclaircissements ou de justifications prévue par les dispositions de l'article L.16 du livre des procédures fiscales et a prononcé la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales correspondant à cette réduction de base d'imposition ; que, par l'article 3 du même jugement, le tribunal a rejeté le surplus des conclusions de M. A ; que ce dernier fait appel de ce jugement en tant qu'il lui est défavorable et le ministre chargé du budget, demande, à titre d'appel incident, l'annulation des articles 1er et 2 du jugement et le rétablissement des impositions au titre de l'année 1996 à la charge du requérant ;
Sur l'appel principal :
En ce qui concerne les impositions au titre des années 1995, 1996 et 1997 résultant de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de M. A :
Considérant que le caractère contradictoire que doit revêtir l'examen de la situation fiscale personnelle d'un contribuable au regard de l'impôt sur le revenu en vertu des articles L.47 à L.50 du livre des procédures fiscales interdit au vérificateur d'adresser la notification de redressement qui, selon l'article L.48, marquera l'achèvement de son examen, sans avoir au préalable engagé un dialogue contradictoire avec le contribuable sur les points qu'il envisage de retenir ; qu'en outre, dans sa version remise à M. A, la Charte des droits et obligations du contribuable vérifié, rendue opposable à l'administration par l'article L.10 du livre des procédures fiscales, exige que le vérificateur ait recherché un tel dialogue avant même d'avoir recours à la procédure contraignante de demande de justifications visée à l'article L.16 du livre des procédures fiscales ; que si la méconnaissance de cette exigence a le caractère d'une irrégularité substantielle portant atteinte aux droits et garanties reconnus par la charte au contribuable vérifié, le caractère oral d'un tel débat n'est pas exigé à peine d'irrégularité de la procédure suivie ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'un avis d'examen contradictoire de l'ensemble de sa situation fiscale personnelle au titre des impositions relatives aux années 1995, 1996 et 1997, a été adressé le 22 mai 1998 à M. A ; que cet avis a été suivi le 24 juin 1998 d'un entretien avec le vérificateur au cours duquel l'intéressé a procédé à la remise de ses comptes bancaires ; qu'après plusieurs propositions de rendez-vous auxquelles ce dernier n'a pas donné suite, un nouvel entretien a eu lieu le 3 septembre 1998 à l'occasion duquel ses relevés bancaires lui ont été restitués ; que l'administration soutient, sans être contredite, que l'intéressé lui a envoyé, sans lettre d'accompagnement, le 7 septembre 1998, à l'issue de ce dernier entretien, des documents justifiant de l'ensemble des crédits provenant de son activité agricole et que ces documents ayant été regardés par la vérificatrice comme n'apportant aucun élément supplémentaire, les crédits de cette activité étant clairement identifiables sur les comptes bancaires analysés précédemment avec M. A, celle-ci n'a pas fait mention de cet envoi, participant du débat contradictoire, dans la demande de justifications du 10 septembre 1998 ; qu'en se bornant à invoquer la circonstance que, dans la notification de redressements, le service vérificateur indique que les crédits justifiés dans la réponse du 17 novembre 1998 n'ont fait l'objet d'aucun redressement, M. A ne peut être regardé comme établissant que les entretiens susmentionnés n'auraient pas permis une discussion sur les discordances relatives à ses crédits bancaires et qu'il n'aurait été informé de celles-ci que par l'envoi, le 19 septembre 1998, de la demande de justifications ;
En ce qui concerne les redressements au titre des revenus fonciers résultant de la rectification des résultats de la société civile immobilière Gest I :
S'agissant des conséquences de l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Marseille en date du 1er décembre 2009 rendu sous le n° 07MA00696 :
Considérant que le rehaussement en matière de revenus fonciers a pour origine la vérification de comptabilité de la société civile immobilière Le Moulin des 7 Cans aux termes de laquelle le service a procédé, d'une part, à l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés de cette société soumise initialement au régime des sociétés de personnes et, d'autre part, à la constatation d'un acte anormal de gestion résultant de la minoration présumée de la valeur vénale de l'appartement 602 lors de sa cession à la société Gest 1 le 30 octobre 1996 ; qu'en conséquence de ces redressements, le service a adressé, d'une part, à la société Gest 1, une notification de redressements en invoquant, sur le fondement de l'article 111 c du code général des impôts, un avantage occulte consenti à celle-ci, regardé comme un revenu distribué et réintégré aux résultats sociaux de l'année 1997 de cette société Gest 1 et, d'autre part, à l'exposant, une notification de redressements afin de rectifier la quote-part du bénéfice de la société civile immobilière Gest 1 revenant à celui-ci et imposable en son nom dans la catégorie des revenus fonciers ; qu'en invoquant l'arrêt en date du 1er décembre 2009, sous le n° 07MA00696, par lequel la Cour a statué sur la demande présentée par la société civile immobilière Le Moulin des 7 Cans tendant à la décharge de l'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre des exercices 1995, 1996 et 1997, M. A soutient que le rehaussement au titre des revenus fonciers qu'il conteste est sans fondement légal dès lors que cet arrêt a estimé que la société civile immobilière Le Moulin des 7 Cans ne relevait pas de l'impôt sur les sociétés, qu'il y avait lieu de la décharger des redressements à l'impôt sur les sociétés qui lui avaient été assignés et que ce faisant, ledit arrêt a remis en cause l'acte anormal de gestion résultant de la vente de l'appartement 602 et que, par suite, les redressements assignés à ce titre à la société civile immobilière Gest 1 comme revenus distribués et ceux y afférents qui lui ont été assignés au titre des revenus fonciers à hauteur de sa quote-part dans cette société doivent être déchargés par voie de conséquence ; que, toutefois, l'arrêt en date du 1er décembre 2009 dont s'agit, lequel au demeurant n'a que l'autorité relative de la chose jugée, s'est borné à relever que la société civile immobilière Le Moulin des 7 Cans répondait aux conditions de l'article 239 ter du code général des impôts et ainsi n'entrait pas dans le champ d'application de l'impôt sur les sociétés pour prononcer la décharge des impositions que cette société contestait et ne s'est pas prononcé sur le bien-fondé du redressement en tant qu'il résultait d'un acte anormal de gestion ;
