Jurisprudence : CA Rennes, 28-04-2015, n° 14/01025

CA Rennes, 28-04-2015, n° 14/01025

A2689NH3

Référence

CA Rennes, 28-04-2015, n° 14/01025. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/24249480-ca-rennes-28042015-n-1401025
Copier


6ème Chambre A
ARRÊT N°161 R.G 14/01025
Mme Eliane Z Z veuve Z
C/
Mme Juliette Z épouse Z
Copie exécutoire délivrée
le
à
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 28 AVRIL 2015

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Madame Marie-Claude CALOT, Président,
Madame Geneviève SOCHACKI, Conseiller,
Madame Pascale DOTTE-CHARVY, Conseiller,
GREFFIER
Madame Agnès EVEN, lors des débats, et Madame Sandrine KERVAREC, lors du prononcé,
MINISTÈRE PUBLIC
représenté par Monsieur Martial ..., Substitut Général, lequel a pris des réquisitions
DÉBATS
A l'audience publique du 09 Février 2015
ARRÊT
Contradictoire, prononcé publiquement le 28 Avril 2015 après prorogation, par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****

APPELANTE
Madame Eliane Z Z veuve Z
née le ..... à MBENGA (GABON)

DOUARNENEZ
ayant pour avocat Me Inès TARDY-JOUBERT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2014/002758 du 21/03/2014 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES)
INTIMÉE
Madame Juliette Z épouse Z
née le ..... à MORLAIX (29600)

LOCQUIREC
ayant pour avocats Me Lionel ... de la SCP DEBREU MILON NICOL PAPION Plaidant, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC, Me Dominique ... ... de la SCP COLLEU/LE COULS-BOUVET Postulant, avocat au barreau de RENNES

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Statuant sur l'appel interjeté par Mme Eliane Okome Z veuve Z contre le jugement contradictoire rendu le 13 novembre 2013 par le tribunal de grande instance de Brest qui a
- écarté des débats les conclusions signifiées le 4 avril 2013 par Mme Z
- déclaré irrecevable l'exception de procédure soulevée par Mme Okome Y
- prononcé l'inopposabilité à Mme Z du jugement rendu par le tribunal de première instance de Libreville (Gabon) en date du 24 novembre 2005 portant adoption simple de ... ... Marie Paule née le 8 mai 1995 et de ... Gabrielle Gaby, née le 14 juin 2013 par M. Jacques Z
- débouté Mme Okome Y de toutes ses demandes
- condamné Mme Okome Y à verser à Mme Z une indemnité de procédure de 1. 000 euros
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire
- condamné Mme Okome Y aux dépens
**
Jacques Z a épousé en secondes noces Mme Eliane Okome Y, née au Gabon, le 4 juin 2005 sous le régime de la séparation de biens, en vertu d'un contrat de mariage conclu le 30 mai 2005.
Selon testament authentique établi le 15 juin 2005, Jacques Z a déclaré priver son épouse survivante, Mme Eliane Okome Y, de tout droit dans sa succession, que ce soit en pleine propriété ou en usufruit, ainsi que des droits d'habitation et d'usage édictés à l'article 764 du code civil.
Par jugement du tribunal de première instance de Libreville en date du 24 novembre 2005, l'adoption simple de Marie Paule Mengue ..., née le ..... à Libreville et de Gabrielle Gaby Mengue ..., née le ..... à Libreville, comme étant les filles ... Eliane Y Y, a été prononcée, les deux enfants prenant les noms de Marie Paule Destable Z et de Gabrielle Gaby Z.
Ce jugement a été transcrit sur les registres des actes de naissance des enfants et sur le livret de famille des époux ... ..., par le consulat général de France de la république du Gabon le 21 août 2008.
Jacques Z est décédé le 23 septembre 2008 et sa dévolution successorale s'établit ainsi selon attestation notariée son épouse survivante, Eliane Okome Y et comme héritiers, Juliette Z épouse Z, sa fille issue de sa première union et ses deux filles mineures, ayant fait l'objet d'un jugement d'adoption simple.
Par acte du 26 août 2010, Juliette Z épouse Z a assigné Eliane Okome ZY veuve ZY, tant en son personnel, qu'en qualité de représentante légale de ses deux filles mineures devant le tribunal de grande instance de Morlaix, aux fins de voir prononcer l'inopposabilité du jugement d'adoption simple prononcé le 24 novembre 2005.
Par ordonnance en date du 3 avril 2012, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Brest a ordonné une expertise graphologique confiée à Mme ... aux fins de rechercher si l'écrit produit par Juliette Z, trouvé par son époux, dans un état abîmé du fait qu'il est resté exposé aux intempéries, dans le jardin de son défunt père en janvier 2009, au pied du rebord d'une fenêtre sur laquelle était posée une statuette de la Vierge, commençant par Ô ... Marie et se terminant par Amen, a été établi par Eliane Okome ZY veuve ZY.
L'expert commis a conclu aux termes de son rapport daté du 31 octobre 2012, que cet écrit par lequel Eliane Okome Y demande à la Vierge de lui pardonner d'avoir fait adopter par Jacques Z les filles de sa défunte soeur, émane bien de Eliane Okome Y, celle-ci ayant reconnu dès le début de la réunion d'expertise le 28 juin 2012, être la rédactrice de ce texte.
**
Vu les dernières écritures en date du 20 octobre 2014 de Mme Eliane Okome ZY veuve ZY, appelante ;
Vu les dernières écritures en date du 2 décembre 2014 de Mme Juliette Z épouse Z, intimée ;
Vu les conclusions du ministère public en date du 31 décembre 2014 ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 22 janvier 2015
**
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux conclusions déposées par les parties qui développent leurs prétentions et leurs moyens.

