ARRÊT DU CONSEIL D'ETAT
Conseil d'Etat
Statuant au contentieux
N° 189263
6 / 2 SSR
ASSOCIATION "VIVRE ET RESTER AU PAYS" et autres
M Fougier, Rapporteur
M Lamy, Commissaire du gouvernement
Lecture du 7 Avril 1999
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu 1°/ sous le n° 189263, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 juillet 1997 et 27 novembre 1997 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par l'ASSOCIATION "VIVRE ET RESTER AU PAYS", dont le siège est à la mairie de Saint-Barthélémy-de-Séchilienne (38220), représentée par ses représentants légaux en exercice, et par M et Mme Piétro et Marie ALESSI, demeurant Ile de Falcon à SaintBarthélémy-de-Séchilienne, par Mme Josiane CZEREDNY, demeurant Ile de Falcon à SaintBarthélémy-de-Séchilienne, par M et Mme KLEBER et Marie-Thérèse MATHIEU, demeurant Ile de Falcon à Saint-Barthélémy-de-Séchilienne, par M et Mme ALAIN et Nicole LAMARCA, demeurant Ile Falcon à Saint-Barthélémy-de-Séchilienne, par M Bertrand GRILLET, demeurant Ile Falcon à Saint-Barthélémy-de-Séchilienne, par Mme Patricia PETIOT, demeurant Ile Falcon à Saint-Barthélémy-de-Séchilienne, par M et Mme Jean-Claude et Anne-Marie GRECO, demeurant Ile Falcon à Saint-Barthélémy-de-Séchilienne, par M et Mme Joseph et Nicole DOS PASSOS, demeurant Ile Falcon à Saint-Barthélémy-de-Séchilienne, par M et Mme Eugène et Alice DIALLEY, demeurant Ile Falcon à Saint-Barthélémy-de-Séchilienne, par M et Mme Marius et Simone GHUERARDY, demeurant Ile Falcon à Saint-Barthélémy-deSéchilienne, par M. et Mme Paul et Valentine PONTONNIER, demeurant Ile Falcon à SaintBarthélémy-de-Séchilienne, par M Alain VALLET, demeurant Ile Falcon à Saint-Barthélémyde-Séchilienne, par M et Mme Christian et Stanislawa VALLET, demeurant Ile Falcon à SaintBarthélémy-de-Séchilienne, par M Auguste VALLET, demeurant Ile Falcon à SaintBarthélémy-de-Séchilienne, par Mme Annie CLAVEL, demeurant à Saint-Pierre-de-Mesage (38220), par M Jean-François DAVIN, demeurant à Saint-Barthélémy-de-Séchélienne, par Mme Brigitte JANNONE, demeurant Ile Falcon à Saint-Barthélémy-de-Séchilienne, par M et Mme Antonio et Colombina MILESI, demeurant Ile Falcon à Saint-Barthélémy-de-Séchilienne, par M Patrick et Evelyne RIBAUD, demeurant Ile Falcon à Saint-Barthélémy-de-Séchilienne,par M Jean et Mireille CHALON, demeurant Les Métraux par Brie (38320), M et Mme Paul et Eliane DEBRUGE, demeurant Ile Falcon à Saint-Barthélémy-de-Séchilienne, par M et Mme William et Chantal BOYER, demeurant Ile Falcon à Saint-Barthélémy-de-Séchilienne, par Mme Marie PONTONNIER, demeurant Ile Falcon à Saint-Barthélémy-de-Séchilienne, par Mme Rosa PAPY, demeurant Ile Falcon à Saint-Barthélémy-de-Séchilienne, par M Jean MICHEL, demeurant Ile Falcon à Saint-Barthélémy-de-Séchilienne, par M et Mme Paul et Mireille CUVELIER, demeurant Ile Falcon à Saint-Barthélémy-de-Séchilienne, par M et Mme Salvo et Elisabeth GENOVESE, demeurant Ile Falcon à Saint-Barthélémy-de-Séchilienne, par M. et Mme Salvatore et Marie GENOVESE, demeurant Ile Falcon à Saint-Barthélémy-de-Séchilienne, par M et Mme Henri et Florine SERRAILLIER, demeurant Ile Falcon à Saint-Barthélémy-deSéchilienne, par M et Mme Louis et Chantal LOPEZ, demeurant Ile Falcon à Saint-Barthélémyde-Séchilienne, par M et Mme Joseph et Noëlle CABRERA, demeurant Ile Falcon à SaintBarthélémy-de-Séchilienne, par M et Mme Michel et Monique SUAT, demeurant Ile Falcon à Saint-Barthélémy-de-Séchilienne, par M Umberto RUTIGLIANO, demeurant Ile Falcon à Saint-Barthélémy-de-Séchilienne, par M et Mme Patrice et Lucienne RIBAUD, demeurant à Saint-Pierre-de-Mesage (38320), par
