ARRÊT N°
18 Mars 2015
14/00264
SARL SUBRINI AND CO
C/
Michel Y
Décision déférée à la Cour du
02 septembre 2014
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ajaccio
14/00034
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU DIX HUIT MARS DEUX MILLE QUINZE
APPELANTE
SARL SUBRINI AND CO prise en la personne de son representant legal
N° SIRET 343 39 0 0 84
SERRIERA
Représenté par Me Stéphane RECCHI de la SCP MORELLI MAUREL ET ASSOCIÉS, avocats au barreau d'AJACCIO
INTIMÉ
Monsieur Michel Y
Résidence San Pasquale ... mezzana A
LUCCIANA
Représenté par Me Jean-paul EON, avocat au barreau de BASTIA,
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS
L'affaire a été débattue le 13 Janvier 2015 en audience publique devant la Cour composée de
Mme PASCAL, Conseiller, faisant fonction de président,
Mme LUCIANI, Conseiller,
Mme ROUY-FAZI, Conseiller,
qui en ont délibéré.
GREFFIER
Monsieur DALESSIO, Greffier lors des débats.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe
le 18 Mars 2015
ARRÊT
Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe.
Signé par Mme PASCAL, Conseiller, faisant fonction de président, et par Monsieur DALESSIO, Greffier présent lors de la mise à disposition de la décision.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Monsieur Michel Y a été embauché le 1er mai 1996 en qualité de Directeur salarié de l'hôtel EDEN PARK, situé à Porto, par M. Y dont le gérant est M. Louis ... sans qu'aucun contrat de travail écrit ne soit signé. Le 8 novembre 2005, un contrat de travail a été conclu entre les parties, à effet au 1er novembre 2005, selon lequel M. Y est employé en qualité de Directeur niveau V échelon 2 catégorie cadre prévu par la convention collective nationale des Hôtels, Cafés, Restaurants, pour un salaire mensuel net de 3 811,23 euros et une participation au chiffre d'affaires de 5,80 %.
A la suite d'une altercation entre M. ... et M. Y le 21 juin 2008, deux enquêtes pénales ont été diligentées à l'encontre de ce dernier, l'une du chef de tentative d'extorsion de fonds et violences avec arme, l'autre pour abus de confiance.
Le 20 octobre 2008, la SARL SUBRINI a fait signifier par voie d'huissier à M. Y son licenciement pour faute lourde. Ce dernier a saisi le conseil de prud'hommes en sollicitant le paiement de primes restant dues outre des indemnités de rupture pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le conseil de prud'hommes d'Ajaccio a, par décision en date du 11 février 2011 ordonné un sursis à statuer dans l'attente de la décision de la juridiction pénale.
Le 29 mai 2013, la cour d'appel de Bastia a confirmé les jugements du tribunal correctionnel d'Ajaccio rendus les 6 janvier 2012 et 23 mars 2012 ayant prononcé la relaxe de M. Y pour l'ensemble des chefs de prévention à l'exception de la détention de munition de 1ere ou 4ème catégorie.
Par jugement en date du 2 septembre 2014, le conseil de prud'hommes d'Ajaccio a rejeté la demande de sursis à statuer, a jugé que le licenciement de M. Y était dépourvu de cause réelle et sérieuse et a condamné la SARL SUBRINI à lui payer les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter de la date de la rupture du contrat de travail
' 25 551,33 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement, ' 27 033,21 euros au titre de l'indemnité de préavis,
' 2 703 euros au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis,
' 19 238,56 euros au titre des rappels de salaire,
' 1 923,86 euros au titre des indemnités de congés payés sur rappel de salaire,
' 150 000 euros au titre des dommages et intérêts toutes causes de préjudices confondues,
' 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il a ordonné l'exécution provisoire pour les sommes dues au titre du paiement des salaires et accessoires, a débouté M. Y du reste de ses demandes et a condamné la SARL SUBRINI aux entiers dépens.
Par déclaration en date du 8 septembre 2014, cette dernière a interjeté appel de cette décision.
Parallèlement, la cour de cassation a, par un arrêt en date du 22 octobre 2014, cassé un des arrêts de la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Bastia du 29 mai 2013 ayant statué sur la falsification de chèque, l'usage de chèques falsifiés et l'abus de confiance et a renvoyé l'affaire et les parties devant la cour d'appel d'Aix en Provence.
Par ailleurs, la chambre sociale de la cour d'appel de Bastia a jugé le 4 juin 2014 que le licenciement de la compagne de M. Y, Mme Karen ..., était fondé sur une faute grave.
***
Dans ses écritures oralement soutenues lors de l'audience, la SARL SUBRINI sollicite de la cour d'appel
- l'annulation pour défaut de motivation ou l'infirmation dans toutes ses dispositions du jugement entrepris,
- le sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pendante devant la chambre correctionnelle de la cour d'appel d'Aix en Provence,
Dans tous les cas,
- que soit jugé le licenciement de M. Y pour faute lourde fondé et reposant sur des faits non prescrits,
- que soit rejeté l'ensemble des demandes de M. Y
Et à titre subsidiaire,
- qu'il soit dit que son salaire de référence est de 5 444 euros,
- qu'il soit jugé que l'indemnité légale de licenciement est de 12 937 euros brut et l'indemnité de congés payés de 5 444 euros,
- qu'il soit constaté que M. Y a déjà perçu la somme de 62 514,69 euros et ordonné la compensation entre ces deux sommes,
- que M. Y soit condamné à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens de l'instance.
La SARL SUBRINI rappelle que si le sursis à statuer ne s'impose pas en l'espèce, il reste une possibilité pour la juridiction prud'homale et soutient que l'arrêt de la cour de cassation a remis en cause le principe même des fautes imputées à M. Y, lesquelles seront à nouveau étudiées par une juridiction pénale et qui, si elles sont établies, ne pourront donner lieu à une sanction pénale mais seront susceptibles d'être sanctionnées. Elle précise que les fautes commises par son salarié, qu'elles soient civiles ou pénales, sont nécessairement en lien avec la procédure de licenciement engagée et directement reprises dans la lettre de licenciement, laquelle ne formalise aucun délit mais fait état de détournements sans que ces derniers soient nécessairement constitutifs du délit d'abus de confiance.
