N° 01BX01991
S.A. NICAR
M. de Malafosse, Président
Mme Viard, Rapporteur
M. Valeins, Commissaire du gouvernement
Arrêt du 8 juillet 2004
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL DE BORDEAUX
(5ème chambre)
Vu, enregistrée au greffe de la cour le 20 août 2001, sous le n° 01BX01991, la requête présentée pour la S.A. NICAR dont le siège social est situé 78 route de Bayonne à Billère (64140) ;
La S.A. NICAR demande à la cour :
1) d'annuler le jugement du 12 juin 2001 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à la réduction des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et à la contribution de 10% sur l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 1995 ;
2) de lui accorder la réduction des impositions litigieuses ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le livre des procédures fiscales et le code général des impôts ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 juin 2004 :
- le rapport de Mme Viard ;
- les conclusions de M. Valeins, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale ; qu'ainsi l'abandon de créances accordé par une entreprise au profit d'une entreprise tierce ne relève pas en général d'une gestion commerciale normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant un tel avantage, l'entreprise a agi dans son propre intérêt ; que, s'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer qu'un abandon de créance consenti par une entreprise à une entreprise tierce constitue un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que l'entreprise n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties ;
Considérant que la S.A. NICAR, qui exploite à proximité de Pau un supermarché sous l'enseigne "Intermarché", a consenti en 1994 des avances pour un total de 309 096 F à la SCI Langla, dont elle détenait 49% des parts et dont son dirigeant détenait 21% des parts ; que cette SCI, dans laquelle était également associés la société Nicla, qui exploite sur le même site un magasin à l'enseigne "Vétimarché", et le dirigeant de celle-ci, a été créée en vue d'aménager, à proximité du magasin exploité par la S.A. NICAR, des locaux vacants relevant d'un même ensemble immobilier appartenant à une entreprise tierce afin d'y implanter deux magasins dits de hard discount et plus précisément, en ce qui concerne la S.A. NICAR, afin de les donner à bail à la société Crispi, filiale à 99% de cette dernière, chargée de créer dans ces locaux un magasin de produits d'alimentation à prix très bas ; que cette opération ayant été un échec commercial, la SCI Langla ainsi que la société Crispi ont été mises en liquidation judiciaire ; que la SCI ne disposant pas d'un patrimoine immobilier puisqu'elle n'était pas propriétaire de l'ensemble immobilier, la S.A. NICAR a été conduite à abandonner les avances qu'elle lui avait consenties ; que la S.A. NICAR fait état de ce que la création par sa filiale, dans les conditions sus-décrites, d'un magasin d'alimentation dit de hard discount était justifiée, d'une part, par la nécessité de lutter contre la baisse de son chiffre d'affaires entraînée par le report d'une partie de la clientèle de son supermarché vers les magasins de ce type récemment implantés par d'autres enseignes dans l'agglomération paloise, d'autre part, par le souci d'éviter que ne s'implante dans les locaux pour l'aménagement desquels avait été créée ladite SCI, donc à proximité de son supermarché, un magasin appartenant à une autre enseigne venant concurrencer ce dernier ; qu'eu égard aux explications circonstanciées que la société requérante apporte quant à l'intérêt propre que revêtait pour elle cette création et quant aux raisons pour lesquelles cette création s'est effectuée par l'intermédiaire d'une société civile immobilière, elle doit être regardée comme apportant la justification des contreparties attendues en échange des avances qu'elle a consenties à la SCI Langla, quand bien même l'opération s'est avérée être un échec commercial ; que l'administration ne conteste pas que le caractère irrécouvrable de la créance justifiait l'abandon de celle-ci ; que, par suite, la S.A. NICAR est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué et la décharge, à hauteur de la somme totale, en droits et pénalités, de 18 141,89 euros, du supplément d'impôt sur les sociétés et du supplément de contribution de 10% sur l'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1995 ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Pau du 12 juin 2001 est annulé.
Article 2 : La S.A. NICAR est déchargée du complément d'impôt sur les sociétés et de contribution de 10% sur l'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 1995 à concurrence de la somme totale de 18 141,89 euros, en droits et pénalités.