Jurisprudence : Cass. crim., 24-09-2002, n° 01-88.674, F-P+F



N° F 01-88.674 F P+F X 01-88.597N° 5299
SH24 SEPTEMBRE 2002
M. COTTE président,
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-quatre septembre deux mille deux, a rendu l'arrêt suivant
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire ..., les observations de la société civile professionnelle LESOURD, de Me BOUTHORS, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général ... ;

Statuant sur le pourvoi formé par
- ... Paul,
contre les arrêts de la cour d'appel de PARIS, 11 ème chambre qui, dans la procédure suivie contre lui pour complicité de diffamation publique envers un fonctionnaire public,
- le premier, en date du 9 mars 2000, a, notamment, rejeté sa demande d'annulation d'actes de la procédure ;
- le second, en date du 29 novembre 2001, l'a condamné à 20 000 francs d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Attendu qu'il résulte des arrêts attaqués et des pièces de procédure qu'à la suite de la publication d'un livre intitulé "Guerres secrètes à l'Elysée", ayant pour auteur Paul ..., Raymond ..., inspecteur général honoraire de la police nationale, a déposé plainte avec constitution de partie civile du chef de diffamation publique envers un fonctionnaire public, estimant que plusieurs passages du livre contenus dans le chapitre ayant pour titre "Secrets" portaient atteinte à son honneur et à sa considération ; qu'à l'issue de l'information ouverte sur cette plainte, Paul ..., ainsi que le directeur de publication, ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel du chef précité ;
En cet état ;
I - Sur le pourvoi contre l'arrêt en date du 9 mars 2000 ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 35, 55 et 56 de la loi du 29 juillet 1881, 173, 174, 179 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, défaut de réponse à conclusions ;
"en ce que l'arrêt attaqué a débouté Paul ... de l'exception de nullité de la procédure, notamment de la nullité de ses auditions du 25 février 1997 par un officier de police judiciaire et du versement au dossier des pièces produites par les parties, soit les pièces cotées D. 36 et D. 58 à D. 101 ;
"aux motifs que, si, s'agissant de l'application de l'article 50 de la loi sur la presse, il y avait incompatibilité entre le régime institué par ce texte et l'irrecevabilité du moyen de nullité tiré du dernier alinéa de l'article 179 du Code de procédure pénale, il n'en était pas de même, s'agissant des dispositions des articles 35, 55 et 56 de la loi du 29 juillet 1881 relatifs à la preuve de la réalité des faits diffamatoires et à la preuve contraire ; que l'application de ces dispositions ne nécessitait pas un examen d'office par le juge du fond ; que, lorsqu'il y avait eu plainte assortie d'une constitution de partie civile, il appartenait aux parties, en cas d'inobservation de ces textes, de saisir, le cas échéant, la chambre d'accusation dans le délai de vingt jours à compter de la notification prévue par l'article 175 du Code de procédure pénale ; qu'en l'absence d'incompatibilité entre l'application des articles 35, 55 et 56 de la loi du 29 juillet 1881, d'une part, et de l'article 179 du Code de procédure pénale, d'autre part, les vices de procédure concernant l'administration de la preuve de la vérité diffamatoire et de la preuve contraire étaient couverts par l'ordonnance de règlement devenue définitive ; qu'il appartenait simplement, en pareil cas, au tribunal " de fonder sa conviction sur les seuls éléments d'appréciation produits par les parties conformément aux articles 55 et 56 de la loi sur la presse" ;
"alors, d'une part, que si, même en matière de diffamation, le juge d'instruction a le devoir d'instruire, il ne lui appartient cependant pas de prêter son concours à l'établissement de la preuve pour des raisons qui tiennent au fond même de l'infraction, en sorte que, n'ayant pas compétence à intervenir dans la procédure réglée par les articles 55 et 56 de la loi du 29 juillet 1881, il commet, s'il le fait, un excès de pouvoir, constitutifs d'une nullité d'ordre public, dont les prévenus peuvent exciper devant le tribunal correctionnel ; qu'en l'espèce où il n'est pas contesté que le juge d'instruction a demandé aux parties de s'expliquer sur la preuve du fait diffamatoire et a reçu les pièces destinées à établir cette preuve, l'exception de nullité de la procédure soulevée par les prévenus devant le tribunal correctionnel était recevable et devait être accueillie ;