Elle indique que le jugement déféré encourt l'annulation pour ne pas avoir motivé la somme allouée de 19 238,56 euros à titre de rappel de salaire. A ce titre elle rappelle que M. Y n'a fourni aucune prestation de travail postérieurement au 1er juillet 2008, que s'agissant de la période antérieure, sa réclamation ne peut excéder la période de 5 ans précédant la saisine du conseil de prud'hommes, qu'il n'y avait aucune participation au chiffre d'affaire avant la signature du contrat du 8 novembre 2005 et que sur la période postérieure, les documents comptables prouvent qu'il s'est octroyé bien plus que les sommes qui lui étaient dues.
Elle fait valoir que la prescription de deux mois ne peut être opposée lorsqu'une procédure pénale a été ouverte dans le délai et que les faits visés dans la lettre de licenciement ont donné lieu à des poursuites moins de deux mois après leur
révélation, que ces faits sont constitutifs d'une faute lourde, que des produits d'exploitation ont été détournés par M. Y sans que la preuve ne soit rapportée que ces fonds ont été remis à la société ou qu'il agissait sur instruction du gérant, que l'attestation de M. ... démontre bien qu'il est au contraire à l'origine du détournement de ces fonds et qu'il en a bénéficié en encaissant directement sur ses comptes bancaires des chèques destinés à l'hôtel qu'il a falsifié en les endossant à son nom. Elle souligne également que des faits de menaces de mort réitérées, de dégradation de matériel de l'hôtel, de détention de munitions de 1ere catégorie, de pression sur un témoin afin d'obtenir un témoignage en sa faveur, de dissimulation de commandes et de manquements professionnels dans la gestion de l'hôtel lui sont reprochés dans la lettre de licenciement. Elle rappelle que la décision de relaxe n'empêche pas les juges prud'homaux de considérer comme fondé le licenciement pour faute et même pour faute grave. A titre subsidiaire, elle fait valoir que le salaire de base qui doit être retenu dans le calcul des indemnités est de 5 444 euros, qu'il n'est dû, même en cas de requalification en faute grave, aucune indemnité de licenciement ou de préavis et que dans cette hypothèse, seule l'indemnité de congés payés reste due.
Elle affirme avoir procédé à toutes les déclarations d'embauche et immatriculations nécessaires, rappelle que c'est M. Y lui-même qui faisait établir ses fiches de paie par le cabinet d'expertise comptable, qu'il a perçu d'ailleurs un montant bien supérieur à ce qui lui était dû, que M. ... a été recruté par lui pour son propre service et que toute demande au titre du travail dissimulé ne peut prospérer.
Dans ses conclusions verbalement reprises lors des débats, M. Y demande à la cour d'appel de
- débouter la SARL SUBRINI de sa demande de sursis à statuer
- confirmer le jugement déféré et dire que les faits reprochés sont prescrits,
A titre subsidiaire
- juger que son licenciement ne repose sur aucun motif susceptible de constituer une cause réelle et sérieuse,
- condamner la SARL SUBRINI à lui payer les sommes suivantes
' 324 679,32 euros à titre de dommages et intérêts toutes causes de préjudices confondues,
' 25 553,46 euros (si le salaire de référence est retenu à hauteur de 9 018,87 euros) ou 25 531,33 euros (si le salaire de référence est retenu à hauteur de 9 011,07 euros) à titre d'indemnité légale de licenciement,
' 27 056,61 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 2 705,66 euros au titre des congés payés y afférents (si le salaire de référence est retenu à hauteur de 9 018,87 euros) ou 27 031,21 euros outre 2 703 euros (si le salaire de référence est retenu à hauteur de 9 011,07 euros),
' 19 238,56 euros à titre de rappels de salaire outre 1 923,86 euros à titre de congés payés y afférents et à titre subsidiaire 21 000 euros à titre de dommages et intérêts compensatoires,
' 54 113,22 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé en application de l'article L8221-3 du code du travail
- condamner la SARL SUBRINI à lui payer la somme de 265 599,75 euros bruts au titre du solde des primes de fin de saison des années 2004 à 2008 outre 26 559 euros au titre des congés payés y afférents,
- ordonner à la SARL SUBRINI de lui remettre les bulletins de paie conformes pour les mois de décembre 1999, janvier, octobre et novembre 2000, janvier, novembre et décembre 2001, décembre 2002, février, août, novembre et décembre 2003, octobre 2004, février, novembre et décembre 2005, août, octobre et novembre 2006, mai et novembre 2007, juin à décembre 2008 et janvier 2009 ainsi qu'une attestation Assedic et un certificat de travail conformes sous astreinte de 500 euros par jour de retard et par document,
- condamner la SARL SUBRINI à lui payer les intérêts au taux légal sur toutes les sommes auxquelles elle aura été condamnée à compter de la date de la rupture du contrat de travail le 20 octobre 2008
- condamner la SARL SUBRINI à lui payer la somme de 6000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouter la SARL SUBRINI de l'ensemble de ses demandes.
Il fait valoir que l'article 4 du code de procédure pénale n'a pas vocation à s'appliquer puisqu'il a été définitivement statué sur l'action publique et qu'en raison des relaxes prononcées, celle-ci est éteinte. Il rappelle que la cour d'appel d'Aix en Provence n'est saisie sur renvoi de cassation que de la demande de dommages et intérêts formulée par la SARL SUBRINI, en qualité de partie civile, du seul chef de falsification de chèques, que la cour d'appel ne pourra que la débouter de ses demandes s'agissant d'infractions intentionnelles sans avoir la possibilité de mettre en évidence une faute distincte des fautes pénales pour lesquelles une relaxe a été définitivement prononcée.
Il maintient que les faits de menaces de mort et extorsion de fonds du 21 juin 2008 sont prescrits car la SARL SUBRINI n'a pas fait le choix d'attendre qu'il soit statué définitivement sur l'action publique pour notifier la sanction, qu'il en est de même pour les faits de détournements de fonds car la plainte du 15 septembre 2008 ne vise que Mme ... et que la seule date mentionnée est le livre de bord du 28 mai 2005 ainsi que pour les autres fautes qui auraient été commises après l'entretien préalable alors qu'il a été incarcéré dès le mois de juillet 2008 puis placé sous contrôle judiciaire avec interdiction de résider en Corse.
