Jurisprudence : CA Paris, 14e, B, 31-05-2002, n° 2002/01008

CA Paris, 14e, B, 31-05-2002, n° 2002/01008

A6632A3Z

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CA Paris, 14e, B, 31-05-2002, n° 2002/01008. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1110219-ca-paris-14e-b-31052002-n-200201008
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COUR D'APPEL DE PARIS
14è chambre, section B
ARRÊT DU 31 MAI 2002
(N° 5-pages)
Numéro d'inscription au répertoire général 2002/01008 Pas de jonction
Décision dont appel Ordonnance de référé rendue le 10/12/2001 par le
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de BOBIGNY - RG n° 2001/03119 (F. CHARLON) Date ordonnance de clôture 11 Avril 2002 Nature de la décision CONTRADICTOIRE Décision CONFIRMATION

APPELANTS
L/ La FÉDÉRATION DES SERVICES CFDT
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social PANTIN CEDEX
2./ Monsieur Gilles Y
agissant en sa qualité de secrétaire national CFDT de la branche SERVICIEL de la fédération des services CFDT
domicilié PANTIN CEDEX
représentés par Maître TEYTAUD, avoué
assistés de Maître ..., Toque P.469, Avocat au Barreau de PARIS, SCP
CABINET LEGRAND
INTIMÉE
La Société CLEAR CHANNEL FRANCE (anciennement DAUPHIN COMMUNICATION)
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège PARIS
représentée par la SCP GIBOU-PIGNOT-GRAPPOTTE-BENETREAU, avoué assistée de Maître ..., Toque L.020, Avocat au Barreau de PARIS, SELAFA BARTHÉLÉMY & Associés

COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats M. CUINAT, magistrat rapporteur, a entendu les plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposé, puis il en a rendu compte à la Cour dans son délibéré. Lors du délibéré Président M. CUINAT. Conseillers MM. ... et ....
DÉBATS A l'audience publique du 11 avril 2002.
GREFFIER Lors des débats Mme POUVREAU ; lors du prononcé Mme KLEIN.
ARRÊT CONTRADICTOIRE, prononcé publiquement par M. CUINAT, Président, lequel a signé la minute de l'arrêt avec Mme KLEIN, Greffier.