"alors, d'autre part, en matière de diffamation, l'ordonnance de renvoi devant la juridiction de jugement du juge d'instruction ne couvre pas les vices de la procédure antérieure constitutive d'une nullité d'ordre public à raison d'une violation des prescriptions d'ordre public de la loi du 29 juillet 1881 ; qu'en l'espèce où le juge d'instruction a commis, en recevant dans le cadre d'une commission rogatoire des preuves et en faisant procéder aux auditions des parties à leur sujet, un excès de pouvoir constitutif d'une nullité d'ordre public, cette nullité ne pouvait pas être couverte par l'ordonnance de renvoi en application du dernier alinéa de l'article 179 du Code de procédure pénale, ce texte n'étant opposable que pour les nullités de procédure affectant la procédure de droit commun, telle par exemple le non-respect des délais de convocation des prévenus ou la mise à disposition de la procédure ; qu'ainsi, c'est à tort que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité soulevée par les prévenus ;
"alors, de troisième part, que, en matière correctionnelle, la prescription est d'ordre public et doit être constatée d'office dès lors que, en raison de la nullité des actes accomplis pendant le cours d'une information, elle n'a pu valablement être interrompue ; qu'en l'espèce où il est établi que la mise en examen et le renvoi des prévenus devant le tribunal correctionnel, qui sont fondés sur les auditions des parties et la remise des pièces relatives à la preuve du fait diffamatoire, étaient entachés de nullité et n'avaient donc pu interrompre valablement le cours de la prescription, les juges du fond devaient constater, au besoin d'office, que la prescription de l'action publique était acquise ;
"alors, enfin, que, en vertu de l'article 384 du Code de procédure pénale, le tribunal saisi de l'action publique est compétent pour statuer sur toutes exceptions proposées par le prévenu pour sa défense à moins que la loi n'en dispose autrement ; que la prescription de l'action publique, cause d'ordre public de l'extinction de cette action, peut être soulevée en tout état de cause ; que, par conséquent, lorsque les nullités de l'information ont eu pour effet d'entraîner la prescription de l'action publique, elles peuvent être soulevées en tout état de cause pour faire constater la prescription ; qu'en pareil cas, l'exception de l'article 179, dernier alinéa, qui prévoit que l'ordonnance de renvoi devenue définitive couvre les vices de la procédure antérieure ne peut couvrir les vices de la procédure antérieure ayant eu pour conséquence d'entraîner l'extinction de l'action publique ; qu'en l'espèce, le prévenu avait excipé de l'exception de prescription de l'action publique en faisant valoir que les actes du juge d'instruction se rapportant à la recherche de la preuve des faits diffamatoires et l'ordonnance de renvoi en date du 20 juin 1997 rendue sur le fondement de ces actes étaient entachés d'une nullité qui avait eu pour effet d'entraîner l'extinction de l'action publique, les auditions effectuées sur commission rogatoire à compter du 10 février 1997 et l'ordonnance de renvoi elle-même étant entachées de nullité ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans s'expliquer, au surplus, sur ce moyen des conclusions, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Attendu que, devant les juges du fond, Paul ... a demandé l'annulation de plusieurs actes de l'information, soutenant que le juge d'instruction avait excédé ses pouvoirs en procédant à des investiigations sur la vérité des faits diffamatoires, en méconnaissance des articles 35, 55 et 56 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Attendu qu'en déclarant cette exception de nullité irrecevable par les motifs repris au moyen, la cour d'appel a fait l'exacte application de la loi ;
