Jurisprudence : CAA Bordeaux, 3e ch., 18-04-2000, n° 97BX01900

Cour administrative d'appel de Bordeaux

Statuant au contentieux
MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE


D. BOULARD, Rapporteur
M. HEINIS, Commissaire du gouvernement


Lecture du 18 avril 2000



R E P U B L I Q U E   F R A N C A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


    
Vu le recours, enregistré par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Bordeaux le 22 septembre 1997 sous le n? 97BX01900 et son original enregistré le 23 septembre 1997, présentés par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande que la Cour :
    - annule le jugement en date du 13 mai 1997, par lequel le tribunal administratif de Fort-de-France a accordé à M. et Mme Chomereau-Lamotte la décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel ils avaient été assujettis au titre de 1991 ;
    - remette intégralement l'imposition contestée à la charge de M. et Mme Chomereau-Lamotte ;
    Vu les autres pièces du dossier ;
    Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
    Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
    Vu la loi n? 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
    Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
    Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 mars 2000 :
    - le rapport de D. BOULARD ;
    - et les conclusions de M. HEINIS, commissaire du gouvernement ;


    
Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : 'L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation' ;
    Considérant que le complément d'imposition en litige procède de ce que l'administration n'a pas admis l'imputation sur le revenu global de M. Chomereau-Lamotte au titre de 1991 de la part du déficit commercial provenant de la S.N.C. Agriloc, dont ce dernier est membre ; que le refus de cette imputation avait fait l'objet d'une notification de redressements en date du 30 novembre 1992, laquelle mentionnait notamment que le redevable n'exerçait, en réalité, 'aucune activité commerciale, industrielle ou artisanale' et que le 'déficit BIC' déclaré en 1991 était en réalité, un déficit agricole, non imputable sur les revenus de l'intéressé ; qu'après la mise en recouvrement de l'impôt sur le revenu résultant de ce chef de redressements, l'administration a, pour le justifier, opéré une substitution de base légale devant les premiers juges, faisant valoir que les investissements que la société Agriloc avait déduits au titre de l'article 238 BIS HA du code général des impôts ne répondaient pas aux conditions posées par cet article et ne pouvaient, par suite, avoir engendré un déficit qui soit imputable par ses associés ;
    Considérant que la notification susvisée du 30 novembre 1992 précise l'année et la catégorie de revenus intéressées par le chef de redressements en litige ; qu'elle indique les raisons pour lesquelles le déficit en cause, déclaré par le redevable comme provenant de son activité industrielle et commerciale, est requalifié en déficit agricole ainsi que celles s'opposant à son imputation sur le revenu global ; qu'une telle notification a permis au redevable de formuler utilement ses observations sur ce point, même si n'est pas citée la base légale faisant échec à l'imputation du déficit et si n'est pas précisé le montant de celui-ci, dès lors qu'un seul déficit avait été imputé par M. Chomereau-Lamotte cette année-là ; que la circonstance que les motifs avancés par le service ont été abandonnés par celui-ci, en raison de leur inexactitude, lors de la procédure contentieuse, n'entache pas d'insuffisance de motivation la notification de redressements dont il s'agit ;
    Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour prononcer la décharge du complément d'impôt en litige, le tribunal administratif de Fort-de-France s'est fondé sur l'insuffisance de la motivation de la notification de redressements du 30 novembre 1992 ;
    Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme Chomereau-Lamotte tant devant la Cour que devant le tribunal administratif ;


