Jurisprudence : TA Pau, du 09-07-2024, n° 2401526

TA Pau, du 09-07-2024, n° 2401526

A34245PI

Référence

TA Pau, du 09-07-2024, n° 2401526. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/110193829-ta-pau-du-09072024-n-2401526
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Abstract

► Doit être exclu de la procédure de passation une société ayant eu accès à une information confidentielle susceptible de rompre l'égalité entre les candidats, du fait qu'elle était initialement chargée d'accompagner un autre candidat pour le dépôt de son offre.


Références

Tribunal Administratif de Pau

N° 2401526


lecture du 09 juillet 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 14 juin et le 1er juillet 2024, la société par actions simplifiée (SAS) Olinn services, demande à la juge des référés :

1°) d'annuler, sur le fondement des dispositions de l'article L. 551-1 du code de justice administrative🏛, la procédure de passation du marché de location longue durée de véhicules pour le parc national des Pyrénées ;

2°) d'enjoindre au parc national des Pyrénées d'exclure la société Geslease de la procédure de passation du marché en application des dispositions de l'article L. 2141-8 du code de la commande publique🏛 ;

3°) d'enjoindre au parc national des Pyrénées de lui communiquer les motifs de la décision l'ayant conduit à l'évincer ainsi que l'ensemble des déclarations et pièces justificatives transmises par la société Geslease lors de la remise de son offre ;

4°) de suspendre la signature du marché pendant trois semaines, à compter de la transmission des éléments sollicités ;

5°) de condamner le parc national des Pyrénées à lui verser la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛 ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable dès lors qu'aucune norme n'impose, devant le juge administratif, de préciser l'identité et la fonction de la personne physique qui la représente ;

- elle a qualité à agir dès lors qu'elle est la candidate évincée de la procédure de passation du marché en litige ;

- la procédure de passation est irrégulière pour plusieurs raisons :

* la société Geslease, attributaire du marché et créée en cours de la procédure de consultation, aurait dû être exclue de la procédure de passation du marché sur le fondement des dispositions de l'article L. 2141-8 du code de la commande publique dès lors qu'elle est dirigée par Mme B C, qui était liée à la société Olinn services par un contrat de prestations de services aux termes duquel elle était chargée de la gestion d'affaires avec certains clients dont le parc national des Pyrénées ; par ailleurs elle a participé à la rédaction du mémoire technique et à l'élaboration de l'offre financière déposée par la société Olinn services dans le cadre de la consultation lancée par le parc national des Pyrénées ; elle a donc bénéficié d'un avantage indu portant ainsi atteinte au principe d'égalité de traitement des candidats et faussant la procédure de mise en concurrence et le parc national des Pyrénées avait connaissance de la collusion entre la société Olinn services et son ancienne collaboratrice, Mme C ;

* en utilisant des informations confidentielles qu'elle avait en sa possession, Mme C a violé le secret des affaires protégé par les dispositions de l'article L. 151-4 du code de commerce🏛, entachant ainsi la procédure de passation d'une irrégularité au regard des dispositions de l'article L. 2152-2 du code de la commande publique🏛 ;

* la société attributaire n'a pas les capacités techniques et financières suffisantes pour exécuter le marché ;

* le parc national des Pyrénées ne l'a pas informée des motifs l'ayant conduit à l'évincer en méconnaissance des dispositions de l'article R. 2181-3 du code de la commande publique🏛.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 21 juin 2024, le parc national des Pyrénées, représenté par Me Blanco, conclut à l'irrecevabilité de la requête et à son rejet et à ce que soit mise à la charge de la société Olinn services la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors qu'elle ne précise pas l'identité et la fonction de la personne physique qui représente la société requérante empêchant ainsi de déterminer sa qualité pour agir ;

- il n'avait pas connaissance du conflit d'intérêts qui existait entre la société évincée et la gérante de la société attributaire et il ne disposait pas des éléments précis et circonstanciés permettant d'engager la procédure d'exclusion ;

- la réalité des manquements qui lui sont reprochés n'est pas établie, d'autant que la société Olinn services n'a pas engagé de procédure judiciaire à l'encontre de Mme C ;

