COMM.
N.R
COUR DE CASSATION
Audience publique du 4 février 2003
Rejet et Irrecevabilité
M. TRICOT, conseiller doyen faisant fonctions de président
Pourvoi n° E 01-11.945
Arrêt n° 203 F D
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par la Banque nationale de Paris Paribas (BNP-Paribas), dont le siège est Paris,
en cassation d'un arrêt rendu le 27 mars 2001 par la cour d'appel de Paris (3e chambre, section A), au profit
1°/ de la société Gautier Languereau, dont le siège est Paris,
2°/ de Mme Marie José X, domiciliée Paris, prise en sa qualité de représentant des créanciers et de commissaire à l'exécution du plan de la société Gautier Languereau,
défenderesses à la cassation ;
La société Gautier Languereau, défenderesse au pourvoi principal, a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 10 décembre 2002, où étaient présents M. Tricot, conseiller doyen faisant fonctions de président, Mme Besançon, conseiller rapporteur, Mme Aubert, conseiller, Mme Moratille, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Besançon, conseiller, les observations de la SCP Defrenois et Levis, avocat de la Banque nationale de Paris Paribas (BNP-Paribas), de Me Bertrand, avocat de Mme X, ès qualités, de la SCP Rouvière et Boutet, avocat de la société Gautier Languereau, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 mars 2001), que le 2 mai 1989 la société Gautier Languereau a déposé en gage 60 000 000 francs sur un compte de la BNP (la banque) en garantie des engagements de la société Sphère Edition ; que la société Gautier Languereau ayant été mise en redressement judiciaire le 21 mars 1991, le tribunal a arrêté le plan de cession des actifs le 6 juin suivant, fixé sa durée à six mois et désigné Mme X en qualité de commissaire à l'exécution du plan ; que cette dernière et la société Gautier Languereau, reprochant à la banque d'avoir indûment affecté ce gage-espèces au remboursement partiel de la dette de la société Sphère Edition, ont demandé, chacune en ce qui la concerne, le remboursement du gage ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal formé par la banque
Attendu que la banque reproche à l'arrêt d'avoir dit irrecevables les tierces oppositions incidentes qu'elle a exercées contre six jugements successifs du tribunal de la procédure collective ayant prorogé la mission du commissaire à l'exécution du plan avec effet rétroactif, et jugé recevable l'action de ce commissaire à l'exécution du plan, alors, selon le moyen, qu'en appliquant à des tierces oppositions incidentes des dispositions ne régissant que les tierces oppositions principales, la cour d'appel a violé l'article 156 du décret du 27 décembre 1985, par fausse application, l'article 588 du nouveau Code de procédure civile, par refus d'application, ensemble l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu que l'arrêt retient à bon droit que le jugement qui proroge la mission du commissaire à l'exécution du plan ressort des dispositions de l'article 156 du décret du 27 décembre 1985, qui excluent la possibilité de former tierce opposition contre les décisions rendues en matière de redressement et de liquidation judiciaires selon les règles du droit commun, que la tierce opposition soit principale ou incidente ; qu'ayant relevé ensuite que les tierces oppositions litigieuses avaient été formées par voie de conclusions, il en déduit exactement que celles-ci sont irrecevable ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen du même pourvoi
Attendu que la banque reproche encore à l'arrêt d'avoir fait droit à l'action, exercée par le commissaire à l'exécution du plan d'une caution réelle, en restitution de sommes qui lui avaient été remises à titre de gage-espèces en garantie des dettes d'un tiers, alors, selon le moyen, qu'un gage peut valablement garantir le solde provisoire d'un compte bancaire ; qu'en retenant que seule une défaillance définitive de la société garantie aurait pu justifier la mise en jeu de la sûreté, la cour d'appel a violé l'article 2071 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la banque ne pouvait utiliser la somme gagée sans ordre de la société Gautier Languereau, titulaire du compte à terme rémunéré, qu'en justifiant que la garantie constituée lui était acquise, après la défaillance de la société Sphère Edition dans l'exécution de ses obligations et qu'elle avait opéré le transfert des fonds sur l'ordre inopérant de M. ..., dirigeant de la société Cap'D, actionnaire de la société Sphère Edition, faisant ainsi ressortir que la banque ne se prévalait pas d'une créance certaine, liquide et exigible à la date à laquelle elle avait mis en jeu la sûreté, la cour d'appel a condamné à bon droit cette dernière à restituer à Mme X, ès qualités, le montant du gage litigieux ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Et sur le pourvoi incident formé par la société Gautier Languereau
Vu les articles L. 131-6 du Code de l'organisation judiciaire et 621 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que par application de ces textes, le pourvoi incident relevé le 4 février 2002, après le pourvoi principal formé le 3 septembre 2001 contre la même décision, est irrecevable ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi formé par la SA BNP Paribas ;
DÉCLARE irrecevable le pourvoi incident formé par la société Gautier Languereau ;
Condamne la Banque nationale de Paris ... et la société Gautier Languereau aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la Banque nationale de Paris ... à payer à Mme X, ès qualités, la somme de 1800 euros ; rejette les demandes de la Banque nationale de Paris ... et de la société Gautier Languereau ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre février deux mille trois.