Jurisprudence : CJCE, 06-02-2003, aff. C-245/00, Stichting ter Exploitatie van Naburige Rechten (SENA) c/ Nederlandse Omroep Stichting (NOS)

CJCE, 06-02-2003, aff. C-245/00, Stichting ter Exploitatie van Naburige Rechten (SENA) c/ Nederlandse Omroep Stichting (NOS)

A8947A47

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CJCE, 06-02-2003, aff. C-245/00, Stichting ter Exploitatie van Naburige Rechten (SENA) c/ Nederlandse Omroep Stichting (NOS). Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1127392-cjce-06022003-aff-c24500-stichting-ter-exploitatie-van-naburige-rechten-sena-c-nederlandse-omroep-st
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Abstract

La CJCE a rendu une décision à titre préjudiciel, en date du 6 février 2003 (CJCE, 6 février 2003, aff. . C-245/00, SENA c/ NOS), sur l'interprétation de l'article 8, paragraphe 2, de la directive 92/100/CEE du Conseil, du 19 novembre 1992 concernant le droit de location et de prêt et certains droits voisins du droit d'auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle.


c/
Nederlandse Omroep Stichting (NOS)



ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)


6 février 20033(1)


"Directive 92/100/CEE - Droit de location et de prêt et certains droits voisins du droit d'auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle - Article 8, paragraphe 2 - Radiodiffusion et communication au public - Rémunération équitable"


Dans l'affaire C-245/00,


ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 234 CE, par le Hoge Raad der Nederlanden (Pays-Bas) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre


Stichting ter Exploitatie van Naburige Rechten (SENA)


et


Nederlandse Omroep Stichting (NOS),


une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de l'article 8, paragraphe 2, de la directive 92/100/CEE du Conseil, du 19 novembre 1992, relative au droit de location et de prêt et à certains droits voisins du droit d'auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle (JO L 346, p. 61),


LA COUR (sixième chambre),


composée de M. J.-P. Puissochet (rapporteur), président de chambre, MM. C. Gulmann et V. Skouris, Mme F. Macken et M. J. N. Cunha Rodrigues, juges,


avocat général: M. A. Tizzano,


greffier: Mme M.-F. Contet, administrateur principal,


considérant les observations écrites présentées:


- pour la Stichting ter Exploitatie van Naburige Rechten (SENA), par Mes J. L. R. A. Huydecoper et H. G. Sevenster, advocaten,


- pour la Nederlandse Omroep Stichting (NOS, par Mes W. VerLoren van Themaat et R. S. Meijer, advocaten,


- pour le gouvernement néerlandais, par M. M. A. Fierstra, en qualité d'agent,


- pour le gouvernement allemand, par MM. A. Dittrich et W.-D. Plessing, en qualité d'agents,


- pour le gouvernement portugais, pa MM. L. I. Fernandes et J. C. de Almeida e Paiva, en qualité d'agents,


- pour le gouvernement finlandais, par Mme T. Pynnä, en qualité d'agent,


- pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme G. Amodeo, en qualité d'agent, assistée de Mme J. Stratford, barrister,


- pour la Commission des Communautés européennes, par Mme K. Banks et M. H. M. H. Speyart, en qualité d'agents,


vu le rapport d'audience,


ayant entendu les observations orales de la Stichting ter Exploitatie van Naburige Rechten (SENA), représentée Mes E. Pijnacker Hordijk et T. Cohen Jehoram, advocaten, de la Nederlandse Omroep Stichting (NOS), représentée par Me W. VerLoren van Themaat, du gouvernement néerlandais, représenté par Mme J. van Bakel, en qualité d'agent, et de la Commission, représentée par M. H. M. H. Speyart, à l'audience du 2 mai 2002,


ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 26 septembre 2002,


rend le présent


Arrêt


1.


Par arrêt du 9 juin 2000, parvenu à la Cour le 19 juin suivant, le Hoge Raad der Nederlanden a posé, en vertu de l'article 234 CE, trois questions préjudicielles sur l'interprétation de l'article 8, paragraphe 2, de la directive 92/100/CEE du Conseil, du 19 novembre 1992, relative au droit de location et de prêt et à certains droits voisins du droit d'auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle (JO L 346, p. 61).


2.


Ces questions ont été posées dans le cadre d'une procédure opposant la Stichting ter Exploitatie van Naburige Rechten (association pour l'exploitation des droits voisins, ci-après la "SENA") à la Nederlandse Omroep Stichting (association de radiotélévision néerlandaise, ci-après la "NOS") au sujet de la fixation d'une rémunération équitable versée, pour la diffusion de phonogrammes par la radio ou la télévision, aux artistes interprètes ou exécutants et aux producteurs de ces phonogrammes.


La réglementation communautaire


3.


La directive 92/100 vise à mettre en .uvre une protection juridique harmonisée pour le droit de location, le droit de prêt et certains droits voisins du droit d'auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle.


4.


