Jurisprudence : CAA Bordeaux, 3e ch., 23-04-1997, n° 94BX00900

Cour administrative d'appel de Bordeaux

Statuant au contentieux
M. Jacques LABRO


M. BICHET, Rapporteur
M. PEANO, Commissaire du gouvernement


Lecture du 23 avril 1997



R E P U B L I Q U E   F R A N C A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


    
Vu la requête enregistrée le 27 mai 1994 au greffe de la cour, présentée par M. Jacques LABRO demeurant Le Font du Vert, à Carnac-Rouffiac (Lot) ;
    M. LABRO demande à la cour :
    1 ) d'annuler le jugement en date du 8 mars 1994 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande de décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés pour la période correspondant aux années 1985, 1986 et 1987 ;
    2 ) de le décharger des impositions contestées, au besoin après avoir ordonné une expertise ;
    3 ) de maintenir le sursis de paiement et de surseoir à statuer jusqu'à la production par l'administration des documents et informations sollicités ;
    Vu les autres pièces du dossier ;
    Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
    Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
    Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
    Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
    Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 mars 1997 :
    - le rapport de M. BICHET, rapporteur ;
    - et les conclusions de M. PEANO, commissaire du gouvernement ;


    Sur l'étendue du litige :
    
Considérant que par trois décisions en date des 28 juin 1994, 26 juillet et 6 novembre 1995, postérieures à l'introduction de la requête, l'administration a prononcé le dégrèvement en droits et pénalités, à concurrence, respectivement, de 13.515 F et 40.545 F, 235 F et 705 F, 1.876 F et 5.628 F, du complément de taxe sur la valeur ajoutée auquel M. LABRO a été assujetti au titre de la période couvrant l'année 1986 ; que les conclusions de la requête sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;
    Sur la régularité du jugement :
    Considérant que, d'une part, si le jugement attaqué mentionne, à tort, dans ses motifs, que le dégrèvement prononcé par l'administration en cours d'instance porterait non seulement sur les pénalités mais également sur les droits de taxe sur la valeur ajoutée, cette erreur de fait est sans influence sur la régularité de ce jugement dés lors que, comme il ressort tant des visas que du dispositif et des autres motifs de la décision, les premiers juges ne se sont pas mépris sur l'étendue du litige dont ils demeuraient saisis ; que, d'autre part, la demande sur laquelle le tribunal a statué par le jugement attaqué ne comportait aucune référence aux pièces produites par le requérant dans les deux instances relatives à des impositions en matière d'impôt sur le revenu enregistrées au greffe de cette juridiction le 19 mars 1993 ; que si M. LABRO a sollicité la jonction de ces trois affaires, le tribunal n'était pas tenu d'y faire droit ; que les moyens tirés d'irrégularités dont serait, ainsi, entaché le jugement attaqué ne sauraient être accueillis ;
    Sur l'imposition au titre de la période correspondant à l'année 1985 :
    Considérant qu'aux termes de l'article L. 176 du livre des procédures fiscales : ' Pour les taxes sur le chiffre d'affaires, le droit de reprise de l'administration s'exerce ... jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts ' et que l'article L. 189 du livre des procédures fiscales dispose qu'une notification de redressements est interruptive de prescription ;


    Considérant que M. LABRO a accusé réception le 3 janvier 1989 de la notification de redressements en date du 23 décembre 1988 relative à l'imposition supplémentaire établie au titre de la période correspondant à l'année 1985  ; que si l'administration soutient que la première présentation du pli recommandé contenant cette notification est intervenue à l'adresse indiquée par le requérant le 26 décembre 1988 il lui appartient d'établir, qu'en l'absence de ce dernier, un avis de mise en instance aurait alors été délivré ; que ni la mention ' à représenter le 3/1 ' portée sur l'enveloppe de ce pli, ni l'attestation du receveur des postes qui se borne, d'une part, et pour l'essentiel, à faire état du témoignage du préposé, duquel il ne résulte d'ailleurs pas qu'un avis de passage aurait effectivement été déposé dans la boîte aux lettres du requérant, d'autre part, à indiquer que le pli a été mis en première présentation par celui-ci le 26 décembre, et enfin à préciser que cette mention a été ajoutée sur l'avis de réception de l'objet recommandé concerné, sans se référer à aucune mention portée sur un registre ou carnet, ne suffisent à apporter la justification requise ; que, dans ces conditions, le requérant est fondé à soutenir qu'à défaut d'interruption du délai de prescription, l'imposition de la période allant du 1er janvier au 31 décembre 1985 s'est trouvée prescrite le 31 décembre 1988 ; qu'il y a lieu, dès lors, d'annuler, sur ce point, le jugement attaqué et de prononcer la décharge de l'imposition supplémentaire à la taxe sur la valeur ajoutée à laquelle M. LABRO a été assujetti au titre de la période couvrant l'année 1985 ;
    Sur l'imposition au titre de la période correspondant à l'année 1986 :
    En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
    Considérant qu'il est constant que les opérations de vérification de la comptabilité de M. LABRO, qui exerçait la profession de commissaire aux comptes et de conseil juridique et fiscal, se sont déroulées dans les locaux du cabinet du contribuable ; que ce dernier ne démontre pas, en alléguant de difficultés relationnelles, dues selon lui à l'attitude du vérificateur, lesquelles auraient motivé l'intervention de l'inspecteur principal, et en faisant valoir que des redressements, dont l'administration soutient, d'ailleurs, sans être contredite qu'ils ne trouvent pas leur origine dans la vérification de comptabilité en cause, ont fait l'objet d'un dégrèvement important prononcé en juillet 1991, que le vérificateur se serait refusé à tout échange de vues avec lui, le privant ainsi de la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire ;
    En ce qui concerne le bien fondé de l'imposition restant en litige :
    Considérant, en premier lieu, que la comptabilité de M. LABRO était entachée de graves irrégularités, au sens des dispositions de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, dés lors que le livre journal qu'il avait l'obligation de tenir en vertu de l'article 99 du code général des impôts comportait des omissions et que le registre des immobilisations n'a pu être présenté au vérificateur ; qu'il n'est, par suite, pas fondé à se prévaloir de sa comptabilité pour établir le caractère exagéré des bases imposables reconstituée ;


