Jurisprudence : CA Paris, 5, 6, 03-09-2015, n° 12/14590, Confirmation

CA Paris, 5, 6, 03-09-2015, n° 12/14590, Confirmation

A3843NNN

Référence

CA Paris, 5, 6, 03-09-2015, n° 12/14590, Confirmation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/26024779-ca-paris-5-6-03092015-n-1214590-confirmation
Copier

Abstract

Le jugement de curatelle renforcée ne faisant l'objet d'aucune mesure de publicité, il appartient au curateur désigné, qui exerce un mandat de gestion sous le contrôle du juge, d'exécuter le jugement et de mettre en place la mesure en effectuant les diligences nécessaires pour bloquer les comptes de la personne protégée, récupérer ses moyens de paiement et de payer ses dépenses.



Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 6
ARRÊT DU 03 SEPTEMBRE 2015
(n°, 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général 14/08353
Décision déférée à la Cour Jugement du 19 Février 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/14590

APPELANTES
Madame Brigitte Z Z
Née le ..... à ALGER (ALGÉRIE)
Résidence Blériot

MARIGNANE
Représentée par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque B0753
Ayant pour avocat plaidant Me Laurent HIETTER de la SCP AUXIS AVOCATS, avocat au barreau de LILLE
Madame Aurélie Z
Née le ..... à MARIGNANE

MEYRARGUES
Représentée par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque B0753
Ayant pour avocat plaidant Me Laurent HIETTER de la SCP AUXIS AVOCATS, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉE
SA CRÉDIT LYONNAIS
RCS 954 509 741
Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
LYON
Représentée et ayant pour avocat plaidant à l'audience Me Gachucha COURREGE de la SCP MOLAS LEGER CUSIN & ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, toque P0159

COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Mai 2015, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Caroline FEVRE, Conseillère, et Muriel GONAND, Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de
Madame Marie-Paule MORACCHINI, Présidente de Chambre
Madame Caroline FEVRE, Conseillère
Madame Muriel GONAND, Conseillère
Un rapport a été présenté à l audience dans les conditions de l article 785 du Code de Procédure Civile.
Greffier, lors des débats Madame Marie GIRAUD
ARRÊT
- Contradictoire,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Paule MORACCHINI, Présidente et par Madame Corinne de SAINTE MAREVILLE, greffier présent lors du prononcé.

****************
Madame Brigitte X -Z est titulaire d'un compte courant et d'un compte de titres ouverts dans les livres du Crédit Lyonnais.
Par jugement en date du 26 février 2003, le juge des tutelles du tribunal d'Aix en Provence a placé Madame Brigitte X sous le régime de la curatelle renforcée et a désigné Madame Aurélie Z, sa fille, en qualité de curateur.
Par jugement du 16 mars 2005, le juge des tutelles a déchargé Madame Aurélie Z de ses fonctions compte tenu de son déménagement en Guyane et a désigné l'UDAF 13 en qualité de nouveau curateur.
Sur requête de Madame Brigitte X, le juge des tutelles a levé la mesure de protection par jugement du 27 juillet 2005.
Entre le 23 janvier 2003 et le 2 janvier 2005, diverses opérations de débit ont été effectuées sur les compte de Madame Brigitte X pour un montant total de 54.346,88 euros.
A la suite de plusieurs courriers de réclamation restés infructueux, Madame Brigitte X et Madame Aurélie Z ont fait assigner le Crédit Lyonnais sur le fondement de l'article 1147 du code civil par acte d'huissier en date du 9 octobre 2012.

Par jugement du 19 février 2014, le tribunal de grande instance de Paris a débouté Madame Brigitte X et Madame Aurélie Z de leurs demandes, les a condamnées à payer au Crédit Lyonnais la somme de 1.000,00 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.
La déclaration d'appel de Madame Brigitte X et Madame Aurélie Z a été remise au greffe de la cour le 14 avril 2014.