La Fédération des services CFDT et M. Gilles Y, agissant ès qualités desecrétaire national CFDT de la branche "serviciel" de cette Fédération ont relevé appel d'une ordonnance de référé du 10 décembre 2001 rendue par le
président du Tribunal de grande instance de BOBIGNY qui, faisant droit à la demande de la société DAUPHIN COMMUNICATION, a
- dit que la diffusion à destination des salariés de la société DAUPHIN COMMUNICATION de messages électroniques de nature syndicale, en infraction avec les dispositions de l'article L.412-8 alinéa 4 du code du travail constitue un trouble manifestement illicite et qu'il convient de prévenir le dommage imminent que constituerait le renouvellement de cette diffusion ;
- interdit en conséquence à la Fédération des services CFDT et à Gilles Y de diffuser par intemet des publications ou des tracts de nature syndicale à destination et sur les postes informatiques des salariés de la société DAUPHIN COMMUNICATION, et ce, sous peine d'une astreinte de 2.000 F par message, à compter de la signification de l'ordonnance, quel que soit le nombre de postes concernés par chacun de ces messages ; - condamné la Fédération des services CFDT et Gilles Y à payer à la société DAUPHIN COMMUNICATION la somme de 8.000 F au titre de l'article 700 du NCPC, ainsi qu'aux dépens.
Au soutien de leur appel, la Fédération des services CFDT et M. Gilles Y, font valoir par dernières conclusions du 4 avril 2002 qu'aucun trouble manifestement illicite ne saurait leur être valablement reproché, dès lors que le message syndical litigieux n'a pas été diffusé par intrusion de la CFDT sur l'Intranet de l'employeur, mais au moyen de 'Internet, réseau public de communication mondial auquel la société DAUPHIN COMMUNICATION a relié les ordinateurs individuels dont sont équipés tous ses salariés, lesquels sont également dotés d'une adresse électronique propre ; qu'en tout état de cause, le trouble éventuel a cessé et qu'aucun message nouveau n'a été diffusé depuis lors. Ils estiment que le régime juridique institué par l'article L.412-8 alinéa 4 du code du travail n'est pas applicable, dès lors qu'en l'espèce, l'émetteur est extérieur à l'entreprise et que le destinataire est déterminé et individualisé, la communication touchant à sa vie privée et lui étant personnellement adressée par un moyen de communication public, en dehors de toute présence de l'émetteur dans l'entreprise, outre qu'il ne peut être porté atteinte à la liberté de communication de l'organisations syndicale.
Ils concluent en priant la Cour d'infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée et de condamner la sôciété CLEAR CHANNEL FRANCE à verser la somme de 2.000 euros à la Fédération des services CFDT, en application de l'article 700 du NCPC, ainsi qu'aux
entiers dépens de première instance et d'appel. . . /
Cour d'appel de Paris ... du 31 MAI 2002 14ème Chambre, section B RG n" 02/01008 - Mme nage
La société DAUPHIN COMMUNICATION, devenue CLEAR CHANNEL FRANCE, intimée, objecte par dernières conclusions du 10 avril 2002 que le tract litigieux a bien été diffusé pendant les heures de travail des salariés, sur leur messagerie professionnelle, et ce, alors même que des négociations étaient en cours avec la direction au sujet de l'utilisation d'internet dans le dialogue social ; qu'en agissant ainsi, en transgression évidente des dispositions légales et sans attendre l'aboutissement de la négociation sur l'adaptation des conditions de diffusion de l'information syndicale aux moyens modernes, la Fédération des services CFDT et M. Y ont causé à l'employeur un trouble manifestement illicite et qu'il convenait de prévenir le dommage imminent que constituerait le renouvellement d'une telle diffusion, ce qui justifie pleinement l'interdiction prononcée.
Elle conclut en priant la Cour de
- lui donner acte qu'elle vient aux droits de la société DAUPHIN COMMUNICATION ; - confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise ;
- condamner la Fédération des services CFDT et M. Gilles Y, conjointement, à lui payer la somme de 2.300 euros au titre de l'article 700 du NCPC, ainsi qu'aux entiers dépens.