Qu'en effet, selon les articles 179, alinéa 6, et 385, alinéa 4, du Code de procédure pénale, lorsque la juridiction correctionnelle est saisie par l'ordonnance de renvoi du juge d'instruction, les parties sont irrecevables à soulever des exceptions tirées de la nullité de la procédure antérieure ; qu'il n'en est autrement en matière de presse que lorsqu'est invoquée la méconnaissance des prescriptions de l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881 ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
II - Sur le pourvoi formé contre l'arrêt du 29 novembre 2001 ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 23, alinéa 1, 29, alinéa 1, 30 (pour la pénalité), 31, alinéa 1, 42, 43, 47, 48 de la loi du 29 juillet 1881 modifiée, 121-6 et 121-7 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Paul ..., auteur de l'ouvrage "guerres secrètes à l'Elysée", coupable de complicité du délit de diffamation publique envers un fonctionnaire public reproché à Francis ... au préjudice de Raymond ..., par aide, assistance, en facilitant sciemment la préparation ou la consommation de ce délit ;
"aux motifs que le premier passage incriminé (p. 290), n'était pas directement diffamatoire envers Raymond ..., mais permettait de caractériser le caractère diffamatoire du second (haut de la page 291) ; qu'en effet, dans ce premier passage, Paul ... accusait l'entourage du Président de la République ("les hommes de l'Elysée", expression figurant en page 289) d'avoir cherché à lui nuire en exerçant des pressions, telles que des menaces de contrôle fiscal, sur ses partenaires ou ses clients ; qu'il estimait que ces pressions avaient été efficaces tant le "pouvoir occulte" de Gilles ... inspirait la peur ; qu'il ajoutait, en page 289, à la suite du premier passage, avoir été personnellement victime d'un cambriolage dans son chalet des Hautes Alpes, de "visites" à son domicile parisien et de vol de voiture, laissant entendre que ces méfaits avaient un lien avec la stratégie développée contre lui ; que, dans le second passage (haut de la page 291), Paul ... révélait avoir placé des dispositifs de surveillance chez certains clients qui avaient reçu des "visites de dissuasion ou d'intimidation" ; qu'il affirmait avoir identifié l'un de ces "visiteurs du soir" en la personne de Pierre ..., qui se prétendait membre de la D.S.T. ; qu'il soulignait que Pierre ... était un "proche" de Raymond ..., haut responsable de la police ; qu'il décrivait Raymond ... comme un "socialiste convaincu", de surcroît un "grand ami de Gilles Ménage" qui lui aurait promis un poste de préfet (bas de la page 291) ; qu'il ajoutait que, dans un livre écrit en collaboration avec Michel ..., Raymond ... avait fait un "portrait dithyrambique" de Gilles ... ; qu'il se déclarait "convaincu" (début du troisième passage, milieu de la page 291) que Raymond ... faisait partie du "réseau mobilisé" contre lui et estimait en trouver la preuve dans cet ouvrage ; que les développements de la page 291, rapprochés de ceux de la page 290, indiquaient sans ambiguïté, qu'un "réseau" s'était organisé contre Paul ... à l'initiative de l'entourage du Président de la République, en particulier de Gilles ..., que ce "réseau" avait employé des procédés déloyaux et même illégaux (cambriolages, vols de voiture, visites nocturnes chez des clients etc ...) et que Raymond ... en faisait partie ; que cette imputation était manifestement diffamatoire envers la partie civile ;
"alors, d'une part, que la loi du 29 juillet 1881 exige que la citation ou la plainte précise et qualifie le fait incriminé et indique le texte de loi applicable à la poursuite ; que l'objet de celle-ci, ainsi que les points sur lesquels le prévenu aura à se défendre, sont définitivement fixés par le titre de la saisine et le juge ne peut fonder une condamnation sur des faits autres que ceux qui sont ainsi précisés ; que, s'il est vrai que les juges du fond peuvent avoir recours aux éléments extrinsèques aux faits articulés dans la plainte, c'est à la condition que ces faits soient expressément invoqués devant eux ; qu'en l'espèce, Raymond ... n'invoquait nullement, dans ses conclusions, non plus d'ailleurs que dans la plainte, les passages contenus en page 289 de l'ouvrage de Paul ... comme étant de nature à établir le caractère diffamatoire des imputations qui lui étaient faites en page 291 ; que, dès lors, la Cour ne pouvait, pour entrer en voie de condamnation à l'encontre de Paul ..., se référer aux imputations contenues en page 289 pour déclarer diffamatoires celles contenues à la page 291 ; qu'il s'ensuit que la déclaration de culpabilité est illégale ;
