Jurisprudence : CA Amiens, 02-09-2024, n° 23/00964

CA Amiens, 02-09-2024, n° 23/00964

A91225X7

Référence

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ARRET




CPAM DE L'OISE


C/


[T]


Copies certifiées conformes :

- CPAM de l'Oise

- Mme [V] [T]

- Me Bruno DRYE

- tribunal judiciaire


Copie exécutoire :

- Me Bruno DRYE


COUR D'APPEL D'AMIENS


2EME PROTECTION SOCIALE


ARRET DU 02 SEPTEMBRE 2024


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N° RG 23/00964 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IWC7 - N° registre 1ère instance : 21/00478


JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BEAUVAIS (POLE SOCIAL) EN DATE DU 26 JANVIER 2023



PARTIES EN CAUSE :


APPELANTE


CPAM de l'Oise

Ayant élection de domicile à la CPAM de la Somme

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 4]


Représentée par Mme [E] [R], munie d'un pouvoir régulier


ET :


INTIMEE


Madame [V] [T]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]


Représentée par Me Marion MANGOT, avocat au barreau d'AMIENS, substituant Me Bruno DRYE de la SCP DRYE DE BAILLIENCOURT ET ASSOCIES, avocat au barreau de SENLIS


DEBATS :


A l'audience publique du 06 Juin 2024 devant Mme Véronique CORNILLE, conseiller, siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 945-1 du code de procédure civile🏛 qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 02 Septembre 2024.


GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Aa A



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :


Mme Véronique CORNILLE en a rendu compte à la cour composée en outre de :


Mme Jocelyne RUBANTEL, président,

M. Pascal HAMON, président,

et Mme Véronique CORNILLE, conseiller,


qui en ont délibéré conformément à la loi.


PRONONCE :


Le 02 Septembre 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile🏛, Mme Jocelyne RUBANTEL, président a signé la minute avec Mme Diane VIDECOQ-TYRAN, greffier.


*

* *


DECISION


Le 12 mars 2021, la société [5], société de travail temporaire, a établi une déclaration d'accident de travail pour un fait accidentel survenu le 11 mars 2021 à 12h30 à sa salariée, Mme [V] [T], alors qu'elle exerçait son activité en télétravail.


Par décision du 9 juin 2021, après enquête, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise (ci-après la CPAM) a refusé de prendre en charge l'accident au titre de la législation sur les risques professionnels.


Mme [T] a contesté cette décision en saisissant la commission de recours amiable de la CPAM puis le tribunal d'un recours contre la décision implicite de rejet de sa conestation par la commission. La commission a rendu une décision de rejet le 30 novembre 2021.



Par jugement du 26 janvier 2023, le tribunal judiciaire de Beauvais, pôle social, a :

- reconnu que l'accident dont Mme [V] [T] a été victime le 11 mars 2021 est un accident du travail devant être pris en charge dans le cadre de la législation professionnelle,

- condamné la CPAM de l'Oise à payer à Mme [Ab] [T] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛, et au paiement des dépens de l'instance.



Par courrier recommandé expédié le 10 février 2023, la CPAM de l'Oise a interjeté appel du jugement qui lui avait été notifié le 31 janvier 2023.


Les parties ont été convoquées à l'audience du 6 juin 2024.


Par conclusions réceptionnées le 17 mai 2024 auxquelles elle s'est rapportée, la CPAM de l'Oise demande à la cour de :


- infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

- dire et juger que c'est à bon droit qu'elle a refusé de prendre en charge l'accident du 11 mars 2021 déclaré par Mme [T] au titre de la législation professionnelle,

- débouter Mme [T] de ses demandes, fins et conclusions.


Elle fait valoir qu'il résulte de l'article L. 1222-9 dernier alinéa du code du travail🏛, qu'en matière de télétravail, la présomption d'imputabilité de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale🏛 a vocation à s'appliquer uniquement pendant l'exercice de l'activité professionnelle et que le télétravailleur ne bénéficie pas de la notion extensive du temps et lieu de travail retenue par la jurisprudence de la Cour de cassation ; qu'en effet, le salarié travaillant à domicile échappe à la subordination de son employeur en dehors de l'exercice de l'activité salariée ; que Mme [T] ayant déclaré que son accident était survenu après avoir effectué son pointage lors de sa pause méridienne en descendant les escaliers pour se rendre dans sa cuisine au rez-de-chaussée, elle ne se trouvait pas dans les plages horaires du télétravail et n'était donc plus sous la subordination de son employeur ; que contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, la conception extensive du temps de travail ne pouvait s'appliquer et la présomption d'imputabilité devait être écartée.


Par conclusions reçues le 4 juin 2024 auxquelles elle s'est rapportée à l'audience, Mme [T] demande à la cour de :

- débouter la CPAM de son appel,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- condamner la CPAM à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux dépens.


Elle expose qu'elle était mise à la disposition de la société [6] pour la période du 8 au 12 mars 2021 et en télétravail lorsqu'elle est tombée le 11 mars 2021 dans l'escalier jusqu'au bas devant un témoin, Acme [O], alors qu'elle venait de quitter son bureau pour prendre son repas ; que la pause déjeuner pouvait être prise entre 11h30 et 14h00 ; que les lésions ont été médicalement constatées le 15 mars 2021.


Elle fait valoir que le tribunal a justement retenu que si l'évènement était survenu durant la pause méridienne, il n'en demeurait pas moins que cette période constituait une interruption de courte durée de travail, légalement prévue, assimilable au temps de l'exercice de l'activité professionnelle tel que prévu par l'article L. 1222-9 du code du travail pour obtenir la présomption d'imputabilité ; que le salarié reste sous l'autorité de l'employeur durant cette période puisque sa cause est encadrée par les directives de l'employeur qui ne permettent pas une liberté totale.


Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile🏛, il est expressément renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des moyens.


MOTIFS


Aux termes de l'article L 411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.


Ces dispositions instaurent une présomption d'imputabilité au travail de l'accident survenu au temps du travail et au lieu de travail.


A défaut de présomption d'imputabilité, il appartient à la victime d'apporter la preuve par tous moyens de la matérialité du fait accidentel, de sa survenance par le fait ou à l'occasion du travail et du lien de causalité entre les lésions et le fait accidentel, les seules affirmations de la victime non corroborées par des éléments objectifs étant insuffisantes (Cass. Soc 8 juin 1995, n° 93-17671⚖️. Cass 2ème civ. 7 avril 2011, n° 09-1708).


S'agissant du télétravail, l'article L. 1222-9 III du code du travail dispose : 'III. Le télétravailleur a les mêmes droits que le salarié qui exécute son travail dans les locaux de l'entreprise. L'employeur qui refuse d'accorder le bénéfice du télétravail à un salarié qui occupe un poste éligible à un mode d'organisation en télétravail dans les conditions prévues par accord collectif ou, à défaut, par la charte, motive sa réponse.

Le refus d'accepter un poste de télétravailleur n'est pas un motif de rupture du contrat de travail.

L'accident survenu sur le lieu où est exercé le télétravail pendant l'exercice de l'activité professionnelle du télétravailleur est présumé être un accident du travail au sens de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale.'


En l'espèce, la déclaration d'accident du travail établie le 12 mars 2021 par l'employeur mentionne que le 11 mars 2021 à 12h30, Mme [T], en télétravail à son domicile, a été victime d'un accident à son domicile dans les circonstances suivantes : ' la salariée est tombée dans l'escalier de sa maison en descendant de son bureau situé au 1er étage'. Il est indiqué que l'employeur a eu connaissance de l'accident le 12 mars 2021 à 13h26 par la victime et que les horaires de travail de Mme [T] étaient ce jour-là de 9h00 à 12h00 et de 13h00 à 17h00. Il est précisé 'siège des lésions : bras, épaule, cuisse, jambe', 'nature des lésions : épaule endolorie, jambe gonflée'.


Le certificat médical initial faisant état d'une 'contusion épaule droite suite chute, douleur antero intense, contracture musculaire, pas de lésion osseuse' et prescrivant un arrêt de travail jusqu'au 26 mars 2021 est en date du lundi 15 mars 2021, Mme [T] exliquant qu'elle n'avait pas pu obtenir un rendez-vous plus rapidement auprès de son médecin traitant et qu'elle n'avait pas voulu se rendre aux urgences déjà trop sollicitées par la pandémie (Covid).


Dans le questionnaire assuré, Mme [T] indique qu'elle avait commencé son activité professionnelle vers 8h45 et qu'elle s'est arrêtée pour prendre sa pause déjeuner vers 12h15; qu'elle avait pris son repas ayant de fortes douleurs sur tout le côté gauche essentiellement son épaule et son bras gauches ; qu'elle était remontée travailler, pensant que cela passerait et que le soir même, elle ne pouvait plus bouger l'épaule.


Sa tante, témoin de la chute, atteste que la chute a eu lieu alors que Mme [T] descendait pour prendre sa pause déjeuner (attestation de Mme [O]).


L'employeur mentionne dans un courrier du 19 mai 2022 produit par Mme [T] : 'après vérification auprès de nos services informatique et cybersécurité Groupe, nous réitérons ne pas être en mesure de constater d'activité provenant des outils professionnels mis à votre disposition le 11 mars 2021 à 12h30 (...). Nous ne pouvons que constater que ces horaires (plages fixes et plages variables au sein de l'entreprise) vous permettaient de prendre votre pause déjeuner à compter de 11h30. ".


L'employeur précise que les plages horaires fixes de travail vont de 9h à13h30 et de 14h à 16h15, les plages variables étant de : 7h30 à 9h pour l'arrivée, 11h30 à 14 h pour le déjeuner et 16h15 à 19h pour le départ. Il n'a pas émis de réserve lors de la déclaration de l'accident.


Il se déduit de ces éléments que l'accident est survenu pendant le temps du travail, la pause déjeuner étant prévue par l'employeur comme une plage horaire variable (11h30 à 14h) laquelle est assimilable au temps de travail. La salariée n'avait pas interrompu son travail pour un motif personnel, de sorte qu'elle bénéficiait de la présomption d'imputabilité lors de la chute intervenue pendant cette plage de temps.


Les premiers juges ont ainsi justement retenu que si l'évènement était survenu pendant la pause méridienne, il n'en demeurait pas moins que cette période constituait une interruption de courte durée du travail, légalement prévue, assimilable au temps de l'exercice de l'activité professionnelle tel que prévu par le dernier alinéa de l'article L. 1222-9 du code du travail.


Le jugement qui a dit que l'accident devait être reconnu dans le cadre de la législation sur les risques professionnels, la présomption d'imputabilité s'appliquant, sera confirmé en toutes ses dispositions.


La CPAM, partie succombante, sera condamnée aux dépens en application de l'article 696 du code de procédure civile🏛, et condamnée à payer à Mme [T] la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles que cette dernière a été contrainte d'engager dans l'instance d'appel.



PAR CES MOTIFS


La cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe,


Confirme le jugement rendu le 26 janvier 2023 par le tribunal judiciaire de Beauvais, pôle social, en toutes ses dispositions,


Y ajoutant,


Condamne la CPAM de l'Oise aux dépens de l'instance d'appel,


La condamne à payer à Mme [T] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.


Le greffier, Le président,

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