Jurisprudence : CA Paris, 1, 3, 18-06-2024, n° 24/10503, Irrecevabilité

CA Paris, 1, 3, 18-06-2024, n° 24/10503, Irrecevabilité

A73325IE

Référence

CA Paris, 1, 3, 18-06-2024, n° 24/10503, Irrecevabilité. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/108776141-ca-paris-1-3-18062024-n-2410503-irrecevabilite
Copier

Abstract

► Dans deux décisions rendues en référé le 18 juin, les juges français ont statué sur les modalités de participation des entreprises israéliennes et de leurs représentants au salon de l'armement Eurosatory.




Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 3

ARRÊT DU 18 JUIN 2024

(n° 257 , 14 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général N° RG 24/10503 -

Décision déférée à la cour : jugement du 14 juin 2024 - président du TJ RG n° 24/01001


N° Portalis

de Bobigny -



APPELANTE

S.A.S.U. COGES, RCS de Paris n°403070949, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

39 rue Mstislav Rostropovitch

75017 PARIS

Représentée par Me Belgin PELIT-JUMEL de la SELEURL BELGIN PELIT-JUMEL AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1119

Ayant pour avocats plaidants Me Jean-Yves DEMAY PAJOT du CABINET CHATAIN ET ASSOCIES, Me Bérénice DE WARREN et Patrick MAISONNEUVE du CABINET MAISONNEUVE AARPI, avocats au barreau de PARIS

INTIMÉES

ASSOCIATION ACTION SECURITE ETHIQUE REPUBLICAINES (ASER), prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

13 rue de Suez

75018 PARIS

ASSOCIATION FRANCE PALESTINE SOLIDARITÉ (AFPS), prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

21 ter rue Voltaire

75011 PARIS

ASSOCIATION A B C (SFW), prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

114 bis rue de Vaugirard

75006 PARIS

Représentées par Me Matteo BONAGLIA, avocat constitué et plaidant, avocat au barreau de PARIS, toque : D 1292

Ayant pour avocat plaidant Le Dominique COCHAIN ASSI, avocat au barreau de PARIS

ASSOCIATION AL-HAQ LAW IN THE SERVICE OF MAN, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Main Street, the Deir al-Latin (Latin Covent) Building

RAMALLAH - CISJORDANIE

Défaillante, la demande aux fins de signification d’un acte judiciaire ayant été faite le 17 juin 2024


PARTIES INTERVENANTES

Association CHAMBRE DE COMMERCE FRANCE-ISRAEL, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

8 rue Freycinet

75016 PARIS

Représentée par Me Audrey SCHWAB de la SELARL SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056

Ayant pour avocat plaidant Mes Aa X, Ab Y et Ac Z de l’'AARPI GKA AVOCATS, avocats au barreau de PARIS

Société DRACO Ltd, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

8 Hamada Street

HERZLIYA - ISRAEL

Représentée par Me Audrey SCHWAB de la SELARL SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056

Ayant pour avocat plaidant Me Lucas VEIL, avocat au barreau de PARIS


COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 18 Juin 2024, en audience publique, après qu’un rapport ait été fait par Jean-Christophe CHAZALETTE, président de chambre devant la cour composée de :

Jean-Christophe CHAZALETTE, président de chambre

Anne-Gaël BLANC, conseillère

Valérie GEORGET, conseillère

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Jeanne PAMBO

ARRÊT :

- PAR DÉFAUT

- rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile🏛.

- signé par Jean-Christophe CHAZALETTE, président de chambre et par Jeanne PAMBO, greffier, présent lors de la mise à disposition.

La société COGES Events (ci-après « COGES ») est une filiale du GICAT (Groupement des industries françaises et de sécurité terrestres et aéroterrestres), lui même membre du CIDEF (Conseil des industries de défense françaises). Elle se présente comme ayant notamment pour objet, l’exploitation de salons et expositions en France et à l’étranger, pour compte propre ou pour compte de tiers, pouvant offrir et accueillir des actions de promotion et/ou de soutien, françaises et/ou étrangères, dans des domaines variés, incluant notamment la défense et la sécurité.

Dans ce cadre, elle organise le salon dit Eurosatory qui se tient du lundi 17 au vendredi 21 juin 2024.

Cour d’Appel de Paris ARRET DU 18 JUIN 2024 Pôle 1 - Chambre 3 N° RG 24/10503 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CIJSA7 - 2ème page


Les associations Action sécurite éthique républicaines, France Palestine solidarité, A B C et Al-Haq « Law in the Service of Man » ont respectivement pour objet la surveillance des acquisitions, des exportations, du commerce et de l’utilisation des matériels à usage militaire de police et de sécurité, au regard du respect des droits de l’Homme et du droit international humanitaire et l’action pour le respect des engagements internationaux souscrits par les Etats dans le domaine du commerce des armes, le développement de l’amitié et la solidarité entre le peuple français et le peuple palestinien et l’établissement d’une paix juste et durable au Proche-Orient fondée sur la reconnaissance des droits nationaux du peuple palestinien sur la base du droit international, la consolidation et la promotion de la paix et la sensibilisation aux conséquences des guerres et des armements dans le monde ainsi que l’introduction de toute action relative aux droits humains et au droit international humanitaire.

La chambre de commerce France-Israël (CCFI) est une association régie par la loi du 1” juillet 1901, dont l’objet est la promotion des échanges économiques et technologiques entre la France et Israël.

La société Draco Ltd est une société de droit israélien, spécialisée dans la revente et l’intégration de technologies de vidéosurveillance et communications.

