Jurisprudence : CJCE, 09-10-2001, aff. C-379/99, Pensionskasse für die Angestellten der Barmer Ersatzkasse VVaG c/ Hans Menauer

CJCE, 09-10-2001, aff. C-379/99, Pensionskasse für die Angestellten der Barmer Ersatzkasse VVaG c/ Hans Menauer

A5835AXE

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CJCE, 09-10-2001, aff. C-379/99, Pensionskasse für die Angestellten der Barmer Ersatzkasse VVaG c/ Hans Menauer. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1076841-cjce-09102001-aff-c37999-pensionskasse-fur-die-angestellten-der-barmer-ersatzkasse-vvag-c-hans-menau
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Cour de justice des Communautés européennes

9 octobre 2001

Affaire n°C-379/99

Pensionskasse für die Angestellten der Barmer Ersatzkasse VVaG
c/
Hans Menauer



ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

9 octobre 2001 (1)

"Égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins - Pensions professionnelles - Caisse de pensions chargée d'exécuter les obligations de l'employeur quant à l'octroi d'une pension complémentaire - Pension de survivant"

Dans l'affaire C-379/99,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 234 CE, par le Bundesarbeitsgericht (Allemagne) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Pensionskasse für die Angestellten der Barmer Ersatzkasse VVaG

et

Hans Menauer,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de l'article 119 du traité CE (les articles 117 à 120 du traité CE ont été remplacés par les articles 136 CE à 143 CE),

LA COUR (sixième chambre),

composée de Mme F. Macken, président de chambre, Mme N. Colneric, MM. C. Gulmann, J.-P. Puissochet et V. Skouris (rapporteur), juges,

avocat général: M. A. Tizzano,

greffier: M. R. Grass,

considérant les observations écrites présentées:

- pour la Pensionskasse für die Angestellten der Barmer Ersatzkasse VVaG, par Me J. Bornheimer, Rechtsanwalt,

- pour le gouvernement allemand, par M. W.-D. Plessing et Mme B. Muttelsee-Schön, en qualité d'agents,

- pour le gouvernement néerlandais, par M. M. A. Fierstra, en qualité d'agent,

- pour la Commission des Communautés européennes, par Mme H. Michard et M. C. Ladenburger, en qualité d'agents,

vu le rapport du juge rapporteur,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 27 mars 2001,

rend le présent

Arrêt

1.

Par ordonnance du 23 mars 1999, parvenue à la Cour le 7 octobre suivant, le Bundesarbeitsgericht a posé, en vertu de l'article 234 CE, une question préjudicielle sur l'interprétation de l'article 119 du traité CE (les articles 117 à 120 du traité CE ont été remplacés par les articles 136 CE à 143 CE).

2.

Cette question a été soulevée dans le cadre d'un litige opposant la Pensionskasse für die Angestellten der Barmer Ersatzkasse VVaG (caisse de pensions desemployés de la Barmer Ersatzkasse, ci-après la "caisse en cause au principal") à M. Menauer et portant sur la question de savoir si M. Menauer a droit à une pension de veuf et si la caisse en cause au principal doit garantir ce droit.

Le cadre juridique

Le droit communautaire

3.

L'article 119 du traité énonce le principe de l'égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins pour un même travail.

4.

Le deuxième alinéa de cet article dispose:

"Par rémunération, il faut entendre, au sens du présent article, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier."

Le droit national

Le Gesetz zur Verbesserung der betrieblichen Altersversorgung (loi allemande pour l'amélioration des régimes professionnels d'assurance vieillesse, ci-après le "BetrAVG")

5.

Il ressort du dossier que, en République fédérale d'Allemagne, les prestations relatives aux pensions de vieillesse complémentaires des entreprises peuvent être exécutées selon diverses modalités. L'employeur peut, d'une part, exécuter directement les prestations qui lui incombent en vertu du régime de pensions professionnel de son entreprise. Il peut, d'autre part, faire exécuter lesdites prestations par l'entremise d'organismes externes. Il ne fournit alors aucune prestation, mais y pourvoit de manière indirecte par le biais soit d'une "Direktversicherung", c'est-à-dire une assurance vie conclue par l'employeur en faveur du travailleur, soit d'une "Unterstützungskasse", c'est-à-dire une caisse de prévoyance, soit d'une "Pensionskasse", c'est-à-dire une caisse de pensions chargée par l'employeur de gérer le régime de pensions professionnel de son entreprise.

6.