Dans leurs dernières conclusions, au sens de l'article 954 du code de procédure civile, signifiées le 18 mai 2015, Madame Brigitte X et Madame Aurélie Z demandent de
- débouter le Crédit Lyonnais de l'ensemble de ses demandes,
- dire que le Crédit Lyonnais est responsable de manquements caractérisés dans la tenue des comptes de Madame Brigitte X,
- condamner le Crédit Lyonnais à lui payer la somme de 54.346,88 euros majorée des intérêts depuis le mois de janvier 2005 jusqu'au 30 septembre 2012, soit une somme totale de 71.185,49 euros intérêts compris,
- condamner le Crédit Lyonnais au paiement de la somme de 30.000,00 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,
- condamner le Crédit Lyonnais au paiement de la somme de 3.500,00 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.
Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du code de procédure civile, signifiées le 6 mai 2015, le Crédit Lyonnais demande de débouter les appelantes de toutes leurs demandes, confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et, y ajoutant, de condamner les appelantes à lui payer la somme de 2.500,00 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 19 mai 2015.

CELA ÉTANT
LA COUR
Considérant que Madame Brigitte X et Madame Aurélie Z soutiennent que l'établissement bancaire a été informé du placement sous curatelle renforcée de Madame ... par sa fille en sa qualité de curatrice dès l'origine, ce qui est attesté par Madame Maud ..., leur mère et grand-mère ; que la personne protégée ne peut plus recevoir ou disposer de ses capitaux sans l'assistance de sa curatrice et que la banque a commis une faute en laissant sa cliente disposer à sa guise de ses avoirs sans en informer sa curatrice, ni obtenir son accord ; qu'elles soulignent que, par un courrier du 23 septembre 2004, que la banque ne conteste pas avoir reçu, Madame Aurélie Z lui a expressément demandé de l'aviser de tout retrait effectué sur les comptes de sa mère et que toute demande de retrait soit confirmé par un écrit de sa part et que, malgré tout, la banque a continué à laisser sa cliente gérer seule ses comptes et dilapider ses biens ; que d'ailleurs le juge des tutelles a demandé des explications à la banque par un courrier du 16 mars 2005 qui n'a jamais répondu et n'a pas contesté les termes de ce courrier lui reprochant de laisser faire des retraits en dépit de la mesure de protection ; que la banque a accepté un arrangement amiable reconnaissant ainsi sa responsabilité sans équivoque par un courrier du 14 décembre 2010 ; que, compte tenu du jeune âge de la curatrice, elle ne pouvait pas avoir d'ascendant, ni d'autorité sur sa mère et que la banque aurait dû bloquer les comptes dès qu'elle a su que sa cliente était placée sous mesure de protection et, au besoin, demander le jugement si elle avait des interrogations sur le régime appliqué ; qu'elles ajoutent que la banque est incapable de justifier des ordres écrits de vente de titres de Madame ... et d'en avoir informé par écrit sa curatrice, ce qui confirme sa négligence professionnelle ; que le préjudice subi est égal à la perte de valeur du compte de titres par les cessions opérées d'un montant de 54.346,88 euros majorée des intérêts au taux de 4 % d'un montant de 16.838,61 euros, outre un préjudice consécutif à la résistance abusive de la banque fautive ;
Considérant que le Crédit Lyonnais réplique qu'il n'a eu connaissance de la mesure de protection concernant Madame ... que par un écrit de sa fille du 23 septembre 2004, lui demandant de l'aviser de tout retrait sur le portefeuille de sa mère, sans indiquer qu'il s'agissait d'une curatelle renforcée et sans joindre le jugement ; que manifestement Madame Aurélie Z n'avait pas compris son rôle en tant que curatrice de sa mère puisqu'elle a demandé au juge des tutelles, par courrier du 24 novembre 2004, ce qu'elle devait faire vis à vis de sa mère qui n'écoutait pas ses conseils; que c'est le courrier du 16 mars 2005 du juge des tutelles qui l'informera de l'existence d'une curatelle renforcée ; qu'il prétend que c'est la curatrice de la personne protégée qui n'a pas assumé ses obligations et n'a pas bloqué les comptes de sa mère, la laissant les gérer sans intervenir; qu'il n'avait pas à procéder à des investigations sur les pouvoirs de la curatrice qui n'en a revendiqué aucun ; qu'il conteste l'attestation rédigée par la mère et la grand-mère