SOC.
PRUD'HOMMESC.M.
COUR DE CASSATION
Audience publique du 28 février 2002
Rejet
M. SARGOS, président
Pourvoi n° E 00-41.220
Arrêt n° 881 FS P+B+R+I
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par M. Roland Z, demeurant Ancy-sur-Moselle,
en cassation d'un arrêt rendu le 7 décembre 1999 par la cour d'appel de Metz (chambre sociale), au profit de la société Textar France, société anonyme, dont le siège est Creutzwald,
défenderesse à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 22 janvier 2002, où étaient présents M. Sargos, président, M. Lanquetin, conseiller rapporteur, MM. Boubli, Ransac, Chagny, Bouret, Coeuret, Bailly, Chauviré, conseillers, M. Frouin, Mmes Trassoudaine-Verger, Lebée, MM. Richard de la Tour, Funck-Brentano, Leblanc, conseillers référendaires, M. Benmakhlouf, premier avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Lanquetin, conseiller, les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de M. Z, de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de la société Textar France, les conclusions de M. Benmakhlouf, premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique
Attendu que M. Z a été engagé en 1986 par la société Textar France en qualité de responsable du bureau d'études, assurant également, par la suite, la direction du service entretien ; qu'en janvier 1995 la société Textar a confié à la société "Chaudronnerie tuyauterie construction" (CTC) dont le gérant était M. ..., la fourniture, la confection, le montage et l'épreuve de pression d'une nouvelle tuyauterie sur la centrale hydraulique de son unité de fabrication de plaquettes de freins ; que le 25 février 1995 lors du démontage de l'ancienne conduite de l'installation, et à la suite du desserrage de la bride de fixation d'un clapet anti-retour deux salariés ont été tués par la projection d'huile sous haute pression ; que la société Textar a licencié M. Z le 31 mars 1995 pour faute grave ;
Attendu que M. Z fait grief à l'arrêt attaqué (Metz, 7 décembre 1999) de l'avoir débouté de ses demandes en paiement de diverses sommes à titre d'indemnité de préavis, de congés payés sur préavis, d'indemnité de licenciement ainsi qu'à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen
1°/ que la faute grave s'entend d'un manquement caractérisé par le salarié à ses obligations contractuelles ; que les dispositions du décret du 22 février 1992 relatif aux prescriptions applicables aux travaux effectués dans un établissement par une entreprise extérieure mettent à la charge du chef d'entreprise ou d'un délégué investi de l'autorité, de la compétence et des moyens nécessaires, les mesures de prévention préalables à l'exécution d'une opération, et notamment l'établissement d'un plan de prévention ; que la seule circonstance que M. Z ait eu à assurer, outre la responsabilité du bureau d'études, la direction du service entretien, n'avait pas pour effet de lui conférer une responsabilité déléguée en matière de sécurité et de prévention des risques au regard des sociétés intervenantes extérieures ; que M. Z contestait avoir à assumer une telle responsabilité ; que la cour d'appel, qui n'a pas constaté que M. Z ait été chargé par délégation expresse ou tacite de la prévention des risques résultant des travaux effectués par une entreprise extérieure, et des compétences nécessaires à cet effet, du fait d'une formation adaptée, mais
l'a tenu pour responsable de la non-information de l'entreprise extérieure des particularités du clapet anti-retour à l'origine de l'accident mortel, a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 122-8 et 9 et L. 122-14-4 du Code du travail ;
2°/ que M. Z soutenait que le défaut de délégation ou de formation adéquate, comme la déclaration de culpabilité à la charge de M. ... résultant du jugement correctionnel et les mesures prises ultérieurement démontraient qu'un salarié ne pouvait se voir imputer à faute la désorganisation de l'entreprise en matière de sécurité ; que faute de s'être expliqué sur ce moyen déterminant, la cour d'appel n'a encore pas justifié sa décision au regard des textes susvisés ;
3°/ que M. Z soulignait que l'entreprise extérieure intervenante, la société CTC, dirigée par M. ..., n'avait pour mission, le samedi 25 février, que de terminer la pose de la nouvelle conduite sans branchement sur le réseau existant ; qu'aucune intervention sur le clapet n'était nécessaire pour l'exécution de cette mission ; que l'accident n'aurait pas eu lieu si la société CTC n'était pas intervenue sous la responsabilité de M. ... pour récupérer une pièce qui, d'après le marché, devait être fabriquée par elle ; que la cour d'appel, qui n'a pas manifesté avoir pris en considération ce moyen péremptoire dont il résultait que M. Z ne pouvait être tenu pour responsable de la non-information d'un risque inhérent à une intervention qui n'aurait pas dû être effectuée, a entaché sa décision d'un défaut de motifs en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que selon l'article L. 230.3 du Code du travail, il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa sécurité et de sa santé ainsi que de celles des autres personnes concernées du fait de ses actes ou de ses omissions au travail ; que dès lors, alors même qu'il n'aurait pas reçu de délégation de pouvoir, il répond des fautes qu'il a commises dans l'exécution de son contrat de travail ;
Et attendu que l'arrêt confirmatif attaqué, statuant par motifs propres ou adoptés, a constaté, d'abord, que M. Z était responsable du service entretien, qu'il entrait dans ses attributions de passer les commandes relatives à la maintenance des installations de la société, de définir avec les entreprises intervenantes les conditions de leur intervention et de les renseigner sur les mesures de sécurité, ensuite, qu'il n'avait pas
correctement établi le plan de prévention lors de l'intervention de la société CRM et ne l'avait pas averti des dangers liés à cette intervention, qu'il connaissait pourtant, notamment en ce qui concernait les particularités du clapet anti-retour à l'origine de l'accident ; que la cour d'appel, qui s'est expliquée sur les moyens invoqués par M. Z, a pu déduire de ces constatations, qu'il avait commis une faute grave ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Z aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Textar France ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit février deux mille deux.