- il a respecté l'exigence de motivation prévue aux articles L. 2181-1 et R. 2181-3 du code de la commande publique🏛 dès lors qu'il a indiqué dans son courrier du 30 mai 2024 que la société Geslease avait proposé l'offre la plus intéressante sur le plan économique et technique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juillet 2024, la société Geslease, représentée par Me Bouteiller conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Olinn services la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- Mme C, dirigeante de la société, n'était plus salariée de la société Olinn services à la date de la passation du marché et n'avait pas pour mission de formaliser des offres dans le cadre de procédures de commande publique, elle a établi pour la société Olinn services le bordereau de prix de l'offre initiale et n'a pas participé à l'établissement de son offre technique, enfin la convention qui liait les sociétés Gescarlease et Olinn services a pris fin le 31 janvier 2024 alors que les prestations objet du marché ne devaient débuter qu'en août 2024 ;

- le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article L. 2152-1 du code de la commande publique🏛 manque en droit d'une part, dès lors que l'intention du législateur n'était pas de mettre en œuvre une police économique visant au respect du droit des affaires et manque en fait d'autre part, dès lors que Mme C n'a bénéficié d'aucune information confidentielle susceptible de lui conférer un avantage indu ;

- l'exigence de motivation a été respectée dès lors que le parc national des Pyrénées a indiqué dans son courrier du 30 mai 2024, les raisons du rejet de l'offre de la société Olinn.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code de justice administrative.

La présidente du tribunal a désigné Mme A pour statuer sur les demandes de référés.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Au cours de l'audience publique tenue en présence de Mme Caloone, greffière d'audience, ont été entendus :

- le rapport de Mme A ;

- les observations de Me Carenzi, représentant la société Olinn services qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens et précise qu'il s'agissait d'un appel d'offres ouvert, que la société Olinn services s'était appuyée sur une prestataire : Mme C qui a réalisé le bordereau de prix transmis au parc national des Pyrénées qui est un interlocuteur privilégié de la société Olinn services depuis 2009 ; le parc national des Pyrénées avait l'obligation d'exclure la société Geslease de la procédure de passation du contrat même si le manquement n'est pas imputable à la personne publique ; en outre aucun critère d'attribution n'a été porté à la connaissance de la société Olinn services en méconnaissance des dispositions de l'article R. 2152-11 du code de la commande publique🏛 ;

- les observations de Me Marcel, substituant Me Blanco, représentant le parc national des Pyrénées qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens et précise qu'il incombe au pouvoir adjudicateur de déterminer si le manquement soulevé est confirmé et validé avant de pouvoir écarter l'offre, or en l'espèce la seule information reçue par le parc national des Pyrénées n'était pas suffisante pour caractériser le manquement et procéder à l'exclusion de la société Geslease de la procédure de passation du marché ; en outre il n'est pas question d'un dysfonctionnement qui émanerait du parc national des Pyrénées mais qui émane de deux entités privées dans lequel ce dernier n'avait pas à jouer le rôle d'arbitre.

La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un avis d'appel public à la concurrence en date du 12 octobre 2023, le parc national des Pyrénées a lancé une consultation en vue de l'attribution d'un marché public ayant pour objet la location longue durée de véhicules. La date limite de réception des offres était fixée au 11 décembre 2023. La société Olinn services et la société Geslease ont remis des offres. Par un courrier du 30 mai 2024, le parc national des Pyrénées a informé la société Olinn services que son offre n'avait pas été retenue mais que celle de la société Geslease avait été retenue. La société Olinn services, candidate évincée, demande à la juge des référés, statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, d'annuler la procédure de passation de ce marché.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la procédure :

2. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation () / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat ". Aux termes de l'article L. 551-2 de ce code🏛 : " I. Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. () ". Et, aux termes de l'article L. 551-10 du même code🏛 : " Les personnes habilitées à engager les recours prévus aux articles L. 551-1 et L. 551-5 sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par le manquement invoqué () ".

3. Il appartient au juge administratif, saisi en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, de se prononcer sur le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence incombant à l'administration. En vertu de cet article, les personnes habilitées à agir pour mettre fin aux manquements du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles qui sont susceptibles d'être lésées par de tels manquements. Il appartient, dès lors, au juge des référés précontractuels de rechercher si l'opérateur économique qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésé, fût-ce de façon indirecte en avantageant un opérateur économique concurrent.