des appelantes pour les besoins de la cause, laquelle comporte une erreur sur la date de la venue dans les locaux de la banque qui ne peut être septembre 2001 ; que, même s'il ne peut pas produire les ordres écrits de vente des titres et les courriels adressés à Madame Z résidant en Guyane l'informant des retraits sur le compte de titres remontant à plus de dix ans au jour de la demande des justifications pour la première fois en appel, Madame ... a profité du produit de ventes viré sur son compte qu'il servait à alimenter et Madame Z a établi ses compte-rendus de gestion au juge des tutelles laissant supposer qu'elle avait les informations utiles et qu'il n'y a eu aucune contestation de sa gestion pendant son mandat ; qu'il conteste l'existence d'un préjudice généré par la vente des titres qui a profité à Madame ... qui a utilisé leur produits pour ses dépenses personnelles ;
Considérant qu'en vertu du jugement du 25 février 2003, Madame ...- Z a été placée sous le régime de protection de la curatelle renforcée donnant pouvoir au curateur désigné de percevoir seul les revenus de la personne protégée, d'assumer lui-même à l'égard des tiers le règlement des dépenses et de verser l'excédent sur un compte, s'il y a lieu, ouvert chez un dépositaire agréé avec l'obligation de rendre compte de sa gestion le 31 janvier de chaque année en application de l'article 512 du code civil et d'établir un inventaire des biens appartenant à la personne protégée dans les 10 jours de la notification de la décision ; que c'est Madame Aurélie Z, fille de la majeure protégée, qui a été désignée en qualité de curatrice ;
Considérant que le jugement précité ne fait l'objet d'aucune mesure de publicité et qu'il appartient au curateur désigné, qui exerce un mandat de gestion sous le contrôle du juge, d'exécuter le jugement et de mettre en place la mesure en effectuant les diligences nécessaires pour bloquer les comptes de la personne protégée, récupérer ses moyens de paiement et de payer ses dépenses ; qu'il est donc nécessaire qu'elle informe la banque de la mesure de protection et des pouvoirs qui lui sont conférés ;
Considérant qu'il n'est justifié par aucune des pièces produites que Madame Aurélie Z, en sa qualité de curatrice de sa mère, a effectué une quelconque diligence pour exécuter le jugement du 25 février 2003 et gérer ses comptes à sa place ;
Considérant que l'attestation établie le 4 mai 2015 par Madame Maud ..., qui est la mère et la grand-mère des appelantes, est sans force probante compte tenu du lien de parenté l'unissant à celles-ci et de l'imprécision sur la date de sa rencontre avec le conseiller de gestion privée de sa fille, en présence de sa petite-fille, qui ne peut être 'avant septembre 2001' comme elle l'indique ;
Considérant qu'il n'est rapporté aucune preuve d'une information délivrée à la banque avant l'écrit visé par le Crédit Lyonnais le 23 septembre 2004 ainsi rédigé par la curatrice sur un papier à en tête du tribunal d'instance d'Aix en Provence - Majeur protégé
'Je, soussignée Aurélie Z, curatrice de Mme ZX Brigitte, demande de bien vouloir m'aviser avant toute demande de retrait du portefeuille sous mandat de ma mère n°2831/7807 D. Je vous demande que toute opération de retrait me soit confirmée par écrit.'
Que ce document ne précise pas que la majeure protégée est sous curatelle renforcée et que la banque ne peut pas le suspecter, dès lors que le jugement n'est pas joint à la demande qui a pour seul objet de solliciter de la banque l'information de la curatrice sur les retraits du compte de titres sous mandat de gestion privée de la banque réalisée par Madame Brigitte X et ce par écrit ;
Considérant que le contenu de ce document est insuffisant pour avoir porté à la connaissance du Crédit Lyonnais l'existence de la curatelle renforcée concernant sa cliente et qu'il n'avait pas à demander le jugement pour vérifier les pouvoirs conférés à la curatrice dont il n'est pas l'organe de contrôle ; qu'il n'est pas responsable de la carence de la personne curatrice dans l'exécution de son mandat ;
