TRIBUNAL
DE GRANDE
INSTANCE
DE PARIS
.
9ème chambre
2ème section
N° RG 15/03450
N° MINUTE
Assignation du
04 Novembre 2014
JUGEMENT
rendu le 19 Mai 2015
DEMANDEUR À LA QUESTION PRIORITAIRE
Monsieur Jacques Z
TRETS
représenté par Maître David TRUCHE de la SELARL ARST AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #C0739
DÉFENDEUR
Monsieur Y Y Y Y Y Y Y du
Nord
LILLE CEDEX
représenté par Maître Pierre CHAIGNE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0278
Parquet du Tribunal de grande instance de Paris Section AC-1
Expéditions
exécutoires
délivrées le
J9/05-109.7.4
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Par application de l'article L 267 du livre des procédures fiscales, l'affaire a été attribuée au juge unique.
Dominique MOUTHON-VIDILLES, Vice-Présidente, statuant en juge unique
assistée de Marie-Claire BOUGEROL, faisant fonction de greffier lors des débats et de Séria BEN ZINA, Greffier, lors de la mise à disposition
DÉBATS
A l'audience du 5 Mai 2015 tenue en audience publique, avis a été donné aux conseils des parties que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe.
JUGEMENT
Rendu publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
susceptible du seul recours prévu par l' article 126-7 du code de
procédure civile
*****************
Vu l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel et suivants ;
Vu les articles 126-1 et suivants du code de procédure civile ;
Vu les dernières conclusions distinctes et motivées, signifiées par voie de dématérialisation le 13 février 2015, par le conseil de M. Jacques Z, aux fins de transmission à la Cour de cassation, de deux questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les dernières conclusions sur question prioritaire de constitutionnalité signifiées par voie de dématérialisation le 10 mars 2015 par M. Le Comptable Y Y de recouvrement spécialisé du nord, qui demande au tribunal de déclarer la QPC irrecevable et, à titre subsidiaire, de ne pas la transmettre à la Cour de cassation ;
Vu les observations écrites du Ministère public signifiées par voie de dématérialisation le 13 avril 2015, concluant à la non-transmission de la question soulevée, auxquelles les parties qui les ont reçues, ont été mises en mesure de répondre ;
Vu la procédure au fond, enrôlée sous le numéro de RG 14/13474, initiée par M. Le Comptable Y Y de recouvrement spécialisé du nord à l'encontre de M. Jacques Z sur le fondement de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales par exploit du 17 septembre 2014 ;
L'article 61-1 de la Constitution dispose que lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé.
Aux termes de l'article 23-1 de l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, devant les juridictions relevant du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation, le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé.
Aux termes de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, article créé par l'article 1er de la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 " La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies
1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ;
2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances ;
3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux (...)." ;
SUR CE
QUESTION N°1
La question n°1 posée est rédigée dans les termes suivants
L'article 267 du Livre des procédures fiscales, permettant à l'administration fiscale d'engager une procédure tendant à voir condamner solidairement le dirigeant d'une société à supporter l'imposition due par la personne morale s'il n'est pas déjà tenu au paiement des dettes sociales en application d'une autre disposition sont-elles conformes au principe constitutionnel d'égalité en ce qu'elles introduisent une différence de traitement entre les créanciers d'une personne morale faisant l'objet d'une procédure collective dans la mesure où, à la différence des autres créanciers, l'administration fiscale dispose, avant la clôture de la procédure collective, d'une voie de droit destinée à lui offrir une garantie complémentaire de recouvrement de sa créance ?
sur la recevabilité du moyen tiré de l'atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution
Le moyen tiré de l' atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution a été présenté dans un écrit distinct des conclusions, et motivé. Il est donc recevable en la forme.
sur les conditions de la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation
Comme les parties s'accordent à le reconnaître, d'une part, l'article L 267 du livre des procédures fiscales est applicable à la présente action dont il constitue le fondement et d'autre part, ces dispositions n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
Toutefois, en ce qu'elle invoque la méconnaissance de principes et règles dont le Conseil constitutionnel fait régulièrement application, la question posée n'est pas nouvelle et en outre, elle est dépourvue de caractère sérieux dans la mesure où
- le conseil constitutionnel rappelle régulièrement que "le principe d'égalité ne s 'oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que dans 1 'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit rapport direct avec la loi qui l'établit."
- il est constant que les dispositions de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales, qui ont pour but, sous le contrôle du juge judiciaire, d'apprécier la responsabilité d'un dirigeant de société, solidairement avec cette dernière, au titre de manquements aux obligations fiscales leur incombant, répondent à l'objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude,
- la mise en oeuvre de ces dispositions s'exerce sur le patrimoine du dirigeant social de sorte qu'elles ne constituent aucunement "une garantie complémentaire de recouvrement" sur le patrimoine de la société dont bénéficierait l'administration fiscale par rapport aux autres créanciers de la procédure collective.
Il n'y a donc pas lieu de transmettre à la Cour de cassation cette question prioritaire de constitutionnalité.
QUESTION N°2
La question n°2 posée est rédigée dans les termes suivants
L'article L 267 du Livre des procédures fiscales est-il conforme aux dispositions combinées de l'article 16 de Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 garantissant le droit à un recours effectif et à celles de l'article 34 de la Constitution définissant le domaine de la loi en ce qu'il ne prévoit pas, non plus qu'aucune disposition légale, la faculté pour le dirigeant de contester le bien fondé ou la régularité de l'établissement des créances fiscales au paiement solidaire desquelles il peut être condamné ?
sur la recevabilité du moyen tiré de l'atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution
Le moyen tiré de l'atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution a été présenté dans un écrit distinct des conclusions, et motivé. Il est donc recevable en la forme.
sur les conditions de la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation
Les parties s'accordent à reconnaître que l'article L 267 du livre des procédures fiscales est applicable à la présente action dont il constitue le fondement et que ces dispositions n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
Toutefois, la question est dépourvue de caractère sérieux en ce que l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 garantit le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif, que par suite, les dirigeants de fait ou de droit tenus solidairement, en vertu d'une décision de justice, au paiement de l'impôt et des pénalités dus par la société, doivent pouvoir en contester le bien fondé et qu'il ressort des dispositions du livre des procédures fiscales telles qu'elles sont appliquées par les juridictions compétentes que ces voies de recours leur sont offertes de sorte que la disposition contestée ne porte pas atteinte à la garantie des droits requise par l'article 16 susvisé.
Il n'y a donc pas lieu de transmettre à la Cour de cassation cette question prioritaire de constitutionnalité.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe, susceptible du seul recours prévu par l'article 126-7 du code de procédure civile
- REJETTE la demande de transmission à la Cour de cassation des deux questions prioritaires de constitutionnalité ;
- DIT que les parties et le ministère public seront avisés par tout moyen de la présente décision ;
- DIT que l'affaire au fond portant le n°14/13474 sera rappelée à l'audience de plaidoirie du Mardi 08 SEPTEMBRE 2015 à 10 H00, en salle d'audience de la 7' chambre ;
- CONDAMNE M. Jacques Z aux dépens du présent incident.
Fait et jugé à Paris le 19 Mai 2015 Le Greffier
71à.v'- cia)1/4)1/4J? Le Président