COUR DE CASSATION ______________________ LM
CHAMBRE MIXTE
Audience publique du12 avril 2002
Rejet
M. CANIVET, premier président
Arrêt n° 208 P
Pourvoi n° R 00-18.529
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, siégeant en CHAMBRE MIXTE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par la société civile immobilière (SCI) du 32, rue de Seine, dont le siège est Colombes,
en cassation d'un arrêt rendu le 2 juin 2000 par la cour d'appel de Versailles (1re chambre, 2e section), au profit de la société La Boudinette, dont le siège est Colombes,
défenderesse à la cassation ;
Le premier président a, par ordonnance du 20 décembre 2001, renvoyé le pourvoi devant une chambre mixte composée des Première, Deuxième, Troisième chambres civiles, de la Chambre commerciale, financière et économique et de la Chambre sociale ;
La demanderesse invoque, devant la Chambre mixte, les moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Ces moyens ont été formulés dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de Cassation par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société civile immobilière (SCI) du 32, rue de Seine ;
Un mémoire en défense a été déposé au greffe de la Cour de Cassation par la SCP Nicolaÿ et de Lanouvelle, avocat de la société La Boudinette ;
Sur quoi, LA COUR, siégeant en Chambre mixte, en l'audience publique du 5 avril 2002, où étaient présents M. V, premier président, MM. U, U, U, U, U, présidents, Mme T, conseiller rapporteur, M. Renard-Payen, Mme Fossereau, MM. Guerder, Tricot, Merlin, Boubli, Toitot, Villien, Aubert, Jean-Claude Guérin, Etienne, Mazars, Mmes Lardennois, Favre, conseillers, M. Olivier S, avocat général, Mme R, greffier en chef ;
Sur le rapport de Mme T, conseiller, assistée de Mme Q, auditeur, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, de la SCP Nicolaÿ et de Lanouvelle, les conclusions de M. S, avocat général, auxquelles les parties invitées à le faire, n'ont pas souhaité répliquer, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le premier moyen
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 2 juin 2000), que la société civile immobilière du 32, rue de Seine (la SCI), propriétaire de locaux à usage commercial donnés à bail à la société La Boudinette, a assigné la locataire en remboursement de charges locatives estimées indûment acquittées ;
Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli la demande, alors, selon le moyen, que la prescription quinquennale instituée par l'article 2277 du Code civil concerne les actions en paiement, non seulement des loyers, mais généralement de tout ce qui est payable par année ou à des termes périodiques plus courts ; que cette prescription est donc applicable au paiement des charges locatives d'un immeuble ; qu'en déclarant le contraire, pour écarter la forclusion invoquée par la SCI, la cour d'appel a violé l'article 2277 du Code civil;
Mais attendu que si l'action en paiement de charges locatives, accessoires aux loyers, se prescrit par cinq ans, l'action en répétition des sommes indûment versées au titre de ces charges, qui relève du régime spécifique des quasi-contrats, n'est pas soumise à la prescription abrégée de l'article 2277 du Code civil ; qu'ainsi l'arrêt est légalement justifié ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les autres moyens dont aucun ne serait de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société civile immobilière du 32, rue de Seine aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société civile immobilière du 32, rue de Seine à payer à la société La Boudinette la somme de 1 800 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, siégeant en Chambre mixte, et prononcé par le premier président en son audience publique du douze avril deux mille deux.
LE CONSEILLER RAPPORTEUR, LE PREMIER PRÉSIDENT, LE GREFFIER EN CHEF,
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société civile immobilière (SCI) du à Colombes.
MOYENS ANNEXES à l'arrêt n° 209 P (Chambre mixte)
PREMIER MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la SCI du 32, rue de Seine à rembourser la somme de 460 120,26 francs avec intérêts légaux à compter du 16 mai 1997 à la société LA BOUDINETTE,
AUX MOTIFS QUE la SCI du 32, rue de Seine soulève la forclusion de la société LA BOUDINETTE en son action sur le fondement de la prescription quinquennale de l'article 2277 du Code civil ; que la réclamation de la société LA BOUDINETTE porte non sur des loyers mais sur des charges ; qu'il est de droit constant que les charges locatives ne sont pas du domaine de l'article 2277 du Code civil ;
ALORS QUE la prescription quinquennale instituée par l'article 2277 du Code civil concerne les actions en paiement, non seulement des loyers, mais généralement de tout ce qui est payable par année ou à des termes périodiques plus courts ; que cette prescription est donc applicable au paiement des charges locatives d'un immeuble ; qu'en déclarant le contraire, pour écarter la forclusion invoquée par la SCI du 32, rue de Seine, la cour d'appel a violé l'article 2277 du Code civil ;
SECOND MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit la société LA BOUDINETTE fondée en sa demande de répétition de l'indu et d'avoir condamné la SCI du 32, rue de Seine à rembourser la somme de 460 120,26 francs avec intérêts légaux à compter du 16 mai 1997 à la société LA BOUDINETTE,