S'agissant de cette dernière hypothèse, l'article 1er, paragraphe 3, du BetrAVG prévoit que la caisse de pensions est une institution de prévoyance et d'assistance ayant la capacité juridique, qui accorde un droit au travailleur ou à ses ayants droit survivants.

7.

Selon la juridiction de renvoi, si les conditions d'assurance prévues dans les statuts de la caisse de pensions concernée ne suffisent pas pour satisfaire à l'obligation à laquelle l'employeur s'est engagé en matière de prévoyance en vertu du contrat detravail, ce dernier doit lui-même combler la lacune existante; à cet égard, il s'agit d'un engagement en matière de prévoyance, fondé sur le principe de l'égalité de traitement, au sens de l'article 1er, paragraphe 1, quatrième phrase, du BetrAVG.

8.

Le droit qui en découle pour le travailleur à l'égard de son employeur est protégé contre l'insolvabilité de ce dernier, conformément à l'article 7 du BetrAVG.

Les statuts de la caisse en cause au principal

9.

L'article 11 des statuts de la caisse en cause au principal, intitulé "Types de prestations", prévoit, dans son point 2, sous a):

"Les prestations suivantes sont accordées aux affiliés qui, en raison d'une situation donnant lieu à l'attribution d'une pension, cessent leur activité auprès de la Barmer Ersatzkasse [...]:

[...]

2. des pensions versées aux ayants droit survivants après la suppression du versement de la pension ou du salaire aux affiliés:

a) une pension de veuve est versée à la veuve d'un affilié décédé. Une pension de veuf est versée au conjoint survivant après le décès de son épouse affiliée à la caisse de pensions, si les besoins de la famille étaient principalement à la charge de la défunte."

Le litige au principal et la question préjudicielle

10.

L'épouse de M. Menauer était salariée de la Barmer Ersatzkasse (caisse d'assurance maladie de droit privé Barmer), à Straubing (Allemagne), du 1er septembre 1956 jusqu'à son décès, survenu le 12 novembre 1993. Le contrat de travail de Mme Menauer était, en vertu de l'une de ses clauses, régi par l'Ersatzkassentarifvertrag (convention collective des caisses d'assurance maladie de droit privé, ci-après l'"EKTV").

11.

En vertu des dispositions de l'EKTV, la Barmer Ersatzkasse est tenue d'assurer à ses salariés, hommes et femmes, des prestations d'un régime de pensions professionnel. Ces prestations consistent dans une pension de retraite, due par la Barmer Ersatzkasse elle-même, et une pension complémentaire, versée par la caisse en cause au principal aux salariés de la Barmer Ersatzkasse, hommes et femmes, qui y sont affiliés. Aux termes de l'EKTV, la Barmer Ersatzkasse est tenue de prendre à sa charge les cotisations à la caisse pour le compte de ses salariés, hommes et femmes. L'épouse défunte de M. Menauer était affiliée à la caisse en cause au principal pendant toute la durée de son contrat de travail.

12.

M. Menauer a assigné la Barmer Ersatzkasse et la caisse en cause au principal devant l'Arbeitsgericht aux fins de les entendre condamner à lui verser une pension de veuf. L'Arbeitsgericht a fait droit à cette demande à l'égard de la caisse et l'a rejetée à l'égard de la Barmer Ersatzkasse. La caisse a interjeté appel devant le Landesarbeitsgericht. M. Menauer n'ayant pas fait appel, sa demande dirigée contre la Barmer Ersatzkasse a été définitivement rejetée. Le Landesarbeitsgericht a débouté la caisse de son appel. Celle-ci a alors formé un recours en "Revision" devant le Bundesarbeitsgericht aux fins d'obtenir l'annulation et la réformation des décisions des instances inférieures ainsi que le rejet de la demande de M. Menauer.

13.

M. Menauer a fait valoir que la condition supplémentaire à laquelle l'article 11 des statuts de la caisse en cause au principal subordonne le versement d'une pension de veuf est contraire au principe de l'égalité de traitement et donc invalide. Il considère qu'il a droit à la même pension de survie que celle dont bénéficierait la veuve d'un ancien salarié de la Barmer Ersatzkasse. Il estime que, de ce fait, la responsabilité de la caisse en cause au principal est engagée en sa qualité d'organisme chargé par la Barmer Ersatzkasse de gérer le régime de pensions professionnel de celle-ci.

14.