A titre subsidiaire, il fait valoir que la tentative d'extorsion de fonds a fait l'objet d'une ordonnance de non lieu, que les menaces et violences avec arme ainsi que les détournements constitutifs d'abus de confiance ont fait l'objet d'une relaxe et que la cour d'appel a admis que cette pratique avait été initiée par le gérant qui y trouvait un intérêt. A ce sujet, il souligne qu'il y a une analogie totale entre ces faits et ceux examinés par la juridiction pénale et que la relaxe s'impose au juge prud'homal. En tout état de cause, il maintient que la réalité des faits de violences avec arme, menaces et extorsion de fonds n'ont pas été établis par la procédure pénale et que l'attestation de M. ... a été obtenue sans aucune pression, M. ... l'ayant ensuite contraint à affirmer le contraire. S'agissant des menaces de mort, il indique que les attestations dont se prévaut M. ... ont été établies sous la pression, que le seul témoin de la scène n'a entendu aucune menace et que lors de la garde à vue aucune menace n'a été retranscrite dans le procès-verbal de confrontation et aucune poursuite n'a été diligentée sur ce chef. Il précise qu'aucune arme n'a été retrouvée à son domicile et que la détention d'une simple cartouche ne figure pas dans la lettre de licenciement. S'agissant des détournements, il maintient que l'argent prétendument détourné servait à payer les travailleurs non déclarés au vu et au su de M. ... qui était l'instigateur du procédé et que sur les 24 chèques encaissés sur son compte seulement 5 correspondent au fichier client pour la somme de 9 098,97 euros. Enfin, concernant ses prétendues fautes de gestion, il souligne que le changement du linge de l'hôtel tout comme la création d'un site internet répondaient aux besoins de l'établissement, que l'attestation de Mme ... est de pure complaisance, que les règlements ont bien été effectués par M. ..., que les factures des séjours étaient rangées dans son bureau, que les plannings des horaires étaient tenus à jour tout comme le livre de caisse et la comptabilisation du remplissage des chambres et qu'en tout état de cause les griefs qui lui sont reprochés ne sont ni précisés, ni datés.
Il s'estime fondé à voir son préjudice entièrement réparé, il rappelle qu'il a été incarcéré et placé sous contrôle judiciaire, qu'il a vu ses projets professionnels s'effondrer, qu'il a vécu à Marseille sans travail durant plus d'un an, qu'il a dû se reconvertir dans un secteur étranger à l'hôtellerie, qu'il a été embauché par une société d'énergie solaire qui a déposé le bilan en janvier 2013, qu'il a subi un préjudice moral important du fait de la perte de son honneur et de sa réputation et qu'il est fondé à solliciter l'équivalent de trois années de salaire à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il précise que la convention collective nationale prévoit un délai de préavis de trois mois pour les cadres et souligne que c'est par la faute de la SARL SUBRINI qu'il n'a pas pu travailler entre le 30 juin 2008 et la date de son licenciement et qu'il est donc bien fondé à solliciter le paiement de son salaire et à défaut des dommages et intérêts équivalents.
S'agissant des rappels de salaires et de primes, il soutient que même s'il n'a été conclu aucun contrat de travail écrit lors de son embauche il a été convenu oralement qu'il percevrait une rémunération nette annuelle de 520 000 francs (79 000 euros) et que lors de la signature de son contrat de travail en novembre 2005, la partie mensuelle fixe de sa rémunération a été augmentée et le pourcentage de la prime a été diminué sans pour autant que sa rémunération nette annuelle ne soit modifiée. Il explique avoir accepté de reporter l'encaissement de sa prime durant les trois premières années en raison de la situation financière délicate de l'hôtel mais maintient que le principe de ces primes versées au mois d'octobre à partir de l'année 1996 existait, ce que confirme le paiement de celles-ci dès le mois d'octobre 1999 par des chèques établis par M. ... lui-même. En ce qui concerne la période postérieure à novembre 2005, il indique que l'acompte figurant sur son bulletin de paie de décembre 2005 vient en réalité compenser les primes dues pour la période antérieure, que le trop perçu invoqué par la SARL SUBRINI à hauteur de 62 514,96 euros n'est découvert par son comptable qu'en 2014 puisque lors de ses écritures de juin 2010 elle faisait état d'une somme de 16 000 euros, que ce trop perçu résulte d'un extrait non documenté du grand livre des comptes généraux qui n'est pas daté et qui ne correspond pas au récapitulatif de ses rémunérations ni à la comptabilité des années concernées. En tout état de cause, il affirme que la demande de compensation formulée par la SARL SUBRINI est prescrite car formulée postérieurement à la fin de l'année 2013.
Enfin, il expose que ses primes de fin de saison n'ont pas toutes été déclarées afin d'économiser les coûts des charges sociales et qu'il y a donc eu dissimulation d'emploi salarié ce qui le rend bien fondé à solliciter une indemnité équivalente à 6 mois de salaire.
Les débats se sont tenus le 13 janvier 2015 et la date de délibéré a été fixée au 18 mars 2015.
MOTIVATION
Sur la demande en nullité du jugement de première instance
Attendu que l'article 455 du code de procédure civile prévoit que le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens, que cet exposé peut revêtir la forme d'un visa des conclusions des parties avec indication de leur date, que le jugement doit être motivé et qu'il énonce sa décision dans un dispositif ;
Attendu que selon l'article 458 du même code, ce qui est prescrit par les articles 447, 451, 454, 455 alinéa 1 et 456 doit être observé à peine de nullité ;
Qu'en l'espèce si le conseil de prud'hommes a motivé son rejet de la demande de sursis à statuer ainsi que sa décision concernant la rupture du contrat de travail de M. Y, il a accordé à ce dernier la somme de 19 238,56 euros à titre de rappel de salaire dans son dispositif sans le motiver ni le justifier et ce alors même que cette demande était contestée par la SARL SUBRINI ;
Que dès lors, la nullité du jugement de première instance est encourue ;
Attendu que l'article 562 du code de procédure civile dispose que l'appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément ou implicitement et de ceux qui en dépendent mais que la dévolution s'opère pour le tout lorsque l'appel n'est pas limité à certains chefs, lorsqu'il tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible ;
Qu'en conséquence, il appartiendra à la présente juridiction de se saisir de l'entier litige ; Sur la demande de sursis à statuer
Attendu que l'article 4 du code de procédure pénale prévoit que la mise en mouvement de l'action publique n'impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu'elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil ;
