Jurisprudence : CA Lyon, 09-04-2024, n° 22/02378, Confirmation

CA Lyon, 09-04-2024, n° 22/02378, Confirmation

A5786243

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N° RG 22/02378 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OGWT


Décision du

Tribunal Judiciaire de LYON

Au fond

du 02 février 2022


RG : 1Aa/0230Aa

ch n°Aa cab Aa9 F


[J]

[J]


C/


[J]

[J]


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


COUR D'APPEL DE LYON


1ère chambre civile B


ARRET DU 09 Avril 2024



APPELANTES :


Mme [D] [Aa] veuAbe [X]

née le [Date naissance 2] 1943 à [Localité 18]

[Adresse 14]

[Localité 3]


Mme [K] [Aa] épouAce [P]

née le [Date naissance 4] 1950 à [Localité 18]

[Adresse 9]

[Localité 10]


Représentés par Me Sylvie SORLIN de la SELARL SLS AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 968

ayant pour avocat plaidant Me Justine VAUDAINE de la SELARL LES AVOCATS DU PAYS ROUSSILLONNAIS, avocat au barreau de VIENNE


INTIMES :


Mme [Ad] [Aa] épouAee [Y]

née le [Date naissance 8] 1944 à [Localité 18]

[Adresse 11]

[Localité 12]


M. [Aa] [J]

né le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 12]

[Adresse 13]

[Localité 6]


Représentés par Me Laurent CRETIN, avocat au barreau de LYON, toque : 268


* * * * * *


Date de clôture de l'instruction : 16 Février 2023


Date des plaidoiries tenues en audience publique : 16 Janvier 2024


Date de mise à disposition : 09 Avril 2024



Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Olivier GOURSAUD, président

- Stéphanie LEMOINE, conseiller

- Bénédicte LECHARNY, conseiller


assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, greffier


A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile🏛.


Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile🏛,


Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.


* * * *



EXPOSE DU LITIGE


[L] [Aa], marié avec [F] [W], sous le régime légal de la communauté de biens, est décédé le [Date décès 7] 2005, laissant pour recueillir sa succession:

- son conjoint, [F] [W], donataire de la plus forte quotité disponible entre époux, ayant opté pour l'usufruit de la totalité des biens composant la succession,

- et ses quatre enfants: Af [Ag] [Aa] épouse [X], [Ad] [Aa] épouse [Ae], [K] [Aa] épouse [P], eAa M. [S] [J].


[F] [W] est décédée le [Date décès 5] 2013, laissant pour recueillir sa succession ses quatre enfants.


Aux termes d'un testament olographe du 27 juin 2005, [F] [W] a légué à titre particulier ses bijoux à sa fille, [G]. Le testament a été enregistré au rang des minutes de Me [A], notaire à [Localité 19], le 12 mars 2013.



Par acte d'huissier de justice du 31 décembre 2014, Af [Ag] et [K] [Aa] ont assigné Mme [Ad] [Aa] et M. [S] [Aa] devant le tribunal de grande instance de Lyon en partage judiciaire de la succession de [F] [W].


Par jugement du 8 décembre 2016, le tribunal de grande de Lyon a notamment ordonné le partage de la succession de [F] [W] et désigné Me [R] en qualité de notaire commis.


Le 10 juillet 2018, Me [R] a dressé un procès-verbal de difficultés auquel a été annexé un projet d'acte de partage.



Par jugement du 2 février 2022, le tribunal judiciaire de Lyon a notamment:

- homologué le projet d'acte de partage établi par Me [R] le 10 juillet 2018,

- dit que l'acte de partage a un caractère définitif et est investi de l'autorité d'une décision judiciaire,

- rejeté la demande de rapport de la somme de 40 000 euros formée par Af [Ag] et [K] [Aa],

- débouté Af [Ag] et [K] [Aa] de leur demande en recel successoral et de toutes celles qui en découlent,

- débouté M. [S] [Aa] et Mme [Ad] [Aa] de leur demande de dommages-intérêts,

- rejeté les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛 et dit que chacune des parties conserve la charge de ses propres dépens.


Par déclaration du 29 mars 2022, Af [Ag] et [K] [Aa] ont relevé appel du jugement.


