Jurisprudence : CJCE, 12-09-2002, aff. C-351/00

CJCE, 12-09-2002, aff. C-351/00

A3662AZN

Référence

CJCE, 12-09-2002, aff. C-351/00 . Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1101929-cjce-12092002-aff-c35100
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ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)


12 septembre 2002 (1)


"Politique sociale - Égalité de traitement entre hommes et femmes - Applicabilité de l'article 119 du traité CE (les articles 117 à 120 du traité CE ont été remplacés par les articles 136 CE à 143 CE) ou de la directive 79/7/CEE - Notion de 'rémunération - Régime de retraite des fonctionnaires"


Dans l'affaire C-351/00 ,


ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 234 CE, par le vakuutusoikeus (Finlande) et tendant à obtenir, dans une procédure engagée par


Pirkko Niemi,


une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de l'article 119 du traité CE (les articles 117 à 120 du traité CE ont été remplacés par les articles 136 CE à 143 CE) et de la directive 79/7/CEE du Conseil, du 19 décembre 1978, relative à la mise en oeuvre progressive du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale (JO 1979, L 6, p. 24),


LA COUR (cinquième chambre),


composée de MM. P. Jann, président de chambre, S. von Bahr, D. A. O. Edward, M. Wathelet et C. W. A. Timmermans (rapporteur), juges,


avocat général: M. S. Alber,


greffier: M. H. von Holstein, greffier adjoint,


considérant les observations écrites présentées:


- pour Mme Niemi, par Me S. Salovaara, asianajaja,


- pour le gouvernement finlandais, par Mme T. Pynnä, en qualité d'agent,


- pour la Commission des Communautés européennes, par MM. A. Aresu et M. Huttunen, en qualité d'agents,


vu le rapport d'audience,


ayant entendu les observations orales de Mme Niemi, représentée par Me S. Salovaara, du gouvernement finlandais, représenté par Mme T. Pynnä, et de la Commission, représentée par M. M. Huttunen et Mme H. Michard, en qualité d'agent, à l'audience du 13 décembre 2001,


ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 21 février 2002,


rend le présent


Arrêt


1.


Par jugement du 18 janvier 2000, parvenu à la Cour le 21 septembre suivant, le vakuutusoikeus (tribunal des assurances sociales) a posé, en vertu de l'article 234 CE, une question préjudicielle relative à l'interprétation de l'article 119 du traité CE (les articles 117 à 120 du traité CE ont été remplacés par les articles 136 CE à 143 CE) et de la directive 79/7/CEE du Conseil, du 19 décembre 1978, relativeà la mise en oeuvre progressive du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale (JO 1979, L 6, p. 24).


2.


Cette question a été soulevée dans le cadre d'un litige opposant Mme Niemi au Valtiokonttori (organisme de gestion du régime des pensions de l'État) au sujet de la légalité d'une décision préalable contraignante de ce dernier relative à l'âge à compter duquel elle pouvait prétendre au bénéfice d'une pension de vieillesse.


Le cadre juridique


La réglementation communautaire


3.


L'article 119, premier et deuxième alinéas, du traité dispose:


"Chaque État membre assure au cours de la première étape, et maintient par la suite, l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins pour un même travail.


Par rémunération, il faut entendre, au sens du présent article, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier."


4.


Depuis le 1er mai 1999, date de l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam, l'article 141 CE prévoit:


"1. Chaque État membre assure l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur.


2. Aux fins du présent article, on entend par rémunération, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier.


[...]"


5.


L'article 141, paragraphes 1 et 2, premier alinéa, CE est donc, en substance identique à l'article 119, premier et deuxième alinéas, du traité.


6.


Le protocole sur l'article 119 du traité instituant la Communauté européenne (ci-après le "protocole Barber"), annexé au traité CE par le traité sur l'Union européenne, dispose:


"Aux fins de l'application de l'article 119, des prestations en vertu d'un régime professionnel de sécurité sociale ne seront pas considérées comme rémunération si et dans la mesure où elles peuvent être attribuées aux périodes d'emploi antérieures au 17 mai 1990, exception faite pour les travailleurs ou leurs ayants droit qui ont, avant cette date, engagé une action en justice ou introduit une réclamation équivalente selon le droit national applicable."


7.


La directive 79/7 s'applique, conformément à son article 3, paragraphe 1, sous a), aux régimes légaux qui assurent une protection contre, notamment, le risque de vieillesse.


8.


