Jurisprudence : Cass. com., 02-07-2002, n° 00-14.939, inédit, Rejet

Cass. com., 02-07-2002, n° 00-14.939, inédit, Rejet

A0497AZG

Référence

Cass. com., 02-07-2002, n° 00-14.939, inédit, Rejet. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1096207-cass-com-02072002-n-0014939-inedit-rejet
Copier


COMM.
L.G.
COUR DE CASSATION
Audience publique du 2 juillet 2002
Rejet
M. DUMAS, président
Pourvoi n° P 00-14.939
Arrêt n° 1299 F D
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant

Sur le pourvoi formé par la société Intercaves, société à responsabilité limitée, dont le siège est Boissy-Saint-Léger,
en cassation d'un arrêt rendu le 23 février 2000 par la cour d'appel de Rennes (2e chambre commerciale), au profit

1°/ de Mlle Marie-Hélène Le Z, demeurant Lorient,

2°/ de M. X, ès qualités de représentant des créanciers du redressement judiciaire de Mlle Marie-Hélène Le Z, domicilié Lorient,
défenderesses à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au Procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 22 mai 2002, où étaient présents M. Dumas, président, Mme Mouillard, conseiller référendaire rapporteur, M. Métivet, conseiller, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Mouillard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bouzidi, avocat de la société Intercaves, de Me Odent, avocat de Mlle Le Z et de M. X, les conclusions de M. Feuillard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué (Rennes, 23 février 2000) que la société Intercaves, ayant pour objet la vente et la distribution de vins et spiritueux, a signé avec Mlle Le Z quatre contrats de franchise successifs, les deux premiers, des 30 avril et 1er décembre 1988, lui conférant la distribution exclusive de ses produits sur la moitié de la ville de Lorient côté Lanester, puis sur Languidic Hennebont, le troisième, du 26 novembre 1989, lui accordant l'exclusivité sur le secteur de Lorient Ouest et Lanester, et le quatrième, du 26 mai 1994, intitulé "contrat de partenariat", remplaçant et annulant toute convention antérieure et reprenant l'essentiel des clauses antérieures, à l'exception de la clause de prix imposés ; que, la société Intercaves lui ayant notifié le 31 mai 1995 la suspension des livraisons en raison d'impayés, Mlle Le Z l'a assignée en annulation des contrats sur le fondement des articles 7 et 9 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches
Attendu que la société Intercaves fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement ayant annulé les contrats de franchise et ordonné une expertise pour faire les comptes de restitution entre les parties alors, selon le moyen
1°) qu'en affirmant que la clause d'approvisionnement exclusif, insérée dans les contrats de distribution et de franchise puis dans le contrat de partenariat, en interdisant aux franchisés de se procurer des produits équivalents, qui pourtant existaient, auprès de fournisseurs de leur choix, concurrents du franchiseur, n'était nullement nécessaire pour maintenir l'identité commune ou la réputation du réseau franchisé, qu'il était possible, au vu de la nature des produits vendus, d'appliquer des spécifications objectives de qualité, la cour d'appel, qui ne procède à aucune analyse des dites conventions en vue de vérifier si la clause n'était pas nécessaire au maintien de l'identité commune ou à la réputation du réseau, se contentant de relever la nature des produits vendus, a privé sa décision de base légale au regard des articles 7-1 et 7-2 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
2°) qu'elle faisait valoir qu'il résultait de l'article 18 du contrat du 26 mai 1994 qu'il "remplace et annule toute convention antérieure ayant pu intervenir entre les parties", invitant la cour d'appel à constater la régularité de ce contrat qui ne contenait plus de clause de prix imposés mais une clause de prix conseillés ; qu'ayant constaté que dans ce contrat le franchiseur incitait fortement le franchisé à appliquer les taux de marge communiqués, que dans un courrier du 10 octobre 1994, il conseillait vivement au franchisé de réajuster les tarifs relatifs aux prix de vente d'appel, ces produits et tarifs n'ayant d'autre but que la fidélisation de la clientèle et l'augmentation du tarif magasin, que le franchiseur précisait avoir relevé la baisse de la vente de vins en vrac, conseillant au franchisé de réajuster ses prix en fonction de ceux conseillés, que le prix d'achat de ces marchandises était déterminé par le franchiseur, puis affirmé que le franchisé était lié par la politique de prix établis par le franchiseur pour en déduire qu'elle justifiait l'annulation du contrat dès lors que par l'effet de la clause d'approvisionnement exclusif, les prix étaient déterminées dans les proportions contraires aux dispositions de l'ordonnance du 1er décembre 1986 dont il ressortait que le franchisé était libre de fixer son prix de vente, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales s'évinçant de ses propres constatations et a violé les articles 7 et suivants de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant constaté que la clause insérée dans les quatre contrats, qui interdisait au franchisé de se procurer des produits équivalents auprès de concurrents du franchiseur, n'était pas nécessaire au maintien de l'identité commune ou à la réputation du réseau et que, compte tenu de la nature des produits, qu'elle décrit, il était possible d'appliquer des spécifications objectives de qualité, la cour d'appel a légalement justifié sa décision sans être tenue de procéder à la recherche inopérante visée par le moyen ;
