CIV.3 CM
COUR DE CASSATION
Audience publique du 24 mars 2015
Rejet
M. TERRIER, président
Arrêt no 332 F-D
Pourvoi no U 13-25.737
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par M. Z Z, domicilié Espère,
contre l'arrêt rendu le 2 août 2013 par la cour d'appel de Poitiers (1re chambre civile), dans le litige l'opposant
1o/ à la société Gan assurances, société anonyme, dont le siège est Paris,
2o/ à M. X X, domicilié Carlux,
3o/ à M. W W, domicilié Crayssac,
4o/ au groupement foncier agricole de la Gane, groupement foncier agricole, dont le siège est Salon-la-Tour,
défendeurs à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 10 février 2015, où étaient présents M. Terrier, président, M. Bureau, conseiller rapporteur, M. Mas, conseiller doyen, M. Dupont, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Bureau, conseiller, les observations de la SCP Caston, avocat de M. Z, de la SCP Boulloche, avocat de M. X, de la SCP Delvolvé, avocat de la société Gan assurances, de la SCP Spinosi et Sureau, avocat du groupement foncier agricole de la Gane, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 2 août 2013), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ.,11 janvier 2012, pourvoi no 10-26.898) que M. Z, assuré en responsabilité civile auprès de la société Gan assurances (la société Gan), s'est vu confier par le groupement foncier agricole de la Gane (le GFA) la réalisation tous corps d'état d'un bâtiment ; qu'il a demandé à M. X, architecte, de présenter la demande de permis de construire ; qu'invoquant des désordres, le GFA a demandé à M. Z d'intervenir pour les reprises ; que celui-ci, se plaignant de ne pas avoir été payé, a refusé et a assigné le GFA, la société Gan et l'architecte ;
Sur le moyen unique, ci-après annexé
Attendu qu'ayant retenu que la clause excluant " les dommages résultant de l'inobservation consciente, délibérée ou inexcusable des règles de l'art applicables dans le secteur du bâtiment et du génie civil aux activités garanties, telles que ces règles sont définies par les documents techniques des organismes techniques compétents à caractère officiel et spécialement les documents techniques unifiés (DTU) publiés par le Centre scientifique et technique du bâtiment ou par les normes françaises homologuées diffusées par l'Association française de normalisation ou, à défaut, par la profession, ou de prescriptions du fabricant, lorsque cette inobservation est imputable à l'assuré... " est suffisamment formelle et limitée en ce qu'elle ne vide pas le contrat de toute substance en laissant subsister la responsabilité délictuelle et quasi-délictuelle de l'assuré et relevé que M. Z n'avait pas respecté les règles de l'art, notamment les DTU, avait suivi de façon approximative et inacceptable les prescriptions de l'architecte des bâtiments de France, utilisé des matériaux inadaptés, et réalisé une structure de béton armé non conforme aux règles de dimensionnement et de conception d'un tel ouvrage, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que les dommages constatés étaient exclus de la garantie ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Z aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mars deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Caston, avocat aux Conseils, pour M. Z
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR, constatant que le contrat liant Monsieur Z et le GFA de la GANE était un contrat de maîtrise d'oeuvre du chantier jusqu'au 4 juillet 2005, déboutant Monsieur Z de sa demande en résolution du contrat dirigée contre le GFA de la GANE, disant que Monsieur Z était responsable des désordres, fixant le préjudice du GFA de la GANE aux sommes de 194.545,14 euros HT pour les travaux de reprise réalisés, 296.816,85 euros HT au titre des travaux de reprise restant à réaliser et 39.503,09 euros HT pour le préjudice lié aux retards d'exécution et condamnant, en conséquence, Monsieur Z à payer au GFA de la GANE les sommes de 491.361,99 euros HT au titre du coût des travaux de reprise et des travaux restant à réaliser, outre 39.503,09 euros HT à raison du préjudice lié au retard dans l'exécution, débouté Monsieur Z et le GFA de la GANE de l'ensemble de leurs demandes de garantie dirigées à l'encontre de la Société GAN ASSURANCES et alloué au GFA de la GANE une indemnité complémentaire de 6.000 euros au titre de troubles de jouissance ;
AUX MOTIFS QUE dans la mesure où aucune réception n'est intervenue, seule la garantie contractuelle est due par Monsieur Z à l'exception de la garantie décennale ; que, dans ces conditions, la garantie décennale de la Société GAN ASSURANCES ne peut être recherchée pour les désordres imputables à Monsieur Z ; qu'en ce qui concerne le garantie responsabilité civile professionnelle souscrite par Monsieur Z, il convient de relever que les conditions générales du contrat souscrit auprès de la Société GAN ASSURANCES, intitulé " ASSURANCES RESPONSABILITÉS CIVILE ET DECENNALE DOMMAGES SUR CHANTIER ", disposent dans leur chapitre III intitulé " RESPONSABILITÉ CIVILE ", article 1, que " la compagnie garantit l'assuré contre les conséquences pécuniaires de la responsabilité qu'il peut encourir dans l'exercice des métiers et activités mentionnés aux conditions particulières et dans les conditions