Cour administrative d'appel de Paris
Statuant au contentieux
de Corlieu
M. Courtin, Président
Mme Corouge, Rapporteur
M. Paitre, Commissaire du gouvernement
Lecture du 7 février 1995
R E P U B L I Q U E F R A N C A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 20 juin 1994, présentée pour M. de CORLIEU demeurant B.P. 83 à Gosier (97190), représentée par la SCP MATTEI-DAWANCE, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; il demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 19 avril 1994 par lequel le tribunal administratif de Basse-Terre a rejeté sa demande tendant à l'annulation du certificat d'urbanisme partiellement négatif délivré le 29 avril 1992 par le préfet de la Guadeloupe, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;
2°) d'annuler les décisions susmentionnées ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10.000 F par application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code de l'urbanisme ;
VU la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 24 janvier 1995 :
- le rapport de Mme COROUGE, conseiller,
- et les conclusions de M. PAITRE, commissaire du Gouvernement ;
Sur la régularité du jugement du tribunal administratif de Basse-Terre en date du 19 avril 1994 :
Considérant qu'aux termes de l'article R.153-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : 'Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent présenter leurs observations' ; qu'il ressort des pièces du dossier que ni M. de CORLIEU, ni le préfet de la Guadeloupe n'ont été informés que le tribunal administratif de Basse-Terre entendait soulever d'office le moyen tiré du caractère indivisible du certificat d'urbanisme attaqué ; qu'ainsi le jugement du 19 avril 1994 est intervenu au terme d'une procédure irrégulière et doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et statuer immédiatement sur la demande présentée par M. de CORLIEU devant le tribunal administratif de Basse-Terre ;
Sur la recevabilité de la demande :
Considérant qu'aux termes de l'article R.315-54 du code de l'urbanisme : 'Les divisions de terrains en vue de l'implantation de bâtiments qui ne constituent pas des lotissements ... doivent être précédées de la délivrance d'un certificat d'urbanisme portant sur chacun des terrains devant provenir de la division' ;
Considérant que M. de CORLIEU a, sur le fondement de l'article R.315-54 précité, sollicité la délivrance d'un certificat d'urbanisme préalablement à la division de la parcelle cadastrée AM.152 lui appartenant à Saint-Barthélemy en Guadeloupe ; que le certificat d'urbanisme attaqué, délivré par le préfet de la Guadeloupe le 29 avril 1992, limite la constructibilité du terrain en déclivité, objet de la demande, à sa partie basse ; que les énonciations du certificat d'urbanisme déclarant l'inconstructibilité de la partie dominante du terrain sont dissociables des autres énonciations ; que, par suite, faisant grief au requérant, celui-ci était recevable à en demander l'annulation ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la demande :
Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L.410-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi du 22 juillet 1983 susvisée : 'Lorsque toute demande d'autorisation pourrait, du seul fait de la localisation du terrain, être refusée en fonction des dispositions d'urbanisme, et notamment, des règles générales d'urbanisme, la réponse à la demande de certificat est négative' ; qu'aux termes de l'article R.111-21 du même code : 'Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ...' ;
Considérant que si le ministre de l'équipement, des transports et du tourisme fait valoir que pour délivrer un certificat d'urbanisme partiellement négatif à M. de CORLIEU, le préfet de la Guadeloupe s'est fondé sur la considération que la demande d'autorisation de construire pourrait être refusée, sur la partie haute du terrain, sur le fondement des dispositions de l'article R.111-21 précité du code de l'urbanisme, il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu de la présence d'un certain nombre de bâtiments autour dudit terrain, qu'une construction en sa partie haute serait de nature à porter atteinte au site, aux lieux avoisinants ou aux paysages naturels au sens des dispositions de l'article R.111-21 ; qu'ainsi le préfet de la Guadeloupe ne pouvait légalement, pour ce motif, déclarer partiellement inconstructible le terrain en cause ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. de CORLIEU est fondé à soutenir que le certificat d'urbanisme délivré le 29 avril 1992 est entaché d'illégalité en tant qu'il limite à sa partie basse la constructibilité du terrain objet de la demande, et, dans cette mesure, à en demander l'annulation ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il y a lieu, en application des dispositions susvisées, de condamner l'Etat à verser à M. de CORLIEU, au titre des frais exposés tant en première instance qu'en appel et non compris dans les dépens, la somme de 12.000 F ;
Article 1er : Le jugement en date du 19 avril 1994 du tribunal administratif de Basse-Terre, ensemble l'arrêté du 29 avril 1992 du préfet de la Guadeloupe, en tant qu'il limite la constructibilité à la partie basse du terrain appartenant à M. de CORLIEU, sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à M. de CORLIEU la somme de 12.000 F par application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.