MOTIFS DE LA DÉCISION
Considérant que Mme Eliane Okome Y qui demande de déclarer opposable aux tiers le jugement d'adoption du 24 novembre 2005, de condamner Mme Juliette Z au paiement de la somme de 3. 000 euros à titre de dommages et intérêts, rappelle que son époux avait demandé le 27 juillet 2006 une demande de regroupement familial pour ses deux filles, que la Préfecture du Finistère avait réservé une suite favorable à cette demande le 7 avril 2008, qu'elle produit en cause d'appel les actes de naissance de ses filles mentionnant que leur père naturel est M. Désiré Ntokome Ondo ..., lequel était bien le seul susceptible de consentir en qualité de père à l'adoption simple de ses deux filles, que celui-ci a consenti par courrier du 18 avril 2006, légalisé le 11 mai 2006 par le 1er maire-adjoint du 1er arrondissement de Libreville, à l'adoption de ses deux filles, qu'elle fait valoir qu'à supposer que l'adoption ait été entachée de nullité en 2005, la nullité relative a été couverte par le consentement exprès, éclairé et légalisé donné en 2006 par Désiré ... ... Aime, qui seul pouvait se prévaloir de cette nullité ;
Que Mme Juliette Z réplique que les fillettes ne sont jamais venues en France et n'ont jamais vécu au sein du couple, que le jugement d'adoption ne mentionne pas l'existence du consentement du père biologique à leur adoption contrairement aux dispositions de l'article 370-3 du code civil, que la règle édictée à l'article 348 du code civil est d'ordre public et ne peut être couverte par un consentement postérieur au jugement, qu'il est contraire à l'ordre public français de permettre l'adoption d'enfants mineurs sans le consentement préalable de leurs représentants légaux, que cette irrégularité de fond ne peut être couverte, que la fraude de l'appelante pour obtenir l'adoption des enfants de sa soeur par son propre mari, est avérée et résulte du rapport d'expertise, que l'appelante ne conteste pas la fraude commise ;
Que le ministère public conclut à la confirmation du jugement en relevant l'absence de respect des formalités exigées pour recueillir le consentement à adoption des parents et les doutes concernant la filiation des deux fillettes ;
Considérant que les premier juges, pour prononcer l'inopposabilité à Mme Juliette Z du jugement rendu par le tribunal de première instance de Libreville (Gabon) en date du 24 novembre 2005 portant adoption simple de ... ... Marie Paule née le 8 mai 1995 et de ... Gabrielle Gaby, née le 14 juin 2013 par M. Jacques Z, après avoir rappelé les dispositions des articles 34 et 35 la convention d'aide mutuelle judiciaire, d'exequatur des jugements et d'extradition en date du 23 juillet 1963 signée entre la France et le Gabon, ont dit à juste titre que le consentement du père biologique des deux enfants à leur adoption par Jacques Destable (en date du 18 avril 2006), n'a pas été recueilli préalablement au prononcé de la décision (en date du 24 novembre 2005), que le jugement d'adoption simple étranger est contraire à l'ordre public au sens de l'article 34 de la convention internationale, étant précisé que le jugement déféré mentionne à tort les dispositions de l'article 348 du code civil qui concernent l'adoption plénière et qu'en cause d'appel, la paternité de Désiré ... ... Aime envers les deux fillettes est établie au vu de leurs actes de naissance ;
Qu'en effet, selon les dispositions de l'article 370-3 alinéa 3 du code civil, quelle que soit la loi applicable, l'adoption requiert le consentement du représentant légal de l'enfant. Le consentement doit être libre, obtenu sans aucune contrepartie, après la naissance de l'enfant et éclairé sur les conséquences de l'adoption ;