L'article 4, paragraphe 1, de la directive 79/7 prévoit:


"Le principe de l'égalité de traitement implique l'absence de toute discrimination fondée sur le sexe, soit directement, soit indirectement par référence, notamment, à l'état matrimonial ou familial, en particulier en ce qui concerne:


- le champ d'application des régimes et les conditions d'accès aux régimes,


- l'obligation de cotiser et le calcul des cotisations,


- le calcul des prestations, y compris les majorations dues au titre du conjoint et pour personne à charge et les conditions de durée et de maintien du droit aux prestations."


9.


Aux termes de l'article 7, paragraphe 1, sous a), de la directive 79/7:


"La présente directive ne fait pas obstacle à la faculté qu'ont les États membres d'exclure de son champ d'application:


a) la fixation de l'âge de la retraite pour l'octroi des pensions de vieillesse et de retraite et les conséquences pouvant en découler pour d'autres prestations".


10.


Selon l'article 4, paragraphe 1, sous c) du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) n° 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996 (JO 1997, L 28, p. 1, ci-après le "règlement n° 1408/71"), ce règlement s'applique à toutes les législations relatives aux branches de sécurité sociale concernant les prestations de vieillesse.


11.


En vertu de l'article 5 du règlement n° 1408/71, la république de Finlande a mentionné, notamment, les législations et régimes visés à l'article 4, paragraphe 1, du même règlement dans une déclaration qui a été notifiée au Conseil et publiéeconformément à l'article 97 dudit règlement (JO 1999, C 234, p. 3). Dans cette déclaration sont notamment mentionnées la kansaneläkelaki (loi sur les pensions nationales) 347/1956, au titre du régime des pensions nationales, et la valtion eläkelaki (loi sur les pensions du personnel de l'État) [280]/1966, au titre du régime de pension des travailleurs.


La réglementation nationale


12.


La juridiction de renvoi relève que, en Finlande, tout travail, public ou privé, doit, aux termes de la loi, être couvert par un régime de pension, dénommé le "régime de pension des travailleurs". Le régime de pension des travailleurs prévu par la valtion eläkelaki 280/1966, telle que modifiée par la loi 638/1994 (ci-après la "loi 280/1966"), couvre toute personne qui est liée à l'État soit comme agent public, soit comme salarié de droit commun. Les employés des forces de défense relèvent du régime de pension prévu par la loi 280/1966.


13.


Le montant de la pension due en application de la loi 280/1966 est déterminé en fonction de l'ancienneté et du niveau des revenus considéré comme constant. Le montant de la pension augmente de 1,5 % par année de service. Le niveau des revenus considéré comme constant est déterminé en fonction des revenus professionnels des dernières années de service.


14.


La juridiction de renvoi relève que l'âge de la retraite prévu par la loi 280/1966 est actuellement de 65 ans. En ce qui concerne quelques catégories de travailleurs, il est toutefois prévu un droit à pension de vieillesse à un âge inférieur à l'âge normal de la retraite, notamment à l'âge limite auquel le travailleur est tenu de cesser ses fonctions. Un tel âge est prévu par la législation régissant l'administration ou l'organe concerné, qui est, dans l'affaire au principal, l'asetus puolustusvoimista (décret sur les forces de défense) 667/1992, tel que modifié par le décret 1032/1994 (ci-après le "décret 667/1992").


15.


Auparavant, le régime de pension appliqué aux engagés des forces de défense prévoyait une limite d'âge fixée à 60 ans pour les femmes et à 50 ans pour les hommes. Ce régime a été modifié par une législation de 1994. Selon le régime actuellement en vigueur, les postes des engagés sont classés suivant la nature des fonctions en postes du personnel militaire spécialisé et en postes civils, sans considération tenant au sexe. Le fonctionnaire ayant atteint la limite d'âge, qui est de 55 ans pour la première catégorie et de 65 ans pour la seconde, doit cesser ses fonctions et il a alors droit à une pension de vieillesse. Le nouveau régime est appliqué aux relations d'emploi qui ont commencé au plus tôt le 1er janvier 1995.


16.


En ce qui concerne les relations d'emploi ayant commencé avant le 1er janvier 1995, la limite d'âge est déterminée par des dispositions transitoires spécifiques. Selon celles-ci, la limite d'âge dans les relations d'emploi anciennes est, en ce qui concerne les engagés, de 50 à 55 ans pour les hommes en fonction de l'ancienneté et de 60 ans pour les femmes. Toutefois, quel que soit son sexe, le fonctionnairequi a commencé à occuper son poste avant le 1er janvier 1995 a droit à une pension s'il compte au moins 30 ans d'ancienneté dans un tel poste. Dans l'affaire au principal, les dispositions suivantes sont pertinentes.