définies ci-après (...) " ; que le titre I du chapitre III précité, intitulé "RESPONSABILITÉ ENCOURUE PAR L'ASSURE EN COURS D'EXPLOITATION OU D'EXÉCUTION DES TRAVAUX ", stipule dans son article 2, intitulé " Responsabilité de l'assuré à l'égard des tiers ", que "L'assurance s'applique à la responsabilité que l'assuré peut encourir à raison des dommages corporels, matériels et immatériels causés aux tiers, y compris aux clients. L'assurance s'applique également, par dérogation partielle à l'article 8 § 02.D) du présent chapitre, aux dommages matériels et immatériels causés au cours de l'exécution de ses ouvrages ou travaux, aux biens mobiliers et immobiliers confiés à la garde de l'assuré sur le chantier. Sont exclus -les dommages subis par les ouvrages ou travaux exécutés par l'Assuré ainsi que ceux atteignant soit les fournitures appareils et matériaux destinés à la réalisation des ouvrages ou travaux, soit le matériel ou l'outillage nécessaire à leur exécution, qu'ils appartiennent ou non à l'Assuré ; -les dommages résultat d'un arrêt des ouvrages ou travaux (sauf si cet arrêt est dû soit aux congés payés, soit aux intempéries, tel que défini à l'article 2 de la loi du 21 octobre 1946 et à la condition toutefois que les mesures de protection aient été prises) et survenant plus de 30 jours après le jour de l'arrêt ; -les dommages atteignant des constructions classées ou en voie d'être classées par les Pouvoirs Publics " ; qu'en outre, l'article 8 du titre IV, intitulé " EXCLUSIONS ", dispose notamment que sont exclus, pour l'ensemble des garanties, " les dommages immatériels qui ne seraient pas la conséquence d'un dommage corporel ou matériel garanti ainsi que les erreurs d'implantations de l'ouvrage ainsi que les dommages résultant de l'inobservation consciente, délibérée ou inexcusable des règles de l'art applicables dans le secteur du bâtiment et du génie civil aux activités garanties " ; qu'il apparaît ainsi que le contrat d'assurance liant les parties exclut de la garantie due par l'assureur les dommages aux ouvrages ou les travaux exécutés par l'assuré en cas de mauvaises prestations effectuées par cet assuré ; que, contrairement aux affirmations de Monsieur Z, ces exclusions ne vident pas le contrat d'assurance de tout objet puisque ce type de clause n'aboutit pas à une négation du contrat d'assurance mais à sa simple limitation à la seule responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle de l'assuré à tel ou tel moment du chantier ; qu'en outre, l'expertise judiciaire a démontré que Monsieur Z n'avait pas respecté les règles de l'art et notamment les DTU, qu'il avait utilisé des matériaux inadaptés à la construction de toiture-terrasse, qu'il avait suivi de manière très approximative et de façon inacceptable les prescriptions des Bâtiments de FRANCE pour les murs et les encadrements en pierre... ; qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments que les dommages constatés par l'expert et à l'origine des condamnations de Monsieur Z entrent dans le champ des exclusions du contrat d'assurance responsabilité civile professionnelle de celui-ci ; que, dans ces conditions, il y a lieu de débouter Monsieur Z et le GFA de la GANE de l'ensemble de leurs demandes à l'encontre de la Société GAN ASSURANCES à ce titre (arrêt, p. 11 et 12) ;
1o) ALORS QUE les exclusions stipulées dans un contrat d'assurance doivent avoir un contenu parfaitement déterminé et ne pas conduire à vider la garantie de sa substance ; qu'en retenant que les exclusions mentionnées au contrat d'assurance liant les parties ne vidaient pas la garantie de son objet en tant qu'elles excluaient de la garantie due par l'assureur les dommages aux ouvrages ou les travaux exécutés par l'assuré en cas de mauvaises prestations effectuées par cet assuré, après avoir relevé que le contrat excluait " les dommages résultant de l'inobservation consciente, délibérée ou inexcusable des règles de l'art applicables dans le secteur du bâtiment et du génie civil aux activités garanties ", quand une telle exclusion n'était ni formelle ni limitée, la Cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du Code des assurances ;
2o) ALORS QUE (SUBSIDIAIREMENT) les juges ne sauraient méconnaître la loi du contrat ; qu'au demeurant, en retenant que le contrat d'assurance liant les parties excluait de la garantie due par l'assureur les dommages aux ouvrages ou les travaux exécutés par l'assuré en cas de mauvaises prestations effectuées par cet assuré et que tel était le cas dès lors que l'expertise judiciaire avait démontré que Monsieur Z n'avait pas respecté les règles de l'art et notamment les DTU, qu'il avait utilisé des matériaux inadaptés à la construction de toiture-terrasse et qu'il avait suivi de manière très approximative et de façon inacceptable les prescriptions des Bâtiments de FRANCE pour les murs et les encadrements en pierre, après avoir relevé que le contrat excluait " les dommages résultant de l'inobservation consciente, délibérée ou inexcusable des règles de l'art applicables dans le secteur du bâtiment et du génie civil aux activités garanties ", la Cour d'appel, qui n'a pas caractérisé une " inobservation consciente, délibérée ou inexcusable des règles de l'art ", a violé l'article 1134 du Code civil.