Cour de Cassation
Chambre civile 1
Audience publique du 9 Mai 1990
Rejet
N° de pourvoi 88-19.220
Président M. JOUHAUD
Demandeur compagnie des Assurances générales de France
Défendeur société de Travaux publics Fassi
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par la compagnie des Assurances générales de France, ayant siège à Paris (2ème), 87, rue de Richelieu,
en cassation d'un arrêt rendue le 11 mai 1988 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (8ème chambre), au profit de la société de Travaux publics Fassi, société anonyme en règlement judiciaire, ayant siège dans la zone industrielle à Carros (Alpes-Maritimes), assistée de M. ..., syndic au règlement judiciaire, demeurant à Mougins (Alpes-Maritimes),
défenderesse à la cassation ;
LA COUR, composée selon l'article L 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 13 mars 1990, où étaient présents
M. Jouhaud, président, M. Mabilat, conseiller rapporteur, M. Viennois, conseiller, M. Sadon, premier avocat général, Mlle Ydrac, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M le conseiller Mabilat, les observations de Me ..., avocat de la compagnie des Assurances générales de France, de Me ..., avocat de la société de travaux publics Fassi, les conclusions de M. Sadon, premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
dd Sur le moyen unique, pris en ses deux branches
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que la société Mistral Travaux a sous-traité l'exécution, à Sainte-Agnès (Alpes-Maritimes), d'un marché de travaux de terrassement à la société de Travaux publics Fassi (société Fassi) ;
que celle-ci ayant déposé les terres excédentaires, non au lieu indiqué par le contrat, mais à proximité du chantier et en bordure d'un petit vallon, la masse de terre ainsi constituée a glissé, sous l'effet de pluies abondantes, dans le vallon qui a été suffisamment obstrué pour empêcher l'évacuation normale des eaux ;
qu'après expertise et à la demande de la commune de Sainte-Agnès, la société Mistral Travaux a été condamnée, en référé, à exécuter les travaux de remise en état, préconisés par l'expert ;
qu'en outre, le juge des référés a condamné la société Fassi et son assureur, la Compagnie des Assurances générales de France (AGF), à garantir la société Mistral Travaux de cette condamnation ;
que les travaux ayant été exécutés par la société Fassi, celle-ci a assigné les AGF en garantie de leur coût ;
que l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 11 mai 1988) a accueilli la demande en son principe et alloué une provision à la société Fassi dans l'attente des résultats d'une expertise destinée à vérifier les travaux et à en fixer le coût ;
Attendu que la Compagnie des AGF fait grief à cet arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen, d'une part, que, en déclarant que l'action récursoire de la société Mistral Travaux contre la société Fassi était de nature délictuelle du seul fait que l'action de la commune de Sainte-Agnès à l'encontre de la première de ces sociétés était de cette nature, bien que la société Mistral Travaux eût demandé la garantie de la société Fassi pour l'inexécution, par celle-ci, des obligations résultant du marché qui les liait, la cour
d'appel a dénaturé l'acte d'appel en garantie, ainsi que les décisions rendues en référé, et a, en outre, méconnu le principe du non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle, et alors, d'autre part, que la police
d'assurance "couvrait" uniquement la responsabilité délictuelle prévue aux articles 1382 à 1386 du Code civil et la responsabilité décennale, à l'exclusion des dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré ou de ceux consécutifs à une mauvaise application du contrat et normalement prévisibles pour l'entreprise ;
qu'en déclarant, néanmoins, la garantie applicable à un dommage résultant d'une méconnaissance volontaire, par l'assuré, des stipulations contractuelles qui lui étaient imposées, la cour d'appel a dénaturé la police d'assurance ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'assignation en garantie, délivrée à la société Fassi, n'indiquait pas le fondement que la société Mistral Travaux entendait donner à sa demande et que, pas plus, l'ordonnance de référé du 7 mars 1985 ne précise la nature de la responsabilité sur laquelle est fondée la condamnation de la société Fassi à garantir la société Mistral Travaux des travaux que celle-ci doit exécuter ;
qu'en outre, l'arrêt attaqué énonce, à juste titre, que la commune de Sainte-Agnès étant un tiers auquel le dommage subi ouvre, à l'encontre des deux sociétés Mistral Travaux et Fassi, l'action en responsabilité délictuelle, le recours en garantie exercé par la première contre la seconde de ces sociétés est lui-même de nature délictuelle, en dépit de la circonstance que la faute commise par la société Fassi consiste en un manquement de sa part à une obligation mise à sa charge par le sous-traité conclu par elle ;
que, par suite, aucun des griefs visés à la première branche du moyen n'est fondé ;
Et attendu, en second lieu, que la Compagnie des AGF n'a pas soutenu devant la cour d'appel que le dommage causé par la société Fassi était exclu de la garantie d'assurance parce qu'il résultait d'une faute intentionnelle ou dolosive ou qu'il était consécutif à une mauvaise "application" du contrat et normalement prévisible par l'entrepreneur de travaux assuré ;
qu'elle a fait seulement valoir qu'elle garantissait la responsabilité civile de la société Fassi en raison des dommages accidentels causés à des tiers ou à des clients "dans le cadre de l'exploitation" et qu'en l'espèce, le dommage ne résulte pas d'un accident ;
que la cour d'appel, ayant constaté qu'aucune stipulation de la police n'exige que le dommage, pour être garanti, ait une cause accidentelle et ayant, par ailleurs, retenu que la responsabilité encourue, en l'espèce, par la société Fassi était de nature délictuelle, en a déduit, hors de toute dénaturation de la police, que la garantie d'assurance était due ;
que, dès lors, le moyen n'est pas mieux fondé en sa seconde branche qu'en la première ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;