Jurisprudence : Cass. civ. 2, 30-05-2024, n° 22-21.574, F-B, Rejet

Cass. civ. 2, 30-05-2024, n° 22-21.574, F-B, Rejet

A97695D8

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2024:C200501

Identifiant Legifrance : JURITEXT000049641092

Référence

Cass. civ. 2, 30-05-2024, n° 22-21.574, F-B, Rejet. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/108039846-cass-civ-2-30052024-n-2221574-fb-rejet
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Abstract

C'est par une exacte interprétation de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique et de l'article 1er du règlement sanitaire international de 2005, auquel le premier texte renvoie expressément, qu'une cour d'appel a jugé que la quarantaine, correspondant à la mise à l'écart d'une ou de plusieurs personnes spécifiquement identifiées en raison du risque de propagation de maladies qu'elles constituent, se distingue de l'interdiction de déplacement hors de son domicile, sous réserve de ceux strictement indispensables aux besoins familiaux ou de santé, faite à toute personne par les pouvoirs publics pour lutter contre la propagation du virus covid-19


CIV. 2

LM


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 30 mai 2024


Rejet


Mme MARTINEL, président


Arrêt n° 501 F-B

Pourvoi n° E 22-21.574


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 MAI 2024


1°/ la société Elysée Gestion, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4],

2°/ la société Frontenac, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],

3°/ la société Hotelia, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],

toutes trois agissant en la personne de leur président, la société BST Management, elle-même représentée par son gérant, M. [E] [O],

ont formé le pourvoi n° E 22-21.574 contre l'arrêt rendu le 7 septembre 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 8), dans le litige les opposant à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La société Axa France IARD a formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt.

Les demanderesses au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, deux moyens de cassation.

La demanderesse au pourvoi incident éventuel invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation.


Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Brouzes, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boullez, avocat des sociétés Elysée Gestion, Frontenac et Hotelia, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Axa France IARD, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 avril 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Brouzes, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 septembre 2022), les sociétés Elysée Gestion, Frontenac et Hotelia (les assurées), exploitant des hôtels à [Localité 5], ont souscrit le 11 février 2020 auprès de la société Axa France IARD (l'assureur), un contrat d'assurance « multirisque de l'hôtellerie » incluant une garantie « perte d'exploitation ».

2. Un arrêté publié au Journal officiel le 15 mars 2020, portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19, a notamment édicté, pour les établissements relevant de certaines catégories, l'interdiction d'accueillir du public du 15 mars 2020 au 15 avril 2020, prorogée jusqu'au 2 juin 2020 par décret du 14 avril 2020.

3. Un décret publié au Journal officiel le 17 mars 2020, portant réglementation des déplacements dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus covid-19, a notamment édicté l'interdiction du déplacement de toute personne hors de son domicile, à l'exception des déplacements pour des motifs limitativement énumérés.

4. Soutenant avoir subi des pertes d'exploitation du fait de ces interdictions, les assurées ont effectué une déclaration de sinistre auprès de l'assureur afin d'être indemnisées.

5. L'assureur ayant refusé de garantir le sinistre, les assurées l'ont assigné devant un tribunal de commerce.


Examen des moyens

Sur le premier moyen

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile🏛, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen, pris en ses deux branches, réunies

Enoncé du moyen

7. Les assurées font grief à l'arrêt d'écarter la demande qu'elles ont formées contre l'assureur afin qu'il soit condamné à les indemniser des pertes d'exploitation qu'elles avaient subies en conséquence de la fermeture des hôtels qu'elles exploitent, à la suite des mesures prises par les pouvoirs publics pour lutter contre la pandémie du virus de covid-19, alors :