Attendu que lorsque la juridiction de jugement a relaxé le prévenu et que seule la partie civile exerce une voie de recours, la décision sur l'action publique devient définitive ;
Attendu qu'il résulte de l'article 567 du code de procédure pénale que la partie civile peut se pourvoir seulement à l'encontre des dispositions de la décision qui font grief à ses intérêts civils et que si cela ne signifie pas que la partie civile ne puisse pas critiquer la décision rendue sur l'action publique devant la haute juridiction, la cassation qu'elle sera susceptible d'obtenir sur ce point ne conférera pas à la juridiction de renvoi le pouvoir de statuer à nouveau sur l'action publique, celle-ci étant définitivement jugée ;
Qu'en l'espèce, la chambre correctionnelle de la cour d'appel a, par deux arrêts rendus le 29 mai 2013, déclaré coupable M. Y du chef de détention d'arme ou de munition de 1ère catégorie et l'a relaxé des chefs de violences avec arme, falsification de chèques, usages de chèques falsifiés et abus de confiance ;
Qu'à défaut de pourvoi formé par le prévenu ou le ministère public à l'encontre de ces arrêts, il doit être considéré que les décisions pénales sont devenues définitives ;
Que sur le pourvoi formé par la partie civile, la cour de cassation a, dans un arrêt du 22 octobre 2014, cassé l'arrêt du 29 mai 2013 mais "en ses seules dispositions ayant débouté la société Subrini et Cie de sa demande d'indemnisation du préjudice résultant des faits poursuivis sous la qualification de falsification de chèques" et a précisé que "toutes autres dispositions étaient expressément maintenues" ;
Que dès lors les arrêts de la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Bastia ont acquis l'autorité de la chose jugée au pénal ;
Attendu que l'autorité de la chose jugée est attachée à la seule décision ayant statué définitivement sur l'action publique et que celle-ci s'impose à la juridiction prud'homale lorsque la faute repose sur la seule infraction commise par le salarié et qu'il existe une identité parfaite entre les faits et l'infraction ;
Que dans ce cas, le salarié qui bénéficie d'une relaxe parce que les faits ne sont pas établis ou ne lui sont pas imputables, est abusivement licencié si le licenciement n'est fondé que sur la seule infraction commise par ce dernier ;
Que dans les autres cas, la juridiction prud'homale n'est pas liée par la décision pénale ;
Que dès lors, la décision statuant sur l'action publique étant devenue définitive, il ne saurait être fait droit à la demande de sursis à statuer formulée par la SARL SUBRINI et ce, même dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice ;
Sur le licenciement de M. Y
Attendu que M. Y a été licencié pour faute lourde suivant lettre recommandée avec accusé de réception datée du 3 octobre 2008 et signifiée par voie d'huissier le 20 octobre 2008 pour les motifs suivants
- menaces de mort proférées à l'encontre de M. ..., son fils et son épouse, violences sur M. ... et son fils,
- dégradation d'une lampe appartenant à l'hôtel Le Subrini à Porto, séquestration et extorsion de fonds sous la menace d'une arme, faits commis le 21 juin 2008,
- réitération des mêmes gestes en demandant à nouveau une importante somme d'argent le 28 juin 2008
- insultes proférées envers Mme ... et menaces de mort à l'encontre de M. ... lors de la confrontation en juillet 2008,
- détournements de fonds en donnant des instructions au personnel pour mettre la machine de carte bancaire en panne et réclamer des chèques ou des espèces aux clients,
- obtention sous la menace de la rédaction d'une fausse attestation auprès de M. ...,
- dissimulation de la prise de certaines décisions, notamment de la commande de nouvelles nappes pour le restaurant,
- manquements professionnels ne permettant pas de reconstituer les recettes de l'hôtel absence de tenue quotidienne des livres de caisses, absence des factures de
séjours de mai à juillet 2008, défaut de comptabilisation du taux de remplissage des chambres, absence de tenue des plannings de travail du personnel ;
- Sur la prescription des faits fautifs
Attendu qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même temps à des poursuites pénales en application de l'article L 1332-4 du code du travail ;
Attendu que dans ce cas, le délai de deux mois est interrompu par la mise en mouvement de l'action publique jusqu'à la décision définitive de la juridiction pénale ; que cela ne signifie pas que dans le cas où des poursuites pénales ont été engagées, l'employeur qui n'a pas engagé de poursuites disciplinaires dans le délai de deux mois susvisé ne peut plus le faire avant l'issue de la procédure pénale engagée ;
Attendu que l'engagement de poursuites disciplinaires est constitué par la convocation à l'entretien préalable pour les sanctions soumises à la procédure d'entretien préalable ou par la notification de la sanction pour les autres sanctions ;
Qu'en l'espèce, M. ... a déposé plainte le 10 juillet 2008 pour les faits du 21 juin 2008 tels qu'ils sont relatés dans la lettre du licenciement à savoir les menaces avec arme sur son fils et lui-même, les violences, la tentative d'extorsion de fonds et les menaces de mort réitérées avec arme à son encontre (21 et 28 juin 2008) ;
Que l'ensemble de ces faits a donné lieu à l'ouverture d'une information judiciaire et à la mise en examen de M. Y le 12 juillet 2008 ;
Que le délai de prescription a donc été interrompu par la mise en mouvement de l'action publique et que c'est sans le méconnaître que l'employeur a engagé la procédure de licenciement à l'encontre de son salarié en le convoquant à un entretien préalable le 23 septembre 2008 suivant courrier signifié le 5 septembre 2008 ;
Que s'agissant des faits d'insultes proférées à l'encontre de Mme ... et de menaces de mort réitérées lors de la garde à vue de M. Y, pour lesquels l'action publique n'a
pas été mise en mouvement, il doit être retenu que ceux-ci ont été nécessairement commis postérieurement à la plainte déposée par M. ... le 10 juillet 2008 (et notamment le 11 juillet 2008 concernant les menaces de mort) et qu'à la date de la convocation à l'entretien préalable, le 5 septembre 2008, ces faits n'étaient donc pas prescrits ;
Que s'agissant des faits de détournements de fonds en donnant des instructions au personnel pour mettre la machine de carte bancaire en panne et réclamer des chèques ou des espèces aux clients, Monsieur ... a déposé plainte le 15 septembre 2008 à la suite de la découverte d'un chèque de l'hôtel que Mme ... aurait encaissé à son nom au mois d'août 2008 ;
Qu'à la date du 15 septembre 2008 aucun détournement commis par M. Y n'était effectivement connu de M. ... comme en atteste sa lettre de licenciement qui mentionne que ces faits ont été découverts postérieurement à ceux dénoncés le 10 juillet 2008 ;
