Cour administrative d'appel de Lyon
Statuant au contentieux
M. et Mme ALIX
M. MILLET, Rapporteur
M. BONNET, Commissaire du gouvernement
Lecture du 31 décembre 2001
R E P U B L I Q U E F R A N C A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 21 juin 2001, présentée pour M. et Mme ALIX, demeurant 19, rue de la Croix des Valendons à Dijon (21000), par Me Rivière-Durieux, avocat au barreau des Hauts-de-Seine ;
M. et Mme ALIX demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n 991956 - 991971 du Tribunal administratif de Dijon en date du 14 novembre 2000 ayant rejeté leurs demandes en décharge, d'une part, des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes qui leur ont été réclamés pour la période du 1er janvier 1993 au 31 décembre 1995 et, d'autre part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1993, 1994 et 1995 ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités ;
3 ) de condamner l'Etat à leur verser au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative une somme de 20 000 francs pour les frais exposés par eux en première instance et une somme identique pour ceux exposés en appel ;
4 ) d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution des articles de rôle et de l'avis de mise en recouvrement jusqu'à ce qu'il ait été statué sur leur requête ; Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 décembre 2001 :
le rapport de M. MILLET, premier conseiller ;
les observations de M. et Mme ALIX ;
et les conclusions de M. BONNET, commissaire du gouvernement ;
Sur la fin de non recevoir opposée par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui concerne les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu :
Considérant que M. et Mme ALIX admettent que leurs conclusions doivent être limitées aux cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il ont été assujettis au titre des années 1993, 1994 et 1995 en tant qu'elles procèdent de la requalification en bénéfices industriels et commerciaux des produits résultant des opérations de cession et de location de leurs immeubles au cours de ces mêmes années ; que, par suite, c'est à bon droit que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a opposé une fin de non recevoir partielle aux conclusions de leur requête tendant à la décharge de la totalité de ces cotisations supplémentaires ;
Sur le principe de l'imposition de M. et Mme ALIX dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux et de leur assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée :
Considérant qu'aux termes de l'article 35 du code général des impôts :'I. Présentent également le caractère de bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par les personnes physiques désignées ci-après : 1 Personnes qui, habituellement, achètent en leur nom, en vue de les revendre, des immeubles, des fonds de commerce, ...' et qu'aux termes de l'article 257 du même code : 'Sont également soumis à la taxe sur la valeur ajoutée : ...6 Les opérations qui portent sur des immeubles, des fonds de commerce ... et dont les résultats doivent être compris dans les bases de l'impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels et commerciaux ...' ;
Considérant qu'il est constant qu'au cours des années 1985 à 1995, M. et Mme ALIX ont procédé à l'acquisition à Dijon de 9 biens immobiliers représentant 20 lots, et à la revente au cours des années 1993, 1994 et 1995 de 16 d'entre eux après une détention d'une durée de 3 à 8 ans, si l'on excepte un grenier ; que les requérants reconnaissant le caractère habituel des opérations d'achat et de revente auxquelles ils se sont livrés, les bénéfices réalisés à l'occasion de ces cessions ainsi que les loyers qu'ils ont encaissés au cours des trois années sont imposables à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, sauf pour les intéressés à établir que les immeubles qu'ils ont vendus avaient été acquis pour satisfaire des besoins personnels et familiaux et, de ce fait, que leur revente relevait de la simple gestion de leur patrimoine personnel ;
____Considérant que M. et Mme ALIX soutiennent que les biens dont s'agit avaient été acquis au moyen de prêts à long terme_; que si tous les biens n'étaient pas effectivement loués au jour de leur revente, ils avaient tous à un moment ou un autre été donnés en location suivant des conditions de baux et de loyers normales leur procurant des revenus fonciers importants qu'ils ont déclarés_; qu'une partie des cessions auxquelles ils ont procédé au cours des années d'imposition litigieuse a été motivée par l'obligation dans laquelle ils se sont trouvés d'acquérir puis de rénover une nouvelle résidence principale à l'effet de loger leur famille_; qu'ils expliquent le surplus des cessions par la nécessité de réduire un endettement devenu excessif à l'effet d'obtenir, alors que M. ALIX se trouvait au chômage, de nouveaux concours financiers pour engager la rénovation de l'immeuble sis 5, rue de la Houblonnière qu'ils avaient acquis en 1992 et qui a représenté l'essentiel des produits de location en fin de période, de procéder également à la reconstruction non prévue au moment de son acquisition d'une immeuble sis 49, rue Berbisey et enfin d'acquérir un nouvel immeuble, sis au 45 de cette rue_; qu'il suit de là que M. et Mme ALIX doivent être regardés comme établissant que les biens aux cessions desquelles ils ont dû procéder au cours de années correspondant aux années d'imposition litigieuses n'avaient pas été acquis en vue de leur revente_; que, par suite, n'ayant pas exercé une activité de marchand de biens, les produits de cession qu'ils en ont retirés ainsi que les produits locatifs résultant de l'exploitation de leurs biens ne relevaient pas, pour l'impôt sur le revenu, des bénéfices industriels et commerciaux et les produits de cession ne pouvaient être assujetties à la taxe sur la valeur ajoutées sur le fondement de l'article 257,6 , du code général des impôts ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de leur requête, M. et Mme ALIX sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté leurs demandes ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à payer à M. et Mme ALIX une somme de 10 000 francs au titre des frais exposés par eux tant en première instance qu'en appel et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement n 991956 et 991971 du Tribunal administratif de Dijon en date du 14 novembre 2000 est annulé .
Article 2 : M. et Mme ALIX sont déchargés, en droits et pénalités, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1993, 1994 et 1995 en tant qu'elles procèdent de la requalification en bénéfices industriels et commerciaux des produits résultant des opérations de cession et de location d'immeubles qu'ils ont réalisées au cours de ces mêmes années et, d'autre part, des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui leur ont été réclamés pour la période du 1er janvier 1993 au 31 décembre 1995 .
Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme ALIX une somme de 10 000 F (1524,49 euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme ALIX est rejeté.