Il ressort du premier considérant de la directive 92/100 que cette harmonisation vise à supprimer les différences entre les réglementations nationales lorsqu'elles "sont de nature à créer des entraves aux échanges, à provoquer des distorsions de concurrence et à nuire à la réalisation et au bon fonctionnement du marché intérieur".


5.


Les septième, onzième, quinzième et dix-septième considérants de ladite directive sont libellés comme suit:


"considérant que la continuité du travail créateur et artistique des auteurs, artistes interprètes ou exécutants exige que ceux-ci perçoivent un revenu approprié et que les investissements, en particulier ceux qu'exige la production de phonogrammes et de films, sont extrêmement élevés et aléatoires; que seule une protection juridique appropriée des titulaires des droits concernés permet de garantir efficacement la possibilité de percevoir ce revenu et d'amortir ces investissements;


[...]


considérant que le cadre juridique communautaire relatif aux droits de location et de prêt ainsi qu'à certains droits voisins peut être limité à des dispositions précisant que les États membres prévoient les droits de location et de prêt pour certains groupes de titulaires et prévoient, en outre, les droits de fixation, de reproduction, de distribution, de radiodiffusion et de communication au public pour certains groupes de titulaires dans le domaine de la protection des droits voisins;


[...]


considérant qu'il est nécessaire d'introduire un régime qui assure une rémunération équitable, à laquelle il ne peut être renoncé, aux auteurs et aux artistes interprètes ou exécutants, qui doivent retenir la possibilité de confier la gestion de ce droit à des sociétés de gestion collective qui les représentent;


[...]


considérant que cette rémunération équitable doit tenir compte de l'importance de la contribution apportée au phonogramme et au film par les auteurs et les artistes interprètes ou exécutants concernés; [...]".


6.


L'article 8, paragraphes 1 et 2, de la directive 92/100 dispose:


"1. Les États membres prévoient pour les artistes interprètes ou exécutants le droit exclusif d'autoriser ou d'interdire la radiodiffusion par le moyen des ondes radioélectriques et la communication au public de leurs exécutions, sauf lorsque l'exécution est elle-même déjà une exécution radiodiffusée ou faite à partir d'une fixation.


2. Les États membres prévoient un droit pour assurer qu'une rémunération équitable et unique est versée par l'utilisateur lorsqu'un phonogramme publié à des fins de commerce, ou une reproduction de ce phonogramme, est utilisé pour une radiodiffusion par le moyen des ondes radioélectriques ou pour une communication quelconque au public, et pour assurer que cette rémunération est partagée entre les artistes interprètes ou exécutants et producteurs de phonogrammes concernés. Ils peuvent, faute d'accord entre les artistes interprètes ou exécutants et les producteurs de phonogrammes, déterminer les conditions de la répartition entre eux de cette rémunération."


7.


La notion de rémunération équitable n'est pas précisée dans la directive 92/100.


La réglementation nationale


8.


L'article 7 de la Wet op de naburige rechten (loi néerlandaise sur les droits voisins), du 1er juillet 1993, modifiée par la loi du 21 décembre 1995 (Staatsblad 1995, p. 653, ci-après la "WNR"), dispose:


"1. Un phonogramme produit à des fins commerciales ou sa reproduction peut être radiodiffusé ou communiqué au public d'une autre manière sans l'utorisation du producteur du phonogramme et de l'artiste interprète ou exécutant ou de leurs ayants droit, à condition qu'une rémunération équitable soit versée.


2. En l'absence d'accord sur le montant de la rémunération équitable, l'Arrondissementsrechtbank te 's-Gravenhage saisi en première instance par la partie la plus diligente sera seul compétent pour fixer le montant de la rémunération.


3. La rémunération revient à l'artiste interprète ou exécutant et au producteur ou à leurs ayants droit et elle est répartie en parts égales entre eux."


9.


L'article 15 de la WNR précise que la rémunération équitable visée à l'article 7 de cette loi doit être versée à une personne morale représentative désignée par le ministre de la Justice, chargée, à l'exclusion de toutes autres personnes, de la perception et de la répartition de cette rémunération, et que cette personne morale représente les ayants droit en toutes occasions pour fixer le montant de la rémunération et pour la percevoir ainsi que pour exercer le droit exclusif.


Le litige au principal et les questions préjudicielles


10.


Avant l'entrée en vigueur de la WNR, une convention avait été conclue le 16 décembre 1986 entre, d'une part, la NOS et la Stichting Radio Nederland Wereldomroep (association néerlandaise de radiotélévision mondiale) et, d'autre part, la Nederlandse Vereniging van Producenten en Importeurs van Beeld en Geluidsdragers (association néerlandaise des producteurs et des importateurs de supports de son et d'image, ci-après la "NVPI"). Aux termes de cette convention, la NOS était redevable à la NVPI, chaque année depuis 1984, d'une rémunération (indexée) en compensation del'utilisation des droits des artistes interprètes ou exécutants et des producteurs de phonogrammes. La rémunération payée par la NOS à la NVPI en vertu de ladite convention s'élevait, en 1984, à 605 000 NLG et, en 1994, à 700 000 NLG.


