N° J 23-86.166 F-B
N° 01359
LR
14 NOVEMBRE 2024
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 14 NOVEMBRE 2024
M. [X] [Y] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Colmar, chambre correctionnelle, en date du 14 septembre 2023, qui, pour violences aggravées, l'a condamné à vingt mois d'emprisonnement avec sursis, trois ans d'interdiction d'entrer en contact avec la victime, trois ans d'inéligibilité, et a prononcé sur les intérêts civils.
Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits.
Sur le rapport de M. Turbeaux, conseiller, les observations de la SCP Boucard-Maman, avocat de M. [X] [Y], les observations de Me Haas, avocat de Mme [K] [Z], et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 9 octobre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Turbeaux, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Le Roch, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'
article 567-1-1 du code de procédure pénale🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Par jugement du 8 décembre 2021, le tribunal correctionnel a condamné M. [Aa] [Y], pour violences habituelles commises par conjoint, à deux ans d'emprisonnement dont dix-huit mois avec sursis, trois ans d'interdiction d'entrer en contact avec la victime, trois ans d'inéligibilité ; il a statué sur l'action civile.
3. Le prévenu, le ministère public et la partie civile ont relevé appel.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à l'audition des témoins cités par M. [Ab], l'a déclaré coupable, l'a condamné à vingt mois d'emprisonnement avec sursis, trois ans d'interdiction d'entrer en contact avec la victime, trois ans d'inéligibilité, et a prononcé sur les intérêts civils, alors « que devant la chambre des appels correctionnels, le prévenu n'est pas tenu de signifier au ministère public la liste des personnes qu'il a citées en qualité de témoins ; que si des témoins, régulièrement cités devant la chambre des appels correctionnels, n'ont pas été entendus par le tribunal, ils doivent l'être par la juridiction du second degré, peu important qu'ils n'aient pas été cités en première instance, que leur citation en appel n'ait pas été dénoncée au ministère public ou encore que leurs attestations écrites aient été produites en première instance et en appel ; qu'en refusant de procéder à l'audition de témoins cités par M. [Ab] qui n'avaient pas été entendus en première instance, aux motifs inopérants que la dénonciation des citations à parquet n'avait pas eu lieu, que la prétendue nécessité d'y procéder avait été expressément rappelée au conseil de M. [Y], et encore que leur attestations écrites avaient été produites en première instance et en appel, la cour d'appel a méconnu les
articles 6 § 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales🏛, 452, 513, alinéa 2 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l'
article 513, alinéa 2, du code de procédure pénale🏛 :
5. Selon ce texte, les témoins cités par le prévenu sont entendus dans les règles prévues aux
articles 435 à 437 du code précité🏛🏛. Le ministère public peut s'y opposer si ces témoins ont déjà été entendus par le tribunal. La cour tranche avant tout débat au fond.
6. Pour dire n'y avoir lieu à l'audition de deux des trois témoins cités par M. [Y], présents à l'ouverture des débats devant la cour d'appel, l'arrêt attaqué énonce que le ministère public s'est opposé à ces auditions, les citations ne lui ayant pas été dénoncées.
7. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé.
8. En effet, ni l'article 513 du code de procédure pénale ni aucune autre disposition n'imposent au prévenu d'aviser le ministère public, avant l'audience d'une juridiction correctionnelle, de la citation de témoins, l'
article 281 du même code🏛 ne prévoyant cette formalité que devant la cour d'assises.
9. L'audition des témoins devant la chambre des appels correctionnels ne peut être refusée que s'ils ont été entendus en première instance.
10. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le second moyen de cassation proposé, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Colmar, en date du 14 septembre 2023, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Nancy, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'
article 618-1 du code de procédure pénale🏛 ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Colmar et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille vingt-quatre.