CIV.3 L.G.
COUR DE CASSATION
Audience publique du 17 novembre 2004
Rejet
M. WEBER, président
Arrêt n° 1190 F P+B
Pourvoi n° W 03-14.958
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par
1°/ M. Maurice Z,
2°/ Mme Nicole YZ, épouse YZ,
demeurant Triel-sur-Seine Aliso Viejo CA (USA),
en cassation d'un arrêt rendu le 17 janvier 2003 par la cour d'appel de Versailles (3e chambre civile), au profit
1°/ de la société civile immobilière (SCI) Les Vergers de Triel, dont le siège est Paris,
2°/ de l'Office central interprofessionnel de logement (OCIL), pris en sa qualité d'associé de la société SOFAH en dissolution, dont le siège est Paris,
3°/ de la Société foncière d'aménagement de l'Hautil (SOFAH), en dissolution, prise en sa qualité d'associée unique de la SCI Les Vergers de Triel, dont le siège est Paris, prise en la personne de son liquidateur, M. Robert V, domicilié Paris,
4°/ de la Caisse d'éparge et prévoyance de Picardie (CEP Picardie), venant aux droits de la Caisse d'épargne et de prévoyance de Saint-Quentin, dont le siège est Amiens,
5°/ de M. Baudoin S, domicilié Corbeil-Essonnes, pris en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société SEMIP, dont le siège est Ballainvilliers,
6°/ de M. Jean-Pierre Q, domicilié Senlis, pris en sa qualité de liquidateur du GIE Meeker développement,
7°/ de Mme Marie-Dominique O, domiciliée Evry Cedex, prise en sa qualité de représentant des créanciers de la société SEMIP,
8°/ de la société AGF IART, société anonyme, venant aux droits de la compagnie Préservatrice Foncière assurances (PFA), prise en sa qualité d'assureur du GIE Meeker développement et de la SCI Les Vergers de Triel, dont le siège est Paris,
9°/ de la société L'Auxiliaire, société anonyme, prise en sa qualité d'assureur du GIE Meeker développement, dont le siège est Lyon,
10°/ de la société Abeilles assurances, prise en sa qualité d'assureur de la société SEMIP, dont le siège est Paris ,
11°/ de la société Qualiconsult, société anonyme, dont le siège est Paris,
12°/ de la société Eiffage TP3, société anonyme, venant aux droits de la société Fougerolle Bori, dont le siège est Vélizy-Villacoublay, venant elle-même aux droits de la société Bori SAE, dont le siège est Neuilly-sur-Marne,
13°/ de la société Intrafor, dont le siège est Montigny-Le-Bretonneux,
14°/ de la société GAN incendie-accidents IARD, société anonyme, prise en sa qualité d'assureur de la société Intrafor, dont le siège est Paris , et actuellement Paris,
15°/ de la société Soler conseil, société à responsabilité limitée, dont le siège est Massy,
16°/ de la compagnie AXA Corporate solutions, nouvelle dénomination de la compagnie AXA Global risks, venant aux droits du Groupe Drouot, prise en sa qualité d'assureur d'OCIL, de la société SOFAH et de la SCI Les Vergers de Triel, dont le siège est Paris,
17°/ de la compagnie Les Mutuelles du Mans assurances IARD, prise en sa qualité d'assureur responsabilité civile de l'OCIL de la société SOFAH et de la SCI Les Vergers de Triel, dont le siège est Le Mans , défendeurs à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l'article L. 131-6-1 du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 12 octobre 2004, où étaient présents M. Weber, président, Mme Nési, conseiller référendaire rapporteur, MM. Villien, Cachelot, Mmes Lardet, Gabet, Renard-Payen, MM. Paloque, Rouzet, conseillers, Mmes Boulanger, Maunand, conseillers référendaires, M. Gariazzo, avocat général, Mme Bordeaux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Nési, conseiller référendaire, les observations de la SCP Roger et Sevaux, avocat des époux Z, de la SCP Baraduc et Duhamel, avocat de la société AGF IART, venant aux droits de la compagnie Préservatrice Foncière assurances, ès qualités, de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de la compagnie Les Mutuelles du Mans assurances, ès qualités, de la SCP Gatineau, avocat de la SCI Les Vergers de Triel, de l'Office central interprofessionnel de logement, ès qualités, et de la SOFAH, ès qualités, les conclusions de M. Gariazzo, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Donne acte aux époux Z du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. Q, ès qualités, M. S, ès qualités, Mme O, ès qualités, la société L'Auxiliaire, la société Aviva, venant aux droits de la société Abeilles assurances, la société Qualiconsult, la compagnie AXA Corporate solutions, la société Eiffage TP, la société GAN incendie-accidents IARD, la société Soler conseil et la société Intrafor ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 17 janvier 2003), que les époux Z ont acquis de la Société civile immobilière Les Vergers de Triel (la SCI) un terrain avec une maison en cours de construction ; qu'ils ont engagé une action en nullité de la vente pour erreur et dol au motif que la SCI leur aurait dissimulé l'existence, en sous-sol, d'anciennes carrières de gypse engendrant une instabilité du terrain ;
Sur la recevabilité du pourvoi, contestée par la défense
Attendu que la SCI, l'Office central interprofessionnel de logement (OCIL) et M. V, pris en sa qualité de liquidateur de la Société foncière d'aménagement de l'Hautil soutiennent que le pourvoi formé par les époux Z est irrecevable en application de l'article 612 du nouveau Code de procédure civile, pour avoir été formé plus de deux mois après la signification de l'arrêt attaqué, la circonstance que les intéressés se trouvaient aux États-Unis d'Amérique n'étant pas de nature à leur faire perdre leur domicile habituel en France ;