S'agissant de l'acte anormal de gestion :
Considérant d'autre part, qu'aux termes de l'article 109 du code général des impôts : -1 Sont considérés comme revenus distribués : 1. : tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) ; que le fait pour une société civile immobilière de vendre des biens immobiliers à un prix inférieur à leur valeur vénale constitue un acte étranger à une gestion commerciale normale, sauf s'il est établi qu'en consentant un tel avantage, l'entreprise a agi dans son propre intérêt ; que s'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer que la vente à un tel prix constitue un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que l'auteur de cette prestation n'est pas en mesure de justifier qu'il a bénéficié en retour de contreparties. ;
Considérant que le caractère atypique de l'appartement 602, situé au dernière étage d'un immeuble récemment construit au centre de Montpellier, d'une superficie habitable de 209,81 m², agrémenté d'une terrasse de 121 m², d'une piscine carrelée de 52 m² avec plage et jardin de 83 m² et quatre parkings, la privant de la possibilité d'établir une comparaison avec des biens similaires, l'administration a déterminé la valeur vénale de l'appartement 602 cédé par M. A, par comparaison avec le prix des ventes ayant eu lieu en 1994 et 1995 de treize appartements T3 et T4 dans le même immeuble dont la superficie varie de 60 m² à 86,74 m² ; qu'il ressort de cette étude, que les ventes se sont réalisées sur la base d'un prix moyen du m² habitable de 1 321,73 euros (8 670 F) hors taxe, arrondi à 1 311,06 euros (8 600 F) hors taxe ; que, compte tenu de la superficie habitable de 209 m² de l'appartement litigieux, du prix au m² de 1 311,06 euros (8 600 F) hors taxe et des aménagements somptuaires réalisés sur ce bien pour un montant total de 105 916,85 euros (694 769 F) hors taxe, l'administration a retenu comme prix de vente de celui-ci après finition, la somme de 379 928,71 euros (2 492 169 F) hors taxe au lieu du prix fixé par l'acte de cession ; que si M. A relève que les appartements de comparaison retenus par le service ne sont pas intrinsèquement similaires à l'appartement litigieux et ont une superficie habitable inférieure à celui-ci, notamment pour les sept dont la superficie habitable est inférieure à 70 m², il ne propose aucun appartement de type similaire et ne conteste pas sérieusement que les appartements de type T3, T4 et T5 sur Montpellier se vendent à un prix moyen au m² proche de celui retenu par le service pour le bien litigieux, alors même que celui-ci est situé dans un immeuble récent de grand standing et présente des spécificités et aménagements exceptionnels ; que M. A ne saurait utilement invoquer l'environnement de l'immeuble pour contester le prix retenu par le service dès lors que les éléments de comparaison utilisés par ce dernier sont situés dans le même immeuble ; qu'en tout état de cause, d'une part, les seules pièces produites n'établissent pas l'ensemble de ses allégations relatives à cet environnement à la date de la vente et d'autre part, il n'est pas contesté que sont facilement accessibles à pied, à partir de la résidence l'Ecu, un ensemble d'infrastructures de transport, de loisirs et promenade, de commerce et administratives du centre de Montpellier ; que si M. A invoque la morosité du marché immobilier en 1995 comme élément de dépréciation, il n'en justifie pas ; que si M. A soutient qu'une décote supplémentaire de 15 % devrait être admise du fait que le taux de rentabilité des appartements de comparaison est supérieur à celui de l'appartement litigieux, du fait de la demande dans un quartier où logeraient essentiellement des étudiants, d'une part, il n'assortit son allégation d'aucune précision et d'autre part, il ne justifie pas de ce que M. A aurait cherché, en vain, à vendre l'appartement litigieux à d'autres acheteurs que la société civile immobilière Le Moulin des 7 Cans qui lui avait vendu initialement et avec laquelle il est en lien d'affaires étroit ; que, par suite, M. A ne saurait réclamer la prise en compte, pour une décote supplémentaire de frais de publicité dont il ne justifie pas et de rémunération d'intermédiaires chargés de la vente ; qu'il n'établit pas les honoraires de gestion qu'il invoque ; qu'enfin, si M. A produit le rapport d'un expert immobilier près de la Cour d'appel de Montpellier, l'expertise, non contradictoire, a été réalisée en 2000 pour justifier d'une vente du bien en 1996, retient comme hypothèse de départ le prix moyen au m² de 8 600 F en 1996 retenu par l'administration pour estimer la valeur de l'appartement en 2000 pour y apporter certains correctifs qui ne sauraient être retenus et surtout ne retrace pas le caractère exceptionnel des aménagements intérieurs et extérieurs réalisés sur cet appartement ; que la circonstance que ces aménagements aient été commandés par le réservataire initial qui n'a pas donné suite à son option, ne saurait être utilement invoquée ; que, dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme ayant établi que le prix fixé par les parties dans l'acte de cession est sous-estimé et que la valeur vénale qu'elle a retenue comme prix de substitution n'est pas erronée ;