Jurisprudence : CAA Bordeaux, 2e, 06-10-2015, n° 13BX03267

Références

Cour administrative d'appel de Bordeaux

N° 13BX03267
Inédit au recueil Lebon
2ème chambre (formation à 3)
lecture du mardi 06 octobre 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...A...née C...a demandé au tribunal administratif de Saint- Denis la condamnation du centre hospitalier Félix Guyon à lui verser une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'intervention chirurgicale pratiquée sur sa main droite, le 20 juillet 2006 dans cet établissement.

Par jugement n° 1000808 du 12 septembre 2013 le tribunal administratif de Saint- Denis a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête sommaire, enregistrée le 6 décembre 2013, par un mémoire complémentaire, enregistré le 10 janvier 2014 et par un mémoire en réplique, enregistré le 23 décembre 2014, présentés par Me B..., Mme A...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 12 septembre 2013 du tribunal administratif de Saint- Denis ;

2°) de condamner le centre hospitalier Félix Guyon à lui verser les indemnités demandées;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier Félix Guyon la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.


Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 8 septembre 2015 :
- le rapport de M. Bernard Leplat ;
- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public ;


Considérant ce qui suit :

1. MmeA..., qui souffrait de douleurs aux mains en raison d'une arthrose du pouce, a subi le 20 juillet 2006, au centre hospitalier Félix Guyon à Saint-Denis, aux droits et obligations duquel succède le centre hospitalier universitaire (CHU) de la Réunion, une intervention chirurgicale. La trapézectomie pratiquée sur sa main droite n'a toutefois pas été suivie d'une disparition complète des douleurs et l'apparition d'une algodystrophie a été constatée. Imputant celle-ci à une faute médicale, elle a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Saint-Denis d'une demande d'expertise, puis après qu'un expert ait été désigné par ordonnance du 8 janvier 2008 du juge des référés et qu'un autre expert, désigné par la commission régionale d'indemnisation et de conciliation (CRCI), ait déposé son rapport le 6 août 2009, elle a demandé la condamnation du centre hospitalier à l'indemniser des préjudices subis du fait de l'intervention chirurgicale pratiquée dans cet établissement au tribunal administratif de Saint-Denis, qui a mis en cause l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), dès lors qu'était invoqué un aléa thérapeutique. Par jugement du 12 septembre 2013, le tribunal administratif de Saint-Denis a rejeté sa demande ainsi que les conclusions de la caisse générale de sécurité sociale de La Réunion (CGSSR) tendant au remboursement de ses débours. Mme A...relève appel de ce jugement.

Sur la responsabilité du centre hospitalier :

2. Mme A...ne soutient plus, devant la cour, que la complication du syndrome algoneurodystrophique dont elle souffre serait imputable à une erreur médicale résultant du choix de l'intervention qu'elle a subie ou des conditions dans lesquelles cette intervention a été pratiquée. Elle invoque, en revanche, pour contester le jugement attaqué en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier, le manquement des médecins de l'hôpital au devoir d'information du patient.

3. La chirurgie de la main présente des risques connus d'algodystrophie qui doivent être portés à la connaissance du patient. En invoquant la circonstance qu'un délai de réflexion lui permettant de se concerter avec son médecin traitant ou de demander des informations complémentaires avait été laissé à Mme A...avant la réalisation de l'intervention, le CHU de la Réunion n'apporte pas la preuve, dont la charge lui incombe, de ce qu'une information, notamment sur les risques fréquents ou graves normalement prévisibles de l'intervention, avait été donnée à ce patient conformément aux dispositions du premier alinéa de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique.

4. Un manquement des médecins à leur obligation d'information engage la responsabilité de l'hôpital dans la mesure où il a privé le patient d'une chance de se soustraire au risque lié à l'intervention en refusant qu'elle soit pratiquée. C'est seulement dans le cas où l'intervention était impérieusement requise, en sorte que le patient ne disposait d'aucune possibilité raisonnable de refus, que l'existence d'une perte de chance peut être niée.

