SOC.
JL10
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 16 octobre 2024
Cassation
Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 1042 F-D
Pourvoi n° P 23-17.377
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 16 OCTOBRE 2024
M. [T] [B], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 23-17.377 contre l'arrêt rendu le 26 janvier 2023 par la cour d'appel de Rennes (8e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant à la société Hinterland, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Leperchey, conseiller référendaire, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [B], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Hinterland,après débats en l'audience publique du 17 septembre 2024 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Leperchey, conseiller référendaire rapporteur, Mme Lacquemant, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 26 janvier 2023), M. [B] a été engagé en qualité de chauffeur le 10 avril 1991 par la société Hinterland.
2. Après avoir sollicité en référé le paiement d'indemnités de repas et de dommages-intérêts, il a conclu une transaction avec son employeur, puis a saisi à nouveau la juridiction prud'homale de demandes liées à l'exécution de son contrat de travail.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
3. Le salarié fait grief à l'arrêt de déclarer ses prétentions irrecevables, alors « que la renonciation du salarié à ses droits nés ou à naître et à toute instance relative à l'exécution du contrat de travail ne rend pas irrecevable une demande portant sur des faits survenus pendant la période d'exécution du contrat de travail postérieure à la transaction et dont le fondement est né postérieurement à celle-ci ; que l'exposant faisait valoir que la transaction invoquée par l'employeur ne pouvait concerner que la période antérieure et non la période postérieure à son exécution ; qu'en déclarant le salarié irrecevable en toutes ses prétentions pour la raison qu'il avait renoncé à toute instance et action et avait reconnu n'avoir plus aucune revendication de quelque nature que ce soit relative à l'exécution du contrat de travail sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les demandes du salarié portaient sur des faits survenus pendant la période d'exécution du contrat de travail postérieure à la transaction et dont le fondement était né postérieurement à la transaction, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des
articles 2048 et 2049 du code civil🏛🏛. »
Réponse de la Cour
Vu les
articles 2044 et 2052 du code civil🏛🏛, dans leur rédaction antérieure à celle de la
loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016🏛, 2048 et 2049 du même code :
4. Selon le premier de ces textes, la transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître.
5. Aux termes du deuxième, la transaction fait obstacle à l'introduction ou à la poursuite entre les parties d'une action en justice ayant le même objet.
6. Aux termes du troisième, les transactions se renferment dans leur objet : la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions, ne s'entend que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu.
7. Selon le quatrième de ces textes, les transactions ne règlent que les différends qui s'y trouvent compris.
8. Pour déclarer irrecevables les demandes du salarié, qui portaient notamment sur le paiement de salaires échus entre le mois de juillet 2014 et le mois d'avril 2018, l'arrêt constate que les parties ont convenu du versement d'une indemnité transactionnelle d'un montant forfaitaire net de 1 000 euros, en contrepartie de laquelle le salarié a renoncé irrévocablement à tout recours contre l'employeur en paiement de rappels de salaires ou indemnités de toutes natures ou remboursement de frais relatifs à l'exécution de son contrat de travail. L'arrêt ajoute que le chèque de 1 000 euros a été encaissé par le salarié le 19 avril 2017.
9. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, si les demandes du salarié portaient notamment sur des faits survenus pendant la période d'exécution du contrat de travail postérieure à la transaction et dont le fondement était né postérieurement à la transaction, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 janvier 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;
Condamne la société Hinterland aux dépens ;
En application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par la société Hinterland et la condamne à payer à M. [B] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize octobre deux mille vingt-quatre.