"alors, d'autre part, que ne constitue pas une imputation de nature à porter atteinte à l'honneur et/ou à la considération de Raymond ... le fait, pour Paul ..., d'avoir écrit, en page 291 de son ouvrage intitulé "guerres secrètes à l'Elysée", "convaincu que Raymond ... faisait partie du réseau mobilisé contre moi, son livre m'apportait la preuve de ses relations avec Gilles Ménage" ;que la Cour, qui considérait que le passage de la page 290 se lisant "la plupart de mes futurs clients ont reçu la visite d'une "personne bien intentionnée" venue les dissuader, ou bien des partenaires se sont dérobés ... mais tant que les socialistes ont occupé le pouvoir, ils ont préféré attendre et s'abstenir ; par peur, peur de l'Elysée, peur du pouvoir occulte de Gilles ..., peur de représailles", n'était pas diffamatoire, ne pouvait sans se contredire, décider que ce passage, rapproché du passage suivant, était diffamatoire alors surtout qu'elle n'est parvenue à cette conclusion qu'en se référant au passage contenu à la page 289, non visé dans la plainte et jamais invoqué par la partie civile ; qu'en effet, le passage du haut de la page 291 se borne à faire état d'un réseau organisé contre Paul ... dans l'entourage du Président de la République ce qui, en tant que tel, n'impute aucun fait portant atteinte à l'honneur ou à la considération des membres du réseau et en particulier de Raymond ... ; que la déclaration de culpabilité est illégale ;
"alors, enfin, qu'il n'y a aucune diffamation à révéler les liens d'amitié qui unissent deux personnes, spécifiquement ceux qui unissent Raymond ... à Gilles ... ; que cette constatation inopérante ne donne aucune base légale à la déclaration de culpabilité" ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 23, alinéa 1er, 29, alinéa 1, 31 de la loi du 29 juillet 1881, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Paul ..., coupable de complicité de diffamation envers Raymond ... ;
"aux motifs que, dans les passages du bas de la page 291, Paul ... critiquait les méthodes utilisées par Raymond ..., en sa qualité de chef d'un service de police, pour la " "ventilation des frais", indiquant que l'attitude de l'intéressé était tellement choquante qu'elle avait suscité la "fronde" " de ses collaborateurs qui auraient demandé sa mise à la retraite et la création d'une commission d'enquête ; qu'il ajoutait qu'en définitive Raymond ... avait dû "se résoudre" à quitter la fonction publique pour rejoindre une société de sécurité, alors qu'un poste de préfet lui aurait été promis par Gilles ... ; que, même si la formulation était elliptique, le lecteur était fatalement conduit à penser que Raymond ... avait eu un comportement répréhensible dans la répartition des remboursements de frais et qu'il avait été sanctionné par sa mise à l'écart de la fonction publique ; qu'il s'agissait également d'une imputation diffamatoire ;
"alors que ne contient aucune imputation portant atteinte à l'honneur ou à la considération d'une personne le fait d'écrire que son action, en tant que chef de la police et patron des voyages officiels, ne soulevait pas l'enthousiasme de ses subordonnés, de rappeler qu'il avait suscité un mouvement de fronde parmi ceux-ci qui contestaient ses méthodes de gestion, notamment dans la ventilation des frais et avaient signé contre lui une pétition pour demander sa mise à la retraite et la création d'une commission d'enquête, et qu'il avait dû se résoudre à partir travailler dans le privé ; que le lecteur est conduit à penser, non pas que Raymond ... avait eu un comportement répréhensible, ni