Mais attendu qu'il résulte tant des conclusions d'appel des époux Z signifiées le 17 juin 2002, que de l'arrêt critiqué et des documents administratifs joints au mémoire en réplique déposé le 6 mai 2004 que ceux-ci, tout en ayant un domicile en France, demeuraient aux États-Unis d'Amérique, et bénéficiaient du délai de distance instauré par l'article 643 du nouveau Code de procédure civile ;
Que le pourvoi, formé dans les quatre mois de la signification de l'arrêt, est recevable ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche, ci-après annexé
Attendu qu'ayant relevé que le contrat de vente faisait expressément référence aux actes et aux décisions administratives concernant la zone d'aménagement concerté et notamment au permis de construire qui avait été délivré au vu d'un avis favorable de l'inspecteur général des carrières, sous réserve de la réalisation d'une étude de reconnaissance du sous-sol et des travaux de consolidation nécessaires, que la venderesse avait fait procéder à tous les travaux de stabilisation du terrain préconisés par le bureau d'étude et approuvés par cet inspecteur et que du fait de l'efficacité des injections de coulis de ciment il ne subsistait plus de risque d'effondrement, la cour d'appel, qui a pu en déduire que les époux Z ne démontraient pas que la SCI aurait sciemment dissimulé l'existence d'anciennes carrières et aurait commis un dol à leur égard, a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Sur le moyen unique, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches, réunies
Attendu que les époux Z font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à l'annulation de la vente alors, selon le moyen
1°) que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, les époux Z concluaient à la confirmation du jugement entrepris qui avait retenu l'existence d'une erreur sur la qualité substantielle de la chose vendue et faisaient valoir notamment qu'ils "ont légitimement acquis le terrain et la maison en l'état futur d'achèvement litigieux en entendant être propriétaires d'un terrain sans danger et d'une maison solidement implantée sur un sol stable, ont pu être induits en erreur sur la substance du bien acquis par la SCI, qui connaissait parfaitement l'existence des carrières en sa qualité de professionnel avisé et a failli à son devoir de conseil à leur égard" ; qu'en substituant ainsi au fondement de l'action en nullité pour vice du consentement exercée celui de l'action en garantie des vices cachés, la cour d'appel a dénaturé les conclusions des époux Z et violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;
2°) que l'existence d'un vice caché n'exclut pas par elle-même la possibilité d'invoquer l'erreur sur la qualité substantielle ; qu'en affirmant en l'espèce, pour écarter tout examen de l'erreur sur la substance invoquée par les époux Z, que "la garantie des vices cachés constituait l'unique fondement possible de l'action exercée", la cour d'appel a violé de façon manifeste et par refus d'application l'article 1110 du Code civil ;
3°) que l'inconstructibilité du terrain acquis constitue le vice caché de la chose vendue ; qu'en l'espèce, les juges d'appel ont expressément constaté qu' "il ressort du plan d'exposition aux risques naturels prévisibles que le terrain des époux Z est constructible à l'exception d'une partie située en limite du jardin" ; qu'en écartant cependant l'existence d'un vice caché au prétexte que la maison d'habitation serait construite sur la partie constructible du terrain, quand demeuraient l'inconstructibilité partielle du terrain, vendu comme constructible, et l'instabilité de l'assise de la construction, la cour d'appel a violé, par refus d'application, les dispositions de l'article 1641 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant énoncé à bon droit que les vices cachés se définissent comme des défauts rendant la chose impropre à sa destination, et constaté que l'action des époux Z était exclusivement fondée sur la présence d'anciennes carrières de gypse qui entraîneraient des mouvements du sol et des désordres immobiliers, la cour d'appel, qui n'a pas dénaturé les conclusions des parties, a exactement retenu que la garantie des vices cachés constituant l'unique fondement possible de l'action exercée, il n'y avait pas lieu de rechercher si le consentement des époux Z avait été donné par erreur ;
Attendu, d'autre part, que les époux Z ne s'étant pas prévalus dans leurs conclusions d'appel de l'inconstructibilité du terrain, le moyen est nouveau de ce chef, mélangé de fait et de droit ;
D'où il suit que, pour partie irrecevable, le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les époux Z aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne les époux Z à payer la somme de 1 900 euros à la SCI Les Vergers de Triel, à l'Office central inerprofessionnel de logement et à M. V, ès qualités de liquidateur de la société Foncière d'aménagement de l'Hautil, ensemble, et la somme de 1 900 euros aux Mutuelles du Mans assurances ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande des époux Z ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept novembre deux mille quatre.