« 1°/ qu'aux termes du contrat d'assurance, l'assureur garantit les pertes d'exploitation, en cas d'« arrêt d'activité totale ou partielle du fait de mesures administratives résultant d'une décision des autorités sanitaires de mise en quarantaine » ; que, selon le Règlement sanitaire international de 2005 auquel renvoie l'ancien article L. 3131-15 devenu l'article L. 3131-12 du code de la santé publique🏛, la quarantaine est définie comme « la restriction des activités et/ou la mise à l'écart de personnes suspectes qui ne sont pas malades ou des bagages, conteneurs, moyens de transports ou marchandises suspects de façon à prévenir la propagation éventuelle de l'infection ou de la contamination » ; qu'il s'ensuit que les restrictions de déplacement décidées, par la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020🏛 et par le décret n° 2020-260 du 16 mars 2020🏛, au titre du confinement, dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, sont constitutives d'une mise en quarantaine ; qu'en décidant le contraire, au motif que la quarantaine s'entend d'une mesure individuelle, à l'inverse du confinement qui s'entend d'une mesure générale, et qu'elle correspond au cas où une ou plusieurs personnes, spécifiquement identifiées en raison du risque de contamination qu'elles présentent, sont tenues de s'isoler pendant une certaine durée, la cour d'appel a violé l'article 1103 du code civil🏛 par refus d'application, ensemble les dispositions précitées ;

2°/ que l'ancien article L. 3131-15 du code de la santé publique🏛 prévoit au 3° que le ministre de la santé peut ordonner des mesures ayant pour objet la mise en quarantaine, au sens de l'article 1er du Règlement sanitaire international de 2005, lequel définit la quarantaine comme « la restriction des activités et/ou la mise à l'écart de personnes suspectes qui ne sont pas malades ou des bagages, conteneurs, moyens de transports ou marchandises suspects de façon à prévenir la propagation éventuelle de l'infection ou de la contamination » ; qu'en s'appuyant sur les dispositions précitées de l'ancien article L. 3131-15 du code de la santé publique, pour en déduire que les mesures de mise en quarantaine relevant de la compétence du ministre de la santé s'entendent des seules mesures individuelles concernant des personnes à risque, à l'exclusion des mesures collectives, la cour d'appel en a violé les dispositions. »


Réponse de la Cour

8. Selon l'article L. 3131-15 du code de la santé publique, dans sa version en vigueur du 24 mars 2020 au 1er août 2022, dans les circonscriptions territoriales où l'état d'urgence sanitaire est déclaré, le Premier ministre peut, par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, restreindre ou interdire la circulation des personnes et des véhicules dans les lieux et aux heures fixés par décret, interdire aux personnes de sortir de leur domicile sous réserve des déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux ou de santé, ou encore ordonner des mesures ayant pour objet la mise en quarantaine, au sens de l'article 1er du règlement sanitaire international de 2005, des personnes susceptibles d'être affectées.

9. L'article 1er du règlement sanitaire international de 2005 définit la quarantaine comme la restriction des activités et/ou la mise à l'écart des personnes suspectes qui ne sont pas malades ou des bagages, conteneurs, moyens de transport ou marchandises suspects, de façon à prévenir la propagation éventuelle de l'infection ou de la contamination. Il précise que le terme « suspects » s'entend des personnes, bagages, cargaisons, conteneurs, moyens de transport, marchandises ou colis postaux qu'un État partie considère comme ayant été exposés ou ayant pu être exposés à un risque pour la santé publique et susceptibles de constituer une source de propagation de maladies.

10. C'est par une exacte interprétation de ces textes que la cour d'appel a jugé que la quarantaine, correspondant à la mise à l'écart d'une ou de plusieurs personnes spécifiquement identifiées en raison du risque de propagation de maladies qu'elles constituent, se distingue de l'interdiction de déplacement hors de son domicile, sous réserve de ceux strictement indispensables aux besoins familiaux ou de santé, faite à toute personne par les pouvoirs publics pour lutter contre la propagation du virus covid-19 par les arrêtés et décret visés aux paragraphes 2 et 3.

11. Ayant constaté que le contrat d'assurance garantissait l'arrêt d'activité totale ou partielle résultant d'une décision des autorités sanitaires de mise en quarantaine, la cour d'appel en a exactement déduit que les conditions de mise en jeu de la garantie n'étaient pas réunies.

12. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident qui n'est qu'éventuel, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les sociétés Elysée Gestion, Frontenac et Hotelia aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente mai deux mille vingt-quatre.

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