pénalement ni moralement, dans la répartition des remboursements de frais, sanctionné par sa mise à l'écart de la fonction publique, mais simplement que ses méthodes de gestion, même celles qui concernaient la ventilation des frais - laquelle n'implique nullement des indélicatesses - avaient suscité chez ses subordonnés une hostilité telle que son autorité s'en était trouvée sapée et que le bon fonctionnement du service s'en était trouvé compromis, ce qui l'avait amené à se tourner - "dû se résoudre" - vers le secteur privé ; que la déclaration de culpabilité n'est donc pas légale" ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 23, alinéa 1er, 29, alinéa 1, 31, 35 et 55 de la loi du 29 juillet 1881, 4 du Code pénal, 11, 485 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, défaut de réponse à conclusions, ensemble violation des droits de la défense ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté le moyen tiré de l'exception de vérité des faits diffamatoires proposés par Paul ... et l'a déclaré coupable de complicité de diffamation ;
"aux motifs adoptés du tribunal que la pièce n° 1 (extrait du livre de Raymond ... intitulé "haute surveillance") tendait à démontrer, par les propres écrits de la partie civile, les difficultés qu'elle avait rencontrées avec les organisations syndicales et sa sympathie pour la personne de Gilles ... et que ces faits ne correspondaient pas aux imputations diffamatoires, telles qu'analysées ci-dessus ; que le document n° 2 (lettre non datée et non signée intitulée "vol au-dessus d'un nid de commissaires") avait l'apparence d'une note d'information relative à Raymond ... mais, dépourvu de tout élément d'authentification, il n'avait aucune valeur probante ; qu'il en était de même des pièces 3 et 4 (articles de presse) et 5 (lettre anonyme) ; que la plaquette de présentation de la société "delta capital" (pièce n° 6) ne concernait pas les imputations diffamatoires retenues par le tribunal ; que la pièce n° 8 (attestation de Joseph ... et pièces jointes) tendait à démontrer que la partie civile serait à l'origine des démarches visant à discréditer Paul ... auprès de l'émir du Qatar qui l'employait alors comme conseiller, mais qu'il ressortait des documents joints et de leur analyse contradictoire lors des débats d'audience qu'aucun élément probant ne permettait d'impliquer Raymond Dematteis lui-même dans les faits consignés dans cette attestation ;
"aux motifs propres que, dans son ouvrage "haute surveillance", notamment les pages visées par le conseil de Paul ... dans ses conclusions d'appel ou reproduites dans son dossier, Raymond ... indiquait qu'il avait dû, dans certaines circonstances, faire preuve d'autorité sur ses subordonnés, par exemple pour mettre fin à des dérives au sein du service des voyages officiels, reconnaissait avoir suscité l'hostilité de certains collègues ou de certains syndicats et estimait avoir été victime de certains changements politiques ; qu'il faisait également part de ses excellentes relations avec Gilles ... et ne cachait pas une certaine admiration envers lui ; qu'en revanche, cet ouvrage ne comportait à aucun moment la preuve des imputations diffamatoires ; que la lettre de Joseph ... du 20 février 1997 et les pièces jointes qui évoquaient les interventions d'un certain "Pierre ..." (qui serait le pseudonyme de Pierre ..., ancien commissaire de police) auprès du gouvernement du Qatar afin de nuire à Paul ... ne comportaient aucune preuve sérieuse de l'implication de Raymond ... dans un "réseau" fomenté par l'entourage du Président de la République et ayant recours à des procédés déloyaux ou illégaux ; que la lettre anonyme du 24 décembre 1990 et l'article du journal "la truffe" du 28 septembre 1991 n'avaient aucun caractère probant ;
"alors, d'une part, que lorsque le prévenu est admis à rapporter la preuve de la vérité des faits diffamatoires, les juges du fond doivent rechercher s'il y a ou non corrélation entre les faits établis et les imputations dénoncées comme diffamatoires dans le titre de la saisine ; qu'en l'espèce, au regard des faits visés dans le titre de la saisine et dénoncés par Raymond ..., les éléments de preuve tirés par Paul ... de l'ouvrage de Raymond Dematteis "haute surveillance", qui constitue son autobiographie, étaient en parfaite corrélation avec les faits dénoncés par ce dernier ; qu'en effet, il avait, dans cet ouvrage, écrit ce qui suit ;