Dans son ordonnance de renvoi, le Bundesarbeitsgericht constate notamment que le droit à une pension de survie revendiqué par M. Menauer constitue un autre avantage au sens de l'article 119 du traité et que l'article 11, point 2, sous a), des statuts de la caisse en cause au principal est contraire à cette disposition du traité. Il se demande toutefois si M. Menauer peut faire valoir son droit à l'égard de la caisse en cause au principal. Il signale à cet égard que l'extension du champ d'application de l'article 119 du traité aux caisses de pensions aboutirait à des incohérences graves et à des ruptures en droit national allemand, sans que celles-ci soient nécessaires pour protéger les travailleurs contre toute discrimination fondée sur le sexe.

15.

Le Bundesarbeitsgericht indique en particulier que:

- selon le droit du travail allemand, l'employeur demeure le débiteur des prestations auxquelles a droit le travailleur, y compris dans un cas tel que celui en cause au principal où les statuts de la caisse violent l'interdiction de discrimination. Il doit donc combler la lacune existante en fournissant les prestations concernées, sans qu'il lui soit possible de se soustraire à cette obligation. En outre, le travailleur est protégé contre l'insolvabilité de l'employeur;

- c'est au vu de ces considérations que, nonobstant le fait que, selon l'article 1er, paragraphe 3, du BetrAVG, les caisses de pensions prennent à leur charge, en tant qu'assureurs, certains risques de prévoyance et d'assistance, la doctrine allemande refuse, dans sa majorité, d'admettre l'existence d'une obligation propre à la charge d'une caisse de pensions de satisfaire auxobligations découlant, en droit du travail, du principe de l'égalité de traitement. Il est souligné à cet égard que, outre son autonomie juridique, une caisse de pensions est soumise au régime de surveillance des assurances et au droit des assurances; or, le principe autonome d'égalité en vigueur dans ce droit imposerait de fournir, à cotisations égales, les mêmes prestations. Si le volume des obligations d'une caisse de pensions en matière d'assurance, tel que fixé par les dispositions de ses statuts, était augmenté, elle serait tenue de procéder à une augmentation des cotisations qui, lorsque l'employeur n'a pas pris à sa charge exclusive le versement des cotisations pour ses salariés, grèverait non pas l'employeur débiteur des prestations, mais la communauté des salariés affiliés.

16.

Compte tenu, toutefois, de la jurisprudence de la Cour (arrêts du 28 septembre 1994, Coloroll Pension Trustees, C-200/91, Rec. p. I-4389, et Fisscher, C-128/93, Rec. p. I-4583), le Bundesarbeitsgericht a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

"Faut-il interpréter l'article 119 du traité CE en ce sens que les caisses de pensions doivent être assimilées à des employeurs et qu'elles sont tenues d'assurer l'égalité de traitement entre hommes et femmes s'agissant de prestations du régime de pensions d'entreprise, alors même que les travailleurs défavorisés ont à l'égard de leurs débiteurs directs, à savoir les employeurs en tant que parties aux contrats de travail, un droit protégé en cas d'insolvabilité, excluant toute discrimination?"

Sur la question préjudicielle

17.

Il convient de rappeler à cet égard que, selon une jurisprudence constante, une pension de retraite versée dans le cadre d'un régime de pensions professionnel, créé par une convention collective, constitue un avantage payé par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier et relève donc du champ d'application de l'article 119 du traité, et ce, que ledit régime remplace le régime légal ou soit de nature complémentaire (voir, notamment, arrêts du 13 mai 1986, Bilka, 170/84, Rec. p. 1607, points 20 et 22; du 17 mai 1990, Barber, C-262/88, Rec. p. I-1889, point 28, et du 14 décembre 1993, Moroni, C-110/91, Rec. p. I-6591, point 15).

18.

La Cour a également reconnu qu'une pension de survie prévue par un tel régime relève du champ d'application de l'article 119 du traité. Elle a précisé à ce sujet que la circonstance que ladite pension, par définition, n'est pas payée au travailleur, mais à son survivant, n'est pas de nature à infirmer cette interprétation, dès lors qu'une telle prestation est un avantage qui trouve son origine dans l'affiliation au régime du conjoint du survivant, de sorte que la pension est acquise à ce dernier dans le cadre du lien d'emploi entre l'employeur et ledit conjoint et lui est versée en raison de l'emploi de celui-ci (voir arrêts du 6 octobre 1993, Ten Oever,C-109/91, Rec. p. I-4879, points 12 et 13; Coloroll Pension Trustees, précité, point 18, et du 17 avril 1997, Evrenopoulos, C-147/95, Rec. p. I-2057, point 22).