Attendu, d'autre part, que l'arrêt constate que les trois premiers contrats contenaient une clause par laquelle le franchisé s'engageait à "appliquer à la clientèle un tarif uniforme conforme à celui communiqué par la société Intercaves et à ne pas consentir de remises injustifiées ni de prix abusifs", que si cette clause ne figurait pas dans le quatrième, le franchisé s'y était néanmoins engagé à appliquer scrupuleusement la politique commerciale et les méthodes de vente définies par la société Intercaves, et cette dernière avait poursuivi ses pratiques antérieures en incitant fortement le franchisé à appliquer le taux de marge communiqué par elle, qu'ainsi, par une lettre du 10 octobre 1994, elle lui "conseillait vivement" de réajuster les tarifs relatifs aux produits d'appel, jugés trop élevés, et l'invitait à relever son prix de vente du vin en vrac, jugé trop bas, "en fonction de ceux conseillés" par elle ; qu'à partir de ces seuls motifs, abstraction faite de ceux surabondants visés par le moyen, la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Et sur le second moyen, pris en ses deux branches
Attendu que la société Intercaves fait le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen
1°) qu'elle faisait valoir que l'article 18 du contrat du 26 mai 1994 disposait qu'il annulait et remplaçait toute convention antérieure ; qu'en affirmant que ce contrat distinct, au plan formel des trois précédents n'en constituait que le prolongement puisqu'ils visent tous au même objet, à savoir l'écoulement par Mlle Le Z des marchandises fournies par la société Intercaves, qu'il changeait d'intitulé, sans que les principales dispositions des présents contrats ne soient modifiées en leurs dispositions principales, qu'étaient ainsi prorogées la clause d'exclusivité, l'obligation d'achat minimum et de constitution du stock initial, que le dernier contrat n'avait aucune autonomie par rapport aux précédents, sans préciser en quoi ces éléments étaient de nature à retirer toute autonomie au contrat du 26 mai 1994, lequel se suffisait à lui-même, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;
2°) qu'en affirmant que les parties, qui se croyaient à tort liées par l'accord initial, n'ont fait, à l'initiative du franchiseur, que modifier de façon non substantielle leurs relations contractuelles qui se sont poursuivies dans le cadre de l'accord initial dont les modalités d'exécution ont été définies et amendées par les différents contrats successifs pour en déduire que, les trois premières conventions étant nulles, la quatrième n'a pu couvrir les nullités les affectant dès lors que celle-ci n'a pas mis fin aux causes de nullité tenant à l'existence non justifiée de la clause d'approvisionnement exclusif, de l'obligation de constitution d'un stock minimum important et de l'obligation d'achat annuel minimum elle aussi conséquente, que ce contrat n'a pu, contrairement à ce qui est stipulé, annuler et remplacer les contrats antérieurs, la cour d'appel, qui ne précise nullement d'où il ressortait que les parties s'étaient considérées liées par l'accord initial pour conclure le contrat du 26 mai 1994, n'a par là-même relevé aucune preuve produite par le franchisé et a privé sa décision de base légale au regard des articles 1109 et suivants du Code civil ;

Mais attendu que, si c'est à tort que, pour annuler les quatre contrats et écarter les conclusions de la société Intercaves qui soutenait que seul devait être pris en compte le contrat de partenariat, la cour d'appel a décidé, au prix d'une dénaturation des termes clairs de ce contrat qui précisait qu'il remplaçait et annulait toute convention antérieure, qu'il n'était que le prolongement des contrats antérieurs, dont il n'était pas autonome, et qu'il n'avait pu couvrir les nullités les affectant, la décision se trouve cependant justifiée dès lors que la nullité des contrats litigieux avait pour effet de les priver rétroactivement de tout effet, peu important qu'ils aient été résiliés entre-temps ; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses deux branches ;

PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Intercaves aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, la condamne à payer à Mlle Le Z et à M. X, en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de Mlle Le Z, une somme globale de 1 800 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du deux~juillet~deux mille deux.

Agir sur cette sélection :