    Considérant, en deuxième lieu, que les pièces produites par M. LABRO ne permettent pas d'établir, ni même de justifier qu'une mesure d'expertise soit ordonnée sur ces points, que les sommes de 500 F, de 2.230 F et de 68.000 F portées, au cours de la période vérifiée, au crédit de ses comptes bancaires à usage professionnel, et provenant respectivement de sa fille, avec laquelle il est en relation d'affaires, de son père et de la société 'domaine de la Joullière', n'auraient pas une origine professionnelle ;
    Considérant, en troisième lieu, qu'en vertu de l'article 210 de l'annexe II au code général des impôts, pris sur le fondement de l'article 273 dudit code, lorsque les biens constituant des immobilisations sont cédés, apportés ou ont disparu avant le commencement de la quatrième année qui suit celle au cours de laquelle le droit à déduction a pris naissance, l'entreprise est tenue de reverser une fraction de la taxe initialement déduite, la cessation de l'activité ou des opérations ouvrant droit à déduction ainsi que le transfert entre différents secteurs d'activité d'un assujetti étant assimilés à une cession ou à un apport ;
    Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. LABRO a concédé, à titre de commodat, par acte du 15 mars 1987, la jouissance de la clientèle de son cabinet de conseil juridique à la S.A.R.L. 'nouveaux juristes réunis', dont il assurait les fonctions de gérant, pour une période qui devait expirer le 23 avril 1994; que l'activité de commissaire aux comptes du même cabinet a été exercée, à compter de la fin de l'année 1986, par la S.A. 'la révision légale', dont M. LABRO assurait les fonctions de directeur général unique, et à laquelle il a sous-traité, en lui abandonnant les honoraires correspondant, un certain nombre de dossiers dont il était titulaire ; que si M. LABRO soutient qu'il aurait néanmoins poursuivi ses activités à titre individuel postérieurement au 31 décembre 1986, il n'en justifie pas ; que dans ces conditions, et alors même qu'il a exercé, à nouveau, une profession libérale sous forme individuelle en 1993, après avoir résilié le commodat consenti à la S.A.R.L. 'les nouveaux juristes réunis', il doit être regardé comme ayant cessé, au sens des dispositions susmentionnées de l'article 210, à la fin de l'année 1986, les activités jusqu'alors exercées par son cabinet individuel ; qu'il s'ensuit que les dispositions de l'article 210 précité étaient applicables aux immobilisations réalisées par ledit cabinet dans les conditions prévues par ces dispositions ;
    Sur les pénalités :
    Considérant que, d'une part, la réponse aux observations du contribuable, notifiée à M. LABRO le 25 mai 1989, comporte les considérations de droit et de fait qui ont fondé les pénalités appliquées, lesquelles sont, par suite, suffisamment motivées ; que, d'autre part, l'administration ayant rappelé, en cours d'instance, le montant des pénalités demeurant en litige à la suite des dégrèvements accordés, les conclusions de la requête tendant à ce que la production d'un décompte en soit ordonnée ne sauraient, en tout état de cause, être accueillies ;


    Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. LABRO est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses conclusions en décharge des impositions litigieuses au titre de la période correspondant à l'année 1985 ;


Article 1ER : A concurrence de la somme de 62.504 F, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. LABRO.
Article 2 : M. LABRO est déchargé du complément de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 1985.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 8 mars 1994 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. LABRO est rejeté.

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