Par acte extrajudiciaire du 7 juin 2024, les associations Action sécurité éthique républicaines, France Palestine solidarité et A B C, autorisées par ordonnance sur requête du 6 juin 2024, ont assigné en référé à heure indiquée devant le président du tribunal judiciaire de Bobigny (94) la société COGES, notamment sur le fondement de l’article 835 du code de procédure civile🏛, en demandant de :

- lui ordonner, en sa qualité d’organisateur et d’exploitant du salon Eurosatory 2024, de respecter et de faire respecter par ses cocontractants les mesures suivantes :

- interdiction de toute communication relative à la présence d’armes israéliennes ainsi qu’à la participation d’industriels israéliens, sur l’ensemble du salon ainsi que sur l’ensemble de ses supports de communication ;

- interdiction de participation au salon de toutes les entreprises qui présenteraient des liens capitalistiques ou des relations d’affaires soutenues avec des entreprises israéliennes ;

- interdiction pour les autres entreprises ou exposants d’accueillir sur leur stand des représentants d’entreprises israéliennes, de vendre ou faire la promotion d’armes israéliennes ou de faciliter de quelque manière que ce soit l’intermédiation de ces entreprises israéliennes avec les délégations présentes au salon ;

- interdiction d’entrée et de participation sous quelques formes que ce soit au salon des délégations israéliennes, des responsables politiques et militaires israéliens ainsi que des industriels de l’armement israéliens et de toute personne salariée ou représentante du gouvernement, de l’armée ou des entreprises d’armement israéliens, ainsi que de toute personne physique ou moral susceptible d’opérer comme leur courtier ou leur intermédiaire ;

- ordonner l’affichage de l’ordonnance à intervenir, aux frais de la défenderesse, à l’entrée du salon ainsi qu’à cinq autres endroits de celui-ci et qui concentrent l’achalandage le plus important du salon ;

- ordonner la communication à leur égard, sous 48 heures et sous astreinte de 2 500 euros par jour de retard, de la liste de tous les exposants et des produits exposés au salon, de toutes les personnes interdites d’accès au salon, et des badges et invitations d’ores et déjà délivrés ou dont la délivrance interviendra d’ici à la fin du salon Eurosatory mentionnant l’identité, la fonction et l’entreprise de rattachement, la justification des engagements que la société COGES aura fait souscrire par les visiteurs d’avoir à se conformer aux interdictions énoncées ;

- autoriser deux membres de l’association Action sécurité éthique républicaines à circuler dans l’enceinte du salon Eurosatory durant toute la durée de celui-ci ainsi que dans ses annexes et évènements délocalisés afin de s’assurer de la bonne exécution des mesures ordonnées et, en tant que de besoin, l’autoriser à faire constater par le concours d’un commissaire de justice toute infraction à celles-ci ;

Cour d’Appel de Paris ARRET DU 18 JUIN 2024 Pôle 1 - Chambre 3 N° RG 24/10503 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CISA7 - 3ème page


- condamner la société COGES à leur verser à chacune la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile🏛, outre les dépens, en ce compris les frais de signification ou injonction par exploit de justice du 24 mai 2024.

A l’audience du 13 juin 2024, l’association Al-Haq « Law in the Service of Man » est intervenue volontairement en demande.

Par « jugement » du 14 juin 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny statuant en formation collégiale a :

- déclaré recevable l’intervention volontaire de l’association Al-Hag ;

- rejeté l’exception d’incompétence et la fin de non-recevoir tirée d’un défaut d’intérêt à agir ;

- donné acte à la société COGES des mesures suivantes d’ores et déjà prises à l’occasion du salon Furosatory 2024, qu’il lui est enjoint de respecter :

- aucun stand de société déclarée comme israélienne ne peut être présent au sein du salon ;

- interdiction aux filiales étrangères de sociétés déclarées comme israéliennes ayant formulé une demande d’exposition depuis le 31 mai 2024 de disposer d’un stand propre ou d’être accueillies sur le stand d’une société non israélienne ;

- mise à jour de son site internet, sa web application dédiée au salon, son catalogue numérisé, ainsi que de la liste des exposants et du matériel de défense et de sécurité publiée en ligne en retirant les sociétés déclarées comme israéliennes et leurs filiales, et ce depuis le 31 mai 2024 ;

- révision des plans pour supprimer le pavillon israélien ;

- pas d’accueil de délégations israéliennes ;

- fait interdiction à la société COGES de :

- permettre l’entrée au salon Eurosatory et la participation sous quelques formes que ce soit, des industriels de l’armement israéliens et de toute personne salariée ou représentante des entreprises d’armement israéliens, ainsi que de toute personne physique ou morale susceptible d’opérer comme leur courtier ou leur intermédiaire ;

- permettre aux autres entreprises ou exposants d’accueillir sur leur stand des représentants d’entreprises israéliennes en matière d’armement, de vendre ou faire la promotion d’armes israéliennes ou de faciliter de quelque manière que ce soit l’intermédiation de ces entreprises israéliennes avec les délégations présentes au salon ;

- ordonné l’affichage de la décision à toutes les entrées du salon, aux frais de la société COGES ;

- rejeté le surplus ;

- condamné la société COGES au paiement des dépens ;

- condamné la société COGES à payer aux associations Action sécurité éthique républicaines, France Palestine solidarité, A B C et Al-Haq la somme de 1 500 euros à chacune sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

- rappelé que la présente décision est assortie de l’exécution provisoire.

