SOC.
PRUD'HOMMESCH.B
COUR DE CASSATION
Audience publique du 7 janvier 2003
Cassation partielle
M. MERLIN, conseiller doyen faisant fonctions de président
Pourvoi n° V 00-46.225
Arrêt n° 8 F D
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) du Nord-Est, dont le siège est Reims Cedex,
en cassation d'un arrêt rendu le 27 septembre 2000 par la cour d'appel d'Amiens (5e chambre sociale cabinet B), au profit de M. Jean-Pierre Y, demeurant Gouy,
défendeur à la cassation ;
M. Y a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 12 novembre 2002, où étaient présents M. Merlin, conseiller doyen faisant fonctions de président, Mme Nicolétis, conseiller référendaire rapporteur, M. Brissier, conseiller, Mme Maunand, conseiller référendaire, M. Lyon-Caen, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Nicolétis, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat de la CRCAM du Nord-Est, les conclusions de M. Lyon-Caen, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que M. Y, engagé le 2 avril 1970 en qualité de guichetier par la Caisse régionale du Crédit agricole mutuel du Nord-Est (CRCAM), a été placé en arrêt de travail pour maladie le 20 avril 1994 ; qu'il a été déclaré inapte à reprendre un emploi lors d'une visite médicale en avril 1995 et a été classé en invalidité 2e catégorie à compter du 1er avril 1996 ; qu'il a été convoqué à un entretien préalable à son licenciement le 11 février 1997, puis, le 19 février 1997, déclaré inapte sans reclassement possible dans l'entreprise par le médecin du travail et licencié le 4 mars 1997 pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement ; que contestant le bien-fondé de son licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le deuxième moyen du pourvoi incident
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le premier moyen du pourvoi incident qui est préalable
Vu les articles L. 122-24-4, L. 122-45, R. 241-51 et R. 241-51-1 du Code du travail ;
Attendu qu'il résulte des dispositions combinées des deux premiers de ces textes qu'aucun salarié ne peut être licencié, sauf inaptitude constatée par le médecin du travail dans le cadre du titre IV du Livre II du Code du travail, en raison de son état de santé ou de son handicap ; que si l'alinéa 4 de l'article R. 241-51 du Code du travail permet la consultation du médecin du travail préalablement à la reprise du travail dans le but de faciliter la recherche des mesures nécessaires lorsqu'une modification de l'aptitude est à prévoir, cette visite ne constitue pas la visite de reprise et ne dispense pas de l'examen imposé par ce texte lors de la reprise effective d'une activité professionnelle ; que selon l'article R. 241-51-1 du Code du travail sauf dans les cas où le maintien du salarié à son poste de travail entraînerait un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité, le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude du salarié à son poste de travail qu'après deux examens médicaux espacés de deux semaines, peu important que l'intéressé ait fait l'objet d'un classement en invalidité de la deuxième catégorie ;
Attendu que pour dire le licenciement de M. Y fondé sur une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel énonce que lors d'une consultation médicale de pré-reprise du travail en avril 1995 le médecin du travail avait conclu que la reprise du travail était impossible ; qu'après avoir à nouveau examiné le salarié en février 1997, le médecin du travail a conclu à l'inaptitude avec impossibilité de reclassement dans l'entreprise ; que l'inaptitude physique de Jean-Pierre Y a donc été régulièrement constatée conformément aux dispositions des articles L. 122-24-4, L. 122-45 et R. 241-51 du Code du travail ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'il résultait de ses constatations que le premier des examens avait été effectué par le médecin du travail en cours de suspension, et que l'inaptitude n'ayant pas été constatée conformément aux dispositions de l'article R. 241-51-1 du Code du travail, il en résultait que le licenciement était nul en application des dispositions de l'article L. 122-45 du Code du travail et que le salarié avait droit, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les motifs de la rupture, d'une part, aux indemnités de rupture, d'autre part, à une indemnité réparant intégralement le préjudice résultant du caractère illicite du licenciement, dont le montant est souverainement apprécié par les juges du fond dès lors qu'il est au moins égal à celui prévu par l'article L. 122-14-4 du Code du travail, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamné à verser à M. Y une indemnité complémentaire de licenciement, alors selon le moyen, qu'un accord du 17 mai 1995 a modifié l'article 23 de la Convention collective nationale du Crédit agricole pour instituer une indemnité spécifique de licenciement distincte de l'indemnité de licenciement visée à l'article 14, pour les salariés déclarés inaptes à tout emploi au sein du Crédit agricole par le médecin du travail ; qu'ayant constaté que la MSA avait notifié à M. Y son classement en invalidité catégorie 2 correspondant à la définition invalide absolument incapable d'exercer une profession quelconque et que le médecin du travail avait pris à son égard une "décision définitive d'inaptitude" "avec impossibilité de reclassement dans l'entreprise", viole les textes précités l'arrêt attaqué qui décide que l'intéressé a droit non à l'indemnité spécifique de licenciement de l'article 23, que lui avait versée la CRCAM du Nord-Est, mais à l'indemnité de licenciement de l'article 14 ;
Mais attendu que le salarié, dont le licenciement est nul et qui ne demande pas sa réintégration, a droit, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les motifs de la rupture, aux indemnités de rupture et donc à l'indemnité de licenciement prévue par l'article 14 de la Convention collective nationale du Crédit agricole ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE dans toutes ses dispositions, sauf celle accordant à M. Y une indemnité complémentaire de licenciement, l'arrêt rendu le 27 septembre 2000, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;
Condamne la CRCAM du Nord-Est aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept janvier deux mille trois.