    Considérant que le redressement en cause effectué à la suite d'un contrôle sur pièces du dossier de M. Chomereau-Lamotte n'avait pas à être précédé d'un débat oral et contradictoire avec celui-ci ; que s'agissant de l'imputation sur son revenu global de la part de déficit provenant d'une société de personnes, la procédure pouvait être conduite directement avec l'intéressé sans notification préalable à la société ; que la double circonstance qu'une notification annihilant les déficits qu'elle avait déclarés a été adressée à la société après le recouvrement de l'imposition personnelle de M. Chomereau-Lamotte et que la décision du directeur des services fiscaux rejetant la réclamation dirigée contre cette imposition fait état de cette notification n'entache pas d'irrégularité la procédure suivie à l'égard du redevable ; que la substitution de base légale opérée après la mise en recouvrement de l'imposition n'obligeait pas le service à adresser une nouvelle notification de redressements à M. Chomereau-Lamotte ;
____Considérant, en ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition, qu'aux termes de I de l'article 238 bis HA du code général des impôts_: 'Les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés ou assujetties à un régime réel d'imposition peuvent déduire de leurs résultats imposables une somme égale au montant total des investissements productifs réalisés dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion à l'occasion de la création ou de l'extension d'exploitations appartenant aux secteurs d'activité de l'industrie, de la pêche, de l'hôtellerie, du tourisme, des énergies nouvelles, de l'agriculture, du bâtiment et des travaux publics, des transports et de l'artisanat. La déduction est opérée sur le résultat de l'exercice au cours duquel l'investissement est réalisé, le déficit éventuel de l'exercice étant reporté dans les conditions prévues au I des articles 156 et 209 du code général des impôts_; qu'en vertu des articles 46 quaterdecies A et 46 quaterdecies C de l'annexe III au code général des impôts, les investissements productifs ouvrant droit à déduction 's'entendent des acquisitions ou créations d'immobilisations neuves' et la valeur de ces immobilisations à retenir pour le calcul de la déduction est constituée par le prix d'achat ou le prix de revient'_; que l'article 46 quaterdecies D de la même annexe prévoit que 'la déduction est pratiquée par l'entreprise propriétaire' et précise que, 'si l'immobilisation fait l'objet d'un contrat de crédit-bail, la déduction est pratiquée par l'entreprise locataire'_; qu'il résulte de ces dispositions que la déduction ne peut être opérée que par l'entreprise qui utilise pour l'exploitation de son activité les biens qu'elle a acquis, créés ou pris en crédit-bail_; que, par suite, une entreprise qui prend en crédit-bail des biens qu'elle sous-loue à une entreprise utilisatrice, ne peut pratiquer une déduction pour investissements à raison de ces biens, alors même que l'entreprise appartiendrait à un secteur d'activité visé par l'article 2 38 bis HA ;


    Considérant qu'il est constant que les biens que la société Agriloc a pris en crédit-bail et à raison desquels elle a opéré une déduction pour investissements sur le fondement de l'article 238 bis HA susmentionné, ont été sous-loués par elle à une autre entreprise ; que, dans ces conditions et quelle qu'ait été l'activité de cette dernière entreprise, la société Agriloc ne pouvait légalement pratiquer la déduction pour investissement dont il s'agit ;
    Considérant que si M. et Mme Chomereau-Lamotte se prévalent des termes du paragraphe 23 de l'instruction 4 A.886 du 7 novembre 1986, ceux qu'ils citent ne concernent que les investisseurs qui sont propriétaires de leurs biens, ce qui n'est pas le cas de la société Agriloc ; que, s'agissant des biens pris en crédit-bail, l'instruction invoquée n'énonce pas d'autre principe de déduction que celui résultant de l'article 46 quaterdecies D de l'année III au code général des impôts susmentionnée ; que s'ils font état en appel d'une lettre du directeur des services fiscaux de la Martinique en date du 10 juin 1991, outre qu'il n'est pas établi que cette lettre a été adressée à la société Agriloc, il n'est pas démontré que cette dernière société répond aux conditions relatives à la nature des locations qui y sont énoncées, au demeurant sous réserve de la réalité économique de l'entreprise prêteuse ;

    Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Fort-de-France a déchargé M. et Mme Chomereau-Lamotte du complément d'impôt sur le revenu en litige qui leur avait été réclamé au titre de 1991, soit la somme en droits et pénalités de 67.341 F ;


Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Fort-de-France en date du 13 mai 1997 est annulé.
Article 2 : Le complément d'impôt sur le revenu, d'un montant en droits et pénalités de 67.341 F, auquel M. et Mme Chomereau-Lamotte avaient été assujettis au titre de 1991, est remis à leur charge.

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