Par déclaration du 16 juin 2024, la société COGES a interjeté appel tendant à l’annulation de cette décision et à tout le moins sa réformation en ce qu’elle a :

- déclaré recevable l’intervention volontaire de l’association Al-Hag ;

- rejeté la fin de non-recevoir tirée d’un défaut d’intérêt à agir ;

- fait interdiction à la société COGES de :

- permettre l’entrée au salon Eurosatory et la participation sous quelques formes que ce soit, des industriels de l’armement israéliens et de toute personne salariée ou représentante des entreprises d’armement israéliens, ainsi que de toute personne physique ou morale susceptible d’opérer comme leur courtier ou leur intermédiaire ;

Cour d’Appel de Paris ARRET DU 18 JUIN 2024 Pôle 1 - Chambre 3 N° RG 24/10503 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CISA7 - 4ème page


- permettre aux autres entreprises ou exposants d’accueillir sur leur stand des représentants d’entreprises israéliennes en matière d’armement, de vendre ou faire la promotion d’armes israéliennes ou de faciliter de quelque manière que ce soit l’intermédiation de ces entreprises israéliennes avec les délégations présentes au salon ;

- ordonné l’affichage de la décision à toutes les entrées du salon, aux frais de la société COGES ;

- condamné la société COGES au paiement des dépens ;

- condamné la société COGES à payer aux associations Action sécurité éthique républicaines, France Palestine solidarité, A B C et Al-Haq la somme de 1 500 euros à chacune sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

- rappelé que la présente décision est assortie de l’exécution provisoire.


Par ordonnance du 17 juin 2024, le premier président a autorisé la société COGES à faire assigner à jour fixe, le 18 suivant à 9h30, les associations Action sécurité éthique républicaines, France Palestine solidarité, A B C et Al-Haq « Law in the Service of Man ».

La société COGES a remis copie des assignations au greffe de la cour avant la date de l’audience.


Aux termes de ses dernières conclusions du 18 juin 2024 (9h46) auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens développés, elle demande à la cour, sous le visa de l’article 835 du code de procédure civile, de :

- prononcer l’annulation du jugement déféré pour excès de pouvoir ;

subsidiairement,

- infirmer le jugement rendu par le président du tribunal judiciaire de Bobigny statuant en référé du 14 juin 2024 en ce qu’il :

- fait interdiction à la société COGES de :

- permettre l’entrée au salon Eurosatory et la participation sous quelques formes que ce soit, des industriels de l’armement israéliens et de toute personne salariée ou représentante des entreprises d’armement israéliens, ainsi que de toute personne physique ou morale susceptible d’opérer comme leur courtier ou leur intermédiaire ;

- permettre aux autres entreprises ou exposants d’accueillir sur leur stand des représentants d’entreprises israéliennes en matière d’armement, de vendre ou faire la promotion d’armes israéliennes ou de faciliter de quelque manière que ce soit l’intermédiation de ces entreprises israéliennes avec les délégations présentes au salon ;

- ordonne l’affichage de la présente décision à toutes les entrées du salon, aux frais de la société COGES ;

- rejette les demandes de la société COGES ;

- condamne la société COGES à payer aux associations Action sécurité éthique républicaines, France Palestine solidarité, A B C et Al-Haq la somme de 1 500 euros à chacune sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

en tout état de cause, statuant à nouveau :

- juger qu’il n’y a lieu à référé en l’espèce ;

- débouter les associations Action sécurité éthique républicaines, France Palestine solidarité, A B C et Al-Haq « Law in the Service of Man » de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

- condamner solidairement les associations Action sécurité éthique républicaines, France Palestine solidarité, A B C et Al-Haq « Law in the Service of Man » à verser à la société COGES la somme de 30 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

- condamner solidairement les associations Action sécurité éthique républicaines, France Palestine solidarité, A B C et Al-Haq « Law in the Service of Man » aux entiers dépens.

Cour d’Appel de Paris ARRET DU 18 JUIN 2024 Pôle 1 - Chambre 3 N° RG 24/10503 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CISA7 - 5ème page


Les associations Action sécurité éthique républicaines, France Palestine solidarité et A B C, aux termes de leurs dernières conclusions du 18 juin 2024 13h20 auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens développés, demande à la cour, sous le visa des engagements internationaux régulièrement ratifiés par la France, du principe de la dignité humaine, des articles 31 et 835 du code de procédure civile🏛, de :

à titre liminaire,

- déclarer nulle l’assignation délivrée à l’association Al Haq ;

- déclarer le litige indivisible ;

et, en conséquence,

- déclarer irrecevable l’appel interjeté par la société COGES à l’encontre de toutes les parties.

ou, subsidiairement,

- ordonner à la société COGES de réassigner l’association Al Haq au visa de l’article 923 du code de procédure civile🏛.

au fond, à titre principal,

- constater le trouble manifestement illicite dans les termes du jugement entrepris ; et, en conséquence,

- confirmer purement et simplement le jugement de référé du 14 juin 2024 ;

- débouter la société COGES de l’ensemble de ses demandes dirigés contre les intimées.

au fond, à titre subsidiaire ;

- constater le trouble manifestement illicite et le dommage imminente dans les termes de leur dénonciation par les intimées ;

et, en conséquence,

- confirmer purement et simplement le jugement de référé du 14 juin 2024 après en avoir substitué les motifs des intimées ;

- débouter la société COGES, l’association chambre du commerce et de l’industrie France-Israël ainsi que la société Draco de l’ensemble de leurs demandes.

en toute hypothèse,

- condamner à hauteur d’appel la société COGES au paiement d’une somme de 5 000 euros par demanderesse au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société COGES aux entiers dépens.