4. Aux termes de l'article L. 3 de la commande publique : " Les acheteurs et les autorités concédantes respectent le principe d'égalité de traitement des candidats à l'attribution d'un contrat de la commande publique. Ils mettent en œuvre les principes de liberté d'accès et de transparence des procédures, dans les conditions définies dans le présent code. Ces principes permettent d'assurer l'efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics ".

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2141-8 du code de la commande publique : " L'acheteur peut exclure de la procédure de passation d'un marché les personnes qui : / () / 1° Soit ont entrepris () d'obtenir des informations confidentielles susceptibles de leur donner un avantage indu lors de la procédure de passation () ". Aux termes de l'article L. 2141-11 du même code : " L'acheteur qui envisage d'exclure une personne en application de la présente section doit la mettre à même de fournir des preuves qu'elle a pris des mesures de nature à démontrer sa fiabilité et, le cas échéant, que sa participation à la procédure de passation du marché n'est pas susceptible de porter atteinte à l'égalité de traitement des candidats. () ".

6. Ces dispositions permettent aux acheteurs d'exclure de la procédure de passation d'un marché public une personne qui peut être regardée, au vu d'éléments précis et circonstanciés, comme ayant, dans le cadre de la procédure de passation en cause ou dans le cadre d'autres procédures récentes de la commande publique, entrepris d'influencer la prise de décision de l'acheteur et qui n'a pas établi, en réponse à la demande que l'acheteur lui a adressée à cette fin, que son professionnalisme et sa fiabilité ne peuvent plus être mis en cause et que sa participation à la procédure n'est pas de nature à porter atteinte à l'égalité de traitement entre les candidats.

7. Il résulte de l'instruction et n'est pas contesté que, Mme C, gérante de la société Geslease attributaire du marché, était chargée d'accompagner la société Olinn services pour le dépôt de son offre dans le cadre de la procédure de passation en litige et a rédigé le bordereau de prix qui a été joint à l'offre de la société requérante. Mme C avait donc eu accès à une information confidentielle susceptible de rompre l'égalité entre les candidats à l'attribution du marché. Par ailleurs, en se bornant à soutenir que Mme C n'a pas rédigé le mémoire technique de l'offre de la société requérante et à invoquer la méconnaissance de la participation de Mme C à l'établissement de l'offre de la société Olinn services alors même que Mme C était en copie du mail adressé au parc national des Pyrénées contenant l'offre de la société requérante, la société Geslease et le parc national des Pyrénées n'établissent pas que la gérante de la société attributaire n'avait pas obtenu des informations confidentielles susceptibles de lui conférer un avantage indu lors de la procédure de passation. Il suit de là, au regard de ce qui a été dit au point 6, que la société Geslease doit être regardée comme ayant, dans le cadre de la procédure de passation en cause, entrepris d'influencer la prise de décision de l'acheteur. Il en résulte que le parc national des Pyrénées pouvait et devait légalement exclure la société Geslease de la procédure de passation en cause.

8. En second lieu, les manquements au code de commerce n'étant pas invocables devant le juge du référé précontractuel, il y a lieu d'écarter, en tant qu'il est inopérant, le moyen de la société requérante tiré de ce que l'offre de la société Geslease aurait dû être écartée en application de l'article L. 2152-1 du code de la commande publique, au motif que l'acheteur est tenu d'éliminer les offres irrégulières définies à l'article L. 2152-2 comme celles " méconnaissant la législation applicable () ".

9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 2152-7 du code de la commande publique🏛 : " Le marché est attribué au soumissionnaire ou, le cas échéant, aux soumissionnaires qui ont présenté l'offre économiquement la plus avantageuse sur la base d'un ou plusieurs critères objectifs, précis et liés à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution. Les modalités d'application du présent alinéa sont prévues par voie réglementaire () ". L'article R. 2152-11 du même code dispose que : " Les critères d'attribution ainsi que les modalités de leur mise en œuvre sont indiqués dans les documents de la consultation ".

