Cour administrative d'appel de Nantes
Statuant au contentieux
Préfet de Vendée
M. RENOUF, Rapporteur
Mme COËNT-BOCHARD, Commissaire du gouvernement
Lecture du 30 juin 2000
R E P U B L I Q U E F R A N C A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 14 janvier 2000, présentée par le préfet de Vendée ;
Le préfet de Vendée demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 98-1109 du 9 novembre 1999 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté son déféré tendant à l'annulation des délibérations du conseil municipal de La Guyonnière des 4 décembre 1997 et 30 mars 1998 décidant la vente à M. et Mme BADREAU des parcelles A à J du lotissement communal Le Gîte des Jardins n 4 au prix et aux conditions qu'il détermine ;
2 ) d'annuler la délibération susvisée du 30 mars 1998 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 juin 2000 :
- le rapport de M. RENOUF, premier conseiller,
- les observations de Me PITTARD, avocat de la commune de La Guyonnière,
- et les conclusions de Mme COËNT-BOCHARD, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par délibération du 30 mars 1998, le conseil municipal de La Guyonnière a autorisé le maire à céder à M. et Mme BADREAU, moyennant le versement d'une somme de 90 809,95 F hors taxes les dix parcelles A à J du lotissement communal Le Gîte des Jardins n 4, d'une superficie totale de 7 297 m, dont le service des domaines avait estimé la valeur vénale à la somme de 515 000 F hors taxes ; que cette délibération était assortie de l'obligation des intéressés de construire dix maisons individuelles dans le délai de trois ans à compter de la signature de l'acte de vente et selon des contraintes architecturales précises, de louer ces maisons, aux tarifs préalablement fixés par la commune, pendant dix ans au moins, et sous la condition de devoir rembourser à la commune la différence entre le prix de vente retenu et la valeur estimée par le service des domaines en cas de non-respect de l'engagement pris ;
Considérant, en premier lieu, qu'il ressort de l'exposé des motifs de la délibération du conseil municipal du 30 mars 1998 que celle-ci a principalement pour objet de revitaliser la vie du centre-bourg, en bordure duquel se situe le lotissement communal Le Gîte des Jardins n 4, au détriment de la périphérie de la commune, et accessoirement de répondre à une demande d'une partie de la population potentielle désireuse de louer des maisons individuelles ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient le préfet de Vendée, le conseil municipal de La Guyonnière ne peut être regardé comme ayant entendu se livrer à une opération d'aide au logement, ni accorder à une personne privée une aide indirecte en vue de la création et ou de l'extension d'activités économiques au sens des articles 1511-1 et suivants du code général des collectivités territoriales ; que le préfet ne peut, dès lors, utilement soutenir que la délibération attaquée méconnaîtrait les conditions énoncées par les dispositions législatives relatives à l'aide au logement, d'une part, et à l'intervention des collectivités territoriales en matière économique et sociale, d'autre part ;
Considérant, en deuxième lieu, que, dans le cadre de la gestion de son domaine privé, la commune de La Guyonnière a pu, sans commettre d'erreur de droit, se fixer les objectifs précités qui ne sont pas étrangers aux intérêts généraux dont elle a la charge ;
Considérant, en troisième lieu, que les obligations que la délibération du conseil municipal impose à M. et Mme BADREAU en contrepartie du prix qui leur est consenti sont de nature à favoriser la réalisation des objectifs poursuivis par le conseil municipal et empêchent de regarder la fixation du prix de vente des dix parcelles du lotissement communal à un prix inférieur à leur valeur vénale comme constituant une libéralité ; que, dans ladite délibération, le conseil municipal a également pris des garanties pour que les acquéreurs versent un complément de prix, pour atteindre l'évaluation du service des domaines non contestée par le préfet de Vendée, au cas où ils ne rempliraient pas l'une ou l'autre de leurs obligations ;
Considérant, enfin, que l'ensemble de ces obligations ne permet pas au préfet de Vendée de soutenir que la commune de La Guyonnière aurait accordé à M. et Mme BADREAU une faveur et aurait porté ainsi atteinte au principe d'égalité ; qu'au demeurant, le préfet de Vendée n'apporte aucun élément de nature à permettre d'établir que la commune aurait refusé de vendre dans des conditions similaires un ensemble de parcelles à un autre acquéreur qui aurait accepté de prendre les mêmes engagements que M. et Mme BADREAU ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de Vendée n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération litigieuse du conseil municipal de La Guyonnière en date du 30 mars 1998 ;
Sur les conclusions de la commune de La Guyonnière tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant, en premier lieu, que les conclusions présentées par la commune de La Guyonnière tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 10 000 F au titre de l'article L.8-1 pour les frais non compris dans les dépens qu'elle a engagés devant le Tribunal administratif de Nantes soulèvent un litige distinct de celui de l'appel formé par le préfet ; qu'ayant été présentées en dehors du délai d'appel, ces conclusions sont irrecevables et doivent, en tout état de cause, être rejetées ;
Considérant, en second lieu, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, de condamner l'Etat à payer à la commune de La Guyonnière une somme de 6 000 F au titre des frais exposés par celle-ci dans la présente instance et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête du préfet de Vendée est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à la commune de La Guyonnière une somme de six mille francs (6 000 F) au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la commune de La Guyonnière est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au préfet de Vendée, à la commune de La Guyonnière, à M. et Mme BADREAU et au ministre de l'intérieur.