Jurisprudence : Cass. civ. 2, 10-09-2015, n° 14-21.936, F-D, Cassation

Cass. civ. 2, 10-09-2015, n° 14-21.936, F-D, Cassation

A9374NNI

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2015:C201292

Identifiant Legifrance : JURITEXT000031153692

Référence

Cass. civ. 2, 10-09-2015, n° 14-21.936, F-D, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/26071572-cass-civ-2-10092015-n-1421936-fd-cassation
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CIV. 2 CGA
COUR DE CASSATION
Audience publique du 10 septembre 2015
Cassation
Mme FLISE, président
Arrêt no 1292 F-D
Pourvoi no G 14-21.936
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant

Statuant sur le pourvoi formé par la société GMF assurances, société anonyme, dont le siège est Paris,
contre l'arrêt rendu le 25 septembre 2013 par la cour d'appel de Bastia (chambre civile A), dans le litige l'opposant
1o/ à Mme Y Y, domiciliée Bastia,

2o/ à l'Institution de prévoyance du groupe Mornay, dont le siège est Paris,
3o/ à la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Corse, dont le siège est Bastia cedex 9,
4o/ à la société Mutuelle familiale de la Corse, dont le siège est Bastia,
défenderesses à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 24 juin 2015, où étaient présents Mme Flise, président, M. Becuwe, conseiller référendaire rapporteur, Mme Aldigé, conseiller doyen, Mme Genevey, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Becuwe, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de la société GMF assurances, l'avis de M. Lautru, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Y a été victime le 11 octobre 2007 d'un accident de la circulation impliquant un véhicule assuré par la société GMF assurances (l'assureur) ; qu'elle a fait assigner l'assureur en réparation de son préjudice corporel, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Corse, de l'Institution de prévoyance du groupe Mornay et de la Mutuelle familiale de la Corse ;