M et Mme Edouard et Angèle GAILLARD, demeurant 12, rue Taillefer à Saint-Martin-d'Hères (38400), par M Pierre PERONA, demeurant au lieu-dit Noyer Chut à Séchilienne (38220), par M Fernand ROSSI, demeurant Ile Falcon à SaintBarthélémy-de-Séchilienne, par Mme Francheschina RUTIGLIANO, demeurant Ile Falcon à Saint-Barthélémy-de-Séchilienne, par M et Mme Francisco et Raphaëlle RUBIO, demeurant Ile Falcon à Saint-Barthélémy-de-Séchilienne, par M et Mme Richard et Gisèle FANARA, demeurant Ile Falcon à Saint-Barthélémy-de-Séchilienne et par M et Mme Christian et Jacqueline JULIEN, demeurant Ile Falcon à Saint-Barthélémy-de-Séchilienne ; l'ASSOCIATION "VIVRE ET RESTER AU PAYS" et autres demandent au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 31 mai 1997, portant déclaration d'utilité publique pour l'expropriation, par l'Etat, des biens exposés au risque naturel majeur d'éboulement des "Ruines de Séchilienne" ;
Vu 2°/, sous le n° 189325, la requête, enregistrée le 30 juillet 1997 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la COMMUNE DE SAINT-BARTHELEMYDE-SECHILIENNE (38220), représentée par son maire en exercice ; la COMMUNE DE SAINT-BARTHELEMY-DE-SECHILIENNE demande aussi l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 31 mai 1997, portant déclaration d'utilité publique pour l'expropriation par l'Etat des biens exposés au risque naturel d'éboulement des "Ruines de Séchilienne" ;
Vu 3°/, sous le n° 189354, la requête, enregistrée le 31 juillet 1997 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M Michel SUAT et Mme SUAT, demeurant à l'Ile Falcon à Saint-Barthélémy-de-Séchilienne (38220) et par M et Mme CUVELIER, demeurant à l'Ile Falcon, à Saint-Barthélémy-de-Séchilienne (38220) ; ils demandent aussi au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 31 mai 1997 portant déclaration d'utilité publique pour l'expropriation par l'Etat des biens exposés au risque naturel majeur d'éboulement des Ruines de Séchilienne ;
Vu 4°/, sous le n° 189371, la requête, enregistrée le 1er août 1997 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M Pierre PERONA, demeurant à Noyer Chutà Séchilienne (38220) ; M PERONA demande aussi au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 31 mai 1997 portant déclaration d'utilité publique pour l'expropriation par l'Etat des biens exposés au risque naturel majeur d'éboulement des Ruines de Séchilienne ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Vu la loi n° 95-101 du 2 février 1995 ;
Vu le décret n° 95-1115 du 17 octrobre 1995 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M Fougier, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M Lamy, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 11 de la loi n° 95-101 du 2 février 1995, relative au renforcement de la protection de l'environnement : "Sans préjudice des dispositions prévues au 6° de l'article L 131-2 et à l'article L 131-7 du code des communes, lorsqu'un risque prévisible de mouvements de terrain, d'avalanches ou de crues torrentielles menace gravement des vies humaines, les biens exposés à ce risque peuvent être expropriés par l'Etat dans les conditions prévues par le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et sous réserve que les moyens de sauvegarde et de protection des populations s'avèrent plus coûteux que les indemnités d'expropriation" ;