L’association Al-Haq “ Law in the Service of Man” n’a pas constitué avocat et n’a pas conclu.

Par conclusions du 18 juin 2024 (9h30), l’association Chambre de commerce France-Israël, demande à la cour, au visa des articles 367, 554, 834, 835, 872 et 873 du code de procédure civile🏛🏛🏛🏛🏛, de :

in limine litis

- recevoir la chambre de commerce france-israël en son intervention volontaire,

- recevoir la chambre de commerce france-israël en ses demandes fins et conclusions,

y faisant droit,

- infirmer l’ordonnance de référé rendue par le tribunal judiciaire de Bobigny le 14 juin 2024 en toutes ses dispositions.

- ordonner, vu l'urgence, l'exécution provisoire de l'ordonnance sur minute et même avant enregistrement.

Par conclusions du 18 juin 2024 (9h30), l’association Chambre de commerce France-Israël demande à la cour, au visa des articles 367, 554, 834, 835, 872 et 873 du code de procédure civile, de :

- recevoir la société Draco ltd. en son intervention volontaire,

- recevoir la société Draco Îtd. en ses demandes fins et conclusions,

Cour d’Appel de Paris ARRET DU 18 JUIN 2024 Pôle 1 - Chambre 3 N° RG 24/10503 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CISA7 - 6ème page


y faisant droit,

- infirmer l’ordonnance rendue par le tribunal judiciaire de Bobigny le 14 juin 2024 en toutes ses dispositions.

- ordonner, vu l'urgence, l'exécution provisoire de l'ordonnance sur minute et même avant enregistrement.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile🏛, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.


Sur ce,

Sur les interventions volontaires

Aux termes de l’article 544 du code de procédure civile🏛, peuvent intervenir en cause d’appel dès lors qu’elles y ont intérêt les personnes qui n’ont été ni parties ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité.

Il convient de recevoir les interventions volontaires de l’association chambre de commerce France-Israël et de la société Draco qui n’étaient pas ni parties ni représentées en première instance et qui ont intérêt à intervenir en cause d’appel.

Sur l’assignation de l'association Al-Hag « Law in the Service of Man »

Aux termes de l’article 922, alinéa 1°, du code de procédure civile🏛 la cour est saisie par la remise d’une copie de l’assignation au greffe.

Aux termes de l’article 684 du même code🏛, l’acte destiné à être notifié à une personne ayant sa résidence habituelle à l’étranger est remis au parquet, sauf dans les cas où un règlement européen ou un traité international autorise l’huissier de justice ou le greffe à transmettre directement cet acte à son destinataire ou à une autorité compétente de l’Etat de destination.L’acte destiné à être notifié à un Etat étranger, à un agent diplomatique étranger en France ou à tout autre bénéficiaire de l’immunité de juridiction est remis au parquet et transmis par l’intermédiaire du ministre de la justice aux fins de signification par voie diplomatique, à moins qu’en vertu d’un règlement européen ou d’un traité international la transmission puisse être faite par une autre voie.Le parquet auquel la remise doit être faite est, selon le cas, celui de la juridiction devant laquelle la demande est portée, celui de la juridiction qui a statué ou celui de la juridiction dans le ressort de laquelle demeure le requérant. S’il n’existe pas de parquet près la juridiction, l’acte est remis au parquet du tribunal judiciaire dans le ressort duquel cette juridiction a son siège.

Au cas présent, l’assignation de l’association Al-Haq « Law in the Service of Man » a été délivrée à la demande de l’appelante le 17 juin 2024 à l’autorité centrale compétente désignée pour le recevoir selon les formalités prévues par le texte précité et la Convention de la Haye🏛 du 15 novembre 1965.

Par ailleurs, en application de l’article 688 du code de procédure civile🏛, s’il n’est pas établi que le destinataire d’un acte, ayant eu sa résidence à l’étranger, en a eu connaissance en temps utile, le juge peut toutefois ordonner immédiatement les mesures provisoires ou conservatoires nécessaires à la sauvegarde des droits du demandeur, ce qui est l’objet de la saisine de la cour.

Sur la recevabilité des conclusions et pièces notifiées par les associations Action sécurité éthique républicaines, France Palestine solidarité et A B C

L'article 922 du code de procédure civile dispose que, dans la procédure à jour fixe, l’intimé est tenu de constituer avocat avant la date de l’audience, faute de quoi il sera réputé s’en tenir à ses moyens de première instance.

Cour d’Appel de Paris ARRET DU 18 JUIN 2024 Pôle 1 - Chambre 3 N° RG 24/10503 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CISA7 - 7ème page


Aux termes de l’article 960 du code de procédure civile🏛, la constitution d’avocat par l’intimé ou par toute personne qui devient partie en cours d’instance est dénoncée aux autres parties par notification entre avocats.

Cet acte indique :

a) Si la partie est une personne physique, ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ;

b) S’il s’agit d’une personne morale, sa forme, sa dénomination, son siège social et l’organe qui la représente légalement.

Selon l’article 961, alinéa 1er, du même code🏛, les conclusions des parties sont signées par leur avocat et notifiées dans la forme des notifications entre avocats. Elles ne sont pas recevables tant que les indications mentionnées à l’alinéa 2 de l’article précédent n’ont pas été fournies. Cette fin de non-recevoir peut être régularisée jusqu’au jour du prononcé de la clôture ou, en l’absence de mise en état, jusqu’à l’ouverture des débats.