5. D'une part, Mme A...soutient que l'information qui lui a été dispensée n'aurait pas été sincère. Ainsi que l'ont à bon droit estimé les premiers juges, le chirurgien ne peut pas être regardé comme lui ayant caché les risques de l'intervention du seul fait qu'il a évoqué avec l'intéressée l'éventualité du bénéfice par celle-ci de l'allocation pour adulte handicapé. En admettant que la patiente ait pu penser que l'intervention consisterait en la mise en place d'une prothèse et non en une trapézectomie, cette circonstance serait, dans les circonstances de l'espèce, sans incidence sur l'existence d'une possibilité raisonnable de refus de cette intervention. D'autre part, il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise effectuée en exécution de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Saint-Denis du 8 janvier 2008 ainsi que de celui, déposé le 18 juillet 2009, de l'expert désigné par la CRCI, qu'eu égard à la gravité de l'état initial de la main droite de Mme A...et à la probabilité de l'évolution de cet état, aussi invalidante que l'algodystrophie, il n'existe aucune alternative moins risquée que l'intervention chirurgicale qu'elle a subie ; Ainsi compte tenu tant du caractère impérieux que des bénéfices de l'opération, le défaut d'information n'a pas entraîné, dans les circonstances de l'espèce, de perte de chance pour Mme A...de se soustraire au risque qui s'est réalisé.

6. Indépendamment de la perte d'une chance de refuser l'intervention, le manquement des médecins à leur obligation d'informer le patient des risques courus ouvre pour l'intéressé, lorsque ces risques se réalisent, le droit d'obtenir réparation des troubles qu'il a pu subir du fait qu'il n'a pas pu se préparer à cette éventualité, notamment en prenant certaines dispositions personnelles. Toutefois, Mme A...n'invoque ni un tel préjudice, ni aucun autre préjudice résultant directement de ce manquement, dont il lui aurait appartenu d'établir la réalité et l'ampleur.

7. Il résulte de ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la responsabilité du centre hospitalier Félix Guyon à Saint-Denis n'était pas engagée du fait de l'algoneurodystrophie dont elle est affectée.

Sur l'indemnisation par l'ONIAM :

8. Mme A...soutient que, dès lors que les experts avaient indiqué que l'apparition de la complication du syndrome algoneurodystrophique dont elle souffre présentait le caractère d'un aléa thérapeutique, le tribunal administratif a rejeté sa demande de condamnation de l'ONIAM à l'indemniser au titre de la solidarité nationale du préjudice subi de ce fait, en méconnaissance de dispositions du premier alinéa du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique.

9. La condition d'anormalité du dommage prévue par ces dispositions doit toujours être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement. Lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible.

10. D'une part, ainsi qu'il a été dit précédemment, eu égard à l'état initial des mains de Mme A...et notamment de sa main droite qui devait être traitée la première, à la probabilité de l'évolution de cet état, aussi invalidante que l'algodystrophie, à défaut d'intervention chirurgicale, l'intervention qu'elle a subie n'a pas entraîné de conséquences plus graves que celles auxquelles elle était exposée par sa pathologie en l'absence de traitement. D'autre part, il est constant qu'une algodystrophie constitue un syndrome douloureux régional complexe pouvant survenir après toute intervention chirurgicale sur les articulations, notamment celles de la main. Ainsi, la survenance de ce dommage, qui constitue une complication classique des traitements chirurgicaux de la main, ne peut pas être regardée comme présentant une probabilité faible. Dans ces conditions, les conséquences dommageables qui résultent de l'algodystrophie dont souffre de Mme A...ne peuvent pas être regardées comme anormales au regard de son état de santé initial comme de l'évolution prévisible de celui-ci. Par suite, cette circonstance fait à elle seule obstacle, en vertu du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, à la réparation des préjudices subis par l'intéressé au titre de la solidarité nationale.


11. Il résulte de ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif, qui n'a porté aucune appréciation contradictoire avec celle qu'il a retenue en matière d'obligation d'information quant au caractère anormal du dommage, a rejeté sa demande de condamnation de l'ONIAM à l'indemniser des préjudices subis du fait de son algodystrophie.

Sur l'application de l'article L. 761- du code de justice administrative :

12. Les dispositions de cet article font obstacle à ce que le CHU de la Réunion, qui n'est pas la partie perdante dans la présente espèce, soit condamné à verser à Mme A...une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.



DECIDE
Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...A...néeC..., au centre hospitalier universitaire (CHU) de la Réunion, à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) et à la caisse générale de sécurité sociale de La Réunion (CGSSR).
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