COUR D'APPEL DE PARIS
15è chambre, section B
ARRÊT DU 5 JUILLET 2002
(N° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général 2002/06373
Pas de jonction
Décision dont appel Jugement rendu le 23/10/2001 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de PARIS 9/1è Ch. RG n° 2001/15961 JOUR FIXE Nature de la décision CONTRADICTOIRE
Décision INFIRMATION
APPELANT
Monsieur Z MarcZ
demeurant SAINT RAPHAEL
représenté par Maître RIBAUT, avoué
assisté de Maître J.. ..., Toque C 991, Avocat au Barreau de PARIS
INTEVIEE
STE ENTENIAL anciennement dénommée COMPTOIR DES ENTREPRENEURS
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège PARIS
représentée par la SCP FANET-SERRA-GHIDINI, avoué
assistée de Maître H.. ..., Toque C 1102, Avocat au Barreau de PARIS
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COMPOSITION DE LA COUR
lors des débats et du délibéré,
Président Monsieur POTOCKI
Conseiller Madame GRAEVE
Conseiller Madame DAVID
DÉBATS
à l'audience publique du 30 mai 2002
GREFFIER
Lors des débats et du prononcé de l'arrêt
Monsieur ... agent du secrétariat-greffe ayant prêté le serment de
Greffier
ARRÊT
Contradictoire, prononcé publiquement par Monsieur POTOCKI, Président,
lequel a signé la minute du présent arrêt avec Monsieur G. DUPONT, Greffier.
Le 30 décembre 1991, Monsieur Z a constitué une société en participation, comportant une convention de croupier avec Monsieur ..., Monsieur ... et Monsieur .... Par cet acte, il était prévu que Monsieur Z devait acheter des biens hôteliers en son nom, mais pour le compte de la société en participation. Le 31 décembre 1991, Monsieur Z a obtenu un emprunt de 1.196.000 francs du COMPTOIR DES ENTREPRENEURS, aux droits duquel se trouve la société ENTENIAL. Ce prêt était garanti par la caution solidaire de Monsieur ..., Monsieur ... et Monsieur ..., ainsi que par une hypothèque consentie sur 4 lots d'une unité hôtelière, acquis le même jour de la société civile VILLAGE LACANAU au moyen du prêt.
Le remboursement n'ayant pas été effectué régulièrement, la société ENTENIAL a notamment transmis le nom de Monsieur Z à la Banque de France pour qu'il soit inscrit sur le fichier national des incidents de paiement prévu par l'article L.333-4 du code de la consommation.
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Estimant que le caractère professionnel de l'opération ne permettait pas cette inscription, Monsieur Z en a demandé la mainlevée, d'abord, au président de tribunal de grande instance de Versailles, qui a dit n'y avoir lieu à référé. Monsieur Z a, ensuite, saisi de cette demande le tribunal de grande instance de Paris qui, par jugement du 23 octobre 2001, l'a débouté et l'a condamné à payer à la société ENTENIAL la somme de 7.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Par déclaration du 19 mars 2002, Monsieur Z a fait appel de cette décision.
Le 26 mars 2002, le délégué du premier président de la cour d'appel a autorisé Monsieur Z à assigner la société ENTENIAL à jour fixe, pour l'audience du 30 mai 2002.
Les dernières écritures des parties, prises en compte par la Cour au titre de l'article 954 du nouveau code de procédure civile, ont été déposées
- le 11 avril 2002 pour Monsieur Z,
- le 21 mai 2002 pour la société ENTENIAL.