10. Il résulte des dispositions précitées que, pour assurer le respect des principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, l'information appropriée des candidats sur les critères et sous-critères d'attribution d'un marché public et les conditions de leur mise en œuvre sont nécessaires dès l'engagement de la procédure de passation d'un marché. Le pouvoir adjudicateur doit également porter à la connaissance des candidats la pondération ou la hiérarchisation des sous-critères dès lors que, eu égard à leur nature et à l'importance de cette pondération ou hiérarchisation, ils sont susceptibles d'exercer une influence sur la présentation des offres par les candidats ainsi que sur leur sélection et doivent en conséquence être eux-mêmes regardés comme des critères de sélection. Il n'est en revanche pas tenu d'informer les candidats de la méthode de notation des offres.

11. Il résulte de l'instruction, et notamment de l'avis de marché que les critères d'attribution étaient définis en tant que " offre économiquement la plus avantageuse appréciée en fonction des critères énoncés dans le cahier des charges, dans l'invitation à soumissionner ou à négocier encore dans le document descriptif ". Si le règlement de la consultation du marché prévoit un jugement des offres au regard d'un critère de prix des prestations, il ne précise pas les autres critères retenus et énoncés dans le cahier des charges, qui n'a en outre pas été versé au dossier et ne fait pas non plus mention de la pondération choisie par le parc national des Pyrénées. La société requérante ne peut ainsi être regardée comme ayant été informée lors de la préparation de son offre des modalités de mise en œuvre des critères choisis par le parc national des Pyrénées dans des conditions lui permettant de présenter son offre ainsi qu'elle aurait pu le faire si elle avait eu connaissance de ces critères et de la pondération utilisée. Par suite, il y a lieu de retenir le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 2152-11 du code de la commande publique.

12. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 2181-1 du code de la commande publique : " Dès qu'il a fait son choix, l'acheteur le communique aux candidats et aux soumissionnaires dont la candidature ou l'offre n'a pas été retenue, dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article R. 2181-1 du code de la commande publique🏛 : " L'acheteur notifie sans délai à chaque candidat ou soumissionnaire concerné sa décision de rejeter sa candidature ou son offre ". L'article R. 2181-3 du même code énonce que : " La notification prévue à l'article R. 2181-1 mentionne les motifs du rejet de la candidature ou de l'offre. / Lorsque la notification de rejet intervient après l'attribution du marché, l'acheteur communique en outre : / 1° Le nom de l'attributaire ainsi que les motifs qui ont conduit au choix de son offre ; / 2° La date à compter de laquelle il est susceptible de signer le marché dans le respect des dispositions de l'article R. 2182-1 ". Aux termes de l'article R. 2181-4 de ce code🏛 : " A la demande de tout soumissionnaire ayant fait une offre qui n'a pas été rejetée au motif qu'elle était irrégulière, inacceptable ou inappropriée, l'acheteur communique dans les meilleurs délais et au plus tard quinze jours à compter de la réception de cette demande : () / 2° Lorsque le marché a été attribué, les caractéristiques et les avantages de l'offre retenue ".

13. L'information sur les motifs du rejet de son offre dont est destinataire la société évincée de la procédure de conclusion d'un marché public, en application des dispositions citées au point précédent, a notamment pour objet de lui permettre de contester utilement le rejet qui lui est opposé devant le juge des référés précontractuels saisi en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative. Par suite, l'absence de respect de ces dispositions constitue un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence. L'absence de communication par le pouvoir adjudicateur de l'une des informations mentionnées par les dispositions du code de la commande publique citées au point précédent doit conduire le juge du référé précontractuel à enjoindre à ce dernier de communiquer les informations manquantes au candidat dont l'offre, bien que recevable, a été rejetée. Cependant, un tel manquement n'est plus constitué si l'ensemble des informations, mentionnées aux articles du code de la commande publique précités, a été communiqué au candidat évincé à la date à laquelle le juge des référés statue sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, et si le délai qui s'est écoulé entre cette communication et la date à laquelle le juge des référés statue a été suffisant pour permettre à ce candidat de contester utilement son éviction.