19.

Il en résulte que le conjoint survivant du travailleur décédé peut invoquer l'article 119 du traité en vue de faire reconnaître le principe et l'étendue de son droit au versement d'une pension de survie (voir, en ce sens, arrêt Coloroll Pension Trustees, précité, point 19).

20.

S'agissant de savoir si le conjoint survivant peut invoquer cet article à l'égard d'un organisme externe, telle une caisse de pensions de droit allemand ("Pensionskasse"), auquel l'employeur a confié le versement des prestations concernées et qui est juridiquement autonome, il y a lieu de rappeler que, selon les arrêts Barber et Coloroll Pension Trustees, précités, l'applicabilité de l'article 119 du traité à un régime de pensions professionnel n'est pas contrariée par la circonstance que ce régime est constitué sous la forme d'un trust et géré par des trustees jouissant d'une indépendance formelle vis-à-vis de l'employeur, étant donné que l'article 119 vise également les avantages payés par l'employeur de manière indirecte (voir arrêts précités Barber, points 28 et 29, et Coloroll Pension Trustees, point 20).

21.

La Cour a également jugé que les trustees, bien qu'étrangers à la relation de travail, sont appelés à servir des prestations qui ne perdent pas pour autant leur caractère de rémunération au sens de l'article 119 du traité et qu'ils sont dès lors tenus de faire tout ce qui relève de leurs compétences pour assurer le respect du principe de l'égalité de traitement en la matière (arrêt Coloroll Pension Trustees, précité, point 22).

22.

Au point 31 de l'arrêt Fisscher, précité, la Cour a fait la même analyse en ce qui concerne les administrateurs d'un régime de pensions professionnel de droit néerlandais qui, comme les trustees, étaient étrangers à la relation de travail.

23.

Il ressort de ce qui précède que, dès lors que ceux qui sont chargés de la gestion d'un régime de pensions professionnel sont appelés à servir des prestations qui constituent une rémunération au sens de l'article 119 du traité, ils sont tenus de respecter le principe de l'égalité de traitement consacré par cette disposition, quelle que soit leur forme juridique ou la manière dont ils sont chargés de la gestion dudit régime de pensions.

24.

Cette constatation est également valable pour les caisses de pensions de droit allemand, telle celle en cause au principal. En effet, puisque celles-ci sont chargées de la gestion de régimes de pensions professionnels et sont appelées à servir aux travailleurs affiliés et à leurs ayants droit des prestations qui, ainsi qu'il est souligné aux points 17 et 18 du présent arrêt, relèvent du champ d'application de l'article 119 du traité, elles sont tenues de respecter le principe de l'égalité des rémunérations consacré par cette disposition, sans qu'importe à cet égardl'autonomie juridique dont elles jouissent, ni d'ailleurs leur qualité d'organismes assureurs.

25.

En particulier, le fait que, en sa qualité d'organisme assureur, une caisse de pensions de droit allemand est soumise au droit des assurances, et donc au principe autonome d'égalité en vigueur dans ce droit, et que l'augmentation du volume de ses obligations en matière d'assurance par suite de l'application de l'article 119 du traité puisse donner lieu à des mesures visant à couvrir cette augmentation, parmi lesquelles pourrait éventuellement figurer l'augmentation de cotisations pour l'ensemble des salariés affiliés, est une question qui doit être résolue par le droit national. En tout état de cause, l'existence d'un tel problème n'est pas de nature à infirmer la constatation effectuée au point précédent.

26.

En effet, ainsi que la Cour l'a constaté aux points 42 et 43 de l'arrêt Coloroll Pension Trustees, précité, s'agissant d'un régime de pensions professionnel constitué sous forme de trust, le fait que l'application du principe de l'égalité des rémunérations se heurte à des difficultés dérivant de l'insuffisance des fonds détenus par les trustees est un problème qui relève du droit national. Ainsi, les éventuels problèmes découlant de l'insuffisance de ces fonds aux fins de l'égalisation des prestations doivent être réglés sur la base du droit national à la lumière du principe de l'égalité des rémunérations et ne sauraient notamment affecter la constatation effectuée au point 24 de l'arrêt Coloroll Pensions Trustees, précité, selon laquelle l'effet direct de l'article 119 du traité peut être invoqué tant par les travailleurs que par leurs ayants droit à l'encontre des trustees d'un régime de pensions professionnel, qui sont tenus de respecter le principe de l'égalité de traitement dans le cadre de leurs compétences et obligations.

