CIV. 1 CF
COUR DE CASSATION
Audience publique du 25 novembre 2015
Rejet
Mme BATUT, président
Arrêt n 1316 FS P+B Pourvoi n U 14-23.786 RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par
1 / M. Z Z, domicilié Narbonne,
2 / la société Pinet et associés, société civile professionnelle, dont le siège est Narbonne,
contre l'arrêt rendu le 26 juin 2014 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (1 chambre B), dans le litige les opposant 1 / au bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Narbonne, domicilié Narbonne,
2 / à l'ordre des avocats au barreau de Narbonne, dont le siège est Narbonne,
3 / au procureur général près la cour d'appel de Montpellier, domicilié en son parquet général, Montpellier,
4 / au procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence, domicilié en son parquet général, Aix-en-Provence cedex 1,
défendeurs à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 27 octobre 2015, où étaient présents Mme Batut, président, Mme Wallon, conseiller rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, MM. Delmas-Goyon, Girardet, Mmes Verdun, Ladant, Duval-Arnould, M. Truchot, Mme Teiller, conseillers, Mme Canas, M. Vitse, Mmes Barel, Le Gall, Kloda, conseillers référendaires, M. Sudre, avocat général, Mme Laumône, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Wallon, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. Z et de la société Pinet et associés, l'avis de M. Sudre, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 26 juin 2014), rendu sur renvoi après cassation (1 Civ., 22 janvier 2014, pourvoi n 13-10.185), que le conseil de l'ordre des avocats au barreau de Narbonne a, par une délibération du 6 mars 2012, décidé que la prime globale payée par l'ordre au titre de l'assurance responsabilité civile collective des avocats du barreau serait répartie entre tous les avocats inscrits au tableau au 1er janvier de l'année et que les avocats salariés non associés seraient redevables d'une demi-cotisation, dont le coût serait supporté par leur employeur ; que M. Z, avocat associé de la société civile professionnelle Pinet et associés (la SCP), et celle-ci ont formé contre cette décision une réclamation, qui a été rejetée par le conseil de l'ordre le 29 mai 2012 ;
Attendu que la SCP et M. Z font grief à l'arrêt de rejeter leur recours, alors, selon le moyen
1 / que la responsabilité civile de l'avocat membre d'une société d'avocats, collaborateur ou salarié d'un autre avocat, est garantie par
l'assurance de la société dont il est membre ou de l'avocat dont il est le collaborateur ou le salarié ; que l'avocat salarié, à la différence du collaborateur, ne peut avoir aucune clientèle personnelle ; qu'en retenant que la délibération litigieuse avait valablement pu faire supporter une fraction de prime aux avocats salariés pour le financement de l'assurance collective souscrite par le barreau afin d'assurer la responsabilité civile professionnelle des membres du barreau, la cour d'appel a violé l'article 206 du décret n 91-1197 du 27 novembre 1991 et l'article 7, alinéa 4, de la loi n 71-1130 du 31 décembre 1971 ;
2 / que le conseil de l'ordre qui décide de souscrire collectivement, pour le compte de ses membres, une assurance couvrant leur responsabilité professionnelle doit répartir le coût de cette assurance selon des critères respectant les principes d'équité et d'égalité entre avocats ; que la délibération du conseil de l'ordre qui décide de faire supporter à l'employeur de l'avocat salarié une fraction de prime pour les avocats qu'il emploie quand l'avocat employant des collaborateurs non salariés n'aura à supporter aucune prime d'assurance supplémentaire méconnaît le principe d'égalité entre avocats ; qu'en décidant le contraire au motif inopérant que la situation de l'avocat collaborateur salarié et celle de l'avocat collaborateur libéral était différente, la cour d'appel a violé les articles 7 et 27 de la loi n 71-1130 du 31 décembre 1971 ;
Mais attendu que la cour d'appel a exactement énoncé, d'abord, que lorsqu'un barreau décide de souscrire collectivement, pour le compte de ses membres, une assurance couvrant leur responsabilité civile professionnelle, le conseil de l'ordre peut répartir le coût de cette assurance entre l'ensemble de ses membres, quel que soit leur mode d'exercice de la profession, ensuite, que la décision déférée ne fait de distinction ni entre les avocats exerçant à titre libéral, tenus d'acquitter personnellement une cotisation identique, ni entre ceux ayant la qualité de salariés, redevables d'une demi-cotisation payée par le cabinet qui les emploie, et que ce traitement différent est justifié par les situations différentes dans lesquelles ces avocats se trouvent ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Z et la SCP Pinet et associés aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq novembre deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. Z et la société Pinet et associés.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté le recours formé par la SCP Pinet et Me Z contre les décisions des 6 mars et 29 mai 2012 du conseil de l'ordre des avocats au barreau de Narbonne et relatives au mode de répartition de la prime d'assurance responsabilité civile collective entre les avocats du barreau de Narbonne ;
