Jurisprudence : CA Reims, 05-03-2014, n° 13/00232, Confirmation partielle



Arrêt n° 233 du 05/03/2014
Affaire n° 13/00232
MC/EL
Formule exécutoire le à
COUR D'APPEL DE REIMS CHAMBRE SOCIALE Arrêt du 05 mars 2014

APPELANTES
d'un jugement rendue le 16 janvier 2013 par le Conseil de Prud'hommes de REIMS - Formation paritaire, section Encadrement (n° F 12/00088)
SARL LAURENT PERRIER DIFFUSION

TOURS SUR MARNE
non comparante, représentée par Maître Laurence PINCHOU, avocat au barreau de PARIS, présente
SAS CHAMPAGNE LAURENT PERRIER

TOURS SUR MARNE
non comparante, représentée par Maître Laurence PINCHOU, avocat au barreau de PARIS, présente
INTIMÉ
Monsieur Yves X X

SAINT MANDE
comparant en personne, assisté de la SELARL ROLLAND & JEAN BAPTISTE, avocat au barreau de REIMS

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré
Madame Martine CONTÉ, Présidente
Madame Guillemette MEUNIER, Conseiller
Madame Valérie AMAND, Conseiller
GREFFIER lors des débats
Monsieur Emmanuel LEPOUTRE, Greffier
DÉBATS
A l'audience publique du 08 janvier 2014, où l'affaire a été mise en délibéré au 05 mars 2014,
ARRÊT
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame Martine CONTÉ, Présidente, et par Monsieur Emmanuel LEPOUTRE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *

FAITS ET PROCÉDURE
Monsieur X X, né le 01 juin 1960, a été engagé le 1er juillet 1991 par la SAS Champagne Laurent Perrier (ci-après la SAS CLP) en qualité de cadre responsable de zone au Service Exportation.
Devenu Directeur Marketing, en 1997, à compter de 1999 jusqu'en 2005 il a occupé les fonctions de Directeur Commercial International.
Monsieur De X a alors accepté de devenir Directeur Général de la succursale Belge de la SARL Laurent Perrier Diffusion (ci-après SARL LPD).
Cette mutation a donné lieu le 25 octobre 2005 à la conclusion de trois conventions.
Une convention tripartite entre Monsieur X X, la SAS CLP et la succursale Belge de la SARL LPD aux termes de laquelle il était convenu, outre une reprise d'ancienneté par la succursale depuis le 02/09/1991 et la garantie du nombre de congés payés légaux malgré le transfert en Belgique des dispositions suivantes
'ARTICLE 1 - DUREE
Au terme de sa mission professionnelle en Belgique, dont le délai ne pourra excéder 5 ans, l'employé se verra proposer une nouvelle affectation au sein du Groupe Laurent ....
[...]
ARTICLE 4 - REINTEGRATION
En cas de rupture de son contrat de travail prenant effet avant le 1er octobre 2010 pour un autre motif que la démission ou le licenciement pour faute grave ou lourde, Champagne Laurent-Perrier SA, s'engage à rechercher activement une solution de reclassement, pour Monsieur Yves X X, au sin du groupe, dans un emploi correspondant à ses qualifications.
En cas d'impossibilité de reclassement, Champagne Laurent-Perrier SA s'engage à procéder au licenciement de Monsieur Yves X X, conformément aux dispositions de la loi française.'
Puis un contrat de travail - dont la soumission au droit Belge ou au droit Français constitue un point essentiel du présent litige - entre Monsieur X X et la SARL LPD stipulant ainsi qu'il suit
'ARTICLE 1 - DUREE ET COMMENCEMENT
[...] Les parties conviennent que la mission de l'employé auprès de la succursale en Belgique est temporaire.
ARTICLE 2 - FONCTIONS ET EVALUATION
1. L'employé est engagé en tant que directeur de Marché en Belgique.
D'un point de vue externe, il aura le titre de Directeur Général Laurent-Perrier Diffusion Belgique.
ARTICLE 4 - REMUNERATION
1. La succursale paiera une rémunération mensuelle fixe de 3 451,86 euros bruts.
En outre, l'employé pourra percevoir en sus de la rémunération visée ci-dessus, une prime de performance variable calculée comme précisé en annexe 3 (PRIME DE PERFORMANCE) avec un taux cible de 30% de la rémunération fixe totale gagnée au cours de chaque année fiscale, calculée prorata temporis pour toute année incomplète.
2. La succursale paiera à l'employé une prime de fin d'année conformément aux dispositions des C.C.T. qui sont d'application dans la commission paritaire N° 218 dont relève la succursale...
ARTICLE 5 - FRAIS D'INSTALLATION
[...] La succursale prendra en charge le montant des frais de déménagement dans les limites raisonnables [...].
ARTICLE 6 - VOITURE DE SOCIÉTÉ ET FRAIS PROFESSIONNELS
[...] L'employé bénéficiera du remboursement des frais provoqués par le travail à l'étranger pour un montant maximum 11.250 euros par an (soit 937,50 euros par mois).
ARTICLE 7 - HORAIRES DE TRAVAIL
L'employé est engagé à temps partiel. Il travaillera les mardi, mercredi, jeudi et vendredi matin, selon l'horaire collectif applicable soit de 8h30 à 13h30 et de 14h à 18h [...]
ARTICLE 9 - LIEU DE TRAVAIL
L'employé sera employé principalement dans les bureaux de la succursale à BRUXELLES ou tout autre lieu qui serait choisi par l'entreprise en Belgique.'
Cependant tant l'employé que la succursale reconnaissent qu'en raison de la fonction de l'employé, le lieu de travail n'est pas une condition essentielle d'emploi.
Il était aussi précisé dans ce contrat à l'article 17
'Pour ce qui n'a pas été expressément prévu par ce contrat, le droit Belge sera d'application et en particulier la loi relative aux contrats de travail du 3 juillet 1978".
Monsieur X X devenait par l'effet de ce contrat sur l'organigramme du groupe à N-2 du Président du Directoire et à la tête de la succursale il avait autorité sur sept commerciaux, un directeur de marque et un salarié administratif.
Enfin était signé un avenant au contrat de travail entre Monsieur X X et la SAS CLP prévoyant
'ARTICLE 1 - OBJET DE L'AVENANT
A compter du 1er octobre 2005, le contrat de travail à durée indéterminée liant Monsieur Yves X X à la société Champagne Laurent-Perrier, est modifié en un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel pour tenir compte de sa promotion au sein du Groupe Laurent ... et de sa prise de fonction de directeur du Marché de Belgique.
ARTICLE 2 - FONCTIONS
A compter du 1er octobre 2005, Monsieur Yves X X occupera les fonctions de Directeur Commercial International Adjoint au sein de la société Champagne Laurent-Perrier (...).
ARTICLE 3 - LIEU DE TRAVAIL
Monsieur Yves X X exercera ses fonctions indifféremment au siège de la société situé à à PARIS ou encore dans tout autre lieu où il devra se déplacer dans le cadre de ses missions notamment à l'étranger.
ARTICLE 4 - DUREE DU TRAVAIL
Monsieur Yves X X effectuera 12 heures par semaine réparties de la façon suivante
- Le lundi de 8h30 à 12h30 et de 14h à 18h.
- Le vendredi de 14h à 18h [...]'
La rémunération se décomposait comme suit
- d'une rémunération fixe à savoir un salaire forfaitaire mensuel brut de 3 235,80 euros sur 12 mois ;
- d'une indemnité de déplacement à l'étranger ne pouvant excéder la somme de 7 370 euros par an ;
- d'une rémunération variable appelée 'prime de performance variable', calculée avec un taux cible de 30% de la rémunération fixe annuelle brute, prime d'expatriation incluse ;
- d'un intéressement et participation, - d'un plan de stock-options.
Dans des conditions présentement litigieuses, les parties étant contraires en fait, à partir de septembre 2010 Monsieur X X fixait à nouveau sa résidence en France, tout en assurant continuer à exercer ses fonctions en Belgique, mais sollicitant aussi de bénéficier d'une évolution de carrière et réintégration dans le groupe.
Au terme de discussions et d'échanges le 31 août 2011 la SAS CLP offrait à celui-là un poste de réintégration à rémunération et qualification égales, à exercer à Paris, comme Directeur du Marché Belgique à plein temps, ses deux adjoints devant assumer eux-mêmes la présence continue dans ce pays.
Monsieur X X a opposé immédiatement un refus, il n'a plus rejoint la succursale de la SARL LPD à Bruxelles et a avisé la SAS CLP de ce qu'il serait présent au siège à Tours sur Marne à compter du 05 septembre 2011 dans l'attente d'une véritable proposition de reclassement.
Consécutivement, en se fondant sur la loi Belge qu'elle argue d'ayant vocation à régir la rupture du contrat de travail, le 27 octobre 2011 par lettre recommandée avec accusé réception la SARL LPD prenait acte de la rupture aux torts de Monsieur X X en lui faisant grief d'un abandon de poste.
Parallèlement en respectant la procédure édictée par la loi française, la SAS CLP, par lettre recommandée du 29 novembre 2011 notifiant à Monsieur X X son licenciement pour cause réelle et sérieuse en le motivant comme suit
'Depuis le 1er octobre 2005, vous avez accepté de prendre la responsabilité du marché belge, alors que vous exerciez les fonctions de Directeur Commercial International.
'A votre demande et suite au déménagement de votre famille de Bruxelles à Paris, un certain nombre d'aménagements ont été apportés depuis à votre contrat de travail.
'Dans le même temps, vous nous avez fait connaître à plusieurs reprises, votre souhait à la fois d'évolution professionnelle au sein du groupe et de retour au siège, arguant du terme de votre mission en Belgique, alors que de notre côté nous n'avons cessé d'insister sur le travail restant à réaliser en Belgique et notre volonté que vous y poursuiviez votre mission, appuyant sur le fait que la Belgique est un marché important qui a besoin d'un patron.
'C'est dans ce contexte que depuis plusieurs mois, nous échangeons à ce sujet alors même que notre groupe est confronté à une crise économique importante qui a vu le résultat net du groupe passer de 34,6 Meuros en 2007-2008 à 14 Meuros en 2010-2011.
'A plusieurs occasions, nous vous avons ainsi fait part de l'absence de poste correspondant à votre profil et/ou vos souhaits d'évolution au sein du groupe.
'Malgré cela, vous nous avez menacés de quitter votre poste au 1er septembre.
'Afin d'apporter une solution constructive, nous avons défini un nouveau poste répondant tant à vos souhaits et impératifs personnels qu'aux besoins et possibilités du Groupe Laurent-Perrier.
'Lors d'un rendez-vous à Tours-sur-Marne le 31 août 2011, nous vous avons proposé formellement le poste de Responsable de marché belge, basé en France, deux adjoints un responsable Grande Distribution et un responsable HORECA/CHR assurant une présence continue sur le marché belge.
'Nous avons souligné le fait que vous travailleriez depuis la France, des déplacements en Belgique étant à prévoir seulement quand les impératifs le nécessiteraient, que vous garderiez le même salaire et bénéficieriez d'une amélioration de vos conditions d'intéressement, de participation et de couverture sociale.
'Nous vous avons enfin laissé un délai de réflexion jusqu'au 30 septembre ce qui dans notre esprit nous donnait du temps pour discuter et peaufiner ces nouvelles modalités d'exercice.
'Toutefois, sans prendre le temps de la réflexion, dès le lendemain, le 1er septembre 2011, mettant vos menaces à exécution, vous avez cessé toute activité en Belgique, laissant sans direction notre filiale et abandonnant ainsi purement et simplement vos fonctions.
'Puis, le 4 septembre 2011, vous nous avez signifié votre refus de notre proposition alors même que nous avions souligné à plusieurs reprises que cette offre était la seule que nous puissions vous faire à date, compte tenu de votre qualification.
'Lors de notre entretien du 22 septembre 2011, vous avez une nouvelle fois confirmé votre désaccord, considérant avoir un droit à bénéficier d'une promotion au sein du groupe, ce que selon vous ne constituait pas notre proposition.
'Nous avons une dernière fois insisté sur le fait que votre lecture des conventions passées était erronée, que notre proposition était sérieuse et qu'elle était la seule envisageable, mais en vain.
'En résumé, arguant d'un droit à la promotion, vous avez décidé unilatéralement de cesser vos fonctions et vos responsabilités au sein de notre succursale belge et l'avez laissée sans direction, tout en refusant dans le même temps la seule proposition de reclassement que nous étions en mesure de vous faire.
'Outre que votre abandon de poste, à votre niveau de responsabilités constitue une décision éminemment critiquable de nature à nous priver de la confiance nécessaire à la poursuite de toute collaboration, vos refus successifs de poursuivre votre contrat de travail puis d'accepter notre offre de poste, nous contraignent à mettre un terme à notre collaboration.'
Entendant contester la légitimité des ruptures de ses deux contrats de travail, le 15 février 2012, Monsieur X X a saisi le conseil de prud'hommes de Reims - dont la compétence n'a jamais été discutée même à propos de la soumission au droit Belge du contrat avec la SARL LPD - aux fins de condamnation des deux sociétés à lui payer les sommes suivantes, outre frais, dépens et remise des documents
1) La SARL Laurent-Perrier Diffusion
- 11 334,46 euros bruts à titre de rappel sur la prime de performance F11,
- 1 133,44 euros bruts à titre de rappel de congés payés sur rappel de prime de performance F1,
- 16 845,06 euros bruts au titre de la prime de performance F12,
- 1 684,50 euros bruts au titre des congés payés sur rappel de prime de performance F12
- 9 845,47 euros bruts (sur la base 5.680,08 euros (rémunération fixe) à titre de rappel de salaire du 6 septembre 2011 au 27 octobre 2011 ;
- 984,55 euros bruts à titre de congés payés sur le rappel de salaire du 6 septembre 2011 au 27 octobre 2011 ;
- 22 720,32 euros bruts [5 680,08 euros (rémunération fixe) x 4 mois, à compter du 27 octobre 2011] à titre de rappel d'indemnité compensatrice de préavis ;
- 2 272,03 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;
- 103 373,64 (sur la base de 7 668,11 euros (rémunération fixe + variable) à titre d'indemnité de licenciement ;
- 460 087 euros [60 mois x 7 668,11 euros (rémunération fixe + variable)] nets de toutes charges sociales y compris la CSG et la CRDS à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 5 621,20 euros en remboursement des frais de déménagement ;
- 8 200 euros au titre de la liquidation de l'astreinte de 50 euros par jour de retard prononcée par le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes de Reims le 14 mars 2012 pour non remise du bulletin C4.
2) La SAS Champagne Laurent-Perrier
- 8 552 euros brut au titre de rappel sur la prime de performance F11 ;
- 855,20 euros brut à titre de rappel de congés payés sur rappel de prmie de performance F11 ;
- 6 982,75 euros bruts à titre de rappel sur la prime de performance F12 ;
- 698,27 euros bruts à titre de rappel de congés payés sur rappel de prime de performance F12 ;
- 11 918,80 euros (sur la base de 5 717,25 euros (rémunération fixe + variable) à titre de rappel d'indemnité de licenciement ;
- 343 035 euros [60 mois x 5 717,25 euros (rémunération fixe + variable)] nets de toutes charges sociales y compris la CSG et la CRDS à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 20 750 euros à titre de dommages-intérêts pour imposssibilité de lever les stocks-options.

Par jugement du 16 janvier 2013, le conseil de prud'hommes de Reims a statué comme suit
'Sur les demandes dirigées contre la SARL Laurent-Perrier Diffusion
Dit et juge que la lettre d'embauche de Monsieur Yves X X pour exercer une mission temporaire en Belgique au profit de la SARL Laurent-Perrier Diffusion est établie par une société française de droit français et que le droit applicable au présent litige est le droit français ;
Dit et juge que le motif de la rupture du contrat de travail de Monsieur Yves X X doit s'analyser en un licenciement pour motif personnel et que ce licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Condamne la SARL Laurent Perrier Diffusion à payer à Monsieur Yves X X les sommes suivantes
- 22 720,32 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;
- 2 272,03 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;
- 83 127,00 euros au titre de l'indemnité de licenciement ;
- 276 000,00 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 3 837,25 euros bruts au titre du rappel de prime de performance F12 ;
- 383,73 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur rappel de prime de performance F12 ;
- 9 845,47 euros bruts au titre de rappel de salaire pour la période du 6 septembre 2011 au 27 octobre 2011 ;
- 984,55 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur rappel de salaire pour la période du 6 septembre 2011 au 27 octobre 2011 ;
- 5 621,20 euros au titre du remboursement des frais de déménagement ; - 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute Monsieur Yves X X du surplus de ses demandes à l'encontre de la SARL Laurent Perrier Diffusion ;
Sur les demandes dirigées contre la SAS Champagne Laurent Perrier
Dit et juge que le licenciement de Monsieur Yves X X est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Condamne la SAS Champagne Laurent Perrier à payer à Monsieur Yves X X les sommes suivantes
- 240 000,60 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 10 000,00 euros au titre de dommages et intérêts pour impossibilité de lever l'option des stocks-options ;
- 2 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamne la SAS Champagne Laurent Perrier aux entiers dépens ;
Déboute Monsieur Yves X X du surplus de ses demandes à l'encontre de la SAS Champagne Laurent Perrier.'
Le 28/1/2013 les SAS CLP et SARL LPD ont interjeté appel de ce jugement.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Pour un plus ample exposé la cour se réfère expressément aux écritures remises
- le 02/01/2014 par les appelantes,
- le 09/12/2013 par l'intimé,
et oralement soutenues à l'audience.
Par voie d'infirmation du jugement déféré les appelantes sollicitent le débouté de toutes les prétentions de Monsieur X X, et ce dernier qui relève appel incident, réitère toutes ses demandes initiales.

MOTIFS
Attendu qu'il y a d'abord lieu d'examiner la situation contractuelle de Monsieur X X dans ses rapports avec la SARL LPD ;
Qu'à cet égard - alors que les parties s'accordent sur la nature internationale du contrat de travail et sa soumission à la convention de Rome du 19/06/1980 - il échet de rechercher si les conditions de rupture de celui-là relevaient de la loi Belge comme le font valoir les appelantes ou de la loi Française ainsi que le revendique l'intimé ;
Attendu que de ce chef les premiers juges ne se sont prononcés que sur les éléments qui selon eux caractérisaient les liens du contrat avec la France, en s'abstenant de toute référence à la convention de Rome précitée, de sorte qu'il convient de reprendre totalement l'analyse juridique de la question posée ;
Attendu qu'ainsi que le permet l'article 3 de la convention de Rome, les parties au terme de l'article 17 du contrat de travail cité en exorde de l'arrêt, ont désigné expressément la loi Belge comme devant en partie régir ledit contrat ;
Qu'au contraire de ce que fait valoir Monsieur X X il résulte de cet article 17 dépourvu d'ambiguité que tout ce qui n'a pas fait l'objet d'une clause spécifique écrite - et tel est le cas de la rupture du contrat entre Monsieur X X et la SARL LPD, étant observé que dans la convention tripartite qui a également valeur contractuelle entre ces parties seule la rupture entre le salarié et la SAS CLP est visée et là expressément soumise au droit français - s'avère régi par la loi Belge du 3 juillet 1978 afférente aux contrats de travail ;
Que cependant ainsi que le fait à bon droit valoir Monsieur X X en vertu de l'article 6-1 de la convention de Rome, il doit être recherché quelle aurait été la loi applicable à défaut de choix et si elle diffère de celle désignée, de vérifier que le salarié ne se trouve pas privé de la protection qui lui aurait été due aux termes de dispositions impératives ;
Attendu que c'est avec pertinence que Monsieur X X soutient qu'à défaut de choix de la loi Belge le contrat avec la SARL LPD présentait des liens plus étroits avec la France qu'avec la Belgique et qu'il aurait donc dû ressortir à loi française ;
Qu'en ce sens les premiers juges ont mis en exergue des éléments de faits qui seront complétés par le constat que si l'intéressé devait exécuter partie de sa prestation de travail en Belgique, la succursale installée dans ce pays ne possédait pas de personnalité morale, et le lieu de travail avait été expressément exclu comme devant servir à rattacher le contrat à une loi ;
Que toujours expressément Monsieur X X était placé sous la subordination directe du Directeur des Opérations Commerciales de la SA CLP dont le siège est en France ;
Que le dispositif instauré par la convention tripartite ayant abouti à l'emploi à temps partiel de Monsieur X X respectivement par la SA CLP, puis par la SARL LPD, consacre de plus fort les liens étroits de l'ensemble de l'activité contractuelle de celui-ci pour ses deux employeurs, avec la France ;
Que cependant, et là comme le font suffisamment apparaître les appelantes, sans que Monsieur X X n'oppose de moyens utiles autres que ses affirmations et des considérations générales dépourvues de valeur probante suffisante, rien ne permet de retenir que la loi Belge serait moins protectrice que la loi Française ;
Qu'il apparaît de l'appréciation globale des dispositions de la loi Belge régissant les contrats de travail, utilement éclairée par la consultation du cabinet de Backer produite par les appelantes, que la possibilité par l'employeur de rompre le contrat aux torts du salarié et sans indemnités de rupture en cas d'abandon de poste - ce qui a été la procédure présentement mise en oeuvre - est encadrée précisément par des conditions de forme, notamment de mise en demeure, et de fond, en ce que l'employeur supportera la charge de prouver le caractère gravement fautif de l'attitude du salarié excluant la possibilité de poursuivre la relation contractuelle ;
Que l'accès au juge - de surcroît s'agissant d'un pays ressortissant de l'Union Européenne, les règles du procès équitable s'imposent - est garanti pour contester la légitimité de la rupture et obtenir réparation si l'employeur l'a abusivement mise en oeuvre ;
Que la loi définit des catégories de salariés, ou des circonstances (maladie, force majeure...) dans lesquelles, dans un but de protection, les possibilités de rupture à l'initiative de l'employeur sont restreintes ;
Que sont prévues, si elles sont dues, des indemnités de rupture, et il est référé au caractère normatif des conventions collectives ;
Que l'article 6 de la loi dispose que 'toute stipulation contraire est nulle pour autant qu'elle vise à restreindre les droits des travailleurs ou à aggraver leurs obligations' ;
Attendu qu'il s'évince à l'évidence du tout une protection d'ordre public pour le salarié équivalente à celle prévue par le droit français en matière de licenciement - les différences ne concernant que la forme de la procédure - étant rappelé, qu'en matière de faute grave, en droit français, la rupture est aussi privative des indemnités ;
Attendu qu'en conséquence la SARL LPD était par la loi Belge autorisée à notifier à Monsieur X X la rupture du contrat de travail selon la procédure applicable pour l'abandon de poste, et dont il n'est pas discuté qu'elle a été mise en oeuvre régulièrement ;
Qu'elle prouve aussi suffisamment - au contraire de ce que prétend Monsieur X X - qu'elle avait satisfait à toutes ses obligations envers lui, de sorte que la décision délibérée de ce dernier, contre l'ordre de l'employeur, de délaisser sans équivoque son poste (le 4 septembre 2011 il a retourné à la SA CLP les clés de son bureau de Bruxelles, le téléphone portable, les cartes de carburant pour le véhicule de fonction) constituait un abandon gravement fautif rendant impossible, de plus fort en considération de son très haut niveau de responsabilités, immédiatement la poursuite du contrat de travail ;
Attendu que tout d'abord c'est à tort que Monsieur X X prétend que le contrat limitait irréductiblement à cinq années la durée de sa mission en Belgique et que les appelantes auraient fautivement méconnu cette échéance malgré ses multiples réclamations en ce sens émises de manière utilement anticipées dès 2009 et réitérées ;
Que sans rentrer à cet égard dans le détail de l'argumentation des parties qui relatent très précisément leurs échanges il suffit de constater que si la convention tripartite - citée au début de l'arrêt - prévoyait que la mission en Belgique ne pourrait excéder cinq ans, elle disposait aussi que Monsieur X X était 'engagé par la succursale pour une durée indéterminée', ce que précisait aussi le contrat avec la SARL LPD, et il s'évinçait du tout que d'un commun accord, de manière pérenne, ou provisoire, pour les besoins de l'activité de l'entreprise, ce détachement pouvait être prolongé ;
Qu'ainsi que le font valoir les appelantes, c'est sans équivoque que de manière certes provisoire, puisqu'il continuait à solliciter une évolution de carrière au sein de la société mère, que Monsieur X X avait consenti à poursuivre sa mission ;
Que par des écrits en septembre 2010, donc de manière contemporaine de l'échéance de la période de cinq ans, puis postérieurement en mars 2011, il assurait l'employeur qu'il serait totalement présent et impliqué au service de l'entreprise en Belgique ;
Que si Monsieur X X critique les allégations des appelantes quant à la situation économique et aux résultats du marché Belge, il ne soutient pas, et du reste rien ne l'établirait suffisamment, que l'employeur aurait, en invoquant les intérêts de l'entreprise pour prolonger avec son accord son détachement, fût-ce provisoirement, exercé de manière non exclusive d'abus de pouvoir de direction ;
Attendu que c'est à tort que Monsieur X X croit pouvoir imputer aux appelantes un manquement à l'obligation de reclassement dont la SAS CLP était selon lui débitrice tant en application de l'article L. 1231-5 du code de travail, que de la convention tripartite, étant observé que l'objet de l'engagement conventionnel - cité en exorde de l'arrêt - correspondait à celui de l'obligation légale ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu de répondre aux moyens des appelantes tirés de la circonstance que les conditions les obligeant à exécuter l'obligation sus-décrite n'auraient pas été réunies, dès lors qu'il est avéré qu'en tout état de cause elles ont volontairement exécuté cette obligation pour répondre à la sollicitation du salarié ;
Attendu que la proposition du nouvel emploi faite par la SA CLP le 31 août 2011 correspondait aux qualifications de Monsieur X X, et tant en termes de rémunération, qualification, niveau de responsabilités, statut de cadre dirigeant, elle se trouvait parfaitement compatible avec ses précédentes fonctions ;
Que pas plus l'article L 1231-5, que la convention tripartite n'imposaient en sus à la SA CLP d'offrir au salarié des fonctions totalement nouvelles et constitutives d'une promotion ou du moins d'une évolution positive de carrière ;
Que rien ne prohibait un aménagement du poste précédent dès lors qu'il en résultait la satisfaction de la volonté exprimée par le salarié de ne pas pérenniser la prolongation de son détachement ;
Qu'ainsi il était permis à Monsieur X X d'exercer ses fonctions à Paris, où il avait d'ores et déjà fixé sa résidence, étant observé que ses demandes de reclassement n'avaient jamais tendu à obtenir un poste sédentaire de sorte que la nécessité de faire encore des déplacements en Belgique ne remettaient pas en cause la validité de l'offre ;
Que Monsieur X X le 23 juin 2010 avait lui-même écrit que s'il demeurait à son poste en Belgique 'jusqu'à nouvel ordre' il allait pour des 'raisons personnelles' déménager à Paris, et ceci dans l'espoir d'une nouvelle évolution chez Laurent ... en France, et de certains postes à pourvoir ou à 'remodeler' ;
Qu'il s'en évince que le poste offert était en adéquation avec ce projet et que Monsieur X X fait de plus fort vainement grief à la SAS CLP de s'être bornée à réaménager les contours de son ancien poste ;
Attendu que toute l'argumentation de Monsieur X X constituée par la description de la succession de cadres dirigeants au sein du groupe Laurent ..., comme les récits de ses entretiens avec les uns ou les autres, même matérialisés dans des courriers électroniques épars, s'avèrent insuffisants pour établir qu'en dehors des documents contractuels déjà décrits, les appelantes auraient sans équivoque pris l'engagement de l'affecter à un poste correspondant à l'évolution de carrière qu'il exprimait unilatéralement ;
Qu'il apparaît au contraire que les appelantes n'ont pas ignoré les revendications de Monsieur X X, ni tardé de manière dilatoire ou déloyale à mener avec lui les discussions idoines, alors que notamment courant 2010 des échanges ont eu lieu et que en particulier successivement ont été portés à sa connaissance en octobre 2010 et décembre 2010 des postes à pourvoir ou à l'étude, par le truchement de deux cabinets chargés par Laurent ... de mener une réflexion sur une nouvelle organisation et qu'il n'a pas postulé ;
Que rien ne permet de se convaincre que ce serait par un usage abusif de son pouvoir de direction - et Monsieur X X ne le soutient d'ailleurs pas sérieusement - que l'employeur ne l'aurait pas choisi pour d'autres postes, jugeant que l'intérêt de l'entreprise justifiait de lui confier la responsabilité du marché Belge ;
Qu'une telle preuve ne se déduit pas des prétendues incohérences dont, selon Monsieur X X auraient fait preuve les appelantes, en appelant son attention sur des résultats insuffisants sur le marché Belge, pour tout à la fois prétendre que sa présence à Bruxelles s'avérait indispensable et néanmoins lui permettre de travailler à Paris ;
Attendu qu'il convient aussi de relever que la SARL LPD a agi sans précipitation pour constater l'abandon de poste, ayant émis sa proposition de reclassement le 31 août 2011 en laissant un mois de réflexion puis l'ayant réitérée d'abord le 05/09/2011 après le refus de celui-ci, et encore le 22/09/2011 au cours de l'entretien préalable au licenciement mis en oeuvre par la SA CLP ;
Attendu que sur tous ces points les impressions émises dans une attestation par Monsieur ... conseiller du salarié ayant assisté Monsieur X X à l'entretien préalable - où il se borne à reprendre les allégations de ce dernier - s'avèrent dépourvues de valeur probante ;
Attendu qu'il appert de l'ensemble de cette analyse que c'est à tort que les premiers juges, d'abord par une incomplète application de la convention de Rome les ayant conduits à retenir que la loi française devait régir le contrat avec la SARL LPD, puis en procédant à une analyse erronée des obligations des appelantes en matière de reclassement, ont dit que la rupture devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu qu'en infirmant le jugement il y a lieu de débouter Monsieur X X de sa demande à ce titre et de toutes celles qui en sont la conséquence nécessaire (préavis, indemnité de licenciement, dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, salaires du 06 septembre 2011 au 27 novembre 2011 outre congés payés pour lesquels aucune contrepartie en travail n'a été fournie par Monsieur X X, frais de déménagement, la preuve d'un accord de la SARL LPD pour supporter ceux-ci en juin 2010 étant insuffisamment rapportée par des mails, liquidation de l'astreinte et remise de documents) ;
Attendu que dans les rapports entre Monsieur X X et la SAS CLP il est constant que c'est la loi française qui avait vocation à régir le licenciement ;
Attendu qu'il doit être observé que l'articulation entre la convention tripartite et les deux contrats à temps partiel rendait ces conventions indivisibles et que pour l'essentiel au delà des intitulés elles avaient pour objet de gouverner l'exécution par Monsieur X X de ses fonctions de Direction du marché Belge ;
Que du reste les parties sont toutes deux taisantes sur les tâches spécifiques qu'aurait accompli Monsieur X X en qualité de Directeur Commercial International Adjoint au sein de la SA CLP ;
Que Monsieur X X lui même dans ses écrits déjà visés de septembre 2010 et mars 2011 s'obligeait à demeurer comme par le passé 'à plein temps' sur son emploi en Belgique ;
Que par ailleurs en vertu de la convention tripartite c'était la SA CLP qui était débitrice de l'obligation de reclassement et de licenciement dans le cas où celle-là s'avèrerait impossible ;
Que l'ensemble de ces constats autorisait la SA CLP à invoquer une cause de licenciement tirée des motifs qui précèdent ce qu'elle a fait ;
Que dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige elle a suffisamment caractérisé une cause réelle et sérieuse constituée par la circonstance que par suite de son refus non équivoque d'accepter l'offre de poste qui avait été émise - ainsi que cela a été précedemment mis en exergue - dans des conditions conformes à la loi et au contrat, exclusives d'abus comme de déloyauté, c'est du seul fait de Monsieur X X que son reclassement s'est avéré impossible, ce qui autorisait la SAS CLP à procéder au licenciement ;
Attendu que de ce chef les premiers juges, qui ont tiré les conséquences de leur analyse erronée en ce qui concerne la rupture avec la SARL LPD se sont mépris, ce qui commande aussi l'infirmation du jugement et Monsieur X X sera donc débouté de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu que par l'effet du licenciement sans cause réelle et sérieuse c'est de son seul fait que Monsieur X X a perdu toute chance de bénéficier de la levée des stocks-options, de sorte qu'il est mal fondé en sa demande de dommages-intérêts à ce titre dont il sera débouté, l'employeur n'ayant pas contribué à la création de ce préjudice ;
Que le jugement sera là encore infirmé ;
Attendu que s'agissant des compléments des primes de performance Monsieur X X critique les montants que lui ont alloué les appelantes en considérant qu'il n'avait pas eu de fixation d'objectifs selon la procédure interne, ni d'entretien par un supérieur qui le connaissait pour évaluer son activité, et il dénie la faiblesse de ses résultats imputables selon lui aux incohérences de la politique commerciale du groupe, n'excluant pas avoir subi une sanction pécuniaire déguisée ;
Mais attendu qu'en produisant les modalités internes de calcul des primes dont s'agit, y compris pour un autre salarié ce qui permet d'exclure une discrimination ou une sanction, en considération des stipulations contractuelles prévoyant les primes, les appelantes font suffisamment ressortir que c'est de manière objective et vérifiable qu'elles ont fixé les montants ;
Que Monsieur X X sera donc débouté de l'ensemble de ses réclamations à ce titre, et le jugement réformé en ce sens ;
Attendu que ses demandes salariales étant rejetées, Monsieur X X doit être débouté de sa demande de complément d'indemnité de licenciement assisse sur celles-là, ce qui commande de confirmer le jugement ;
Attendu que le jugement sera infirmé ence qui concerne les frais irrépétibles et les dépens ;
Attendu que Monsieur X X qui succombe totalement sera condamné aux dépens des deux instances ainsi qu'à payer aux appelantes la somme de 3 000 euros pour frais irrépétibles, sa propre demande à ce titre étant rejetée ;

PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement déféré seulement en ce qu'il a débouté Monsieur X X de ses demandes pour compléments de primes de performance (F11 11 344,46 euros autre congés payés, et F1 et F12 8 552 euros et 6 982,75 euros outre congés payés) ;
Infirme toutes les autres dispositions du jugement entrepris ;
Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant ;
Déboute Monsieur X X de toutes ses prétentions ;
Condamne Monsieur X X aux entiers dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à payer la somme de 3 000 euros aux appelantes pour frais irrépétibles ;
Rappelle que l'arrêt vaut titre de restitution des sommes qui auraient été payées en exécution du jugement réformé et qu'elles produiront intérêt au taux légal à compter de la notificaiton de l'arrêt valant mise en demeure de restituer. Le greffier, La présidente,

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