Au cas présent, la société COGES soulève l’irrecevabilité des conclusions et pièces notifiées par les associations Action sécurité éthique républicaines, France Palestine solidarité et A B C au motif que leur avocat n’aurait pas été préalablement constitué dans les conditions de l’article 960 précité.

Toutefois, les conclusions des associations Action sécurité éthique républicaines, France Palestine solidarité et A B C contiennent, outre le nom et les coordonnées de leur avocat, les mentions prévues par l’article 960 à savoir leur forme, leur dénomination, leur siège social et l’organe qui les représente légalement.

Ces conclusions ont été remises au greffe et notifiées par la voie électronique aux avocats des parties adverses.

Les associations Action sécurité éthique républicaines, France Palestine solidarité et A B C ont donc régulièrement constitué avocat avant la date de l’audience.

Il s’ensuit que la demande de la société COGES tendant à voir déclarer les conclusions et pièces des associations Action sécurité éthique républicaines, France Palestine solidarité et A B C irrecevables sera rejetée.

Sur la demande formée par les associations Action sécurité éthique républicaines, France Palestine solidarité et A B C aux fins d’irrecevabilité de l’appel de la société COGES

Aux termes de l’article 552 du code de procédure civile🏛, en cas de solidarité ou d’indivisibilité à l’égard de plusieurs parties, l’appel formé par l’une conserve le droit d’appel des autres, sauf à ces dernières à se joindre à l’instance. Dans les mêmes cas, l’appel dirigé contre l’une des parties réserve à l’appelant la faculté d’appeler les autres à l’instance. La cour peut ordonner d’office la mise en cause de tous les co-intéressés.

Selon l’article 553 du même code🏛, en cas d’indivisibilité à l’égard de plusieurs parties, l’appel de l’une produit effet à l’égard des autres même si celles-ci ne se sont pas jointes à l’instance ; l’appel formé contre l’une n’est recevable que si toutes sont appelées à l’instance.

Soutenant que le litige est indivisible, les associations Action sécurité éthique républicaines, France Palestine solidarité et A B C concluent à l’irrecevabilité de l’appel au motif que l’assignation délivrée à l’association Al-Haq Law in the service of man serait nulle.

Toutefois, l’indivisibilité du litige n’est pas caractérisée en l’espèce.

De plus, toutes les parties en cause en première instance ont été appelées à l’instance devant la cour d’appel et assignées.

Cour d’Appel de Paris ARRET DU 18 JUIN 2024 Pôle 1 - Chambre 3 N° RG 24/10503 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CISA7 - 8ème page


Seule l’association Al-Haq « Law in the Service of Man » a qualité à soulever la nullité de l’assignation qui lui a été délivrée.

A titre surabondant, la cour observe que l’erreur de date figurant sur l’assignation de l’association Al-Haq « Law in the Service of Man », soit 2014 au lieu de 2024, procède d’une simple erreur de plume qui n’est pas de nature à créer un doute sur la date réelle de l’audience.

En outre, le non-respect du délai fixé par un premier président dans l’ordonnance par laquelle il autorise l’assignation à jour fixe pour la délivrance des assignations ne peut être sanctionné par la caducité de l’ordonnance et partant de l’assignation à jour fixe qu’elle autorise et est sans incidence sur la recevabilité de l’appel (Civ. 2e, 10 nov. 2016, n° 15- 11.407⚖️).

Par ailleurs, la circonstance que l’assignation ait été communiquée, par simple confraternité, à un avocat qui n’était pas celui des associations constituées est indifférente s’agissant d’une formalité qui n’est pas obligatoire.

Enfin, il n’est pas allégué que l’assignation aurait été remise à l’association Al-Haq « Law in the Service of Man » qui l’aurait refusée pour défaut de traduction en anglais, hébreu ou arabe.

La demande tendant à voir déclarer l’appel irrecevable sera donc rejetée de même que celle tendant à voir ordonner à la société COGES de réassigner l’association Al-Haq « Law in the Service of Man » en application de l’article 923 du code de procédure civile, étant rappelé que cette dernière a disposé d’un temps suffisant pour préparer sa défense.

Sur la demande tendant à l'annulation de la décision entreprise

La société COGES conclut à l’annulation de la décision entreprise au motif que le premier juge aurait excedé ses pouvoirs.

Toutefois, elle critique la décision en ce que les mesures ne seraient pas légalement admissibles ce qui participe du débat sur le fond sans caractériser un excès de pouvoir de nature à entraîner une annulation de la décision.

La demande tendant à voir annuler la décision sera rejetée.

Au fond,

En vertu du premier alinéa de l’article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le trouble manifestement illicite désigne toute perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit et le dommage imminent s’entend de celui qui n’est pas encore réalisé mais qui se produira sûrement si la situation dénoncée perdure.

Sur le trouble manifestement illicite

Les parties ne produisent pas un instrumentum formel de la décision du gouvernement français d’exclure les sociétés israéliennes du salon Eurosatory 2024. En l’état des pièces versées aux débats, cette décision résulte d’une dépêche Reuters du vendredi 31 mai 2024 à 15 h 40 ainsi rédigée (langue anglaise, traduction libre) sous le titre « La France interdit aux entreprises israéliennes de participer au salon annuel de l’armement Eurosatory » :

Cour d’Appel de Paris ARRET DU 18 JUIN 2024 Pôle 1 - Chambre 3 N° RG 24/10503 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CISA7 - 9ème page


La France a interdit aux entreprises israéliennes de participer au salon annuel de l’industrie de l’armement et de la défense Eurosatory, qui se tiendra cette année à Villepinte, près de Paris, le mois prochain, ont déclaré vendredi les organisateurs de l’événement et le ministère français de la défense.

