Jurisprudence : CE 9/10 SSR, 27-05-2015, n° 382162, publié au recueil Lebon

CE 9/10 SSR, 27-05-2015, n° 382162, publié au recueil Lebon

A7522NIG

Identifiant européen : ECLI:FR:CESSR:2015:382162.20150527

Identifiant Legifrance : CETATEXT000030642955

Référence

CE 9/10 SSR, 27-05-2015, n° 382162, publié au recueil Lebon. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/24614745-ce-910-ssr-27052015-n-382162-publie-au-recueil-lebon
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Abstract

Commettre des irrégularités en inscrivant illégalement des électeurs sur une liste électorale entraîne l'annulation du scrutin en raison du faible nombre de voix d'écart entre les listes arrivées en tête. En cas de manoeuvres frauduleuses commises par un candidat ayant eu pour effet d'altérer la sincérité du scrutin, le juge ne peut prononcer l'inéligibilité du candidat fautif que si le caractère intentionnel est établi.



CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

382162

ELECTIONS MUNICIPALES DE CRISOLLES (Oise)

Mme Isabelle Lemesle, Rapporteur
Mme Aurélie Bretonneau, Rapporteur public

Séance du 11 mai 2015

Lecture du 27 mai 2015

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 10ème et 9ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 10ème sous-section de la Section du contentieux


Vu la procédure suivante :

M. E.B.et Mme A.Lalanne-Kesteman ont respectivement demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler le second tour de scrutin et l'ensemble des opérations électorales qui se sont déroulées les 23 et 30 mars 2014 en vue de la désignation des conseillers municipaux de la commune de Crisolles (Oise).

Par un jugement n°s 1401124 et 1401164 du 27 mai 2014, le tribunal administratif d'Amiens a annulé ces opérations électorales et prononcé un non-lieu sur la protestation de Mme Lalanne-Kesteman.

Par une requête, un mémoire en réplique et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 3 juillet, 23 septembre, 28 octobre et 28 novembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C.D.demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter les protestations de M. B.et de Mme Lalanne-Kesteman ;

3°) de prononcer une peine d'inéligibilité d'un an à l'encontre de Mme Lalanne-Kesteman.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Isabelle Lemesle, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;





1. Considérant qu'à la suite des opérations électorales qui se sont déroulées les 23 et 30 mars 2014 en vue de la désignation des conseillers municipaux dans la commune de Crisolles (Oise), la liste " Ensemble réanimons Crisolles ", conduite par M. C.D., a remporté 12 sièges, avec 235 voix et la liste " Réussir Crisolles ensemble ", conduite par Mme A. Lalanne-Kesteman, 3 sièges, avec 234 voix, tandis que la liste " Crisolles pour l'avenir ", conduite par M. E.B., n'a obtenu aucun siège avec 58 voix ; que, par le jugement dont M. D.fait appel, le tribunal administratif d'Amiens a annulé ces élections ;

Sur les opérations électorales :

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que cinq électeurs, qui avaient été radiés de la liste électorale close le 28 février 2014, l'un à la suite d'une décision de justice et les quatre autres en raison d'un changement de domicile, ont été portés sur cette liste la veille du premier tour de scrutin par Mme Lalanne-Kesteman, présidente du bureau de vote unique, sans qu'une décision judiciaire n'ait ordonné leur inscription ; qu'il appartient au juge de l'élection d'apprécier si cette irrégularité a pu altérer la sincérité du scrutin ;

3. Considérant que quatre de ces cinq électeurs ont participé aux opérations électorales, tant au premier qu'au second tour du scrutin ; que leurs suffrages étaient, compte tenu de ce qui vient d'être dit, irréguliers ; que, eu égard au fait qu'une seule voix sépare au second tour la liste conduite par M. D.de la liste conduite par Mme Lalanne-Kesteman, cette irrégularité a été susceptible d'altérer la sincérité du scrutin ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D.n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé les opérations électorales qui se sont déroulées les 23 et 30 mars 2014 en vue de la désignation des conseillers municipaux dans la commune de Crisolles ;

Sur les conclusions tendant à ce Mme Lalanne-Kesteman soit déclarée inéligible :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 118-4 du code électoral : " Saisi d'une contestation formée contre l'élection, le juge de l'élection peut déclarer inéligible, pour une durée maximale de trois ans, le candidat qui a accompli des manœuvres frauduleuses ayant eu pour objet ou pour effet de porter atteinte à la sincérité du scrutin (.) " ;

6. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, régulièrement saisi d'un grief tiré de l'existence de manœuvres le conduisant à remettre en cause les résultats proclamés, le juge de l'élection peut prononcer une telle sanction si ces manœuvres présentent un caractère frauduleux, s'il est établi qu'elles ont eu pour objet ou pour effet de porter atteinte à la sincérité du scrutin et qu'elles ont été accomplies par l'un au moins des candidats dont l'élection est ainsi annulée ; que le juge pouvant, le cas échéant, prononcer cette sanction d'office et après avoir, dans cette hypothèse, recueilli les observations des candidats concernés, de telles conclusions présentées pour la première fois en appel sont recevables, dès lors que le grief tiré de l'existence de manœuvres frauduleuses a été soulevé dans le délai de recours contentieux et que l'annulation de l'élection du candidat dont la déclaration d'inéligibilité est demandée est prononcée ou confirmée en appel ;

7. Considérant que, s'il résulte de ce qui a été dit plus haut que les irrégularités commises par Mme Lalanne-Kesteman ont nécessairement altéré la sincérité du scrutin, leur caractère intentionnel n'est pas établi ; que ces irrégularités ne peuvent donc être regardées comme constitutives de manœuvres frauduleuses, au sens de ces dispositions ; que, par suite, il n'y a pas lieu de prononcer son inéligibilité ;





D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. D.est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de M. B.tendant au prononcé de l'inéligibilité de Mme Lalanne-Kesteman sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée M. C.D., à Mme A.Lalanne-Kesteman, à M. E.B.et au ministre de l'intérieur.


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