Considérant que les requêtes de l'ASSOCIATION "VIVRE ET RESTER AU PAYS" et autres, de la COMMUNE DE SAINT-BARTHELEMY-DE-SECHILIENNE, de M. et Mme SUAT et de M et Mme CUVELIER, de M Pierre PERONA sont dirigées contre le même décret du 31 mai 1997, pris sur le fondement des dispositions précitées de la loi du 2 février 1995 et portant déclaration d'utilité publique pour l'expropriation par l'Etat des biens exposés au risque naturel majeur d'éboulement des "Ruines de Séchilienne" ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur la légalité externe du décret attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret n° 95-1115 du 17 octobre 1995 : "Les dispositions réglementaires du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique sont applicables à l'expropriation des biens exposés à un risque naturel majeur décidée en application de l'article 11 de la loi du 2 février 1995 susvisée, sous les réserves et avec les compléments définis au présent titre" ; qu'aux termes de l'article R 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : "L'expropriant adresse au préfet pour être soumis à l'enquête un dossier qui comprend obligatoirement : II - Lorsque la déclaration d'utilitépublique est demandée en vue de l'acquisition d'immeubles, : 1°/ une notice explicative ; 2°/ le plan de situation ; 3°/ le périmètre délimitant les immeubles à exproprier ; 4°/ l'estimation sommaire des acquisitions à réaliser" ; que le deuxième alinéa de l'article 2 du décret, précité, du 17 octobre 1995 dispose que "le dossier soumis à l'enquête publique en application de l'article R 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique est complété par une analyse des risques décrivant les phénomènes naturels auxquels les biens sont exposés et permettant d'apprécier l'importance et la gravité de la menace qu'ils présentent pour les vies humaines au regard notamment des critères suivants : a) les circonstances de temps et de lieu dans lesquelles le phénomène naturel est susceptible de se produire ; b) l'évaluation des délais nécessaires à, d'une part, l'alerte des populations exposées et, d'autre part, à leur complète évacuation" ; que le troisième alinéa du même article 2 du décret du 17 octobre 1995 précise que "cette analyse doit également permettre de vérifier que les autres moyens envisageables de sauvegarde et de protection des populations s'avèrent plus coûteux que les indemnités d'expropriation" ;
Considérant que le dossier soumis à l'enquête publique comportait les documents prévus par les dispositions réglementaires ci-dessus rappelées ; que la notice explicative et l'analyse des risques figurant à ce dossier contenaient des informations suffisantes pour permettre au public d'apprécier l'importance et la gravité de la menace résultant des différentes hypothèses d'éboulement envisagées par les services de l'Etat à partir des études réalisées, au préalable, par des laboratoires d'expertise ; que ces études elles-mêmes n'avaient pas à figurer dans le dossier d'enquête ; que le public a pu aussi prendre connaissance d'une étude de vulnérabilité, pour la consultation de laquelle la durée de l'enquête a été prolongée ; que la notice explicative et l'analyse des risques indiquaient clairement, ainsi qu'il sera dit plus loin, qu'aucun moyen de sauvegarde et de protection des populations n'était réalisable, compte tenu des difficultés voire des dangers présentés par l'exécution de telles mesures ; que, dans ces conditions, il n'y avait pas lieu d'en chiffrer le coût ;