« Suite à une décision des autorités gouvernementales, il n’y aura pas de stand israélien au salon Eurosatory 2024 », a déclaré un porte-parole des organisateurs par courriel.

Le ministère de la défense a déclaré à Reuters : « Les conditions ne sont plus réunies pour accueillir des entreprises israéliennes au salon, à un moment où le président demande à Israël de cesser ses opérations à Rafah ».

En début de semaine, le président Emmanuel Macron s’est dit « scandalisé » par une frappe aérienne israélienne qui a déclenché un incendie tuant 45 personnes dans un camp de tentes de la ville de Rafah, à Gaza, suscitant l’indignation des dirigeants du monde entier.

Par ailleurs, dans une déclaration (« Official Statement Eurosatory 2024 ») du 31 mai 2024 adressée aux exposants, le directeur du salon Eurosatory écrivait (langue anglaise, traduction libre) :

Chers exposants,

Eurosatory est organisé par COGES Events en coordination avec les autorités gouvernementales françaises, qui viennent de nous informer de leur décision de ne pas autoriser de stands de l’industrie israélienne de la défense et de la sécurité au salon de cette année.

Compte tenu de cette décision qui s’impose à nous, nous espérons pouvoir compter sur votre soutien.

Les appelants s’approprient, premièrement, les motifs du premier juge qui a considéré que la décision du Gouvernement s’inscrivait dans la continuité de l’ordonnance rendue le 24 mai 2024 par la Cour internationale de justice qui prescrivait à l’Etat d’Israël de conformément aux obligations lui incombant au titre de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, et au vu de la dégradation des conditions d’existence auxquels sont soumis les civils dans le gouvernorat de Rafah, arrêter immédiatement son offensive militaire, et toute autre action menée dans le gouvernorat de Rafah, qui serait susceptible de soumettre le groupe des Palestiniens de Gaza à des conditions d’existence capables d’entraîner sa destruction physique totale ou partielle.

Les appelants approuvent également les motifs du premier juge qui a considéré que la décision du 24 mai 2024 de la Cour internationale de justice faisait référence à la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948, à laquelle la France est partie, qui dispose dans son article premier que « Les Parties contractantes confirment que le génocide, qu’il soit commis en temps de paix ou en temps de guerre, est un crime du droit des gens, qu’elles s’engagent à prévenir et à punir ».

L’ordonnance entreprise se réfère enfin à une décision de la Cour de justice de 2007 (CII, Affaire relative à l’application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro, 26 février 2007), qui a jugé que l’obligation de prévention d’un crime, qui pourrait, le cas échéant, être qualifié par une autorité judiciaire compétente de crime de génocide, incombe aux Etats parties et revêt une portée normative et un caractère obligatoire. Cette décision précisait que cette obligation va au-delà de la saisine des organes compétents des Nations Unies tendant à ce que ceux-ci prennent les mesures qu’ils jugent adéquates de sorte que la seule saisine de ces organes n’est pas de nature à décharger les Etats parties à la Convention de l’obligation de mettre en œuvre, chacun dans la mesure de ses capacités, les moyens propres à prévenir la survenance d’un génocide.

Cour d’Appel de Paris ARRET DU 18 JUIN 2024 Pôle 1 - Chambre 3 N° RG 24/10503 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CISA7 - 10ème page


Cependant, l’office du juge des référés consiste à rechercher s’il existe une violation d’une règle de droit qui soit manifestement illicite, et non pas à interpréter celle-ci et, le cas échéant à en étendre la portée, pour justifier la prescription de mesures conservatoires ou de remise en état. L’obligation de prévention d’un crime au sens des normes internationales citées par le premier juge incombe aux Etats parties, comme il a été dit pour droit dans la décision Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro du 26 février 2007. Or, en l’espèce, la décision du gouvernement français, qui n’est connue dans le cadre de la présente instance qu’en langue anglaise, n’est pas dénuée d’imprécision ni d’équivoque quant au périmètre de l’interdiction qui est posée : alors qu’il est fait allusion aux exposants et à leurs stands, il est également mentionné qu’elle s’applique très généralement aux entreprises israéliennes.

Dans ces conditions, le fait pour la société COGES de pas avoir interdit l’entrée au salon Eurosatory et la participation des industriels de l’armement israéliens et de toute personne salariée ou représentante des entreprises d’armement israéliens, ainsi que de toute personne physique ou morale susceptible d’opérer comme leur courtier ou leur intermédiaire ne constitue pas une violation évidente de la règle de droit, pas plus que le fait d’avoir permis aux autres entreprises ou exposants d’accueillir sur leur stand des représentants d’entreprises israéliennes en matière d’armement, de vendre ou faire la promotion d’armes israéliennes ou de faciliter de quelque manière que ce soit l’intermédiation de ces entreprises israéliennes avec les délégations présentes au salon.

En effet, ces mesures auraient pu être prises par le gouvernement français ; elles ne l’ont pas été avec l’évidence requise en référé, et il n’appartient pas au juge judiciaire de compléter une décision politique qui a la nature d’un acte de gouvernement en relation avec la conduite des relations internationales de la France, pour ensuite sanctionner sa violation à l’aide de mesures conservatoire ou de remise en état.