Af [Ag] et [K] [Aa] demandent à la cour, dans leurs dernières conclusions notifiées le 1er février 2023, de:


- déclarer Af [Ag] et [K] [Aa] recevables en leur appel ;

- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lyon en ce qu'il a :

- Homologué le projet d'acte de partage établi par Me [R] le 10 juillet 2018 ;

- Dit que l'acte de partage a un caractère définitif et est investi de l'autorité d'une décision judiciaire ;

- Rejeté la demande de rapport de la somme de 40.000 euros;

- Débouté Af [Ag] et [K] [Aa] de leur demande en recel successoral et de toutes celles qui en découlent ;

- Rejeté le surplus des demandes ;

- Rejeté les demandes formées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Dit que chacune des parties conserve la charge de ses propres dépens.

Statuant a nouveau sur les chefs d'infirmation,

Y ajoutant,

- dire que Af [Ag] et [K] [Aa] ont satisfait aux dispositions de l'article 1360 du code de procédure civile🏛,

- ordonner qu'il soit procédé aux opérations de compte, liquidation et partage de la succession de [F] [W] veuve [Aa] décédée le [Date décès 5] 2013,

- commettre Me [R], notaire associé à [Localité 17] (21) à l'effet de régler ladite succession et procéder au partage des biens entre les héritiers,

- dire recevables et bien fondées les demandes de Af [Ag] et [K] [Aa],

- dire qu'il n'y a pas lieu d'homologuer le projet d'acte de partage établi par Me [R] le 10 juillet 2018 et que par conséquent, cet acte de partage n'a pas de caractère définitif et n'est pas investi de l'autorité d'une décision judiciaire ;

- dire que la prime versée par [F] [W] le 3 janvier 2006 pour un montant de 40.000 euros dans le cadre du contrat d'assurance vie « PEP assurance [15] » souscrit le 16 novembre 1990 présente un caractère manifestement exagéré.

Par conséquent,

- ordonner le rapport de la somme de 40.000 euros versée le 3 janvier 2006 à la succession de [F] [W] correspondant à la prime manifestement exagérée versée en application du contrat d'assurance vie «PEP assurance [15] »,

- dire que M. [S] [Aa] et Mme [Ad] [Aa] se sont rendus coupables de recel successoral sur le fondement de l'article 778 du code civil🏛.

Par conséquent,

- dire que Mme [Ad] [Aa] et M. [S] [Aa] seront privés de tous droits héréditaires sur la somme de 40.000 euros.

- condamner in solidum Mme [Ad] [Aa] et M. [S] [Aa] à leur payer à chacune la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts.

- condamner in solidum Mme [Ad] [Aa] et M. [S] [Aa] à leur payer la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner in solidum Mme [Ad] [Aa] et M. [S] [Aa] aux entiers dépens de première instance et d'appel distraits au profit de Me Vaudaine de la selarl Les avocats du pays roussillonnais, avocat, et ce, sur son affirmation de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile🏛.


Par conclusions notifiées le 25 janvier 2023, Mme [Ad] [Aa] et M. [S] [Aa] demandent à la cour de:

- confirmer dans son intégralité le jugement entrepris

- débouter Af [Ag] et [K] [Aa] de toutes leurs demandes,

- condamner in solidum Af [Ag] et [K] [Aa] à leur payer la somme de 4.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner in solidum Af [Ag] et [K] [Aa] aux entiers dépens distraits au profit de Me Cretin, avocat, et ce sur son affirmation de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.


La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 16 février 2023.


Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé aux conclusions précitées en application de l'article 455 du code de procédure civile🏛.



MOTIFS DE LA DECISION


1. Sur le rapport à la succession de la somme de 40 000 euros


Af [Ag] et [K] [Aa] demandent que la somme de 40 000 euros correspondant à la prime versée le 3 janvier 2006 par [F] [W] sur un contrat d'assurance-vie soit rapportée à la succession en raison de son caractère manifestement excessif. Elles soutiennent que:

- [F] [W] a changé les bénéficiaires du contrat d'assurance-vie le 10 décembre 2005, au profit de M. [S] [Aa] et Mme [Ad] [Aa], puis s'en est suivi, le 4 janvier 2006, le versement d'une prime de 40 000 euros,

- ce changement est intervenu par traitement de texte informatique alors qu'elle ne maîtrisait pas cet outil, dont elle ne disposait pas,