14. Il résulte de l'instruction que, par courrier du 30 mai 2024, la société Olinn services a été informée par le parc national des Pyrénées du rejet de son offre. Si le parc national des Pyrénées considère avoir rempli les obligations qui étaient les siennes au regard des articles R. 2181-1 et R. 2181-3 du code de la commande publique en informant la société évincée que la société Geslease, attributaire du marché avait formulé " l'offre la moins disante économiquement et la mieux disante techniquement ", il résulte de l'instruction que la société requérante n'a pas reçu communication de ses notes sur les différents critères. Elle n'a pas non plus été informée des notes obtenues sur chacun de ces critères par la société attributaire du marché. Dès lors, la notification du rejet de l'offre de la société Olinn services ne permettait pas à cette dernière de connaître les motifs du rejet de son offre ainsi que les caractéristiques et avantages de l'offre retenue. La société requérante n'a donc pas obtenu communication des informations de nature à lui permettre de connaître précisément les motifs de rejet de son offre qui lui auraient permis de contester utilement son éviction. Par suite, le courrier de rejet méconnaît les dispositions des articles R. 2181-1 et R. 2181-3 précités du code de la commande publique. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré du défaut de motivation du rejet de l'offre de la société Olinn services doit être accueilli.

15. En cinquième et dernier lieu, pour contester le rejet de son offre et l'attribution du marché à la société Geslease, la société Olinn services soulève, dans le dernier état de ses écritures, le moyen tiré de ce que l'offre de la société attributaire était irrégulière, dès lors que celle-ci ne justifiait pas de ses capacités financières, techniques et professionnelles pour exécuter le marché.

16. Aux termes de l'article L. 2142-1 du code de la commande publique🏛 : " L'acheteur ne peut imposer aux candidats des conditions de participation à la procédure de passation autres que celles propres à garantir qu'ils disposent de l'aptitude à exercer l'activité professionnelle, de la capacité économique et financière ou des capacités techniques et professionnelles nécessaires à l'exécution du marché. / Ces conditions sont liées et proportionnées à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution ". Aux termes de son article R. 2142-1 : " Les conditions de participation à la procédure de passation relatives aux capacités du candidat mentionnées à l'article L. 2142-1, ainsi que les moyens de preuve acceptables, sont indiqués par l'acheteur dans l'avis d'appel à la concurrence ou dans l'invitation à confirmer l'intérêt ou, en l'absence d'un tel avis ou d'une telle invitation, dans les documents de la consultation ". Aux termes de son article R. 2142-14 : " L'acheteur peut exiger que les opérateurs économiques disposent d'un niveau d'expérience suffisant, démontré par des références adéquates provenant de marchés exécutés antérieurement. Toutefois, l'absence de références relatives à l'exécution de marchés de même nature ne peut justifier, à elle seule, l'élimination d'un candidat ". Aux termes de son article R. 2143-3 : " Le candidat produit à l'appui de sa candidature : / () / 2° Les renseignements demandés par l'acheteur aux fins de vérification de l'aptitude à exercer l'activité professionnelle, de la capacité économique et financière et des capacités techniques et professionnelles du candidat ". Aux termes de son article R. 2144-1 : " L'acheteur vérifie les informations qui figurent dans la candidature, (). Cette vérification est effectuée dans les conditions prévues aux articles R. 2144-3 à R. 2144-5 ". Aux termes de son article R. 2144-3 : " La vérification de l'aptitude à exercer l'activité professionnelle, de la capacité économique et financière et des capacités techniques et professionnelles des candidats peut être effectuée à tout moment de la procédure et au plus tard avant l'attribution du marché ". Aux termes de son article R. 2144-6 : " L'acheteur peut demander au candidat de compléter ou d'expliquer les documents justificatifs et moyens de preuve fournis ou obtenus ".