SUR CE, LA COUR,
Considérant qu'il n'est pas contesté que la société DAUPHIN COMMUNICATION est devenue la société CLEAR CHANNEL FRANCE ; qu'il convient par conséquent de donner à. cette dernière l'acte qu'elle requiert à cet égard ;
Considérant que l'article L.412-8 du code du travail relatif à la diffusion de l'information syndicale dispose en son alinéa 4 que " Les publications et tracts de nature syndicale peuvent être librement diffitsés aux travailleurs de l'entreprise dans l'enceinte de celle-ci aux heures d'entrée et de sortie du travail" ;
Considérant qu'en l'espèce, il est constant que, le 8 octobre 2001 à 9 h 50, M. Gilles Y, secrétaire national de la branche "serviciel" de la Fédération des services CFDT, a adressé depuis un ordinateur dont dispose la Fédération, à l'ensemble des salariés de la société DAUPHIN COMMUNICATION disposant d'une messagerie électronique à leur poste de travail dans cette entreprise, un message syndical comprenant un "fichier" annexé, intitulé "Négociations.salariales.25.septembre.2001.doc" ;
qu'il n'est pas contesté que ce document constituait un tract syndical ;
que dès lors, en l'état des dispositions de l'article L.412-8 du code du travail et en l'absence d'accord d'entreprise ou d'usage dérogatoire, il y a lieu de considérer que cette diffusion d'un message électronique de nature syndicale envoyé à ces salariés sur la messagerie électronique Internet dont ils disposent à leur poste de travail même, constituait, par le fait que cette messagerie professionnelle n'est par hypothèse utilisable que pendant leurs heures de travail et non pas "aux heures d'entrée et de sortie du travail", une transgression évidente des conditions posées par l'article L.412-8 précité, et, par l'intrusion ainsi réalisée au cours du temps de travail, causait à l'employeur un trouble manifestement illicite au sens de l'article 809 alinéa 1" du NCPC, ainsi que le premier juge l'a relevé à juste titre ;
Considérant que les appelants ne peuvent prétendre utilement que le trouble causé par la diffusion litigieuse n'est plus actuel et qu'aucun autre message n'a été adressé depuis lors aux salariés de l'entreprise, dès lors que c'est également avec raison que le premier juge
. . . /
ARRÊT du 31 MAI 2002 RG ti° 02/01008 - 3ème page
Cour d'appel de Paris 14ème Chambre, section B
a ordonné, sous astreinte, la mesure d'interdiction corrélative, au motif exactement apprécié par lui qu'il convient de prévenir le dommage imminent que représente le risque de réitération du procédé de communication litigieux consistant à envoyer des tracts syndicaux dans des conditions contraires aux dispositions légales ;
que les appelants ne peuvent pas davantage soutenir valablement que l'article L.412-8 alinéa 4 du code du travail -dont les dispositions sont d'ordre public- ne serait pas applicable en matière de courrier électronique, en ce qu'il relèverait de la correspondance privée, le message litigieux ayant été adressé à des destinataires individualisés et ayant été communiqué depuis l'extérieur de l'entreprise, par le réseau Internet, de sorte que cet envoi ressortirait à la vie privée des intéressés ; qu'en effet, si la diffusion d'un tract syndical par courrier électronique est assimilable à l'expédition par voie postale à l'adresse des salariés dans l'établissement où ils sont employés, elle n'en doit pas moins respecter les limites fixées par les dispositions de l'article L.412-8 alinéa 4 précité ;
qu'en outre, aucune atteinte illégitime ne saurait être portée à la liberté de communication de l'organisation syndicale, dès lors que ce sont les dispositions expresses de cet article de loi qui la limitent aux heures d'entrée et de sortie du travail ;
qu'enfin, les appelants allèguent inutilement qu'à la supposer applicable, la règle posée par l'article L.412-8 alinéa 4 du code du travail devrait admettre une certaine souplesse, du fait de l'éclatement géographique de la collectivité de travail pour les salariés de la société CLEAR CHANNEL FRANCE qui compte 47 sites et du fait des horaires individualisés des commerciaux et des techniciens chargés de l'affichage, dès lors que l'entreprise justifie par les pièces qu'elle verse aux débats qu'elle avait entamé avec les organisations syndicales une négociation à ce sujet et que ladite négociation a été suspendue par les syndicats eux-mêmes pour attendre la décision du premier juge, puis celle de la Cour ;
qu'il s'ensuit que l'ordonnance entreprise, qui n'est pas autrement critiquée, sera confirmée en toutes ses dispositions ;
Considérant qu'il serait inéquitable de laisser supporter à la société intimée les frais irrépétibles qu'elle a exposés en cause d'appel ;

PAR CES MOTIFS,
Donne acte à la société CLEAR CHANNEL FRANCE qu'elle vient aux droits de la société DAUPHIN COMMUNICATION ;
Déclare la Fédération des services CFDT et M. Gilles Y, ès qualités de secrétaire national de la branche "serviciel" CFDT, mal fondés en leur appel et les en déboute ;
Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise ;
Condamne in solidum la Fédération des services CFDT et M. Gilles Y, ès qualités, à verser à la société CLEAR CHANNEL FRANCE la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du NCPC ;
Les condamne in solidum également aux dépens d'appel ; admet la SCP GIBOU-PIGNOT
. /
Cour d'appel de Paris
14ème Chambre, section B
ARRÊT du 31 MAI 2002
À RG n' 02/01008 - 4ème page

& GRAPPOTTE-BÉNÉTREAU, avoué, au bénéfice de l'article 699 du NCPC.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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