Sur le premier moyen
Vu les articles 29, 30 et 31 de la loi no 85-677 du 5 juillet 1985, ensemble l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;
Attendu, selon ces textes, que la rente d'invalidité indemnise d'une part les pertes de gains professionnels et les incidences professionnelles de l'incapacité, d'autre part le déficit fonctionnel permanent ; qu'en l'absence de pertes de gains professionnels ou d'incidence professionnelle, cette rente indemnise nécessairement le poste de préjudice personnel du déficit fonctionnel permanent ; qu'en présence de pertes de gains professionnels et d'incidence professionnelle de l'incapacité, le reliquat éventuel de la rente, laquelle indemnise prioritairement ces deux postes de préjudice patrimoniaux, ne peut s'imputer que sur le poste de préjudice personnel extra-patrimonial du déficit fonctionnel permanent, s'il existe ;
Attendu que l'arrêt condamne l'assureur à payer à Mme Y la somme totale de 100 875 euros en réparation du préjudice corporel subi par celle-ci au titre notamment de l'incidence professionnelle et du déficit fonctionnel permanent, sans déduire de cette somme les rentes d'invalidité échues et à échoir ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le second moyen, pris en sa deuxième branche
Vu l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu que la cour d'appel a assorti la somme de 100 875 euros, fixée en réparation du préjudice corporel de la victime, des intérêts au double du taux de l'intérêt légal à compter du 11 juin 2008, date à laquelle l'offre aurait dû être faite par l'assureur, jusqu'à la date de son arrêt ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les conclusions de l'assureur soutenaient que cette sanction n'était pas encourue tandis que celles de Mme Y demandaient à la cour d'appel d'appliquer le doublement du cours des intérêts jusqu'au 18 décembre 2009, date de l'offre de l'assureur, la cour d'appel a modifié l'objet du litige et violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les première et troisième branche du second moyen
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 septembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Condamne Mme Y aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société GMF assurances
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du dix septembre deux mille quinze, signé par Mme ..., président, et par Mme ... ..., greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour la société GMF assurances
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la GMF à payer à Mme Y la somme de 100.875 euros en réparation de son préjudice consécutif à l'accident dont elle a été victime le 11 octobre 2007 ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE " le jugement déféré sera réformé en ce qu'il a condamné la GMF à payer à Mme Y, après imputation des prestations versées par les organismes sociaux, la somme de 209.228,01 euros et Mme Y sera déboutée de sa demande d'indemnisation de la perte de gains futurs " ;
ET QUE " sur l'incidence professionnelle les séquelles de l'accident, notamment la perte d'audition d'une oreille, les céphalées et vertiges épisodiques, les troubles de la mémoire ainsi que la faiblesse du poignet droit interdisant la manutention d'objets lourds, auront nécessairement une incidence professionnelle sous la forme de difficultés de réinsertion, de fatigabilité plus rapide dans l'exercice de l'activité, ou d'absence d'intérêt pour un nouvel emploi ; que compte tenu des éléments médicaux versés aux débat, de l'âge de la victime, de ses qualifications professionnelles, la Cour est en mesure d'apprécier ce poste de préjudice à la somme réclamée de 30.000 euros " ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE " sur le déficit fonctionnel permanent ; que même si Mme Y sollicite une indemnité provisionnelle de 55.200 euros, dès lors qu'il résulte des rapports d'expertise que son état de santé est consolidé, la juridiction peut liquider ce chef de préjudice ; que l'expert retient un déficit auditif majeur droit (13%), des séquelles fonctionnelles modérées par parésie partielle faciale droit (4%), des séquelles d'un traumatisme cranio-facial (4%) et des séquelles d'une fracture articulaire du radius droit (5%) ; qu'il exclut, de même que le docteur ..., expert en ophtalmologie désigné ultérieurement, tout lien de causalité entre l'accident et les troubles oculaires invoqués par Mme Y ; qu'en considération du taux de déficit global de 24%, et de l'âge de Mme Y lorsque la consolidation a été acquise, 25 ans, ce chef de préjudice sera indemnisé à hauteur de 55.000 euros " ;
ALORS QUE la rente invalidité doit être imputée, prioritairement sur l'indemnisation allouée à la victime au titre de sa perte de gains professionnels, puis sur celle qui lui est allouée au titre de l'incidence professionnelle, puis sur celle qui lui est allouée au titre du déficit fonctionnel permanent ; qu'en s'abstenant d'imputer le montant des arrérages échus et à échoir de la rente d'invalidité servie à la victime sur l'incidence professionnelle, puis sur l'indemnité qui lui a été allouée au titre du déficit fonctionnel permanent la Cour d'appel a violé les articles 1382 du Code civil et 1 de la loi du 5 juillet 1985
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que l'indemnité allouée par la Cour d'appel porterait intérêts au double du taux légal entre le 11 juin 2008 et jusqu'au jour du prononcé de l'arrêt ;
AUX MOTIFS QUE " l'article L. 211-9 du Code des assurances dispose que l'assureur doit faire à la victime une offre d'indemnité dans le délai maximum de huit mois. L'offre comprend tous les éléments indemnisables du préjudice. L'offre peut être provisionnelle lorsque l'assureur n'a pas été informé dans les trois mois de l'accident de la consolidation de l'état de la victime. L'offre définitive doit alors être faite dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de cette consolidation.
En l'espèce, l'accident a eu lieu le 11 octobre 2007.
L'assureur a réglé une première provision de 3.000 euros le 3 décembre 2007, qui ne peut être considéré comme une offre provisionnelle au sens de l'article L. 211-9.
L'assureur a été informé de la date de consolidation par le rapport d'expertise du Docteur ... déposé le 4 juillet 2009.
Aux termes de l'article L. 211-9 alinéa 4, le délai le plus favorable à la victime doit s'appliquer. Dès lors, l'assureur avait jusqu'au 11 juin 2008 (huit mois à compter de l'accident) pour déposer, non pas une offre définitive d'indemnisation puisque l'état de la victime n'était pas encore consolidé, mais une offre provisionnelle indemnisation. Force est de constater que l'offre n'est intervenue que le 18 décembre 2009.
Dès lors, conformément à l'article L. 211-9 du Code des assurances, l'indemnité allouée par la Cour à la victime produira intérêts au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai, soit le 11 juin 2008 jusqu'au jour de la décision devenue définitive et non jusqu'à la première offre comme statué par le premier juge.
La décision querellée sera donc confirmée en ce qu'elle a dit que l'indemnité porterait intérêts au double du taux légal à compter du 11 juin 2008 mais elle sera réformée en ce qu'elle a dit que ces intérêts courraient seulement jusqu'au 18 décembre 2009 " ;
1o) ALORS QUE lorsque l'assureur a fait une offre tardive à la victime, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur produit intérêts de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ; qu'en faisant courir les intérêts au double du taux de l'intérêt légal jusqu'au jour du prononcé de l'arrêt après avoir constaté que l'assureur avait formulé une offre " le 18 décembre 2009 " (arrêt p. 9 al. 8), la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 211-9 et L. 211-13 du Code des assurances ;
2o) ALORS QUE la victime demandait à la Cour d'appel de dire que les intérêts au double du taux de l'intérêt légal courront " à compter du 11 juin 2008 jusqu'au 18 décembre 2009 " (conclusions de Mme Y, p. 12, al. 9) ; qu'en faisant dès lors courir les intérêts au double du taux de l'intérêt légal jusqu'à une date ultérieure, la Cour d'appel a dénaturé les termes du litige et a violé l'article 4 du Code de procédure civile ;
3o) ALORS QUE lorsque l'assureur a fait une offre tardive à la victime, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur produit intérêts de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ; qu'en faisant courir les intérêts au double du taux de l'intérêt légal sur le montant de l'indemnité allouée par elle, après avoir constaté que l'assureur avait formulé une offre " le 18 décembre 2009 " (arrêt p. 9 al. 8), la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 211-9 et L. 211-13 du Code des assurances.

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