11.


En application de l'article 15 de la WNR, la SENA a été désignée pour percevoir et répartir la rémunération équitable des droits à la place de la NVPI qui, par courrier du 23 décembre 1993, a, en conséquence, résilié la convention qui la liait à la NOS.


12.


La SENA et la NOS ont, en application de l'article 7, paragraphe 1, de la WNR, cherché un accord sur le montant de la rémunération équitable à fixer dans le cadre de cette loi. Cette recherche n'ayant pas abouti, la SENA a, conformément aux dispositions de l'article 7, paragraphe 2, de la WNR, saisi l'Arrondissementsrechtbank te 's-Gravenhage (Pays-Bas) aux fins de voir fixer la rémunération équitable à 3 500 NLG par heure de diffusion télévisée et à 350 NLG par heure de diffusion radiophonique, le montant réclamé annuellement devant ainsi s'élever à environ 7 500 000 NLG.


13.


Se fondant sur la convention du 16 décembre 1986 et sur les montants payés en vertu de celle-ci à la NVPI, la NOS a formé une demande reconventionnelle tendant à ce que la rémunération équitable soit fixée à un montant annuel de 700 000 NLG.


14.


Par deux jugements interlocutoires du 7 août 1996 et du 16 avril 1997, l'Arrondissementsrechtbank a fixé la rémunération due pour l'année 1995 à un montant de 2 000 000 NLG. Il a fait dépendre la fixation de la rémunération due pour les années suivantes d'autres informations dont il a demandé la communication.


15.


En appel, le Gerechtshof te 's-Gravenhage (Pays-Bas) a estimé, dans un arrêt interlocutoire du 6 mai 1999, que la question principale était de savoir comment déterminer la rémunération équitable visée à l'article 7, paragraphe 1, de la WNR, sachant que ni cette loi ni la directive 92/100 ne donnent une quelconque indication concrète sur son mode de calcul.


16.


Le Gerechtshof a relevé, en premier lieu, que la directive 92/100 n'impose pas d'harmoniser la méthode de fixation de la rémunération équitable, même si la pratique suivie dans les autres États membres peut exercer une influence sur la solution qui sera retenue aux Pays-Bas.


17.


En second lieu, il a considéré, d'une part, qu'il ressort des travaux préparatoires de la WNR que la rémunération équitable doit correspondre, à peu près, à ce qui devait être payé auparavant en application de la convention entre la NOS et la NVPI et, d'autre part, que le caractère équitable, le calcul et le contrôle de la rémunération doivent être favorisés par le recours à un modèle de calcul qu'il appartient aux parties de tenter, dans un premier temps, de définir à l'aide de facteurs variables et fixes.


18.


Le Gerechtshof a proposé les facteurs suivants:


le nombre d'heures de diffusion des phonogrammes;


l'importance de l'audience des organismes de radio et de télévision représentés par la NOS;


les tarifs conventionnellement fixés en matière de droits d'exécution et de radiodiffusion d'.uvres musicales protégées par le droit d'auteur;


les tarifs pratiqués par les organismes publics de radiodiffusion dans les États membres voisins des Pays-Bas;


les montants payés par les stations commerciales.


19.


La SENA a introduit un pourvoi en cassation en faisant valoir que le Gerechtshof avait développé un raisonnement juridique incompatible avec la directive 92/100, en tant que celle-ci vise à introduire une notion autonome de droit communautaire appelant une interprétation uniforme, dans les États membres, de la notion de rémunération équitable. Elle estime que l'analyse du Gerechtshof aboutit à traiter de manière différente des situations identiques.


20.


L'argumentation de la SENA soulevant des questions d'interprétation de la directive 92/100, le Hoge Raad der Nederlanden a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:


"1) La notion de 'rémunération équitable' employée à l'article 8, paragraphe 2, de la directive est-elle une notion communautaire qui doit être interprétée et appliquée de la même manière dans tous les États membres de la Communauté européenne?


2) Si la première question appelle une réponse affirmative:


a) Selon quels critères faut-il fixer le montant de la rémunération équitable?


b) Faut-il chercher à se référer au montant des rémunérations qui avaient été convenues entre les organisations concernées dans l'État membre en question ou qu'elles avaient coutume de verser, avant l'entrée en vigueur de la directive?


c) Faut-il ou peut-on tenir compte des attentes que l'adoption de la loi interne de transposition de la directive a suscitées chez les intéressés quant au montant de la rémunération?


d) Faut-il chercher à se référer au montant des rémunérations qui sont versées au titre du droit d'auteur sur les .uvres musicales pour des émissions d'organismes de radiodiffusion?


e) La rémunération doit-elle être fonction du nombre potentiel ou du nombre effectif de spectateurs ou d'auditeurs ou bien doit-elle être fonction des deux et, dans ce cas, dans quelle proportion?

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