Jurisprudence : CA Versailles, 14e ch., 23-10-2002, n° 02/05235

CA Versailles, 14e ch., 23-10-2002, n° 02/05235

A6953A4B

Référence

CA Versailles, 14e ch., 23-10-2002, n° 02/05235. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1125045-ca-versailles-14e-ch-23102002-n-0205235
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Abstract

On se souvient que la loi relative aux nouvelles régulations économiques a modifié le régime de l'expertise de gestion, notamment sur ces deux points : la fraction du capital à détenir par le demandeur associé ou actionnaire a été réduite à 5 % et une phase préalable à la désignation de l'expert a été instituée dans les sociétés par actions (loi NRE n° 2001-420, 15 mai 2001).



COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
14ème chambre ARRÊT N° D (7 D DU 23 OCTOBRE 2002 R.G. N° 02/05235 AFFAIRE
S.A. ELVA C/
L. ...
Société PERROT LIMITED
Appel d'une ordonnance de référé rendue le 12 Juin 2002 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT TROIS OCTOBRE DEUX MILLE DEUX,
La cour d'appel de VERSAILLES, 14ème chambre,
a rendu l'arrêt suivant, prononcé en audience publique, de la oudres ft La cause ayant été débattue, c/
reffe
à l'audience publique du 25 Septembre 2002, Ver8eillea La cour étant composée de

Monsieur Michel FALCONE, président, Madame Chantal LOMBARD, conseiller,
Madame Geneviève LAMBLING, conseiller,
assistés de Madame Laurence IMBERT, greffier,
et ces mêmes magistrats en ayant délibéré conformément à la loi, DANS L'AFFAIRE ENTRE
S.A. ELVA - dont le siège est
BOULOGNE BILLANCOURT, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité.
CONCLUANT par la SCP BOMMART MINAULT, avoués à la Cour PLAIDANT par Me J. ..., avocat au barreau de PARIS
APPELANTE
ET
SCP BOMMART MINAULT
SCP DELCAIRE BOITEAU
Monsieur L. ... - demeurant Romora Bay Club HaLuur Island - BAHAMAS.
CONCLUANT par la SCP DELCAIRE BOITEAU, avoués à la Cour PLAIDANT par Me A. ..., avocat au barreau de PARIS
Société PERROT LIMITED - dont le siège est SUITE 5 Malcolm Building - Po Box n° 9777 - NASSAU, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité. CONCLUANT par la SCP DELCAIRE BOITEAU, avoués à la Cour PLAIDANT par Me A. ..., avocat au barreau de PARIS
INTIMÉS