Que la date du livre de bord auquel il est fait référence dans la lettre de licenciement ne saurait constituer le point de départ du délai de prescription puisqu'il ne correspond pas à la date à laquelle l'employeur a eu connaissance des faits reprochés ;
Que dès lors, la prescription ne peut être raisonnablement soulevée en ce qui concerne les détournements reprochés à M. Y qui ont été découverts postérieurement à la date de la convocation à l'entretien préalable ;
Que pareillement, l'attestation qui aurait été dictée par M. Y à M. ... est datée du 18 septembre 2008 et ne peut être couverte par la prescription au regard de la date de la convocation à l'entretien préalable qui est antérieure à celle-ci ;
Que la SARL SUBRINI indique d'ailleurs à ce titre dans la lettre de licenciement rédigée le 3 octobre 2008 qu'elle "vient d'apprendre" l'existence de cette attestation et que "de la même manière", elle a découvert que M. Y avait pris certaines décisions à l'insu du gérant ;
Qu'enfin, les fautes de gestion qui lui sont reprochés ont été découvertes à compter de son départ, soit à compter du 10 juillet 2008 moins de deux mois avant la date de convocation à l'entretien préalable du 5 septembre 2008 ;
Qu'au regard de l'ensemble de ces éléments, il doit être considéré qu'aucun des faits reprochés à M. Y dans la lettre de licenciement n'est couvert par la prescription ;
- Sur les violences, menaces de mort, dégradation et tentative d'extorsion de fonds
Attendu que l'autorité de la chose jugée au pénal s'impose à la juridiction prud'homale lorsque la faute repose sur la seule infraction commise par le salarié et qu'il existe une identité parfaite entre les faits et l'infraction ;
Attendu que le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal exclut que le juge civil puisse retenir, pour caractériser la faute lourde du salarié, des faits que le juge pénal a tenu pour non acquis mais qu'une décision de relaxe visant des faits tenus pour établis ne fait pas obstacle à ce que le tribunal saisi apprécie les mêmes faits sous l'angle de la responsabilité contractuelle et leur reconnaisse le caractère de gravité suffisante pour emporter la privation du préavis ; l'absence de caractère délictuel des faits n'exclut pas qu'ils constituent des fautes professionnelles ;
Qu'en l'espèce, il ressort de l'ordonnance de non lieu partiel en date du 18 juillet 2011, que les éléments recueillis ont été insuffisants pour établir la réalité des faits de tentative d'extorsion de fonds et de menaces avec arme et qu'en conséquence, la juridiction prud'homale est tenue par cette décision ;
Que pareillement les faits de violences avec arme ont fait l'objet d'une relaxe confirmée par l'arrêt de la cour d'appel en date du 29 mai 2013 qui a considéré que la réalité des faits n'était pas suffisamment établie et qui s'impose lui-aussi au juge prud'homal ;
Qu'il n'est pas expressément reproché à M. Y, dans la lettre de licenciement, d'avoir détenu des munitions de 1ère ou 4ème catégorie mais seulement d'avoir menacé et violenté M. ... à l'aide et sous la menace d'une arme, faits qui n'ont pas été considérés comme établis par la juridiction pénale ;
Que cependant, la dégradation du matériel de l'hôtel Le Subrini (une lampe) mentionné dans la plainte déposée par M. ... le 10 juillet 2008, n'a fait l'objet d'aucune mise en mouvement de l'action publique ;
Qu'il ressort de l'arrêt de la cour d'appel en date du 29 mai 2013 que M. Y a reconnu avoir brisé une lampe posée sur le comptoir de l'hôtel lors de la vive discussion qui l'a opposé à M. ... le 21 juin 2008 ;
Que cette dégradation est donc établie ;
Qu'il en est de même s'agissant des faits de menaces de mort qui ont été proférées par M. Y lors de sa garde à vue le 11 juillet 2008, qui n'ont fait l'objet d'aucune poursuite par le ministère public et qui sont établis par le procès-verbal rédigé par le gendarme mobile présent lors de la confrontation qui atteste avoir vu M. Y faire un geste du pouce sous la gorge simulant le geste de l'égorgement et appelé "sourire kabyle" ;
Qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que celui-ci a bien cassé volontairement une lampe appartenant à l'Hôtel Subrini lors d'une altercation avec M. ... le 21 juin 2008 et qu'il a menacé celui-ci d'un geste d'égorgement lors de la procédure pénale qui les a opposé le 11 juillet 2008 ;
- Sur les détournements
Attendu que la lettre de licenciement reproche à M. Y d'avoir "sciemment orchestré des détournements de fonds en donnant des instructions au personnel pour mettre la machine de la carte bancaire en panne et réclamé des chèques ou des espèces aux clients" ;
Que ces faits font partis de la poursuite pénale diligentée à son encontre pour des faits de falsification de chèques, usage de chèques falsifiés et abus de confiance commis de 2004 à 2008 ;
Que la décision de relaxe confirmée par l'arrêt de la cour d'appel en date du 29 mai 2013 retient que l'élément matériel de l'abus de confiance est constitué dans la mesure où il est établi que les prévenus, dont M. Y, ont sciemment versé sur leurs comptes personnels des sommes provenant de chèques de client de l'hôtel mais qu'il n'est pas démontré qu'ils ont effectué ces détournements dans un but d'enrichissement personnel et non dans l'intérêt de l'hôtel ;
Que cette décision qui considère que les éléments matériels du délit, lesquels constituent les motifs du licenciement du prévenu, sont établis, ne fait pas obstacle à ce que la juridiction prud'homale apprécie ces mêmes faits sous l'angle de la responsabilité contractuelle ;
Attendu que si l'instigation d'un supérieur hiérarchique ne constitue pas en elle-même une cause totale d'exonération du caractère fautif des agissements, le licenciement n'est pas justifié lorsque les agissements reprochés étaient tolérés par l'employeur ou correspondaient à une pratique de l'entreprise ;
Que le procès-verbal établi par Maître ... le 18 septembre 2008 constatant qu'aucun jardinier n'est déclaré par l'établissement et les nombreuses attestations de Madame ..., de Messieurs ..., ..., ..., ..., ... et des époux ..., ... et ... permettent de tenir pour établie l'embauche habituelle d'un personnel non déclaré par la SARL SUBRINI ;
Que la pratique alléguée par M. Y selon laquelle l'encaissement des chèques clientèles avaient pour objet de permettre le règlement du personnel non déclaré et le financement de certains travaux est de ce fait plausible, ce d'autant plus qu'il a été relevé une concordance entre les sommes notées sur les talons de chèques et celles figurant dans les cahiers de caisse produits au cours de l'enquête pénale ;
Que dès lors il sera considéré que les agissements reprochés à M. Y, qui consistent dans le détournement de fonds en donnant des instructions au personnel pour mettre la machine de la carte bancaire en panne et réclamé des chèques ou des espèces aux clients, correspondaient à une pratique de l'entreprise de sorte qu'ils ne sauraient justifier son licenciement ;
- Sur l'attestation de M. ...