17.


L'article 4 de la loi 280/1966 prévoit:


"L'âge de la retraite du nouveau bénéficiaire visé à l'article 1er, troisième alinéa, de la présente loi est de 65 ans. [...]"


18.


Toutefois, en vertu de l'article 8, paragraphe 4, de la loi 280/1966, une pension de vieillesse est perçue avant d'avoir atteint l'âge de la retraite:


"[...]


2) si le fonctionnaire qui sert comme militaire spécialisé dans les forces de défense ou comme garde-frontière au service de la police des frontières atteint au terme de son service l'âge de 55 ans et compte au moins 30 années d'activité prises en compte pour la retraite dans une telle fonction, dont au moins six mois immédiatement avant la fin de son service et trois ans au cours des cinq dernières années ayant immédiatement précédé la fin de son service;


[...]


4) si le bénéficiaire a atteint la limite d'âge."


19.


Les dispositions transitoires du décret 667/1992 concernant la limite d'âge pour les engagés des forces de défense prévoient une limite d'âge qui s'étale de 50 à 55 ans pour les hommes et qui est fixée à 60 ans pour les femmes.


Le litige au principal et la question préjudicielle


20.


Mme Niemi a demandé que lui soit précisé l'âge auquel elle pouvait prétendre à une pension de vieillesse. Mme Niemi, qui a servi dans les forces de défense comme "engagée" à partir du 1er avril 1969, a atteint l'âge de 55 ans le 1er novembre 1993 et l'âge de 60 ans le 1er novembre 1998. Le 31 mars 1999, elle totalisait 30 ans d'ancienneté dans les forces de défense.


21.


Mme Niemi, en tant qu'engagée des forces de défense, relève du régime de pension prévu par la loi 280/1966 dont la limite d'âge est fixée par le décret 667/1992. Ledit régime est géré par le Valtiokonttori, qui statue sur les demandes de pension en première instance. Pour connaître l'âge auquel elle aurait droit à une pension de vieillesse attribuée sur le fondement de ses années de service, Mme Niemi a demandé audit Valtiokonttori une décision préalable contraignante. Par décisiondu 26 avril 1995, ce dernier a constaté que Mme Niemi n'avait pas droit à une pension de vieillesse avant d'avoir atteint la limite d'âge de 60 ans.


22.


Mme Niemi a formé un recours contre ladite décision du Valtiokonttori devant la Valtion eläkelautakunta, en demandant le bénéfice d'une pension de vieillesse à compter de l'âge de 55 ans. Par décision du 20 décembre 1995, le recours de Mme Niemi a été rejeté.


23.


Mme Niemi a fait appel de la décision de la Valtion eläkelautakunta devant le vakuutusoikeus en demandant à celui-ci de constater qu'elle a droit au bénéfice d'une pension de vieillesse à compter de l'âge de 55 ans. À l'appui de son recours, elle fait valoir qu'un homme ayant effectué exactement la même carrière que la sienne et ayant occupé exactement les mêmes fonctions pourrait faire valoir ses droits à une pension de vieillesse à partir de l'âge de 50 à 55 ans, alors que celui des engagés des forces de défense de sexe féminin est de 60 ans sans exception. Dès lors, elle soutient que les dispositions transitoires du régime de pension actuellement en vigueur concernant les engagés des forces de défense constituent une discrimination fondée sur le sexe qui est en contradiction avec la loi finlandaise sur l'égalité des sexes et avec le droit communautaire.


24.


Le vakuutusoikeus considère que le régime de pension en cause n'est pas contraire au droit national. Cependant il émet des doutes sur le point de savoir si les pensions versées en application de la loi 280/1966 entrent dans le champ d'application de l'article 119 du traité et si ledit régime est en contradiction avec l'interdiction de discrimination prévue par cette disposition.


25.


À cet égard, le vakuutusoikeus relève que le régime de pension des travailleurs en Finlande diffère de presque tous les autres systèmes de pension des travailleurs en vigueur dans les autres pays de la Communauté puisqu'il couvre obligatoirement tout travail, qu'il soit effectué dans les secteurs public ou privé, ainsi que le travail accompli en tant qu'entrepreneur.

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