Jurisprudence : CJCE, 27-02-2003, aff. C-389/00, Commission des Communautés européennes c/ République fédérale d'Allemagne

CJCE, 27-02-2003, aff. C-389/00, Commission des Communautés européennes c/ République fédérale d'Allemagne

A3333A7L

Référence

CJCE, 27-02-2003, aff. C-389/00, Commission des Communautés européennes c/ République fédérale d'Allemagne. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1131723-cjce-27022003-aff-c38900-commission-des-communautes-europeennes-c-republique-federale-dallemagne
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ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)


27 février 2003 (1)


"Manquement d'État - Articles 23 CE et 25 CE - Taxe d'effet équivalent - Exportation de déchets - Convention de Bâle - Règlement n° 259/93 - Cotisation à un fonds de solidarité"


Dans l'affaire C-389/00,


Commission des Communautés européennes, représentée par M. J. C. Schieferer, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg,


partie requérante,


contre


République fédérale d'Allemagne, représentée par Mme B. Muttelsee-Schön, en qualité d'agent, assistée de M. H.-J. Koch, professeur,


partie défenderesse,


ayant pour objet de faire constater que, en promulguant le Gesetz über die Überwachung und Kontrolle der grenzüberschreitenden Verbringung von Abfällen (Abfallverbringungsgesetz) [loi relative à la surveillance et au contrôle des transferts frontaliers de déchets (loi relative aux transferts de déchets)], du 30 septembre 1994 (BGBl. 1994 I, p. 2771), établissant un fonds de solidarité pour la réintroduction de déchets et imposant aux exportateurs de déchets, notamment vers d'autres États membres, de cotiser à ce fonds, la République fédérale d'Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 23 CE et 25 CE,


LA COUR (cinquième chambre),


composée de M. D. A. O. Edward, faisant fonction de président de la cinquième chambre, MM. A. La Pergola, P. Jann, S. von Bahr et A. Rosas (rapporteur), juges,


avocat général: M. A. Tizzano,


greffier: M. H. A. Rühl, administrateur principal,


vu le rapport d'audience,


ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l'audience du 27 juin 2002, au cours de laquelle la Commission a été représentée par M. J. C. Schieferer et la République fédérale d'Allemagne par M. W.-D. Plessing, en qualité d'agent, assisté de M. H.-J. Koch,


ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 14 novembre 2002,


rend le présent


Arrêt


1.


Par requête déposée au greffe de la Cour le 20 octobre 2000, la Commission a introduit, en vertu de l'article 226 CE, un recours visant à faire constater que, en promulguant le Gesetz über die Überwachung und Kontrolle der grenzüberschreitenden Verbringung von Abfällen, (Abfallverbringungsgesetz) [loi relative à la surveillance et au contrôle des transferts transfrontaliers de déchets (loi relative aux transferts de déchets)], du 30 septembre 1994 (BGBl. 1994 I, p. 2771, ci-après l'"AbfVerbrG"), établissant un fonds de solidarité pour la réintroduction de déchets et imposant aux exportateurs de déchets, notamment vers d'autres États membres, de cotiser à ce fonds, la République fédérale d'Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 23 CE et 25 CE.


Cadre juridique


La convention de Bâle et le droit communautaire


2.


Aux termes des articles 23 CE et 25 CE, la Communauté est fondée sur une union douanière qui s'étend à l'ensemble des échanges de marchandises et qui comporte l'interdiction, entre les États membres, des droits de douane à l'importation et à l'exportation et de toutes taxes d'effet équivalent.


3.


Les transferts de déchets à l'intérieur, à l'entrée et à la sortie de la Communauté sont soumis aux dispositions du règlement (CEE) n° 259/93 du Conseil, du 1er février 1993, concernant la surveillance et le contrôle des transferts de déchets à l'entrée et à la sortie de la Communauté européenne (JO L 30, p. 1). Les transferts de déchets exclus du champ d'application de ce règlement sont précisés à son article 1er, paragraphes 2 et 3.


4.


Le règlement n° 259/93 met notamment en .uvre les obligations assumées par la Communauté et par les États membres en leur qualité de parties à la convention sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination, signée à Bâle le 22 mars 1989 (ci-après la "convention de Bâle"). Cette convention a été approuvée au nom de la Communauté par la décision 93/98/CEE du Conseil, du 1er février 1993 (JO L 39, p. 1). Outre la Communauté, tous les États membres sont parties à la convention de Bâle.


5.


Aux termes de l'article 4, paragraphe 5, de la convention de Bâle, les parties à cette convention n'autorisent pas les exportations de déchets dangereux ou d'autres déchets vers un État non partie ou l'importation de tels déchets en provenance d'un État non partie. Des dérogations à cette règle sont néanmoins prévues, sous certaines conditions, à l'article 11 de ladite convention.


6.