Attendu que la lettre de licenciement reproche à M. Y d'avoir imposé, sous la menace, à M. ..., la rédaction d'une fausse attestation pour masquer les détournements de produits de l'hôtel ;
Que ces faits n'ont pas été pénalement poursuivis et que la juridiction prud'homale conserve de ce fait toute liberté dans l'appréciation de ce motif de licenciement ;
Qu'en l'espèce, il ressort des éléments produits aux débats que M. ... a effectué une attestation en faveur de M. Y le 18 septembre 2008, avant d'affirmer dans une seconde attestation du 6 octobre 2008 puis devant les gendarmes le 13 avril 2010, l'avoir rédigée sous la pression de M. Y et la dictée de Mme ... ;
Qu'il convient néanmoins de relever que M. ... a continué d'être employé par M. ... après cette affaire et que mis à part ses propres déclarations, il n'est produit aucun autre élément permettant de confirmer ses dires ;
Que la plainte qui aurait été déposée par M. ... pour incitation à faux témoignage n'est pas versée aux débats ;
Que M. ... et Mme ..., témoins lors de l'établissement de la première attestation, ont affirmé que celle-ci avait été obtenue sans aucune contrainte ni pression et que M. ... a simplement demandé que son écrit ne soit pas utilisé avant le 16 octobre 2008 afin qu'il puisse être rémunéré jusqu'à cette date ;
Qu'il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de l'existence d'une faute grave et à fortiori d'une faute lourde ;
Que dès lors, les agissements reprochés à l'encontre de M. Y n'étant pas établis, ils ne sauraient justifier son licenciement ;
- Sur la dissimulation de commandes
Attendu que la lettre de licenciement fait état de ce que M. Y aurait pris certaines décisions à l'insu du gérant en demandant même à des intervenants de les dissimuler et que Mme ... a déclaré qu'il lui avait donné l'ordre de cacher les commandes passées pour de nouvelles nappes du restaurant à Mme ..., actionnaire à 50 % de la société ;
Que la commande du site internet tout comme le vol des tampons de la société ne figurent pas dans la lettre de licenciement et ne peuvent donc justifier celui-ci ;
Que l'attestation de Mme ..., rédigée près de 4 ans après les faits, fait simplement état d'une commande, sans la dater, tout en précisant qu'elle fournit l'hôtel depuis 1986-1988, et surtout ne prétend aucunement que M. Y lui aurait demandé de cacher cette commande à Mme ... ;
Que tout au plus elle reconnaît lui avoir suggéré d'en référer à M. ... et que celui-ci lui aurait répondu, en des termes certes peu élégants, par la négative ;
Que ses fonctions de directeur de l'hôtel permettaient à M. Y de passer seul les commandes justifiées par l'activité de l'établissement et qu'à défaut pour la SARL SUBRINI de démontrer que des directives expresses et contraires lui avaient été données, il ne peut lui être raisonnablement reproché d'avoir passé une commande de nappes ;
Que ces faits ne peuvent donc être constitutifs d'une faute justifiant le licenciement de M. Y ;
- Sur les insuffisances professionnelles
Attendu que la lettre de licenciement fait état des fautes suivantes absence de tenue quotidienne des livres de caisses, disparition des factures concernant les séjours de mai à juillet 2008, défaut de comptabilisation du taux de remplissage des chambres et non-tenue des plannings de travail du personnel ;
Que si ces griefs ne sont pas expressément datés, ils sont suffisamment précis, objectifs et vérifiables ;
Que la SARL SUBRINI, qui a la charge de la preuve, verse à l'appui de ses dires la seule l'attestation de M. Cédric ... qui est le fils du gérant de l'hôtel et ne corrobore ces déclarations d'aucun autre élément de preuve ;
Qu'au surplus, il a été établit que l'encaissement de chèques clients sur les comptes bancaires des salariés de l'hôtel et la remise des espèces correspondantes constituaient une pratique de l'entreprise laquelle peut expliquer la tenue d'une double comptabilité ainsi qu'une facturation des séjours et une comptabilisation du taux de remplissage des chambres inexactes ;
Que dès lors ces faits n'apparaissent pas suffisamment établis pour pouvoir justifier le licenciement de M. Y ;
- Sur l'appréciation de la gravité des fautes retenues
Attendu que l'article L 1232-1 du code du travail dispose que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ; qu'en l'absence d'énonciation des motifs dans la lettre de licenciement, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ; que l'énoncé d'un motif imprécis équivaut à une absence de motif ;
Attendu que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable(s) au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ;
Attendu que la faute lourde est celle qui a été commise par le salarié dans l'intention de nuire à l'employeur ou à l'entreprise ;
Qu'en l'espèce, il résulte de l'ensemble des éléments ci-dessus que seuls les faits de dégradation d'une lampe de l'hôtel Subrini le 21 juin 2008 et de menaces de mort à l'encontre de M. ... lors de la confrontation le 11 juillet 2008 doivent être considérés comme établis et susceptibles de justifier le licenciement de M. Y ;
Que les faits de dégradation volontaires doivent être considérés comme constitutifs d'une faute, laquelle doit néanmoins être replacée dans le contexte de la vive altercation qui a opposé M. Y à son employeur ;
Qu'il n'en reste pas moins que le geste d'égorgement que celui-ci a eu envers M. ... dans les locaux de la gendarmerie d'Ajaccio le 11 juillet 2008, a été directement menaçant à son encontre et suffisamment grave pour rendre impossible la poursuite de la relation de travail ;
Que si les injures et insultes ne permettent pas en principe de retenir, à elles seules, la faute lourde en l'absence d'intention de nuire, il en est autrement lorsque le salarié menace directement de mort son employeur, qui plus est devant des gendarmes et dans le cadre d'une confrontation dans les locaux des services d'enquêtes ;
Que dès lors, il sera considéré que le licenciement pour faute lourde de M. Y est fondé et que ses demandes relatives au paiement d'indemnités de rupture doivent être rejetées ;
Sur les rappels de salaire
- La période antérieure à juillet 2008
Attendu que l'instance a été introduite avant l'entrée en
vigueur de la loi du 14 juin 2013 et que les actions en paiement des salaires et en répétition de l'indu se prescrivent par un délai de 5 ans ;