Considérant que le courrier adressé par Madame Aurélie Z au juge des tutelles en date du 24 novembre 2004 à l'occasion de son compte-rendu de gestion démontre qu'elle a constaté l'existence des dépenses importantes de sa mère et des virements faits de son compte de titres vers son compte courant pour y faire face ; qu'elle y déclare qu'elle n'a aucune influence sur sa mère et que la curatelle ne sert à rien, qu'elle n'a eu aucune possibilité d'action sur les virements et qu'elle souhaite savoir quels sont ses droits et devoirs en tant que curatrice ; qu'elle vit mal le fait que sa mère dilapide son argent et n'écoute personne ; que les explications de la banque qu'elle relate confirme que l'établissement financier a compris qu'il s'agissait d'une curatelle simple ; qu'elle demandera à être déchargée de sa fonction le 8 mars 2005 à la suite de son déménagement en Guyane compte tenu de l'éloignement géographique et d'un fardeau trop lourd ;
Considérant qu'il est établi que, dès sa nomination, l'UDAF 13 a notifié au Crédit Lyonnais l'ordonnance la désignant du 16 mars 2005 et a demandé à la banque de bloquer tous les comptes de la majeure protégée et de lui adresser un état des comptes ; que Madame ... a rapidement demandé la mainlevée de la mesure de protection qui sera levée le 27 juillet 2005 ;
Considérant qu'aucun des courriers adressés par la banque en réponse à ceux des appelantes ou de leur conseil ne comporte une quelconque reconnaissance de responsabilité ; que le fait d'accepter un arrangement amiable qui n'aboutira jamais ne vaut pas reconnaissance du droit de la partie adverse ;
Considérant que l'absence de réponse du Crédit Lyonnais au courrier du juge des tutelles du 16 mars 2005 qui lui demande des explications sur les retraits effectués par Madame ..., sans l'assistance de sa curatrice, fondée sur les déclarations de cette dernière au juge des tutelles lui ayant indiqué qu'elle avait avisé la banque du jugement plaçant l'intéressée sous curatelle renforcée, ce qui est inexact, ne prouve rien et notamment pas que la banque a reconnu sa faute ;
Considérant que les appelantes ne peuvent pas reprocher tardivement au Crédit Lyonnais d'être incapable de justifier des ordres écrits de vente de titres par Madame ... pour la période incriminée et de l'information de sa curatrice de ces opérations remontant à plus de dix ans, alors que la curatrice a dû rendre compte de la gestion des comptes au juge des tutelles laissant présumer qu'elle a eu connaissance des mouvements réalisés sur le compte de titres et qu'elle ne justifie d'aucune contestation lors de la reddition des comptes, que le produit des ventes de titres a été viré sur le compte courant de Madame ... pour répondre à ses dépenses et lui éviter d'être à découvert de sorte qu'elle ne peut nier avoir donné les ordres exécutés par la banque ;
Considérant qu'il n'y a pas de faute de la banque dans la tenue des comptes de sa cliente alors qu'elle ignorait qu'elle faisait l'objet d'une curatelle renforcée qui n'a jamais été mise en place par sa fille qui était sa curatrice et l'a laissée disposer son argent, comme elle le voulait, pour payer ses dépenses ;
Considérant qu'il n'y a pas de résistance abusive de la banque ; que les appelantes sont mal fondées en leur demande en dommages-intérêts de ce chef ;
Considérant que Madame Brigitte X et Madame Aurélie Z sont mal fondées en leur appel et en toutes leurs demandes ; que le jugement déféré sera confirmé ;
Considérant qu'il est inéquitable de laisser à la charge de la partie intimée le montant de ses frais irrépétibles d'appel ; qu'il convient de condamner les appelantes à lui payer la somme de 2.000,00 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Considérant que Madame Brigitte X et Madame Aurélie Z, qui succombent, supporteront les dépens d'appel ;

PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne solidairement Madame Brigitte X et Madame Aurélie Z à payer au Crédit Lyonnais la somme de 2.000,00 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
Rejette toutes autres demandes,
Condamne solidairement Madame Brigitte X et Madame Aurélie Z aux dépens d'appel avec distraction au profit de l'avocat concerné dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Agir sur cette sélection :

Cookies juridiques

Considérant en premier lieu que le site requiert le consentement de l'utilisateur pour l'usage des cookies; Considérant en second lieu qu'une navigation sans cookies, c'est comme naviguer sans boussole; Considérant enfin que lesdits cookies n'ont d'autre utilité que l'optimisation de votre expérience en ligne; Par ces motifs, la Cour vous invite à les autoriser pour votre propre confort en ligne.

En savoir plus