FAITS ET PROCÉDURE

Par ordonnance du 31 Juillet 2002, le juge des référés du tribunal de commerce de NANTERRE, saisi par Monsieur L. ... et la société PERROT LIMITED, a ordonné, sur le fondement de l'article L 225-231 du code de commerce tel que modifié par la loi du 15 mai 2001, une expertise de gestion confiée à Monsieur M. ... et condamné la société ELVA à payer aux demandeurs la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Appelante et autorisée à assigner à-jour fixe, la SA ELVA prie la cour, au visa des articles L 225-231 et L 233-3 du code de commerce ainsi que du décret du 23 mars 1967, d'infirmer cette décision, de débouter Monsieur L. ... et la société PERROT LIMITED de toutes leurs demandes, de les déclarer irrecevables, en application de l'article 564 du nouveau code de procédure civile en leur nouvelle demande d'expertise formée par conclusions du 17 Septembre 2002 et de les condamner à lui payer les sommes de 243 750 euros en réparation de son préjudice du fait du manque à gagner, 60 000 euros en réparation de son préjudice moral et 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Elle rappelle être une filiale française de la société de droit américain ELVA INTERNATIONAL INC, côtée au troisième marché de la bourse américaine, qui a pour actionnaires minoritaires Monsieur L. ... et la société PERROT LIMITED, celle-ci étant contrôlée par Monsieur ....
Elle soutient, en substance, que ce dernier, qui conteste la légitimité du "management" de la société ELVA INTERNATIONAL INC dont il était l'ancien dirigeant, cherche, depuis son éviction, à dénigrer celle-ci et sa filiale.
Que les intimés, qui ne sont pas actionnaires de la SA ELVA dont 99 % des actions sont détenues par la société ELVA INTERNATIONAL INC sont
- d'une part, irrecevables en leur demande d'expertise de gestion, ce droit d'expertise de minorité ne pouvant être étendu à des actionnaires extérieurs au seul motif que ceux-ci sont actionnaires à hauteur de 5 % de la société mère domiciliée aux États Unis, le contrôle d'une société en FRANCE s'effectuant suivant les modalités du droit français et les règles propres à la société anonyme française,
- d'autre part, mal fondés en leur demande puisque la perte de la moitié du capital social ainsi que la régularisation relèvent de la seule décision de l'assemblée générale, qu'il en est de même en ce qui concerne la transformation de la société à directoire et à conseil de surveillance en société anonyme,
- qu'enfin, l'établissement de la gestion du groupe est susceptible d'être modifiée à tout moment.
Elle observe que la demande d'extension de la mission de l'expert formée en cause d'appel est irrecevable puisque fondée sur de nouvelles informations relatives à d'autres décisions dont il ne pouvait être débattu en première instance, compte tenu de la date des événements en cause, postérieure à la clôture des débats devant le premier juge et soutient que l'article L 225-231 du code de commerce a modifié le déroulement de l'expertise de gestion en imposant une phase préliminaire de questions écrites dans les sociétés par actions dont la preuve n'est pas rapportée qu'elle ait été respectée en ce qui concerne la réduction du capital de la société ELVA, l'état des brevets ou l'état d'avancement de la procédure d'octroi de la subvention CEE pour le projet I PROVIDED, qui ne s'analysent pas, en tout état de cause, en actes de gestion.
Monsieur L. ... et la société PERROT LIMITED concluent, au visa des articles L 225-231 et L 233-3 du code de commerce au débouté, à la confirmation de l'ordonnance entreprise et à l'extension de la mission de l'expert, sollicitant la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Ils répliquent avoir démontré détenir plus de 10 % du capital de la société ELVA INTERNATIONAL INC qui elle-même détient 99 % du capital de sa filiale la société ELVA, ce qui les rend recevables à se prévaloir des dispositions de l'article L 225-231 modifié par la loi du 15 mai 2001.
Qu'ils rapportent la preuve de présomptions d'irrégularités des différentes opérations réalisées par la SA ELVA et surtout la preuve d'un risque sérieux d'atteinte à l'intérêt du groupe puisque les sociétés ELVA INTERNATIONAL INC et ELVA sont interdépendantes et dirigées par le même groupe de personnes.
Qu'ils ont, préalablement à la saisine du juge des référés et en vain, interrogé par écrit les dirigeants des sociétés ELVA et ELVA INC.
Que s'il est de principe que l'expertise de gestion ne peut porter que sur des actes de gestion, c'est à dire sur des opérations effectuées par les organes sociaux et non sur des décisions prises par l'assemblée générale, rien ne fait obstacle à ce que l'expert apprécie les circonstances dans lesquelles le dirigeant, organe de gestion, a pu soumettre certaines questions à l'assemblée générale et, le cas échéant, commettre une faute de gestion.
Que la mission de l'expert telle que précisée par l'ordonnance entreprise doit être étendue puisque depuis le mois de Mars 2002 et alors que l'instance en référé devant le tribunal de commerce de NANTERRE était en cours, d'autres décisions sont intervenues faisant apparaître notamment des craintes de détournements de brevets devant être vérifiées.