L'article 8 de la convention de Bâle édicte une obligation, à la charge de l'État d'exportation, de veiller à ce que, lorsqu'un mouvement transfrontière de déchets dangereux ou d'autres déchets auquel les États concernés ont consenti ne peut être mené à terme conformément aux clauses du contrat, l'exportateur réintroduise cesdéchets dans l'État d'exportation, si d'autres dispositions ne peuvent être prises pour éliminer les déchets selon des méthodes écologiquement rationnelles dans un délai de 90 jours.


7.


L'article 9, paragraphe 2, sous a), de la convention de Bâle dispose que, au cas où un mouvement transfrontière de déchets dangereux ou d'autres déchets est considéré comme trafic illicite du fait du comportement de l'exportateur ou du producteur, l'État d'exportation veille à ce que les déchets dangereux en question soient repris par l'exportateur ou le producteur ou, s'il y a lieu, par lui-même sur son territoire.


8.


L'obligation de réintroduction prévue à l'article 8 de la convention de Bâle est mise en .uvre, dans l'ordre juridique communautaire, par l'article 25, paragraphe 1, du règlement n° 259/93, libellé comme suit:


"Lorsqu'un transfert de déchets, auquel les autorités compétentes concernées ont consenti, ne peut être mené à terme conformément au document de suivi ou au contrat visé aux articles 3 et 6, l'autorité compétente d'expédition veille à ce que, dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter du moment où elle en a été informée, le notifiant réintroduise les déchets dans son ressort ou ailleurs à l'intérieur de l'État d'expédition, à moins qu'elle ne soit convaincue que leur élimination ou valorisation peut s'effectuer d'une autre manière, selon des méthodes écologiquement saines."


9.


L'article 26, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 259/93 transpose dans les termes suivants l'obligation de réintroduction prévue à l'article 9, paragraphe 2, de la convention de Bâle:


"Si le trafic illégal est le fait du notifiant des déchets, l'autorité compétente d'expédition veille à ce que les déchets en question:


a) soient ramenés dans l'État d'expédition par le notifiant ou, le cas échéant, par l'autorité compétente elle-même [.]"


10.


En outre, l'article 27, paragraphe 1, du règlement n° 259/93, dispose:


"Tout transfert de déchets relevant du champ d'application du présent règlement est soumis à la constitution d'une garantie financière ou d'une assurance équivalente couvrant les coûts de transport, y compris dans les cas prévus aux articles 25 et 26, ainsi que les coûts d'élimination ou de valorisation."


11.


S'agissant de l'imputation des frais administratifs et des coûts liés aux transferts, à l'élimination ou à la valorisation des déchets, l'article 33 du règlement n° 259/93 précise:


"1. Les frais administratifs appropriés pour la mise en .uvre de la procédure de notification et de surveillance et les coûts habituels des analyses et inspections appropriées peuvent être imputés au notifiant.


2. Les coûts afférents à la réintroduction des déchets, y compris le transfert, l'élimination ou la valorisation des déchets selon d'autres méthodes écologiquement saines en vertu de l'article 25 paragraphe 1 et de l'article 26 paragraphe 2, sont imputés au notifiant ou, si cela est impossible, aux États membres concernés.


3. Les coûts afférents à l'élimination ou à la valorisation selon d'autres méthodes écologiquement saines en vertu de l'article 26 paragraphe 3 sont imputés au destinataire.


4. Les coûts afférents à l'élimination ou à la valorisation, y compris au transfert éventuel, en vertu de l'article 26 paragraphe 4, sont imputés au notifiant et/ou au destinataire en fonction de la décision prise par les autorités compétentes concernées."


La réglementation nationale


12.


L'article 8, paragraphe 1, de l'AbfVerbrG établit un fonds de solidarité pour la réintroduction de déchets ("Solidarfonds Abfallrückführung", ci-après le "fonds de solidarité").


13.


Les sixième et septième phrases de ce paragraphe disposent:


"Afin de couvrir les prestations et les frais administratifs du fonds de solidarité, les notifiants au sens du règlement [n° 259/93] sont tenus de cotiser à ce fonds dans une mesure qui tient compte du type et de la quantité des déchets à transférer. Les cotisations non encore utilisées à l'issue d'une période de trois ans sont restituées au prorata aux débiteurs de cotisation après remboursement préalable des compléments de couverture payés en vertu du paragraphe 2."


14.


À cet égard, la première phrase de l'article 8, paragraphe 2, de l'AbfVerbrG est ainsi libellée:


"Dans la mesure où les moyens que le fonds de solidarité doit fournir [...] ne sont pas suffisants pour couvrir les frais occasionnés par la réintroduction et par la valorisation non dommageable ou la destruction sous une forme conforme à l'intérêt général, les Länder sont tenus, après déduction d'une part fédérale à déterminer par règlement [...], de compléter la couverture selon une clé de répartition établie en fonction de la population et des recettes fiscales (clé de Königstein) ou selon une autre clé convenue entre les Länder."


