Cour administrative d'appel de Lyon
Statuant au contentieux
Mme Messina
M£ Megier, Président
M. Bruel, Rapporteur
M. Bonnet, Commissaire du gouvernement
Lecture du 9 octobre 1996
R E P U B L I Q U E F R A N C A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 19 septembre 1994 sous le N° 94LY01467, présentée pour Mme Marjorie MESSINA, demeurant route de Bastia, hôtel Le Tilbury à PORTO-VECCHIO (20137), par Me RAMPONNEAU, avocat ;
Mme MESSINA demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement, en date du 16 juin 1994, par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes tendant à la décharge, d'une part, du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période du 1er janvier 1988 au 31 mars 1991, d'autre part, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1988, 1989 et 1990 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ainsi que des pénalités dont elles ont été assorties ;
3°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 SEPTEMBRE 1996 :
- le rapport de M. BRUEL, président-rapporteur ;
- et les conclusions de M. BONNET, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'à la suite d'une vérification de comptabilité de l'hôtel-restaurant exploité par Mme MESSINA, le vérificateur a adressé à celle-ci, le 4 septembre 1991, une notification de redressements dans laquelle, après avoir exposé les irrégularités entachant les documents comptables, il a indiqué : 'En conséquence, les recettes déclarées ne peuvent être considérées comme probantes', et détaillé la méthode de reconstitution retenue pour chaque exercice ; que, dans ces conditions, contrairement à ce que soutient Mme MESSINA, il ressort clairement de cette notification, qui répond aux exigences posées par l'article L.57 du livre des procédures fiscales en matière de motivation, que le vérificateur a rejeté la comptabilité, nonobstant la double circonstance qu'il ne l'ait pas expressément indiqué et qu'il ait été en mesure de retenir certaines des pièces ou écritures comptables pouvant constituer des bases de reconstitution acceptables ;
Sur le bien-fondé :
Considérant que Mme MESSINA ne conteste pas que l'absence de nombreuses pièces justificatives rendait sa comptabilité impropre à justifier les recettes déclarées au titre des exercices 1989 et 1990 ; que les redressements ayant été opérés suivant la procédure contradictoire, il appartient à l'administration d'en établir le bien-fondé ;
En ce qui concerne l'année 1988 :
Considérant que le vérificateur s'est borné à reprendre les recettes mentionnées sur les documents comptables dont le montant excédait celui déclaré ; qu'en l'absence de tout moyen formulé à l'encontre de cette méthode, fondée sur les données de l'entreprise, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve du bien-fondé de ces redressements ;
En ce qui concerne l'année 1989 :
Considérant que pour déterminer le chiffre d'affaires réalisé au cours de cette année, le service a retenu le total formé par le double des notes délivrées aux clients qui avaient été conservées, les recettes encaissées mentionnées sur les livres comptables pour les jours non couverts par ces doubles, les recettes du bar, celles des jeux, ainsi que le montant d'une subvention ;
Considérant, d'une part, que si Mme MESSINA soutient que le montant des recettes 'autres journées' tirées des cahiers pour les périodes citées par l'administration ne s'élève pas à 385 670 francs mais à 153 370 francs, celle-ci affirme, sans être contredite, que l'énumération des périodes en cause n'était pas exhaustive et que les 'autres journées' incluent également tous les jours figurant au relevé des cahiers de recettes joints à la notification de redressements ;
Considérant, d'autre part, que le requérant fait valoir qu'en raison du décalage pouvant exister entre la délivrance d'une note et son paiement, la méthode du vérificateur conduit à des doubles-emplois avec les recettes encaissées ; que, toutefois, l'affirmation d'un tel principe, inusuel dans ce type de commerce, n'est étayée d'aucun élément de fait de nature à permettre de la confirmer ; que pour sa part, l'administration a fondé ses redressements sur une méthode qui ne repose sur aucune évaluation théorique et résulte des constatations effectuées dans l'entreprise ; qu'ainsi, elle justifie lesdits redressements ;
En ce qui concerne l'année 1990 :
Considérant que les résultats de l'année ont été estimés, par extrapolation, en fonction du rapport existant entre les recettes reconstituées de l'année précédente et le montant des achats utilisés ; que, toutefois, ce rapport varie considérablement selon qu'il concerne les recettes du bar, du restaurant ou des pensions ; qu'en outre, l'activité d'hôtellerie, qui lui est totalement étrangère, est susceptible de le fausser largement ; que, dans ces conditions, la méthode globale retenue par le service ne peut être regardée comme de nature à justifier les redressements des recettes, seuls contestés ;
Sur les pénalités :
Considérant qu'en vertu de l'article L.80 E du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors en vigueur, seule la décision d'appliquer les majorations prévues à l'article 1729 du code général des impôts devait être prise par un agent ayant au moins le grade d'inspecteur principal ; qu'il résulte de l'instruction que cette décision, prise dans la notification des redressements, a été signée par un agent remplissant la condition de grade susvisée ; que, par suite, ladite décision ne devait pas être renouvelée à la suite de la réponse donnée par le contribuable à la notification, alors même que les pénalités auraient fait, à cette occasion, l'objet d'une contestation propre ;
Considérant que si le vérificateur s'est limité à invoquer la nature des infractions et le montant des minorations de recettes, le ministre se prévaut également de la double circonstance que les recettes mentionnées sur les documents comptables sont inférieures au double des notes conservées et supérieures aux recettes déclarées ; que, ce faisant, l'administration établit l'intention délibérée de dissimulation du contribuable, constitutive de sa mauvaise foi ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme MESSINA est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la totalité de ses conclusions ;
Article 1er : Mme MESSINA est déchargée de l'impôt sur le revenu et de la taxe sur la valeur ajoutée correspondant au redressement des recettes de l'année 1990.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille, en date du 16 juin 1994, est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.