MOTIFS DE L'ARRÊT
Sur la recevabilité de la demande d'expertise de gestion formée par Monsieur L. ... et la société PERROT LIMITED,
Considérant que l'article L 225-231 du code de commerce tel que modifié par la loi du 15 mai 2001 dispose que "une association....ainsi que un ou plusieurs actionnaires représentant au moins 5 % du capital social, soit individuellement soit en se groupant sous quelque forme que ce soit, peuvent poser par écrit au président du conseil d'administration ou du directoire des questions sur une ou plusieurs opérations de gestion de la société, ainsi que, le cas échéant, des sociétés qu'elle contrôle au sens de l'article L 233-3. Dans ce dernier cas, la demande est appréciée eu regard de l'intérêt du groupe. La réponse doit être communiquée aux commissaires aux comptes ;
A défaut de réponse dans un délai de un mois ou à défaut de communication d'éléments de réponse satisfaisants, ces actionnaires peuvent demander en référé la désignation d'un ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion...." ;
Considérant, en l'espèce, que la SA ELVA, société de droit français, est une filiale à 99 % de la société américaine ELVA INTERNATIONAL INC, société côtée sur le troisième marché américain, qui détient 100 024 sur 100 034 actions de la SA ELVA ;
Que du mois d'Août 2001 au 20 mars 2002, la société PERROT LIMITED, prise en la personne de son représentant légal et unique associé, Monsieur L. ... détenait 771 500 actions sur un total au 30 Septembre 2001 de 6 308 500 actions de la société ELVA INTERNATIONAL INC soit une participation supérieure à 5 % ;
Que depuis le 21 mars 2002, Monsieur L. ... détient seul 646 500 actions précédemment détenues par la société PERROT LIMITED dans la société ELVA INTERNATIONAL INC, la société PERROT LIMITED ne détenant plus que 125 000 actions ;
Qu'ils représentent, en conséquence, plus de 5 % du capital sociale de la société ELVA INTERNATIONAL INC qui contrôle, au sens de l'article L 233-3 du code de commerce, la SA ELVA ;
Qu'ils ont dès lors, et contrairement à ce que soutient celle-ci, qualité à agir pour solliciter une expertise de gestion, l'article L 225-231 susvisé n'excluant pas les actionnaires minoritaires, personne physique ou morale, d'une société de droit étranger contrôlant une société de droit français ;
-4-
Considérant qu'ils justifient, ainsi que l'imposent ces mêmes dispositions, et contrairement à ce que soutient l' appelante, des questions écrites posées en vain aux dirigeants des sociétés ELVA et ELVA INTERNATIONAL INC préalablement à la saisine du juge des référés soit par lettre recommandée avec accusé de réception du 14 Décembre 2001 ;
Qu'ils sont, ainsi que l'a justement apprécié le premier juge, recevables en leur action ;
Sur le bien fondé de celle-ci
Considérant que vainement la société ELVA prétend-elle que l'expertise sollicitée n'est pas justifiée, Monsieur ... voulant paralyser le fonctionnement des sociétés ELVA et ELVA INTERNATIONAL INC pour des raisons personnelles après avoir été évincé du "groupe américain" ;
Qu'en effet, l'interdépendance entre les deux sociétés, l'une fût-elle de droit français et l'autre de droit américain, est clairement établie, étant observé que les intimés font valoir, en sus de la participation à concurrence de 99 % de la société ELVA INTERNATIONAL INC dans le capital social de la SA ELVA, que Monsieur ..., président du conseil d'administration de la SA ELVA depuis le mois de mars 2002 est également président du conseil d'administration de la société mère ;
Que, dès lors, l'intérêt du groupe ne peut qu'être concerné ;
Considérant, en outre, que l'expertise sollicitée présente un caractère sérieux dans la mesure où, comme le rappelle l'ordonnance entreprise, la SA ELVA a perdu plus de la moitié de son capital, qu'un doute sérieux existe sur la capacité de cette société à continuer son activité, que les raisons de la décision de poursuivre celle-ci méritent d'être explicitées et que le courrier du 10 Septembre 2001 adressé par la société ATMEL, principal client, aux dirigeants de la société ELVA précise notamment que "ELVA devra payer d'avance toutes les nouvelles expéditions et qu'ELVA doit régulariser son compte ATMEL avant le prochain payement trimestriel 90K$ pour prestations techniques" ;
Que c'est également à bon droit que le premier juge a considéré que l'exposé des motifs ayant conduit à poursuivre l'activité de la société, à la transformer de société à directoire et conseil d'administration et conseil de surveillance en société anonyme classique, l'examen du budget prévisionnel 2002 et le règlement des factures dues à la société ATMEL sont autant d'opérations de gestion nécessitant de faire l'objet d'un rapport d'expert ;
Qu'il s'ensuit que la SA ELVA sera déboutée de son appel, l'ordonnance entreprise étant confu niée en toutes ses dispositions ;
-5-
Sur la demande d'extension de la mission de l'expert formée en cause d'appel par Monsieur L. ... et la société PERROT LIMITED
Considérant que la SA ELVA se prévaut, au visa des articles 564 du nouveau code de procédure civile et L 225-231 du code de commerce, de l'irrecevabilité de cette demande formée par conclusions du 17 Septembre 2002 ;
Que si celle-ci est née de la révélation d'un fait postérieur à la clôture des débats devant le premier juge, ce qui la rend recevable au regard de l'article 564 du nouveau code de procédure civile, en revanche, Monsieur L. ... et la société PERROT LIMITED ne justifient pas avoir préalablement, ainsi que l'exige l'article L 225-31 du code de commerce, sollicité des informations préalables du dirigeant de la SA ELVA en ce qui concerne la décision du 5 mars 2002 ayant décidé sur rapport de gestion d'opérer une réduction de capital, l'avancement de la procédure d'octroi d'une subvention de la CEE pour le projet I PROVIDED et l'état des brevets à ce jour, objets de leur demande d'extension de mission ;
Que celle-ci sera, en conséquence, rejetée ;
Sur les autres demandes
Considérant que la société ELVA, qui succombe en la majorité de ses prétentions, doit être déboutée tant de ses demandes de dommages-intérêts, au demeurant non justifiées, que de celle fondée sur les dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Que l'équité appelle, en revanche, d'allouer à Monsieur L. ... et à la société PERROT LIMITED la somme complémentaire de 1 500 euros afin de compenser les frais hors dépens qu'ils ont été contraints d'exposer en appel.

PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance du juge des référés du tribunal de commerce de NANTERRE du 11 Juillet 2002, Y ajoutant,
Rejette, au visa de l'article L 225-231 du code de commerce, la demande d'extension de la mission de l'expert formée par Monsieur L. ... et la société PERROT LIMITED, -6-
Déboute la SA ELVA de ses demandes de dommages-intérêts et d'application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
La condamne à payer à Monsieur L. ... et la société PERROT LIMITED la somme globale complémentaire de 1 500 euros (mille cinq cents euros) sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et aux dépens d'appel, la SCP DELCAIRE BOITEAU, avoués, pouvant les recouvrer dans les conditions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
Et ont signé le présent arrêt

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