AUX MOTIFS QUE la novation ne se présume pas ; qu'elle doit résulter, à défaut d'une expression formelle, d'actes positifs non équivoques ; que le paiement régulier de charges indues, même pendant une longue durée de seize ans, n'est pas en lui-même constitutif d'actes positifs non équivoques alors que les sommes réclamées au titre de l'impôt foncier étaient nécessairement appelées avec d'autres sommes normalement payables par le locataire ; que la société LA BOUDINETTE n'a jamais explicitement ou implicitement accepté quelque modification que ce soit du contrat de bail initial sur ce point ; que la SCI du 32, rue de Seine invoque une lettre de 1981 à laquelle la société LA BOUDINETTE n'a pas répondu ; qu'il ne peut en être inféré la novation invoquée ; que le premier juge a donc justement dit que les impôts fonciers n'avaient pas été mis contractuellement à la charge du preneur ;
ALORS, D'UNE PART, QUE la SCI du 32, rue de Seine faisait valoir dans ses conclusions d'appel que la lettre du 27 octobre 1981 et son annexe complétait les stipulations du bail du 31 juillet 1981, renouvelé le 24 février 1993, et que ces documents avaient valeur contractuelle entre les parties ; que la cour d'appel, qui a approuvé le premier juge d'avoir dit que les impôts fonciers n'avaient pas été mis contractuellement à la charge du preneur, en retenant que la novation invoquée n'était pas établie, a dénaturé les conclusions d'appel de l'exposante et violé l'article 1134 du Code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE le juge doit trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; que la cour d'appel qui, pour énoncer que les impôts fonciers n'avaient pas été mis contractuellement à la charge du preneur, a recherché l'existence d'une novation, dont les règles étaient inapplicables en l'espèce, a violé l'article 12 du nouveau Code de procédure civile ;
ALORS, ENFIN, QUE la cour d'appel qui, pour dénier à l'impôt foncier le caractère de charge locative contractuellement prévue, retient le fait que les sommes réclamées au titre des impôts fonciers ont été appelées avec d'autres sommes normalement payables par le locataire et que la société LA BOUDINETTE n'a jamais explicitement ou implicitement accepté quelque modification que ce soit du contrat de bail initial sur ce point, sans rechercher si les relevés de charges ne faisaient pas précisément apparaître un poste impôt foncier dont le locataire aurait nécessairement eu connaissance en payant ses charges annuelles et dont il aurait ainsi implicitement accepté qu'il soit mis à sa charge, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil.
TROISIÈME MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit la SCI du 32, rue de Seine mal fondée à refacturer à la société LA BOUDINETTE la somme de 6 513,77 francs au titre du contrat Merlin-Gérin et de l'avoir condamnée en conséquence à rembourser cette somme à la société LA BOUDINETTE,
AUX MOTIFS QUE la SCI du 32, rue de Seine ne peut, au vu des pièces versées, prétendre n'avoir pas su que sa locataire avait rénové son installation électrique puisqu'elle évoque ce fait dès le mois d'octobre 1991 dans une lettre adressée à la société LA BOUDINETTE ; que dans ces conditions, la réclamation de cette dernière apparaît fondée et justifiée et doit être accueillie ;
ALORS, D'UNE PART, QUE tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; que la cour d'appel qui, pour condamner la SCI du 32, rue de Seine à rembourser à la société LA BOUDINETTE la somme de 6 513,77 francs au titre du contrat Merlin-Gérin, se borne à énoncer que la réclamation de cette dernière apparaît fondée et justifiée et doit être accueillie, ne permet pas à la Cour de Cassation d'exercer son contrôle sur la nature et l'exigibilité de la créance litigieuse et méconnaît en conséquence les exigences des articles 455, alinéa 1er, et 458, alinéa 1er, du nouveau Code de procédure civile ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE la SCI du 32, rue de Seine faisait valoir, dans ses conclusions d'appel, que la lettre du 10 octobre 1991 dont se prévalait la société LA BOUDINETTE pour demander le remboursement des charges "Bloc Feu" et "Merlin-Gérin", était une demande d'information à laquelle il n'avait jamais été répondu ; qu'en ne répondant pas à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit la SCI du 32, rue de Seine mal fondée à refacturer à la société LA BOUDINETTE la somme de 4 119,26 francs au titre des frais d'élagage pour l'année 1996,
AUX MOTIFS QUE la société LA BOUDINETTE soutient qu'elle ne saurait supporter des frais d'élagage au motif que le bail, qui fait la loi des parties, ne porte que sur des bureaux et des emplacements de parking ; que la SCI du 32, rue de Seine n'a pas conclu sur ce point ; que le bail étant muet sur une éventuelle participation à l'entretien des parties communes spécifiques, tels qu'espaces verts, l'objection de la société LA BOUDINETTE est fondée et doit être retenue ; que là encore le jugement de première instance doit être réformé ;
ALORS, D'UNE PART, QUE la SCI du 32, rue de Seine indiquait dans ses conclusions d'appel que "en ce qui concerne les charges de participation à l'élagage, l'appelante n'apporte aucun élément nouveau alors que les dispositions de l'article 606 du Code civil mettent ce poste à la charge de la preneuse"; qu'en relevant que la SCI du 32, rue de Seine n'a pas conclu sur ce point, la cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel de l'exposante et violé l'article 1134 du Code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE la participation du locataire aux charges d'élagage des arbres dépendant de l'immeuble résulte du contrat de bail selon lequel le preneur s'engage à rembourser au bailleur "la quote part des charges et prestations, taxe d'enlèvement des ordures ménagères, de déversement à l'égout, de balayage et autres, incombant à l'immeuble"; qu'en énonçant que le bail est muet sur une éventuelle participation à l'entretien des parties communes spécifiques tels qu'espaces verts, la cour d'appel a dénaturé le contrat de bail et violé l'article 1134 du Code civil ;
LE GREFFIER EN CHEF,