Monsieur Z demande à la Cour de
- réformer le jugement attaqué,
statuant à nouveau,
- ordonner au COMPTOIR DES ENTREPRENEURS aujourd'hui dénommé ENTENIAL de procéder à la mainlevée et à l'annulation de la déclaration de l'incident inscrit à l'encontre de Monsieur Z sur le fichier FICP, ouvert et géré par la Banque de France et ce, sous astreinte de 10.000 euros par jour de retard,
- condamner la société ENTENIAL à payer à Monsieur Z la somme de 50.000 euros pour abus de droit et inscription abusive au fichier FICP,
- condamner la société ENTENIAL à payer à Monsieur Z la somme de 10.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
La société ENTENIAL demande à la Cour de
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris, subsidiairement, si par impossible la Cour faisait droit à la demande de mainlevée, - dire que la déclaration d'incident n'était pas abusive,
- débouter Monsieur Z de ses demandes de condamnations pécuniaires à l'encontre de la société ENTENIAL,
- condamner Monsieur Z à payer à la société ENTENIAL la somme de 1.600 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
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CELA ÉTANT EXPOSÉ,
LA COUR,
Considérant que l'article L333-4 du code de la consommation a institué un fichier national recensant les informations sur les incidents de paiement caractérisés liés aux crédits accordés aux personnes physiques pour des besoins non professionnels ; que si les établissements de crédit sont tenus de déclarer à la Banque de France, pour inscription dans ce fichier, de tels incidents de paiement, il leur appartient de ne mettre en oeuvre cette mesure que pour ceux qui correspondent strictement aux conditions posées par le texte visé ci-dessus ;
Considérant que, le 31 décembre 1991, Monsieur Z a obtenu un prêt de 1.196.000 francs, ayant pour objet, selon l'acte de prêt lui-même, l'acquisition d'une unité hôtelière située à Lacanau ; que Monsieur Z a procédé le même jour à cette acquisition ; qu'il résulte de l'acte intitulé "société en participation-convention de croupier", conclu la veille, par Monsieur ..., Monsieur ..., Monsieur ... et Monsieur Z, que ce dernier a conclu les contrats de prêt et d'achat pour le compte de la société en participation ; que l'hôtel, dont des éléments avaient été acquis au moyen du prêt consenti par la société ENTENIAL, était exploité et géré par la société A PLUS HÔTEL, dont Monsieur Z possédait la plus grande partie des parts et était le gérant ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que Monsieur Z a emprunté des fonds à la société ENTENIAL afin de réaliser une opération destinée à drainer des investissements au profit d'un hôtel qu'il exploitait lui-même à travers une société qu'il avait créée à cette fin ; que ce crédit lui a donc été accordé pour des besoins professionnels et ne pouvait, en conséquence, donner lieu à une inscription au fichier institué par l'article L333-4 du code de la consommation ;
Considérant que la société ENTENIAL savait que le prêt était "destiné à financer un local à usage strictement professionnel", ainsi que cela résulte d'une lettre qu'elle a adressée à Monsieur Z le 30 décembre 1991 ; que, comme le relève la cour d'appel de Bordeaux dans son arrêt du 20 septembre 1999, si la société ENTENIAL ne connaissait pas nécessairement le contenu exact de la convention de société en participation auquel Monsieur Z était partie, du moins savait elle que le prêt n'était pas destiné à Monsieur Z personnellement, mais à Monsieur ..., Monsieur ... et Monsieur ... ; que dès lors, la société ENTENIAL se devait d'apprécier avec une prudence particulière la nécessité de procéder à l'inscription de l'incident de paiement litigieux au fichier institué par l'article L333-4 du code de la consommation ; qu'il lui appartenait notamment de recueillir les informations complémentaires dont elle aurait pu avoir besoin pour arrêter son opinion ; que la société ENTENIAL a donc commis une faute en faisant
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mentionner le nom de Monsieur Z dans ce fichier et en refusant de procéder à son retrait ;
Considérant que Monsieur Z produit aux débats différentes pièces qui établissent que cette inscription a conduit certains établissements de crédit à lui refuser leur concours ; que, au vu de ces pièces et de l'ensemble du dossier, la cour dispose des éléments suffisants pour fixer à 10.000 euros la réparation du préjudice que lui a causé la faute de la société ENTENIAL ;
Considérant qu'il y a lieu de condamner la société ENTENIAL à payer à Monsieur Z la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, pour la procédure d'appel,
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement attaqué en toutes ses dispositions,
Ordonne à la société ENTENIAL de procéder à la mainlevée de l'inscription de Monsieur Z sur le fichier institué par l'article L333-4 du code de la consommation,
Dit que cette mainlevée devra avoir été donnée dans le mois suivant la notification du présent arrêt et ce sous une astreinte de 1.000 euros par jour de retard passé ce délai,
Condamne la société ENTENIAL à payer à Monsieur Z la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts, ainsi que celle de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Rejette toutes les autres demandes,
Condamne la société ENTENIAL aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers étant recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
LE PRÉSIDENT
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