Que la cour ajoute que si la nullité relative du jugement a pu été couverte par le consentement exprès, éclairé et légalisé donné en 2006 par Désiré ... ... Aime, qui seul pouvait se prévaloir de cette nullité, Mme Juliette Z, tiers au jugement, est fondée à demander que soient écartés les effets de ce jugement irrégulier, qui au demeurant a statué le lendemain de la requête de Jacques Z, datée du 23 novembre 2005, sans faire aucune mention du consentement des parents des enfants mineurs dont l'adoption simple était demandée, mais en relatant le sentiment des adoptées elles-mêmes, âgées respectivement de 9 et de 4 ans et en faisant allusion aux débats de l'audience en cabinet sans autre précision, alors qu'en présence de son aveu extra-judiciaire de rédaction de l'écrit litigieux trouvé en janvier 2009 dans lequel elle reconnaît avoir fait adopter par Jacques Z les filles de sa soeur, non contredit par les conclusions du rapport d'expertise judiciaire, l'appelante se contente d'affirmer dans ses écritures que les deux fillettes adoptées sont les siennes au vu des actes de naissance de celles-ci, sans répondre au grief de fraude au jugement d'adoption alléguée par l'intimée ;
Considérant que l'appelante sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts ;
Qu'en revanche, il sera fait droit à l'appel incident de Mme Juliette Z qui sollicite des dommages et intérêts contre l'appelante en faisant valoir le comportement éminemment blâmable de celle-ci, l'escroquerie au jugement d'adoption et la tentative d'escroquerie à ses droits dans la succession de son père ;
Considérant que si les éléments produits aux débats ne permettent pas de caractériser une fraude au jugement d'adoption, faute d'expertise génétique permettant de confirmer ou d'infirmer la filiation maternelle des enfants avec Mme Eliane Okome Y, celle-ci a tout le moins, a adopté une attitude procédurale déloyale, alors que nul ne peut se contredire au détriment d'autrui ;
Qu'en conséquence, il sera alloué à l'intimée une indemnité de 2. 000 euros en réparation du préjudice subi, résultant d'une situation contraire à l'ordre public français ;
Qu'une indemnité de procédure sera mise à la charge de l'appelante en complément de celle allouée par les premiers juges ;
Que le jugement déféré sera donc confirmé en toutes ses dispositions ;

PAR CES MOTIFS
Statuant par décision contradictoire,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant
DIT que le présent arrêt sera transcrit sur tous actes d'état civil relatifs tant à Jacques Z qu'à Marie Paule Destable Z, née le ..... à Libreville et de Gabrielle Gaby Z née le ..... à Libreville
CONDAMNE Mme Eliane Okome ZY veuve ZY à payer à Mme Juliette Z épouse Z la somme de 2. 000 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 2. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
CONDAMNE Mme Eliane Okome ZY veuve ZY aux entiers dépens d'appel incluant les frais d'expertise judiciaire et dit qu'il sera fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit des avocats de la cause.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Agir sur cette sélection :

Cookies juridiques

Considérant en premier lieu que le site requiert le consentement de l'utilisateur pour l'usage des cookies; Considérant en second lieu qu'une navigation sans cookies, c'est comme naviguer sans boussole; Considérant enfin que lesdits cookies n'ont d'autre utilité que l'optimisation de votre expérience en ligne; Par ces motifs, la Cour vous invite à les autoriser pour votre propre confort en ligne.

En savoir plus