"... quelques mois après, sur proposition de Pierre ..., j'étais nommé directeur des services des voyages officiels avec mission de mettre un terme à certaines pratiques connues et à certains comportements de fonctionnaires, comme l'utilisation de véhicules à des fins personnelles et lucratives, les erreurs volontaires dans les heures de travail, les déplacements trop fréquents, avec un personnel souvent inutile, mais touchant les primes et les notes de frais ; les attaques n'ont pas tardé ; elles provenaient du SNAPC (syndicat national autonome du personnel en civil) ; le "tyran" était de retour ;
"les tracts sont sortis des photocopieurs, rédigés anonymement par des inspecteurs totalement irresponsables que j'aurais dû poursuivre en diffamationsi je n'avais eu peur d'entamer une polémique au sein de la police ; je les ai laissés face à eux-mêmes ;
"mon principal défaut était d'avoir accepté de mettre en place les réformes, de les avoir appliquées sans écouter les voix récalcitrantes des habitués de l'inaction, sans avoir tenu compte des réflexions d'une partie du personnel plus habitué au manque de mobilité qu'à la marche vers lamodernité ; parfois le travail dérange et le changement exaspère ..." (Raymond Dematteis "haute surveillance" p. 319 et 320) ;
que cette relation, par Raymond ..., des faits et circonstances qui l'ont opposé aux policiers de son service des voyages officiels corrobore exactement le résumé qu'en a fait Paul ... dans son ouvrage "guerres secrètes à l'Elysée" en écrivant que Raymond ... avait suscité un mouvement de fronde contre lui quant à ses méthodes de gestion notamment "la ventilation des frais" ; qu'ainsi c'est à tort que les juges du fond ont considéré que Paul ... avait échoué dans la preuve de la vérité du fait diffamatoire ... qui, au surplus, n'en était pas un ;
"alors, d'autre part, qu'en se bornant à relever que, dans son ouvrage, Raymond ... indiquait avoir dû, en certaines circonstances, faire preuve d'autorité sur ses subordonnés, par exemple pour mettre fin à des dérives au sein du service des voyages officiels et reconnaissait avoir suscité l'hostilité de certains collègues ou de certains syndicats et estimé avoir été victime de certains changements politiques, sans mentionner que Raymond Dematteis lui-même avait évoqué, comme cause de l'hostilité de ses personnels, l'objet de sa mission qui était de mettre un terme à certaines pratiques connues, dont les déplacements trop fréquents avec un personnel "inutile mais touchant les primes et les notes de frais", la cour d'appel qui a dénaturé la relation même, donnée par Raymond ... des causes de ses difficultés, a violé l'article 55 de la loi du 29 juillet 1881 ;
"alors, de troisième part, qu'en écartant, comme impuissante à rapporter la preuve de la vérité des faits diffamatoires, la lettre de Joseph ... du 20 février 1997 et les pièces jointes qui évoquaient les interventions d'un certain "Pierre ..." (qui serait le pseudonyme de Pierre ..., ancien commissaire de police) auprès du gouvernement du Qatar pour nuire à Paul ... au seul motif qu'elle ne comporterait aucune preuve sérieuse de l'implication de Raymond ... dans un "réseau" fomenté par l'entourage du Président de la République et ayant recours à des procédés déloyaux ou illégaux, sans toutefois donner la moindre analyse de cette lettre et des documents joints et cependant que cette attestation mettait aussi en cause et nommément Raymond ... en tant que commanditaire des pressions exercées auprès de l'émir du Qatar et des autorités qataries pour nuire à Paul ..., la cour d'appel n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure de contrôler la corrélation ou l'absence de corrélation des faits détemrinés avec les imputations en cause" ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 23, alinéa 1, 29, alinéa 1, 35 bis de la loi du 29 juillet 1881, 427 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, défaut de réponse à conclusions ;