Que les demandes formulées à ce titre par M. Y ne peuvent donc concerner le paiement des salaires pour la période antérieure au mois d'octobre 2003 et que si celui-ci fait état d'un rappel de salaire qui lui serait dû à hauteur de 265 599,75 euros pour les années 2004 à 2008, il ressort du tableau qu'il produit aux débats qu'il inclut dans ses calculs, à tort, les arriérés qui lui seraient dus depuis l'année 1996 ;
Que la demande de rappel de salaire formulée par M. Y ne porte pas sur le montant de son salaire mensuel qui n'est pas contesté mais sur le versement des primes convenues ;
Que cependant, même si aucun contrat de travail n'a été conclu par écrit entre les parties, il ressort des documents produits aux débats et notamment du procès-verbal de mise en présence de M. ... et M. Y le 11 juillet 2008 que le principe du versement d'une prime annuelle était acquis dès 1996 - donc avant la signature du contrat de travail le 8 novembre 2005 ;
Qu'aucun élément ne permet pour autant de retenir la somme de 61 000 euros nette comme montant de cette prime, ce montant étant contesté par la SARL SUBRINI et n'apparaissant sur aucun document ni bulletin de salaire ;
Qu'il n'est pas contesté par les parties que pour les années 1996 à 1999, aucune prime n'a été versée à M. Y au regard de la situation financière critique de l'établissement ;
Que l'étude des bulletins de salaire fait ensuite état des primes suivantes
- 1999 486 280,09 francs brut soit 92 738,69 euros
- 2000 522 763,73 francs brut soit 99 696,50 euros
- 2001 535 034,04 francs brut soit 102 036,58 euros
- 2003 37 477,81 euros (avril) et 38 117,91 euros (décembre)
- 2004 28 662,30 euros
- 2005 131 736,13 euros
Que le récapitulatif des rémunérations perçues versé aux débats par la SARL SUBRINI ne correspond ni aux sommes figurant sur ces bulletins de paie, ni aux sommes réellement perçues par M. Y et dont il justifie ;
Que le contrat de travail signé le 8 novembre 2005, qui instaure une prime annuelle fixée selon un pourcentage du chiffre d'affaire annuel, prévoit que celle-ci sera intégralement payée au mois d'octobre de chaque année ;
Qu'il ressort d'aucun élément produit aux débats que, s'agissant de l'année 2005, les parties ont entendu déroger au contrat et convenir d'une prime versée au mois décembre et non au mois d'octobre selon les nouvelles modalités de calcul ou qu'elles ont entendues effectuer un calcul au prorata ;
Qu'il doit donc être considéré que la prime exceptionnelle versée à M. Y au mois de décembre 2005 n'a pas à correspondre à un pourcentage de 5,80 % du chiffre d'affaire de l'établissement ;
Que dès lors au regard de ces éléments mais également de la prescription encourue, il convient de s'attacher aux seules années 2003 (novembre à décembre) 2004 et 2005, années pour lesquelles les primes figurant sur les bulletins de salaire des mois de décembre ont effectivement été versées à M. Y comme en atteste ses relevés bancaires et les photocopies de chèques versées aux débats ;
Qu'à défaut de rapporter la preuve que le salaire convenu était supérieur à celui mentionné sur ses bulletins de paie, ce dernier ne pourra prétendre à aucun rappel de salaire concernant cette période ;
Que pareillement, à défaut pour la SARL SUBRINI de rapporter la preuve que le salaire et notamment que la prime convenue étaient inférieurs à ceux figurant sur les bulletins de paie, celle-ci ne pourra prétendre à aucune répétition de l'indu concernant cette période ;
***
Attendu qu'un contrat de travail à durée indéterminée a été conclu entre les parties le 8 novembre 2005 à effet au 1er novembre 2005 selon lequel le salaire de M. Y est constitué d'une rémunération mensuelle fixe de 3 811,23 euros comprenant le salaire de base et les avantages en nature de logement et de nourriture outre une prime annuelle correspondant à un pourcentage de 5,80 % du chiffre d'affaire réalisé durant la saison versée au mois d'octobre de chaque année ;
Que le montant de la prime à laquelle M. Y pouvait prétendre concernant l'année 2006 s'élève à la somme de 42 722,93 euros au regard du chiffre d'affaire de l'hôtel de 736 785 euros ;
Que ce chiffre d'affaire pour l'année 2007 s'élevant à 780 562 euros, la prime de M. Y pour cette même année s'élève à la somme de 45 272 euros ;
Qu'enfin le chiffre d'affaire de l'hôtel pour l'année 2008 s'élevant à 855 645,66 euros, la prime de M. Y pour cette même année au prorata de sa présence dans l'établissement s'élève à la somme de 24 813,23 euros ;
Que pour les périodes de 2006 à 2008, il aurait donc dû percevoir la somme totale de 112 808,16 euros correspondant aux primes auxquelles il avait droit ;
Que l'étude de ses comptes bancaires ainsi que les photocopies de chèques produites aux débats font apparaître qu'il a touché les sommes de 76 189,15 euros en 2006 et 38 112,25 euros en 2007, soit un total de 114 301,40 euros ;
Que les sommes dont fait état la SARL SUBRINI répertoriées sur le Grand livre des comptes généraux à hauteur de 68 454,31 euros sont prises en compte dans les sommes versées à M. Y dans le cadre du règlement de ses primes pour les années 2006 et 2007 ;
Qu'il résulte donc de l'ensemble de ces éléments que M. Y a perçu des primes pour un montant supérieur à ce qui était prévu à son contrat de travail et que la SARL SUBRINI lui a versé un trop perçu à hauteur de 1 493,24 euros ;
Attendu que si en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions, au cours d'une même instance, concernent l'exécution du même contrat de travail ;
Que M. Y ne peut donc valablement opposer à la SARL SUBRINI la prescription de son action en répétition de l'indu et que celui-ci sera condamné à lui payer la somme de 1 493,24 euros à titre de trop perçu concernant ses primes exceptionnelles ;
- La période postérieure à juillet 2008
Attendu qu'en raison du caractère synallagmatique du contrat de travail, tout salaire est la contrepartie de la relation de travail et que le salarié qui n'a fourni aucune prestation de travail ne peut prétendre au paiement de son salaire ; qu'il n'en est autrement que si ce dernier démontre qu'il est resté à la disposition de son employeur ;
Qu'en l'espèce, M. Y reconnaît ne plus avoir fourni de prestation de travail à compter du 10 juillet 2008 et ne soutient pas s'être maintenu à la disposition de son employeur ;
Qu'il ressort effectivement des éléments de l'enquête pénale que ce dernier, après avoir mis en examen le 12 juillet 2008 et incarcéré, a été placé sous contrôle judiciaire le 31 juillet 2008 avec interdiction de résider en Corse ;