Sur la légalité interne du décret attaqué :
Considérant qu'il est constant qu'une partie du massif connu sous le nom de "Ruines de Séchilienne", au droit du hameau de l'Ile Falcon et du lieu-dit "Noyer Chut" sur le territoire des communes de SAINT-BARTHELEMY-DE-SECHILIENNE et de Séchilienne, menace de s'effondrer, risquant notamment de détruire tout ou partie des immeubles du hameau de l'Ile Falcon ; que les mouvements de cette partie de la montagne font l'objet, depuis les années 1980, d'une surveillance continue ; que des travaux ont été réalisés en vue de contenir les effets d'un éboulement de trois millions de mètres cubes de rochers et de préserver le trafic de la route nationale n° 91 ; que, cependant, l'importance de la partie instable du massif est telle que les travaux de sauvegarde et de protection mis en oeuvre pourraient se révéler insuffisants en cas de mouvement de grande ampleur ; qu'il est constant que les incertitudes affectant aussi bien la connaissance du comportement de la partie instable du massif et les conditions d'un effondrement éventuel que les conséquences des phénomènes climatiques ou sismiques, peuvent rendre insuffisants les délais nécessaires au déclenchement de l'alerte et à l'évacuation complète des personnes se trouvant sur les lieux exposés à la menace d'effondrement de la partie instable du massif ; que, dans ces conditions, le gouvernement a pu légalement décider d'exproprier les immeubles situés dans le périmètre déterminé à l'issue de l'enquête publique ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'ASSOCIATION "VIVRE ET RESTER AU PAYS" et autres, la COMMUNE DE SAINT-BARTHELEMY-DESECHILIENNE, M et Mme SUAT, M et Mme CUVELIER et M. PERONA ne sont pas fondés à demander l'annulation du décret du 31 mai 1997 ;
DECIDE :
Article 1er : Les requêtes de l'ASSOCIATION "VIVRE ET RESTER AU PAYS" et autres, de la COMMUNE DE SAINT-BARTHELEMY-DE-SECHILIENNE, de M et Mme SUAT et de M et Mme CUVELIER, de M PERONA sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION "VIVRE ET RESTER AU PAYS", à M et Mme Pietro et Marie ALESSI, Mme Josiane CZEREDNY, M et Mme Kléber et Marie-Thérèse MATHIEU, M et Mme Alain et Nicole LAMARCA, M Bertrand GRILLET, Mme Patricia PETIOT, M et Mme Jean-Claude et Anne-Marie GRECO, M et Mme Joseph et Nicole DOS PASSOS, M et Mme Eugène et Alice DIALLEY, M et Mme Marius et Simone GHUERARDY, M et Mme Paul et Valentine PONTONNIER, M Alain VALLET, M et Mme Christian et Stanislawa VALLET, M Auguste VALLET, Mme Annie CLAVEL, M JeanFrancois DAVIN, Mme Brigitte JANNONE, M et Mme Antonio et Colombina MILESI, M et Mme Patrick et Evelyne RIBAUD, M et Mme Jean et Mireille CHALLON, M et Mme Paul et Eliane DEBRUGE, M et Mme William et Chantal BOYER, Mme Marie PONTONNIER, Mme Rosa PAPY, M Jean MICHEL, M et Mme Paul et Mireille CUVELIER, M et Mme Salvo et Elisabeth GENOVESE, M et Mme Henri et Florine SERRAILLIER, M et Mme Louis et Chantal LOPEZ, M et Mme Joseph et Noëlle CABRERA, M et Mme Michel et Monique SUAT, M Umberto RUTIGLIANO, M et Mme Patrice et Lucienne RIBAUD, M et Mme Edouard et Angèle GAILLARD, M Pierre PERONA, M Fernand ROSSI, Mme Francheschina RUTIGLIANO, M et Mme Francisco et Raphaëlle RUBIO, M et Mme Richard et Gisèle FANARA, M et Mme Christian et Jacqueline JULIEN, à la COMMUNE DE SAINT-BARTHELEMY-DE-SECHILIENNE, au Premier ministre et au ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.