- [F] [W] est sortie d'hospitalisation trois jours avant en présentant des troubles de mémoire et de désorientation,

- elle était âgée de 83 ans et son état de santé était altéré depuis la fin de l'année 2005 du fait de la maladie d'Alzheimer qui débutait et d'une dépression,

- s'agissant de ses ressources, [F] [W] a perçu au cours de l'année 2006 la somme de 24 820,89 euros, de sorte que la prime versée, qui est la plus importante depuis l'ouverture du contrat, représentait 161% du montant de sa retraite annuelle, et 63% de la part lui revenant dans la communauté ayant existé entre elle et son époux,

- [F] [W] ne disposait pas des ressources suffisantes pour son hébergement en maison de retraite, de sorte que des titres ont dû être cédés de 2006 à 2012,

- ce versement était disproportionné et inutile pour elle et visait uniquement à rompre l'égalité du partage à intervenir.


Mme [Ad] [Aa] et M. [S] [Aa] font valoir en réplique que:

-ils ne détenaient aucun document concernant les comptes de leur mère avant son entrée en maison de retraite en juillet 2006 et ont longtemps ignoré l'existence du contrat d'assurance-vie,

- c'est bien [F] [W] qui a adressé à son conseiller bancaire un courrier pour modifier les bénéficiaires,

- M. [S] [Aa] a lui-même fait ce courrier dactylographié afin qu'il soit présentable,

- les relations étaient conflictuelles entre [F] [W] et [Aa] [J],

- [F] [W] savait parfaitement exprimer sa volonté et la faire respecter, et avait toutes ses facultés intellectuelles,

- Af [Ag] et [K] [Aa] étaient terriblement jalouses de leur frère [S], qui avait des relations privilégiées avec leur mère, ce qui explique le changement de bénéficiaire sur le contrat d'assurance-vie,

- elle avait 83 ans lors du versement de la prime mais elle est décédée 7 ans plus tard, vivait seule à son domicile,

- en 2005, elle gérait seule ses comptes et ses affaires courantes et possédait toutes ses facultés intellectuelles,

- une attestation de la directrice de la maison de retraite montre qu'elle avait conservé son autonomie,

- en 2005 et 2006 il y a beaucoup d'incertitudes et de contradictions sur une éventuelle maladie d'Alzheimer,

- [F] [W] avait suffisamment de ressources pour subvenir à ses besoins,

- une fois la dette de quasi usufruit déduite de son actif successoral, celui-ci s'élève encore à la somme de 36 354 euros.


Réponse de la cour


C'est par des motifs pertinents, justement déduits des faits de la cause et des pièces produites, que la cour adopte, que les premiers juges, après avoir rappelé les dispositions de l'article L 132-13 du code des assurances🏛, ont retenu :

- que [F] [W] a effectué le versement de 40 000 euros alors qu'elle vivait encore seule chez elle, la maladie d'Alzheimer étant seulement débutante, et qu'elle décédera 7 ans plus tard,

- qu'elle disposait de ressources suffisantes pour subvenir à ses dépenses, les titres qu'elle détenait lui ayant en outre permis de financer seule son hébergement en maison de retraite en mai 2006,

- que la somme de 40 000 euros correspond à la part de communauté qu'elle a perçue trois mois plus tôt et a été utilement placée sur son contrat d'assurance-vie,

- l'actif successoral net s'élève à la somme de 36 354 euros, de sorte que le caractère manifestement exagéré de la prime n'est pas rapporté.


Afin de confirmer le jugement ayant débouté Af [Ag] et [K] [Aa] de leur demande de rapport à la succession de la somme de 40 000 euros, la cour ajoute qu'à défaut pour Af [Ag] et [K] [Aa] de demander l'annulation du versement de la somme de 40 000 euros par leur mère en raison de son insanité d'esprit, il n'y a pas lieu d'examiner les arguments qu'ils développent en rapport avec sa maladie d'Alzheimer ou son absence de maîtrise de l'outil informatique.