"en ce que l'arrêt attaqué a refusé au prévenu le bénéfice de la bonne foi et l'a déclaré coupable de complicité de diffamation envers Raymond ... ;
"aux motifs qu'à la lumière des pièces produites, les investigations auxquelles avait procédé Paul ... étaient insuffisantes pour l'autoriser à émettre de telles imputations contre Raymond ... ; que Paul ... paraissait avoir surtout voulu exprimer sa conviction personnelle sans que celle-ci fût suffisamment étayée ; que Paul ... avait manqué de prudence dans ses accusations dans la mesure où le lecteur ne pouvait qu'être convaincu de la réalité de celles-ci ;
"alors, d'une part, que le ton volontairement mesuré, l'absence d'animosité et la sincérité des informations sont de nature à caractériser la bonne foi ; qu'en l'espèce, il est incontestable que le ton avec lequel Paul ... avait relaté les faits relatifs à Raymond ... était volontairement mesuré et dépourvu de toute animosité ; que, par ailleurs, la sincérité des informations contenues dans l'ouvrage de Paul ... et incriminées par le plaignant, était établie par les différentes pièces versées aux débats par Paul ..., lesquelles démontraient incontestablement sa bonne foi ; que, compte tenu, d'une part, des multiples vols dont il a été victime à la suite de la disgrâce qui l'a frappée dans le courant des années 1980 et des tentatives, manifestement établies aussi par l'attestation de Joseph ..., d'agents de l'entourage du Président de la République pour le ruiner auprès de l'émir du Qatar et des autorités qataries après sa mise à l'écart de la cellule spéciale d'intervention de l'Elysée, et d'autre part, de l'ouvrage de Raymond Dematteis lui-même, dans lequel celui-ci - qui faisait grand cas de ses liens d'amitié avec Gilles Ménage - exprimait pour celui-ci une admiration sans borne, Paul ... a pu, en toute bonne foi, en déduire que Raymond ... faisait, lui aussi, partie du réseau mobilisé contre lui par l'entourage du Président de le République, dont Gilles ..., pour lui nuire et le destabiliser ; qu'il est remarquable que Gilles ..., pourtant expressément mis en cause dans l'ouvrage incriminé - ce qui n'est pas le cas de Raymond Dematteis - n'a pas cru devoir engager à l'encontre de Paul ... une action en diffamation ; que c'est à tort que les juges du fond n'ont pas admis l'exception de bonne foi ;
"alors, d'autre part, qu'en se bornant à déclarer insuffisantes les pièces produites par Paul ... pour prouver sa bonne foi sans notamment analyser de façon précise la lettre de Joseph ... qui mettait expressément en cause Raymond ... comme étant le commanditaire des interventions de M. ... et Pierre ... auprès du gouvernement du Qatar et des autorités qataries pour les amener à écarter Paul ... de sa fonction de conseil auprès de l'émir du Qatar, l'arrêt attaqué n'a donné aucune base légale à sa décision" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et l'examen des pièces de la procédure mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts d'insuffisance et de contradiction et répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a, d'une part, exactement apprécié le sens et la portée des propos incriminés dans la plainte avec constitution de partie civile, d'autre part, retenu à bon droit que la preuve de la vérité des faits diffamatoires n'était pas parfaite et corrélative aux diverses imputations et, enfin, caractérisé les circonstances particulières sur lesquelles elle s'est fondée pour écarter le bénéfice de la bonne foi ;
D'où il suit que les moyens ne sont pas fondés ;
Et attendu que les arrêts sont réguliers en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré M. ... président, M. ... conseiller rapporteur, M. Joly, Mmes Chanet, Anzani, Mazars, MM. Beyer, Pometan conseillers de la chambre, MM. Ponsot, Lemoine, Mmes Menotti, Salmeron conseillers référendaires ;
Avocat général Mme Commaret ;
Greffier de chambre Mme Lambert ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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