17. Il résulte de ces dispositions que le pouvoir adjudicateur doit contrôler les garanties professionnelles, techniques et financières des candidats à l'attribution d'un marché public, au vu des documents ou renseignements demandés à cet effet dans les avis d'appel public à concurrence ou dans le règlement de la consultation dans les cas de procédures dispensées de l'envoi de tels avis. Les documents ou renseignements exigés à l'appui des candidatures doivent être objectivement rendus nécessaires par l'objet du marché et la nature des prestations à réaliser. Par ailleurs, le pouvoir adjudicateur n'est pas tenu de fixer dans les avis d'appel public à la concurrence des niveaux minimaux de capacités professionnelles, techniques et financières exigés des candidats. En revanche, lorsqu'il décide de le faire, ces niveaux minimaux sont précisés dans l'avis d'appel public à concurrence ou, en l'absence d'un tel avis, dans les documents de la consultation. Enfin, le juge du référé précontractuel ne peut censurer l'appréciation portée par le pouvoir adjudicateur sur les niveaux de capacité technique exigés des candidats à un marché public, ainsi que sur les garanties, capacités techniques et références professionnelles présentées par ceux-ci, que dans le cas où cette appréciation est entachée d'une erreur manifeste.

18. En l'absence de fixation, par le pouvoir adjudicateur, de niveaux minimaux de capacités financières, techniques et professionnelles dans les documents de la consultation, les circonstances que la société attributaire était en cours de formation au moment de la remise de son offre et qu'elle disposait d'un capital social de seulement cinq mille euros ne peuvent, à elles-seules, établir l'insuffisance des capacités financières, techniques et professionnelles d'un candidat ni justifier son élimination, le moyen tiré de ce que le parc national des Pyrénées aurait dû rejeter la candidature de la société Geslease pour ce motif doit être écarté.

19. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu, compte tenu de l'ensemble des manquements précités notamment au point 7, d'annuler l'ensemble de la procédure de passation pour le marché de services ayant pour objet la location longue durée de véhicules pour le parc national des Pyrénées.

Sur les conclusions à fins d'injonction :

20. l'annulation de la procédure de passation du marché de services du présent litige implique compte tenu du motif retenu au point 7 d'enjoindre au parc national des Pyrénées d'exclure la candidature de la société Geslease si ledit pouvoir adjudicateur décide de relancer une procédure de passation du marché de location longue durée de véhicules.

Sur les frais liés au litige :

21. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de la société Olinn services, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes que le parc national des Pyrénées et la société Geslease demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge du parc national des Pyrénées une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Olinn services et non compris dans les dépens.

O R D O N N E :

Article 1er : La procédure engagée par le parc national des Pyrénées pour l'attribution du marché de services ayant pour objet la location longue durée de véhicules pour le parc national des Pyrénées est annulée dans son ensemble.

Article 2 : il est enjoint au parc national des Pyrénées, s'il entend relancer la procédure de passation du marché de location longue durée de véhicules d'exclure la candidature de la société Geslease.

Article 3 : Le parc national des Pyrénées versera à la société Olinn services une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Olinn services, au parc national des Pyrénées et à la société Geslease.

Fait à Pau, le 9 juillet 2024.

La juge des référés,

M. A

La greffière,

M. CALOONE La République mande et ordonne au préfet des Hautes-Pyrénées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition :

La greffière,

N°2401526

Article, L551-1, CJA Article, L551-2, CJA Article, L151-4, C. com. Parc national Signature d'un marché Personne physique Attributaire d'un marché Procédure de consultation Prestation de service Égalité de traitement Procédure de mise en concurrence Capacité technique Capacités financières Conflit d'intérêts Procédure judiciaire Exigence de motivation Plans économiques Procédures de passation de certains contrats Avis d'appel public à la concurrence Pouvoirs adjudicateurs Intérêt public Respect du principe d'égalité Contrat de commande publique Principe de liberté d'accès Bonne utilisation Deniers publics Exclusion des personnes Dépôt des offres Rupture de l'égalité entre les candidats Candidats à l'attribution d'un marché Moyen inopérant Présentation d'une offre Critères d'attribution du marché Principes à la commande publique Exercice d'une influence Critères de sélection Information d'un candidat Critères définis Critères énoncés Critères retenus Décisions de rejet d'une candidature Notification du rejet Meilleurs délais Marché attribué Conclusion d'un marché public Candidat évincé Formulation d'une offre Défaut de motivation Capacité des candidats Moyen de preuve Capital social Partie condamnée

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