AUX MOTIFS QUE la décision contestée prononcée par délibération du 6 mars 2012 du conseil de l'ordre des avocats au barreau de Narbonne est la suivante " " En application de l'article 27 de la loi du 31 décembre 1971, l'ordre des avocats du barreau de Narbonne a souscrit une assurance responsabilité civile professionnelle pour l'ensemble des confrères inscrits au barreau auprès de la société de Courtage des Barreaux (SCB). La prime est calculée par la société de Courtage des Barreaux en fonction du nombre d'avocats. Pour les avocats ayant moins de deux ans d'ancienneté ou les avocats salariés non associés il est facturé une demi-cotisation. Le Conseil de l'ordre décide que la prime globale payée par l'Ordre au titre de l'assurance responsabilité civile des avocats au barreau de Narbonne est répartie entre tous les avocats inscrits au tableau au 1er janvier de l'année, chacun devant rembourser à l'ordre la fraction de prime le concernant qui a été facturée à l'ordre. La fraction de prime, appelée par l'assureur et payée par le barreau pour les avocats salariés non associés qui décideraient de n'avoir aucune activité personnelle et de n'effectuer les éventuelles missions pour lesquelles ils seraient commis d'office par Monsieur le bâtonnier que sous le couvert de leur employeur, sera supportée par ce dernier ". La décision prononcée par délibération du 29 mai 2012 est un refus du conseil de l'Ordre de modifier sa décision du 6 mars 2012. Me Z et la SCP Pinet ne remettent pas en cause la décision du conseil de l'Ordre de souscrire un contrat collectif d'assurance, ni le choix de l'assureur, ni le contenu du contrat d'assurance, mais seulement le mode de répartition de la prime entre les avocats. Sur le mode de répartition de la prime, Me Z et la SCP Pinet ne contestent pas le principe d'une cotisation par avocat. Ils contestent seulement l'imposition d'une demi-part de cotisation par avocat salarié non associé. Ils font observer que lorsqu'un avocat a un collaborateur salarié il doit payer une demi-part en plus, alors que si ce collaborateur n'est pas salarié, assuré à son compte en tant que collaborateur libéral, il travaille aussi pour le cabinet et aucune cotisation n'est réclamée pour prendre en compte le risque inhérent au travail du collaborateur libéral pour le cabinet. Ils estiment qu'il y a une distorsion qui pénalise l'avocat qui utilise les services d'un collaborateur salarié par rapport à celui qui fait appel à un collaborateur libéral. Lorsqu'un barreau décide de souscrire collectivement, pour le compte de ses membres, une assurance couvrant leur responsabilité civile professionnelle, le conseil de l'ordre peut répartir le coût de cette assurance sur l'ensemble de ses membres quel que soit leur mode d'exercice de la profession, selon des critères respectant les principes d'équité et d'égalité entre avocat ; la décision réitérée du conseil de l'ordre des avocats du barreau de Narbonne ne fait aucune différence entre les avocats ; chaque avocat paie une cotisation identique pour lui-même ; la décision du conseil de l'ordre ne fait aucune différence entre les avocats salariés ; à tout avocat salarié correspond une demi-part ; il est impossible de déterminer, hors analyse cas par cas, la part de travail qu'un avocat collaborateur libéral consacre au cabinet et la part dévolue à sa clientèle personnelle, alors qu'un avocat collaborateur salarié consacre tout son temps de travail au cabinet ; les situations respectives de l'avocat collaborateur libéral et de l'avocat collaborateur salarié ne sont pas comparables ; la décision du conseil de l'ordre de Narbonne est conforme aux principes d'équité et d'égalité entre avocats ;
1) ALORS QUE la responsabilité civile de l'avocat membre d'une société d'avocats, collaborateur ou salarié d'un autre avocat est garantie par l'assurance de la société dont il est membre ou de l'avocat dont il est le collaborateur ou le salarié ; que l'avocat salarié, à la différence du collaborateur, ne peut avoir aucune clientèle personnelle ; qu'en retenant que la délibération litigieuse avait valablement pu faire supporter une fraction de prime aux avocats salariés pour le financement de l'assurance collective souscrite par le barreau afin d'assurer la responsabilité civile professionnelle des membres du barreau, la cour d'appel a violé l'article 206 du décret n 91-1197 du 27 novembre 1991 et l'article 7, alinéa 4, de la loi n 71-1130 du 31 décembre 1971 ;
2) ALORS, en toute hypothèse, QUE le conseil de l'ordre qui décide de souscrire collectivement, pour le compte de ses membres, une assurance couvrant leur responsabilité professionnelle doit répartir le coût de cette assurance selon des critères respectant les principes d'équité et d'égalité entre avocats ; que la délibération du conseil de l'Ordre qui décide de faire supporter à l'employeur de l'avocat salarié une fraction de prime pour les avocats qu'il emploie quand l'avocat employant des collaborateurs non salariés n'aura à supporter aucune prime d'assurance supplémentaire méconnaît le principe d'égalité entre avocats ; qu'en décidant le contraire au motif inopérant que la situation de l'avocat collaborateur salarié et celle de l'avocat collaborateur libéral était différente, la cour d'appel a violé les articles 7 et 27 de la loi n 71-1130 du 31 décembre 1971.