Par ailleurs, il n’est pas démontré qu’un instrument juridique international, directement applicable à la société COGES, avait été violé par celle-ci dans des conditions de nature à créer un trouble manifestement illicite permettant de prescrire des mesures conservatoires ou de remise en état.

Au surplus, et surabondamment, un courrier du délégué général à l’armement (DGA) au président de la société COGES, confirme que les mesures de 1°) prohibition des stands des sociétés israéliennes au salon Eurosatory 2024 et 2°) de prohibition des stands de filiales étrangères de sociétés déclarées comme israéliennes, « n’ont pas d’impact sur l’accès au salon des collaborateurs ou des représentants de ces sociétés ». Les appelantes affirment en vain qu’aucune pièce n’a été produite relative aux pouvoirs et délégation de signature du DGA, permettant de vérifier qu’il serait habilité à modifier les mesures prises par l’exécutif alors qu’il n’est pas établi que ce courrier contienne une modification de la décision du Gouvernement.

D'autre part, les appelants affirment que le trouble manifestement illicite résulte de la violation des conditions générales de vente de la société COGES qui conditionnent toute participation au salon Eurosatory au respect des engagements internationaux de la France. Ces engagements internationaux ressortent, selon eux :

- aux buts et principes de la Charte des Nations Unies dont l’article 2-4 prohibe le recours à la force dans les relations entre Etats, alors que les appelants rappellent que concernant un territoire occupé, ce qui est le cas de la bande de Gaza, la puissance occupante, ce qui est la cas d’Israël, dispose seulement du droit de répondre par des actions conformes au droit international applicable et que la France a connaissance et reconnaît la persistance et la gravité des manquements d’Ad à ses obligations internationales et les violations continues du droit international, notamment humanitaire, auxquelles Ad doit mettre un terme ;

Cour d’Appel de Paris ARRET DU 18 JUIN 2024 Pôle 1 - Chambre 3 N° RG 24/10503 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CISA7 - 11ème page


- à la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948 mais également aux Conventions de Genève de 1949 et leurs protocoles additionnels de 1977, qui prohibent toute forme de concours à un Etat suspecté de commettre le crime de génocide, et imposent aux parties signataires doivent prévenir sa commission et s’interdire toute forme de complicité ;

- au traité sur le commerce des armes (TCA) des Nations Unies qu’elle a signé le 3 juin 2013 et a ratifié le 2 avril 2014 dont l’article 6 stipule notamment qu’un Etat Partie ne doit autoriser aucun transfert d’armes qui violerait ses obligations internationales, résultant des accords internationaux pertinents auxquels il est partie, en particulier celles relatives au transfert international ou au trafic illicite d’armes classiques, ni autoriser aucun transfert d’armes classiques s’il a connaissance, lors de l’autorisation, que ces armes ou ces biens pourraient servir à commettre un génocide, des crimes contre l’humanité, des violations graves des Conventions de Genève de 1949, des attaques dirigées contre des civils ou des biens de caractère civil et protégés comme tels, ou d’autres crimes de guerre tels que définis par des accords internationaux auxquels il est partie.

- à la position commune de l’Union européenne du 8 décembre 2008, telle que modifiée par la décision (PESC) 2019/1560 du Conseil du 16 septembre 2019, instrument contraignant définissant des règles communes régissant le contrôle des exportations de technologies et d’équipements militaires, prévoyant notamment un mécanisme d’évaluation des risques d’usage basé sur huit critères :

- respect des obligations et des engagements internationaux des États membres, en particulier des sanctions adoptées par le Conseil de sécurité des Nations unies ou l’Union européenne, des accords en matière, notamment, de non-prolifération, ainsi que des autres obligations et engagements internationaux.

- respect des droits de l’homme dans le pays de destination finale et respect du droit humanitaire international par ce pays.

- situation intérieure dans le pays de destination finale (existence de tensions ou de conflits armés).

- préservation de la paix, de la sécurité et de la stabilité régionales.

- sécurité nationale des Etats membres et des territoires dont les relations extérieures relèvent de la responsabilité d’un Etat membre, ainsi que celle des pays amis ou alliés.

- comportement du pays acheteur à l’égard de la communauté internationale, et notamment son attitude envers le terrorisme, la nature de ses alliances et le respect du droit international.

- existence d’un risque de détournement de la technologie ou des équipements militaires dans le pays acheteur ou de réexportation de ceux-ci dans des conditions non souhaitées.

- compatibilité des exportations de technologie ou d’équipements militaires avec la capacité technique et économique du pays destinataire, compte tenu du fait qu’il est souhaitable que les Etats répondent à leurs besoins légitimes de sécurité et de défense en consacrant un minimum de ressources humaines et économiques aux armements.

Les appelants exposent que jusqu’au vendredi 31 mai 2024, date de l’annonce gouvernementale, et à tout le moins depuis le 31 octobre 2023, date limite d’inscription des au salon, la société COGES avait admis et communiqué sur la participation au exposants salon qu’elle exploite d’au moins soixante-quatorze entreprises israéliennes, dont les principaux industriels de défense de l’État d'Israël. Ils affirment qu’une telle participation violait manifestement les engagements internationaux souscrits par la France et donc les conditions générales de vente du salon qui faisaient de leur respect une condition sine qua non à toute participation.