Que les arguments selon lesquels ce serait la SARL SUBRINI, en tant qu'employeur, qui serait responsable de cette situation et le rendrait légitime à percevoir son salaire durant cette période ne sauraient raisonnablement prospérer, l'arrêt brutal de l'exécution de son travail et de la perception de ses salaires entre le 10 juillet 2008 et le jour de son licenciement ne pouvant donner lieu à aucune indemnisation sauf à démontrer que l'employeur aurait tardé à engager la procédure de licenciement, ce qui n'est pas invoqué en l'espèce ;
Sur l'indemnité pour travail dissimulé
Attendu que l'article L8221-5 du même code prévoit qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ou de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales ;
Qu'il ressort effectivement des bulletins de salaire versés aux débats à compter de l'année 2006 que les primes n'y figurent pas toutes ;
Que la lecture des pièces versées aux débats fait apparaître que les bulletins de salaires de l'année 2006 font état de 3 "avances" sur prime concernant les mois de janvier à mars à hauteur de 1725,76 euros brut ainsi que 7 "avances" sur prime concernant les mois d'avril à octobre à hauteur de 1 743,05 brut, soit un total de 17378,63 euros au lieu de la somme contractuellement prévue de 42 722,93 euros et de celle de 76 189,15 euros réellement perçue ;
Que les bulletins de paie de l'année 2007 ne mentionnent aucune prime alors que M. Y était en droit de prétendre la somme de 45 272 euros et qu'il lui a été versée celle de 38 112,25 euros ;
Qu'il n'est pas démontré que M. Y donnait lui-même les instructions au cabinet comptable pour établir les bulletins de paie, qu'en tout état de cause il appartenait à la SARL SUBRINI en sa qualité d'employeur d'établir des fiches de paie conformes au contrat de travail, que le paiement des primes a bien été effectué par des chèques rédigés et signés par M. ... lui-même sans qu'ils ne soient repris sur les fiches de paie et que dès lors, il doit être considéré que la SARL SUBRINI a volontairement dissimulé une partie du salaire de M. Y ;
Attendu que l'article L8223-1 du code du travail prévoit qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire ;
Que cette indemnité doit être calculée en tenant compte du salaire et des primes auxquelles il était en droit de prétendre, indépendamment de ce qui lui a été réellement payé ;
Que la période postérieure au mois de juillet 2008 n'ayant donné lieu à aucun salaire ne pourra être prise en compte dans le calcul du salaire de référence et qu'il conviendra de retenir la somme de 9 011,07 euros ;
Que la SARL SUBRINI sera en conséquence condamnée à payer à M. Y la somme de 54 066,42 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé ;
Attendu que l'article 1289 du code civil prévoit que lorsque deux personnes se trouvent débitrices l'une envers l'autre, il s'opère entre elles une compensation qui éteint les deux dettes ;
Attendu cependant qu'en matière du droit du travail la compensation n'est légalement prévue que dans les cas de créances pour fournitures diverses et d'avances en espèces sur salaires, que dans les autres hypothèses la compensation n'est possible que si la créance de l'employeur répond aux exigences de droit commun c'est à dire une créance liquide, certaine et exigible et qu'en tout état de cause elle ne peut s'opérer que dans les limites de la portion saisissable du salaire ;
Qu'en l'espèce, la SARL SUBRINI sollicite la compensation entre les indemnités dues à M. Y et les sommes trop perçues par celui-ci ;
Attendu qu'en cas de rupture du contrat de travail, le reliquat est intégralement récupérable sur les indemnités n'ayant pas le caractère de salaire ;
Que la créance de l'employeur étant certaine, liquide et exigible, elle peut être intégralement récupérée sur l'indemnité pour travail dissimulée, de sorte que la SARL SUBRINI ne sera redevable envers M. Y que de la somme de 52 573,18 euros ;
Sur les demandes accessoires
Attendu qu'il conviendra d'ordonner à la SARL SUBRINI de remettre à M. Y l'ensemble de ses bulletins de paie, son attestation Assedic et son certificat de travail rectifiés conformément au présent arrêt sans qu'il ne soit cependant nécessaire de prononcer une astreinte ;
Attendu que conformément à l'article 1153-1 du code civil, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement et que l'indemnité allouée en appel porte intérêt à compter de la décision d'appel ;
Que dès lors, la demande formulée par M. Y tendant à ce que les condamnations qui seront prononcées à l'encontre de la SARL SUBRINI porteront intérêts au taux légal à compter de la date de rupture du contrat de travail sera rejetée et qu'il sera dit que celles-ci porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
Attendu qu'il apparaît justifié de dire que M. Y qui succombe principalement mais pas intégralement dans ses demandes, supportera la charge de ses propres dépens et que la SARL SUBRINI conservera elle-aussi la charge de ses dépens ;
Qu'il n'y aura pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
LACOU R,
Statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition au greffe,
PRONONCE la nullité du jugement du conseil de prud'hommes en date du 2 septembre 2014 ;
REJETTE la demande de sursis à statuer formulée par la SARL SUBRINI ; JUGE fondé le licenciement pour faute lourde de M. Michel Y ;
DÉBOUTE M. Michel Y de l'ensemble de ses demandes indemnitaires relatives à la rupture de son contrat de travail ;
DÉBOUTE M. Michel Y de l'ensemble de ses demandes formulées à titre de rappel de salaire et de congés payés ;
CONDAMNE M. Michel Y à payer à la SARL SUBRINI somme de 1 493,24 euros (mille quatre cent quatre vingt treize euros et vingt quatre centimes) à titre de trop perçu sur ses primes annuelles ;
CONDAMNE la SARL SUBRINI à payer à M. Michel Y la somme de 54 066,42 euros (cinquante quatre mille soixante six euros et quarante deux centimes) à titre d'indemnité pour travail dissimulé ;
ORDONNE la compensation entre les sommes dues réciproquement par les parties ;
DIT en conséquence que la SARL SUBRINI restera tenue de verser à M. Y la somme de 52 573,18 euros (cinquante deux mille cinq cent soixante treize euros et dix huit centimes) ;
DIT que les intérêts porteront intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt ;
CONDAMNE la SARL SUBRINI à remettre à M. Y l'ensemble de ses bulletins de paie, son attestation Assedic et son certificat de travail rectifiés conformément au présent arrêt ;
DIT n'y avoir lieu d'assortir cette condamnation d'une astreinte ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile
DIT que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT