Jurisprudence : CAA Paris, 2e ch., 08-10-1993, n° 92PA00546

CAA Paris, 2e ch., 08-10-1993, n° 92PA00546

A8876BH9

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CAA Paris, 2e ch., 08-10-1993, n° 92PA00546. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1193241-caa-paris-2e-ch-08101993-n-92pa00546
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Abstract

15-03-03-01-01, 15-05-01-04, 335-06-02-01, 335-06-02-02 Selon l'interprétation qui en a été donnée par la Cour de justice dans son arrêt Rush Portuguesa Lda du 27 mars 1990, les articles 59 à 66 du Traité de Rome instituant la liberté de prestations de services entre les Etats membres des Communautés européennes, rendus immédiatement applicables au Royaume d'Espagne et à la République portugaise en vertu de l'article 2 de leurs actes d'adhésion à ces communautés, permettaient à une entreprise établie au Portugal prestataire de services d'exercer, à titre temporaire, son activité en France sans qu'aient pu lui être opposées les dispositions des articles L. 341-2, L. 342-4 et L. 342-6 du code du travail subordonnant l'immigration en France, pour y exercer une profesion salariée, à la production d'un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou à celle d'une autorisation de travail. Par suite, et alors même que les articles 215 et 216 des actes d'adhésion s'opposaient à ce que les ressortissants portugais bénéficiassent avant le 1er janvier 1993 de la libre-circulation prévue par l'article 48 dudit traité, cette entreprise ne pouvait, sans méconnaissance de ce principe de liberté de prestation de services, être assujettie à la contribution spéciale prévue par l'article L. 341-7 du code du travail.

Cour administrative d'appel de Paris

Statuant au contentieux
Société Rush Portuguesa Lda

M. Lévy, Président
Mme Matilla-Maillo, Rapporteur
Mme Albanel, Commissaire du gouvernement


Lecture du 8 octobre 1993



R E P U B L I Q U E   F R A N C A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


    VU I) sous le n° 92PA00545, la requête enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel le 29 mai 1992, présentée pour la société RUSH PORTUGUESA LDA, dont le siège est à Porto (Portugal), avenue de Boavista, 1689-1, P.4100 représentée par la SCP GUIGUET, BACHELLIER, de La VARDE, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, ainsi que le mémoire ampliatif enregistré le 1er octobre 1992 ; la société demande à la cour :
    1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Versailles en date du 3 décembre 1991 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation des états exécutoires en date du 28 octobre 1987 pour un montant de 435.000 F, du 28 octobre 1987 pour un montant de 174.240 F, du 28 octobre 1987 pour un montant de 464.640 F et du 21 septembre 1987 pour un montant de 730.000 F ;
    2°) d'annuler les états exécutoires litigieux ;
    3°) de condamner l'Office des migrations internationales à payer 10.000 F en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;


    VU II) sous le n° 92PA00546, la requête enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel le 29 mai 1992, présentée pour la société RUSH PORTUGUESA LDA, dont le siège est à Porto (Portugal), avenue de Boavista, 1689-1, P.4100 représentée par la SCP GUIGUET, BACHELLIER, de La VARDE, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, ainsi que le mémoire ampliatif enregistré le 1er octobre 1992 ; la société demande à la cour :
    1°) d'annuler le jugement n° 91/1336 du tribunal administratif de Versailles en date du 10 décembre 1991 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 18 mars 1988 par laquelle le directeur de l'Office des migrations internationales a appliqué l'article L.341-7 du code du travail, à l'annulation de l'état exécutoire du 18 mars 1988 émis pour le montant de 343.480 F ;
    2°) d'annuler l'état exécutoire litigieux ;
    VU les autres pièces du dossier ;
    VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
    VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
    VU le décret n° 86-1267 du 8 décembre 1986 ;
    VU le règlement CEE n° 1612-68 du 15 octobre 1968 ;
    Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 24 septembre 1993 :
    - le rapport de Mme MATILLA-MAILLO, conseiller,
    - les observations de Me HERVET-JARREAU, avocat à la cour, substituant à la SCP GUIGUET, BACHELLIER, de La VARDE, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour cassation, pour la société RUSH PORTUGUESA LDA,
    - et les conclusions de Mme ALBANEL, commissaire du Gouvernement ;


    
Considérant qu'il y a lieu de joindre les deux requêtes susvisées qui présentent à juger des questions communes ;
    Sur la recevabilité des demandes au tribunal administratif :
    Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des pourvois :
    Considérant qu'aux termes de l'article 9 du décret du 28 novembre 1983 codifié à l'article R.104 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : 'Les délais de recours contre une décision déférée au tribunal ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision' ; qu'il résulte de ces dispositions, applicables non seulement en cas d'absence de mention du recours ouvert contre une décision administrative et du délai de ce recours, mais également lorsque l'indication du délai est inexacte que, faute que la notification satisfasse à ces exigences, le cours du délai n'est pas déclenché ; qu'il suit de là que le recours est recevable sans condition de délai et non seulement jusqu'à l'expiration du délai effectivement imparti par les dispositions applicables ;
    Considérant qu'aux termes de l'article R.105 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : 'les délais supplémentaires de distance prévus aux articles 643 et 644 du nouveau code de procédure civile s'ajoutent au délai de deux mois prévu à l'article R.102' ; qu'ainsi la société requérante dont le siège est au Portugal disposait de quatre mois à compter de la notification des états litigieux pour saisir le tribunal administratif ; qu'il est constant que les notifications desdits textes comportaient l'indication que les délais dont elle disposait étaient de deux mois ; qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif a regardé comme tardives les demandes dont il était saisi ; qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer sur lesdites demandes ;
    Au fond :
    Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des demandes au tribunal administratif :


    Considérant qu'en vertu de l'article 2 des actes d'adhésion du Royaume d'Espagne et de la République portugaise aux Communautés européennes, les article 59 à 66 du traité de Rome prévoyant la liberté de prestation de services entre les Etats membres sont immédiatement applicables ; qu'il en découle notamment qu'une entreprise établie au Portugal, prestataire de services dans le secteur de la construction et des travaux publics, peut se déplacer avec son propre personnel en France pour la durée d'un chantier sans que puissent lui être opposées, ce qui serait constitutif d'une discrimination par rapport aux entreprises françaises, les dispositions des articles L.341-2, L.341-4 et L.341-6 du code du travail, confirmées par le décret susvisé du 8 décembre 1986 applicable notamment aux travailleurs portugais et obligeant ceux-ci à être muni d'une autorisation de travail et ceux qui les emploient à vérifier qu'ils en sont pourvus, dès lors que les dispositions des articles 215 et 216 des actes d'adhésion susévoqués qui renvoient à l'issue d'une période transitoire dont l'échéance est fixée au 31 décembre 1992, l'application de la liberté de circulation des travailleurs entre les Etats membres organisée par les articles 43 à 51 du traité de Rome et par les articles 1er à 6 du réglement (Communauté économique européenne) susvisé du 15 octobre 1968, ne sont pas opposables aux salariés desdites entreprises prestataires de services ; que même si la prestation de services, au sens des traités communautaires, se limite à une mise à disposition de personnel, qui peut ensuite se révéler éventuellement illicite et être sanctionnée à ce titre, le principe de liberté de prestation de services s'oppose à ce que des autorisations de travail puissent être, a priori, exigées pour les salariés des entreprises en cause ;
    Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le directeur de l'Office des migrations internationales ne pouvait, sans méconnaître les dispositions communautaires susévoquées relatives à la liberté de prestation de services et sans que puisse être utilement invoquée la circonstance que la prestation en cause se serait limitée à une mise à disposition de personnel, décider d'appliquer, à la suite de procès-verbaux dressés par l'inspection du travail, la contribution spéciale prévue par l'article L.341-7 du code de travail en cas d'emploi de salariés étrangers dépourvus d'autorisation de travail, à la société RUSH PORTUGUESA LDA pour l'envoi, du Portugal, de salariés portugais dans le cadre d'une prestation de services sur divers chantiers de travaux publics et d'émettre, pour le recouvrement de ladite contribution, les états exécutoires correspondants ; que, par suite, la société requérante est fondée à demander l'annulation des décisions du directeur de l'office des migrations internationales en date du 14 décembre 1987 et du 18 mars 1988 et des cinq états exécutoires en date des 21 septembre, 28 octobre 1987 et 29 février 1988 ;
    Sur l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :

    Considérant qu'il y a lieu de condamner l'Office des migrations internationales à verser à la société RUSH PORTUGUESA LDA la somme de 10.000 F au titre de l'ensemble des frais exposés dans les deux instances susvisées ; qu'il n'y a lieu par contre de faire application desdites dispositions au bénéfice de l'Office qui succombe dans lesdites instances ;


Article 1er : Sont annulés l'état exécutoire en date du 21 septembre 1987, les trois états exécutoires en date du 28 octobre 1987 et l'état exécutoire en date du 29 février 1988 mettant à la charge de la société RUSH PORTUGUESA LDA la contribution spéciale prévue à l'article L.341-7 du code du travail, ensemble les décisions du directeur de l'Office des migrations internationales décidant de lui appliquer cette contribution.
Article 2 : L'Office des migrations internationales est condamné à verser à la société RUSH PORTUGUESA LDA une somme de 10.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours adminis-tratives d'appel.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société RUSH PORTUGUESA LDA est rejeté.

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