15.


L'obligation de cotiser au fonds de solidarité s'ajoute à l'obligation du notifiant, prévue à l'article 7, paragraphe 1, de l'AbfVerbrG, de constituer une garantie financière ou de fournir la preuve d'une assurance équivalente relative à l'opération de transfert de déchets, conformément à l'article 27 du règlement n° 259/93.


16.


L'article 17 de la Verordnung über die Anstalt Solidarfonds Abfallrückführung (règlement relatif au fonds de solidarité pour la réintroduction de déchets), du 20 mai 1996 (BGBl. 1996 I, p. 694, ci-après le "règlement relatif au fonds de solidarité"), précise que l'obligation de cotiser naît avec l'obligation de notifier les déchets à transférer en dehors du territoire de la République fédérale d'Allemagne. L'article 18 du même règlement définit les modalités de calcul des cotisations dont les montants s'élèvent à 0,30 DEM, 3,00 DEM, 10,00 DEM ou 15,00 DEM par tonne, selon la nature des déchets.


Procédure précontentieuse


17.


Par lettre de mise en demeure du 25 mai 1998, la Commission a informé les autorités allemandes qu'elle estimait que la cotisation au fonds de solidarité perçue en vertu de l'AbfVerbrG constituait une taxe d'effet équivalant à un droit de douane à l'exportation, interdite par les articles 9 et 12 du traité CE (devenus, après modification, articles 23 CE et 25 CE). Elle a souligné, en outre, qu'une telle cotisation n'était pas prévue par le règlement n. 259/93.


18.


Dans leur réponse datée du 11 septembre 1998, les autorités allemandes ont soutenu que la cotisation au fonds de solidarité constituait la contrepartie proportionnée d'un avantage spécifique et/ou individualisé procuré à des opérateurs économiques et qu'elle n'était donc pas, de ce fait, une taxe d'effet équivalent. Le gouvernement allemand a en outre fait valoir que les caractéristiques spéciales des déchets justifiaient certaines restrictions à la libre circulation de ce type de marchandises.


19.


Le 16 août 1999, la Commission a adressé à la République fédérale d'Allemagne un avis motivé dans lequel elle rejetait les arguments qui avaient été avancés par les autorités allemandes, précisant toutefois qu'elle ne remettait pas en cause la cotisation versée au titre d'une exportation de déchets depuis l'Allemagne vers un pays tiers. Elle a invité cet État membre à se conformer audit avis dans un délai de deux mois à compter de sa notification.


20.


Le gouvernement allemand ayant, dans sa réponse du 21 janvier 2000, continué de contester l'infraction au traité qui lui était reprochée, la Commission a décidé d'introduire le présent recours.


Sur le manquement


21.


La Commission fait valoir que l'obligation imposée à tout exportateur de déchets de s'acquitter d'une cotisation au fonds de solidarité, qui découle de l'AbfVerbrG, est partiellement incompatible avec le droit communautaire. Elle estime en effet que, en tant que cette cotisation est due en cas de transfert de déchets à destination d'autres États membres, elle constitue une taxe d'effet équivalant à un droit de douane à l'exportation, interdite par les articles 23 CE et 25 CE.


22.


À cet égard, il convient de rappeler d'emblée que, ainsi que la Cour l'a constaté à maintes reprises, la justification de l'interdiction des droits de douane et de toutes taxes d'effet équivalent réside dans l'entrave que des charges pécuniaires, fussent-elles minimes, appliquées en raison du franchissement des frontières, constituent pour la circulation des marchandises, aggravée par les formalités administratives consécutives. Dès lors, toute charge pécuniaire, unilatéralement imposée, quelles que soient son appellation et sa technique, et frappant les marchandises en raison du fait qu'elles franchissent la frontière, lorsqu'elle n'est pas un droit de douane proprement dit, constitue une taxe d'effet équivalent au sens des articles 23 CE et 25 CE, alors même qu'elle ne serait pas perçue au profit de l'État (voir, entre autres, arrêts du 9 novembre 1983, Commission/Danemark, 158/82, Rec. p. 3573, point 18, et du 27 septembre 1988, Commission/Allemagne, 18/87, Rec. p. 5427, point 5).


23.


Selon la jurisprudence de la Cour, une telle charge échappe toutefois à cette qualification si elle relève d'un système général de redevances intérieures appréhendant systématiquement, selon les mêmes critères, les produits nationaux et les produits importés et exportés, si elle constitue la rémunération d'un service effectivement rendu à l'opérateur économique, d'un montant proportionné audit service, ou encore, sous certaines conditions, si elle est afférente à des contrôles effectués pour satisfaire à des obligations imposées par le droit communautaire (voir arrêt Commission/Allemagne, précité, point 6, et jurisprudence citée).

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