27.

La même constatation s'impose à l'égard des problèmes analogues d'insuffisance des fonds auxquels serait confrontée, en raison des particularités du droit des assurances allemand, une caisse de pensions de droit allemand qui est tenue d'appliquer l'article 119 du traité.

28.

Il convient encore d'examiner si l'obligation de respecter l'article 119 du traité pèse également sur un organisme tel qu'une caisse de pensions de droit allemand lorsque les travailleurs victimes d'un traitement discriminatoire fondé sur le sexe de la part de cet organisme, ou leurs ayants droit, peuvent s'adresser à l'employeur, qui, selon la réglementation nationale, demeure le débiteur direct des prestations servies par ledit organisme, en jouissant à cet effet d'un droit protégé en cas d'insolvabilité de l'employeur, excluant toute discrimination.

29.

À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, l'effet utile de l'article 119 du traité serait considérablement amoindri et il serait sérieusement porté atteinte à la protection juridique qu'exige une égalité effective si un travailleur ou ses ayants droit ne pouvaient invoquer cette disposition qu'à l'égard de l'employeur, à l'exclusion de ceux qui sont expressément chargésd'exécuter les obligations de ce dernier (voir, en ce sens, arrêts précités Coloroll Pension Trustees, point 23, et Fisscher, point 31).

30.

Contrairement aux doutes exprimés à ce sujet par la juridiction de renvoi, cette constatation reste valable même dans l'hypothèse où, selon le droit national, les travailleurs victimes d'une discrimination fondée sur le sexe ou leurs ayants droit jouissent d'une protection juridique complète à l'égard de leur employeur. L'effet utile de l'article 119 du traité exige que toute personne appelée à servir des prestations relevant du champ d'application de cette disposition soit tenue de la respecter. Contraindre le travailleur ou ses ayants droit à s'adresser uniquement à l'employeur, à l'exclusion de l'organisme chargé de servir les prestations, reviendrait à limiter le nombre de personnes à l'égard desquelles le travailleur concerné ou ses ayants droit peuvent faire valoir leurs droits.

31.

Or, une telle limitation amoindrirait l'effet utile de l'article 119 du traité. Elle serait, de surcroît, d'autant plus incompatible avec celui-ci que la discrimination dont il s'agit peut résulter, comme dans l'affaire au principal, des statuts de l'organisme qui est chargé de servir les prestations et qui, de ce fait, apparaît, notamment aux yeux d'un ayant droit, comme étant le débiteur normal de la prestation concernée.

32.

Il en résulte que l'applicabilité de l'article 119 du traité aux caisses de pensions de droit allemand est nécessaire pour garantir une protection juridique complète et uniforme aux travailleurs victimes d'une discrimination fondée sur le sexe ou, le cas échéant, à leurs ayants droit.

33.

Compte tenu de ce qui précède, il convient de répondre à la question posée que l'article 119 du traité doit être interprété en ce sens que des organismes tels que les caisses de pensions de droit allemand ("Pensionskassen"), qui sont chargés de servir des prestations d'un régime de pensions professionnel, sont tenus d'assurer l'égalité de traitement entre hommes et femmes, même si les travailleurs victimes d'une discrimination fondée sur le sexe ont à l'égard de leurs débiteurs directs, à savoir les employeurs en tant que parties aux contrats de travail, un droit protégé en cas d'insolvabilité, excluant toute discrimination.

Sur les dépens

34.

Les frais exposés par les gouvernements allemand et néerlandais ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR (sixième chambre),

statuant sur la question à elle soumise par le Bundesarbeitsgericht, par ordonnance du 23 mars 1999, dit pour droit:

L'article 119 du traité CE (les articles 117 à 120 du traité CE ont été remplacés par les articles 136 CE à 143 CE) doit être interprété en ce sens que des organismes tels que les caisses de pensions de droit allemand ("Pensionskassen"), qui sont chargés de servir des prestations d'un régime de pensions professionnel, sont tenus d'assurer l'égalité de traitement entre hommes et femmes, même si les travailleurs victimes d'une discrimination fondée sur le sexe ont à l'égard de leurs débiteurs directs, à savoir les employeurs en tant que parties aux contrats de travail, un droit protégé en cas d'insolvabilité, excluant toute discrimination.

Macken

Colneric

Gulmann

Puissochet Skouris

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 octobre 2001.

Le greffier

Le président de la sixième chambre

R. Grass

F. Macken

1: Langue de procédure: l'allemand.

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