CRIM.
N° F 01-85.914 FS-P+F N° 1526
SC6 MARS 2002
M. COTTE président,
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le six mars deux mille deux, a rendu l'arrêt suivant
Sur le rapport de M. le conseiller ..., les observations de la société civile professionnelle NICOLAY et de LANOUVELLE, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général ... ;
Statuant sur le pourvoi formé par
- ... Rachid,
contre l'arrêt de la cour d'appel de LIMOGES, chambre correctionnelle, en date du 17 juillet 2001, qui a rejeté sa demande de libération conditionnelle ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 5.1, 5.4, 5.5, 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, 593, 729, 729-2, 729-3, 730, D. 532, D. 535, D. 536 du Code de procédure pénale, de la Convention européenne pour la surveillance des personnes condamnées ou libérées sous condition, excès de pouvoir, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a rejeté la demande d'admission au bénéfice de la libération conditionnelle formée par le condamné ;
"aux motifs que, par application de l'article D. 523 du Code de procédure pénale, s'agissant d'un étranger susceptible d'être expulsé, reconduit à la frontière ou extradé, il n'y a pas lieu d'examiner les efforts de réadaptation sociale du condamné en fonction de sa situation personnelle, familiale, et sociale ; que l'admission de Rachid ... à une mesure de libération conditionnelle, même subordonnée à son expulsion du territoire français est prématurée eu égard à la date de sa fin de peine ; qu'au surplus, il n'a pas acquitté l'amende douanière en fonction de ses facultés contributives ; qu'en conséquence, il y a lieu de rejeter sa demande en l'état ;
"alors que, d'une part, toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale ; qu'en décidant de ne pas rechercher, s'agissant d'un étranger susceptible d'être expulsé, reconduit à la frontière ou extradé, si le rejet de la demande d'admission du condamné au bénéfice de la libération conditionnelle respecte un juste équilibre entre, d'une part, le droit au respect de la vie familiale de l'intéressé et, d'autre part, les impératifs de sûreté publique, de prévention des infractions pénales et de protection de la santé publique, prévus par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé ;
"alors que, d'autre part, l'article 729-3 du Code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi du 15 juin 2000, prévoit que la libération conditionnelle peut être accordée pour tout condamné à une peine privative de liberté inférieure ou égale à quatre ans, ou pour laquelle la durée de la peine restant à subir est inférieure ou égale à quatre ans, lorsque ce condamné exerce l'autorité parentale sur un enfant de moins de dix ans ayant chez ce parent sa résidence habituelle ; qu'en décidant que, s'agissant d'un étranger susceptible d'être expulsé, reconduit à la frontière ou extradé, il n'y a pas lieu d'examiner les efforts de réadaptation sociale du condamné en fonction de sa situation personnelle, familiale et sociale, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé ;
"alors qu'aux termes de l'article 729 du Code de procédure pénale, la libération conditionnelle peut être accordée lorsque la durée de la peine accomplie par le condamné est au moins égale à la durée de la peine lui restant à subir, ce qui est le cas, l'ordonnance entreprise ayant relevé que l'intéressé se trouve dans les délais pour être admis au bénéfice de la libération conditionnelle depuis le 26 novembre 2000, date de sa mi-peine effectuée ; qu'en s'abstenant d'indiquer en quoi la libération conditionnelle de l'intéressé, même subordonnée à son expulsion du territoire national est prématurée eu égard à la date de sa fin de peine, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
"alors qu'il résulte de l'ordonnance entreprise que le condamné, travaillant aux ateliers depuis juin 1998, avait commencé à "négocier" son amende douanière avec l'administration des Douanes ; qu'en s'abstenant d'indiquer en quoi, malgré cette "négociation", il y avait lieu de considérer que le condamné n'avait pas acquitté l'amende douanière en fonction de ses facultés contributives, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, condamné, pour infractions à la législation sur les stupéfiants, à quatre ans d'emprisonnement, à 939 350 francs d'amende douanière et à l'interdiction définitive du territoire français, Rachid ..., de nationalité marocaine, libérable le 10 janvier 2003, a été admis au bénéfice de la libération conditionnelle, par décision du juge de l'application des peines du tribunal de grande instance de Tulle, la mesure étant subordonnée, ainsi que le prévoient les articles 729-2 et D. 535, 4°, du Code de procédure pénale, à la condition d'expulsion du territoire national ou de reconduite à la frontière ;
Attendu que, pour infirmer cette décision et refuser au demandeur le bénéfice de la libération conditionnelle, l'arrêt attaqué, statuant sur l'appel du ministère public, prononce par les motifs reproduits au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Que, d'une part, il résulte des dispositions conjuguées des articles 729-2, D. 523, alinéa 2, et D. 535, 4°, du Code de procédure pénale que la situation d'un étranger, qui a été condamné à une peine privative de liberté et dont la libération conditionnelle est subordonnée à l'exécution d'une mesure d'interdiction du territoire français, de reconduite à la frontière, d'expulsion ou d'extradition, n'a pas à être examinée au regard des critères personnels, familiaux et sociaux énoncés à l'article 729 du même Code ;
Que, d'autre part, en estimant que la libération du demandeur serait prématurée, eu égard à la date de la fin de sa peine d'emprisonnement, les juges ont usé de leur pouvoir souverain d'appréciation, sans avoir à justifier autrement leur décision ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré M. ... président, M. ... conseiller rapporteur, MM. Le Gall, Pelletier, Mme Ponroy, M. Arnould, Mme Koering-Joulin, M. Corneloup conseillers de la chambre, M. Sassoust, Mme Caron, M. Ponsot conseillers référendaires ;
Avocat général Mme Fromont ;
Greffier de chambre Mme Lambert ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;