Cour d’Appel de Paris ARRET DU 18 JUIN 2024 Pôle 1 - Chambre 3 N° RG 24/10503 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CISA7 - 12ème page


Ils font valoir que dans le contexte de la guerre et des annexions que mène l’Etat d’Israël dans les territoires palestiniens, et qui constituent de graves violations du droit international et s’accompagnent d’attaques dirigées contre des civils ou des biens de caractère civil et protégés comme tels, l’annonce et le maintien de la participation des industriels israéliens au salon Eurosatory jusqu’au 31 mai 2024 a manifestement porté atteinte à leur intérêt collectif. Elles en déduisent qu’elles sont fondées à se plaindre du trouble manifestement illicite que leur cause cette communication publique.

Ce moyen manque en fait et en droit et sera rejeté, dès lors que la présente instance a pour objet de confirmer l’interdiction d’entrée au salon Eurosatory et la participation des industriels de l’armement israéliens et de toute personne salariée ou représentante des entreprises d’armement israéliens, ainsi que de toute personne physique ou morale susceptible d’opérer comme leur courtier ou leur intermédiaire, et l’interdiction d’accueillir sur leur stand des représentants d’entreprises israéliennes en matière d’armement, de vendre ou faire la promotion d’armes israéliennes ou de faciliter de quelque manière que ce soit l’intermédiation de ces entreprises israéliennes avec les délégations présentes au salon. Or ces mesures sont sans rapport avec un trouble illicite prétendument issu de l’annonce et du maintien de la participation des industriels israéliens au salon Eurosatory jusqu’au 31 mai 2024, trouble qui au demeurant a cessé avec la décision du Gouvernement du 31 mai 2024.

En outre, il n’appartient pas au juge des référés, saisi d’une demande fondée sur le trouble illicite caractérisé par le comportement d’une opérateur économique privé, de vérifier si la France a respecté ses engagements internationaux en permettant à cet opérateur d’exercer son activité sur le territoire national. Comme il a été dit plus haut, le juge judiciaire n’est pas appelé à compléter une décision politique qui a la nature d’un acte de gouvernement en relation avec la conduite des relations internationales de la France.

Sur le dommage imminent

Les appelants font valoir que le dommage imminent s’entend d’un risque avéré de violation des mesures décidées par l’exécutif français afin de se conformer partiellement aux engagements internationaux de la France mais également, compte tenu de leur insuffisance, de la violation des conditions générales de vente de la société COGES qui conditionnent toute participation au salon Eurosatory au respect des engagements internationaux de la France et, enfin, de l’atteinte au principe de sauvegarde de la dignité humaine qui résulterait de la participation au salon d’industriels, acheteurs, intermédiaires et délégations officielles israéliennes.

Ce moyen ne caractérise aucun dommage imminent mais se borne à reprendre l’argumentaire présenté au titre du trouble manifestement illicite pour considérer que celui-ci entraîne des conséquences dommageables. Cette analyse ressort suffisamment de la fin de l’exposé des appelants qui, d’une part, se disent bien fondés à se plaindre du dommage que leur causerait la venue d’officiels et entreprises israéliennes et qui, d’autre part, affirment qu’il est urgent d’adopter et d’ordonner des mesures qui ne pourront plus permettre à la société COGES d’apporter, sous quelque forme que ce soit, aide et assistance à l’armée et aux marchands d’armes israéliens dans le cadre d’opérations militaires illégales.

En l’absence de trouble manifestement illicite ou de dommage imminent, l’ordonnance entreprise sera infirmée, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les moyens tenant au caractère discriminatoire des mesures ordonnées par le premier juge. Il n’y a lieu à référé sur les demandes des associations Action sécurité éthique républicaines, France Palestine solidarité et A B C.

Sur les autres demandes

Les appelantes seront tenues aux entiers dépens de première instance et d’appel. Les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

Cour d’Appel de Paris ARRET DU 18 JUIN 2024 Pôle 1 - Chambre 3 N° RG 24/10503 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CISA7 - 13ème page



PAR CES MOTIFS

Reçoit les interventions volontaires de l’association chambre de commerce France-Israël et de la société Draco ;

Rejette la demande de la société COGES tendant à voir déclarer les conclusions et pièces des associations Action sécurité éthique républicaines, France Palestine solidarité et A B C irrecevables ;

Rejette les demandes des associations Action sécurité éthique républicaines, France Palestine solidarité et A B C tendant à voir déclarer irrecevable l’appel de la société COGES et à lui voir ordonner de réassigner l’association Al-Haq « Law in the Service of Man » en application de l’article 923 du code de procédure civile ;

Rejette la demande de la société COGES tendant à l’annulation de la décision entreprise ;

Statuant dans les limites de l’appel,

Infirme la décision entreprise ;

Statuant à nouveau,

Dit n’y avoir lieu à référé ;

Y ajoutant,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Condamne in solidum les associations Action sécurité éthique républicaines, France Palestine solidarité et A B C aux entiers dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Cour d’Appel de Paris ARRET DU 18 JUIN 2024 Pôle 1 - Chambre 3 N° RG 24/10503 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CISA7 - 14ème page

Agir sur cette sélection :

Cookies juridiques

Considérant en premier lieu que le site requiert le consentement de l'utilisateur pour l'usage des cookies; Considérant en second lieu qu'une navigation sans cookies, c'est comme naviguer sans boussole; Considérant enfin que lesdits cookies n'ont d'autre utilité que l'optimisation de votre expérience en ligne; Par ces motifs, la Cour vous invite à les autoriser pour votre propre confort en ligne.

En savoir plus