2. Sur le recel successoral


Af [Ag] et [K] [Aa] soutiennent que la prime de 40 000 euros leur a été dissimulée. Ils font notamment valoir que:

- Mme [Ad] [Aa] et M. [S] [Aa] étaient parfaitement informés de l'état de santé de leur mère, ainsi qu'il résulte d'un compte-rendu de consultation du Dr [E] en janvier 2006 qui indique qu'ils sont bouleversés par l'annonce du diagnostic de la maladie de leur mère,

- Mme [Ad] [Aa] et M. [S] [Aa] ont dissimulé la prime de 40 000 euros qu'ils ont perçue, qui n'a été découverte que suite à l'intervention de leur conseil auprès de la banque,

- ils ont déclaré dans la déclaration de succession qu'il n'y avait aucune assurance vie, alors qu'ils avaient perçu les fonds à cette date,

- ils ont immédiatement après le décès de leur mère demandé les fonds à la [16]

en 2013 alors qu'ils ont déclaré en 2015 qu'ils n'avaient pas connaissance d'une assurance-vie.


Mme [Ad] [Aa] et M. [S] [Aa] font notamment valoir en réplique que:

- il est jugé que la seule non-révélation d'un contrat d'assurance-vie ne constitue pas un recel successoral,

- ils n'ont jamais cherché à dissimuler le contrat ou la prime,

- il leur avait été indiqué que cette somme d'argent était hors succession,

- il n'a jamais été le mandataire ou le tuteur de sa mère qu'il aidait ponctuellement,

- il n'a jamais géré ses comptes.


Réponse de la cour


Le recel dénoncé par Af [Ag] et [K] [Aa] est relatif à un contrat d'assurance-vie. Or, dès lors que le capital ou la rente payables au décès du souscripteur et que les primes versées par lui, ne sont pas soumis à rapport à la succession, la non-révélation de l'existence du contrat par un héritier n'est pas constitutive, par elle-même, d'un recel successoral, faute d'élément intentionnel.


Or, Af [Ag] et [K] [Aa] n'établissent pas que Mme [Ad] [Aa] et M. [S] [Aa] - qui se sont uniquement abstenus de déclarer dans la déclaration de succession qu'il existait une assurance-vie et d'informer leurs cohéritiers qu'ils en avaient perçu les fonds - ont cherché à dissimuler le contrat d'assurance-vie pour les empêcher de rechercher si les primes payées n'étaient pas manifestement exagérées.


Par ailleurs, en l'espèce, il a été précédemment retenu que Af [Ag] et [K] [Aa] ne rapportaient pas la preuve du caractère manifestement exagéré des primes versées par [F] [W] sur son contrat d'assurance-vie eu égard à ses facultés, de sorte qu'elles n'étaient de toute façon pas soumises à rapport à la succession.


En conséquence, par confirmation du jugement, il convient de débouter Af [Ag] et [K] [Aa] de leur demande tendant à voir retenir que Mme [Ad] [Aa] et M. [S] [Aa] auraient commis un recel successoral, ainsi que de leurs demandes subséquentes.


3. Sur les autres demandes


Ainsi que l'ont exactement retenu les premiers juges, en l'absence d'autre contestation affectant le projet d'acte de partage dressé par Me [R] le 10 juillet 2018, il convient de prononcer son homologation.


Le jugement est également confirmé de ce chef.


A défaut pour Af [Ag] et [K] [Aa] de rapporter la preuve de la faute qui aurait été commise par les intimées, il convient de les débouter de leur demande de dommages-intérêts.


Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.


L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Mme [Ad] [Aa] et M. [S] [Aa], en appel. Af [Ag] et [K] [Aa] sont condamnées in solidum à leur payer à ce titre la somme globale de 2.000 €.


Les dépens d'appel sont in solidum à la charge de Af [Ag] et [K] [Aa] qui succombent en leur tentative de remise en cause du jugement.



PAR CES MOTIFS


LA COUR,


Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,


Statuant à nouveau et y ajoutant,


Déboute Mme [D] [Aa] épouse [X] et Mme [K] [Aa] épouse [P] de leur demande de dommages-intérêts,


Condamne in solidum Mme [D] [Aa] épouse [X] et Mme [K] [Aa] épouse [P] à payer à Mme [Ad] [Aa] épouse [Ae] et M. [S] [Aa], la somme globale de 2.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,


Déboute les parties de toutes leurs autres demandes,


Condamne in solidum Mme [D] [Aa] épouse [X] et Mme [K] [Aa] épouse [P] aux dépens de la procédure d'appel, et accorde aux avocats qui en ont fait la demande le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.


La greffière, Le Président,

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